Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibility"Mais des navires sont venus s'échouer dans les endroits les plus absurdes. Une vie peut bien elle aussi venir s'échouer sur un visage quelconque."
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"Mais des navires sont venus s'échouer dans les endroits les plus absurdes. Une vie peut bien elle aussi venir s'échouer sur un visage quelconque."

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Introduction


Récapitulatif.
[Annexe en construction.]


Messages :
Bleu, histoire, fragments du passé.
Pêche, lettres, souvenirs, instants.



Chronologie.


Passé.
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Présent.
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MARQUES.

– De ce qui reste dans les chairs, même hors de l'esprit.

1995. Heather (mère), 26 ans. Alban (aîné), 10 ans. Charlie, 5 ans.
Dublin. Débuts de la dégénérescence (H.) | Premiers pas musicaux. (C.)

Quand tu entres dans la salle et que tu la vois, là comme ça, la jambe qui rejoint le plafond, et la main qui l'accompagne, ton cœur manque un battement. Il y a son visage, qui est tellement lointain. Ce sont ses yeux qui ont dans leurs pupilles une noirceur qui fait frissonner, parce qu'elles donnent froid. Tu sais qu'au bout du couloir, là-bas, presque comme si c'était une autre dimension, il y a d'autres yeux qui sont posés sur toi et ne te quittent pas, ne te quitteront que lorsque la porte sera fermée. Tu sais que ces yeux-là ne te veulent pas de mal, qu'ils te protègent des pupilles glaciales, qui ne voient rien, ne fixent rien, sont prisonnières d'un endroit auquel tu te heurtes. À chaque fois. Tu te prends ce miroir dans la figure, ça fait de plus en plus mal à mesure que le temps passe. Ton cœur se serre, tu sens tes mains qui agrippent tes vêtements, comme pour te rassurer. Petit à petit tu avances, un pied devant l'autre, glissant sur le parquet. Tes petites mains sur ton haut qui le serrent, comme elles le feraient avec une peluche pour se rassurer. Tes yeux se lèvent. Ils la voient, grande, fine, élégante, gracieuse, appliquée, squelettique. Tu ne dis rien et tu attends, ton petit corps qui tremble légèrement. Ta poitrine est compressée, jamais personne ne pourra dire si c'est d'angoisse ou d'émotion.
Quand elle vient te chercher, ton cœur se soulève. Tes pas se font plus légers, c'est comme si tu te mettais à voler. Tu as l'impression que sa main gracile s'est tendue vers toi, qu'elle t'a souri, t'invitant ainsi à la rejoindre. En vérité il n'y a que ses prunelles qui se sont légèrement intensifiées, quelques secondes devenues voyantes, sorties de leur irréel perpétuel, extirpées, un instant, dans ton monde. Pour te voir. Tu es permise d'approcher.

Toute menue et encore une enfant, tu t'avances, tes yeux comme des billes, qui observent et étudient en silence, grandis par l'admiration, ou bien l'appréhension.
Déjà elle n'est plus là, déjà elle a rompu le contact avec toi. Elle ne te voit plus, ne te regardera plus. Mais elle sait ta présence, et, la porte fermée, c'est à l'orée de son monde que tu vas débarquer.
Toute petite et fragile, t'assois en silence sur un tabouret banal, près d'un instrument fantasque. Tes doigts minuscules se posent sur ses cordes et, le cœur battant, tu patientes. Tu attends qu'elle te dise, par un geste plus raide, un souffle moins long, un arrêt trop cru, que tu peux démarrer. Immobile et muette, tes iris innocents sont posés sur ses courbes, attentifs et quiets, pour saisir au vif, quelques sueurs de réalité.
Tu frémis quand tu la vois, les lèvres qui se sont espacées, et sitôt son mouvement, s'articulent tes doigts dans une lenteur délicate, exacte, dans la finesse et le moindre bruit, autour de la harpe. Tendrement les notes résonneront, petit à petit on leur laissera leur place dans la pièce, elles devront attendre que les portes s'ouvrent pour sonner leur mélodie et se faire musique, attendre qu'elle ne soit prête, attendre qu'elle se soit préparée, à cette intrusion soudaine, bien que prévue, planifiée, promise.
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– De ce qui reste dans les chairs, même hors de l'esprit.

1999. Heather, 35. Alban, 14. Charlie, 9.
Dublin. Trop plongée dans sa danse, ne sait plus comment renouer avec le monde. | Communication par art. (Tentative.)

Tandis que contre l’air battaient les notes claires, les pas chassés fouettaient le sol, appliqués, hésitants, amateurs. Au rythme des gestes, battait son cœur d’enfant, batterie tendre au gong sûr. Son souffle était bruyant, retenait gémissements. Pas question de se faire machine à son, elle n’avait jamais vu qu’une danseuse en silence. Alors se contorsionnait, enfermée dans un mutisme, s’essayait à un art dans l’ombre de sa chambre. Toute petite et toute seule, elle se créait des mondes. Déjà rien qu’une rêveuse, elle se laissait aller aux fantaisies doucereuses qui toujours grossiraient, consumeraient l’espace libre, remplieraient sans cesse cet esprit de songes nouveaux – rousse aux folies, mémoires de l’enfance. Petit corps menu qui étirait ses membres. En silence et en secret, elle voulait rattraper sa mère avortée, qui toujours plus s’écartait du monde pour se rapprocher des mirages. Alors dansait l’enfant femme, déjà travaillant à tout juste l’orée de son éveil, une volonté qui petit à petit se tisse de fermes fils d’aciers le long de ses organes, cocon hermétique entre son corps et le monde.

Elle dansait.

Elle s’essayait.

Et c’était vital, vous savez. Évidemment vous pouvez maugréer et critiquer, être dédaigneux et méprisant, et vous dire, ô infâmes, que si la p’tite aussi, elle s’y met, et bah on n’est pas sorti de l’auberge, et la p’tite, personne s’étonnerait tiens, si dans deux s’maines on la voit dans les obsèques.
------------------------------------------– Tuée de travail.
Vital, quoique vous en pensiez. Car il y avait là un mystère insondable pour tous les extérieurs à cette maison grinçante, mystère de mœurs né dans la brume des esprits fous et rejetés.

C’est quand l’ombre de l’enfant en s’avançant esquissait des gestes de plus en plus intimes et libérés, quand enfin elle se laissa aller à la pièce et l’atmosphère, quand elle sut trouver dans l’air la musique pour accorder son corps, quand en elle vibrèrent les mélodies de la vie et du souffle, la force du mouvement, la primeur du geste et l’impulsion pour l’élan magistral (picotements du corps et vivacité dans l’être, brûlure sourde et mordante qui dévore l’âme, l’élève, l’allège, l’emporte), quand elle fut plus danse que fillette, quand elle les peurs laissèrent place au corps, que l’alliance émergeait. Alliance tacite, merveilleuse et ombrageuse. Qui se tissait dans les fêlures de l’esprit et les victoires de l’impulsivité, le soubresaut de la vie quand elle se préservait dans un ultime instinct, au désespoir, à l’agonie, aliénée.-------------------------Du langage.--.Du langage qui se fait là, dans les frottements de la danse avec le monde. Un langage né des corps, réceptacle de leurs frissons – sentiments inavoués, serments muets. C’était là, ainsi. Là que tout avait lieu, que tout prenait sens – et puissance et liaison et attachement, hyménée maternelle. Leurs échanges jaillissaient du muet dialogue de la danse.

C’est comme ça qu’elle y parvenait, Charlie. Pour discuter avec sa mère.
--------------------------------------– Se faire accepter d’elle le temps d’une danse.

(Bruissements des pieds qui comblaient l’oubli des mots, ainsi leur vie se réglait. Car trop longtemps la voix fût oubliée, au travail abandonnée. Pauvre mère amoureuse. Elle n’a fait que son travail, cette femme, cette folle. Elle n’a fait que ça. Enchaîner les gestes jour après jour, nuit pour nuit, afin de donner un peu de pain à ses enfants. Repliée dans son corps, sa matière, son lieu de travail, son travail même, comment aurait-elle pu se souvenir de la musique des vivants ? Il ne lui restait plus que le contact de l’air pour conversation.)
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– De ce qui reste dans les chairs, même hors de l'esprit.

Non daté, période de déclin. Heather, 26 à 36. Alban, 5 à 15. Charlie, jusque 10.
Dublin. La même perte. | Continuer d'évoluer.

C’était murmure et brume. Il y avait comme un film permanent sur les choses, avec du bois qui criait à tout moment et de l’humidité qui lentement se cristallisait sur le mutisme de la maison. Elle savait comment y marcher, elle savait comment l’apprivoiser – elle y était née. Mais elle avait peur. Violet était toute seule. Heather travaillait, Alban était dehors. Il avait des amis. Il était dans le monde.
Elle passait ses doigts sur une harpe ancestrale en observant, en face d’elle sur une chaise, le violon. Pas le droit d’y toucher, pas le droit d’en jouer. Toute sa vie elle verra cet instrument comme un objet sacré et sans cesse elle entendra les chuchotements de sa mère passer au travers de n’importe quel violon. Elle était toute seule et toute petite dans la maison. Elle n’était personne. Fantôme de sa propre maison, ses yeux étaient observateurs. Elle évoluait dans une lente progression, muette. Enfant de silence, elle était parcourue d’une terreur placide – inconsciente plus que tout, des frissons ondulant au gré de sa mouvance.
Son corps jour après jour se recroquevillait. Il se taisait. Ses yeux, eux, s’agrandissaient. Pupilles qui s’écartelaient à force de scruter la dame, d’essayer de capter d’elle des gestes et des humeurs, grands cercles voyeurs au détour d’une porte. Paupières fatiguées le soir de s’être tant tirées le jour, elles ne cessaient pourtant de s’ouvrir et refermer dans la pénombre, petites ailes battantes sur sa face, le corps enfant qui sursautait et serrait ses genoux jusqu’au menton. Seule la chevelure rousse la protégeait, caresse le long des joues en lutte contre les tressautements frénétiques. Cette maison, cocon vicieux plus que prison dorée.


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– De ce qui reste dans les chairs, même hors de l'esprit.

Non daté, période de déclin. Heather, 26 à 36. Alban, 5 à 15. Charlie, jusque 10.
Champs. Déclin. | Respirer.

Cette marche lente t'étouffe et dès le couloir franchi tes jambes s'emmêlent jusqu'à s'entremêler, tu te relèves dès que tu chois, tu cours jusqu'à te sentir essoufflée, cours, cours au-dehors, hors de tout ça, tu t'enfuis vers les plaines où ton corps te porte, te fait tomber au sol, et tu dégringoles le long des pentes, ton esprit qui se met à tournoyer en même temps que toi, noyant tes pensées, tes maux, tes douleurs. Alors tu te mets à rire, un grand rire ingénu, celui d'une petite fille de quatre ans, un rire joyeux, allègre, comme de bonheur, un rire qui ne te quittera jamais, ton rire de cristal, qui sera ton refuge éternel, derrière la peur, la vérité, la fin, l'existence, la cruauté, pour vivre sous tes joies et ton entrain, toujours te hisser vers le soleil afin de te montrer rayonnante, de faire résonner ton rire par-delà ton corps, le porter à toutes les oreilles, pour voir sur les visages, des sourires s'afficher. Qui apaiseront ton cœur, à la manière d'une douce couverture. Éclater de rire pour rendre heureux les autres, qu'ils te fassent sourire à leur tour.

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– De ce qui reste dans les chairs, même hors de l'esprit.

Période de déclin * 2000. Heather, 26 à 36. Alban, 5 à 15. Charlie, jusque 10. Heathcliff (cadet), naissance.
Dublin. Vers la perte. | Prête à s'ouvrir.

Le visage doux, ses mains fermes pressaient l’épaule de l’enfant. Ça va aller disaient-elles, mains sûres, mains vieilles, mains vivantes et ayant déjà vécu. Mains travailleuses et protectrices. Ça va aller, petite fille. Ça va aller, il lui disait.

Et elle de courir dans les champs. De s’envoler à dos de cheval pour partager une course avec le ciel. Frôler les oiseaux à toute vitesse, se hisser sur la croupe. Debout à dos de cheval, à courir dans les champs. Les deux bras en croix. Et bientôt de tomber et rencontrer le sol, et l’herbe molle se fait dure de la terre, mais ce sont des éclats de rire qui échappent de sa bouche, et s’en vont de la terre jusqu’au firmament. Alors de se relever et se nicher dans la crinière blanche. Le souffle de la jument qui lui inspire la vie, les yeux bruns du monde qui observent l’enfant. Elle a encore tant à apprendre, peut-on se dire. Elle a surtout tant à donner, faut-il affirmer. Enfant du silence, c’est tout son corps qui explose de présence et de joie, tout son corps qui s’y met, à bouillonner et tempêter, là, LÀ, vivante ! Ce ne sont que les prémisses de son existence, mais déjà la fillette court à travers champs et propulse son rire dans la nature.

Ça va aller, dit-il. Et il l’invite quelques minutes auprès d’un chocolat chaud et de vieilles légendes, les frémissements de l’Irlande qui passaient à travers les lèvres antiques, vieilles conteuses habituées à la transmission. Et l’enfant d’écouter, attentive. Sa chevelure de brûler de ces ancestrales comptines, passant de génération en génération, vivifiant les mythes de la terre d’émeraude.

Charlie là. Petite fille encore, près d’un vieillard grandissant. À son esprit de s’éveiller et de s’ouvrir, à son corps de tester et de découvrir. Accompagnant les pas de la jument, s’en faisant sa complice, partageant le vent et la liberté auprès de la blanche Damsa. Et ce monsieur de l’encourager, un sourire chargé d’histoires sur les lèvres. Ça va aller, assurait-il. Et il venait, sans artifice, il venait, se présentait, et d’un côté prenait la main de la fillette, de l’autre pressait l’épaule du garçon. Ça va aller. Alors il leur montrait la nature et les chiffres, il leur apprenait la cuisine et les animaux. Et puis de décortiquer pour eux les courriers gouvernementaux, d’enseigner l’art administratif à ce garçon trop jeune pourtant, de confier le collage des timbres à la fillette si innocente.

------------------------------------------------------------------------------------Pas pour --------------------------------------------------------------------longtemps, il le fallait.

Pendant ce temps, chutait Heather. Chutait la mère abandonnée. Pressée par ses parents, avalée par l’argent, il avait fallu laisser partir l’amour et elle s’était fait professeur pour donner vie à ses enfants. Alors au travail se dévouait, et s’y dévouait deux fois plus pour remonter sur scène, laisser à d’autres le soin d’enseigner. Pauvre mère délaissée, elle avait fui Londres et la haine, la honte, l’humiliation et le rejet. Pauvre mère. À trop travailler, ne savait plus ses enfants, ne savait plus le monde. Et c’est son fils ainsi, à peine dix années dans le corps, qui retrousse ses manches et montre le chemin à cette pauvre fillette, montre la vie et les gestes du monde, pour se sauver. Quelques onces de sauvetage enseignées d’un petit garçon à une enfant femme. Et continueront ainsi, le frère et la sœur, à s’apprendre le monde, à soutenir leurs peurs et leurs douleurs, à porter à leur mère des grammes de vitalité. L’ombre du vieillard dans leur dos, c’est protégés qu’ils grandissent. Vieux monsieur habitué des chevaux, il prendra soin cependant de leur enseigner les rouages de la société.

Alors Charlie, tout ce qu’elle sait de cette femme, ce sont des doigts qui lui montrent la musique et son chemin, c’est un souffle qui s’épuise, ce sont des pieds qui s’écorchent. Et du travail à n’en plus finir. Un courage grandiose, énorme, majestueux, époustouflant. Celui d’une mère dévouée qui n’en finit plus de s’éloigner de sa progéniture, qui n’en finit plus de quitter les vivants pour rejoindre la prison de son esprit et n’être plus que mouvements et gestes.

Femme de force et de tremblements, brisures et fêlures qui cliquettent dans son corps, morceaux cassés qui se heurtent à la coquille de roc que constitue sa chair. Jamais ne s’arrête, jamais ne se baisse. Mais femme perdue du monde, elle ne savait plus les dangers humains et les péripéties sociales. Alors elle se laissa entraîner dans un faux ballet, une danse de la mort, du désir, de destruction. Droguée à la danse, ne se rendait même pas compte. Elle n’a jamais pu l’admettre. Elle n’a jamais voulu en avoir conscience. Reléguait cette vérité qui lui sciait le ventre au fond de son esprit.
Pourtant il fut né, l’ultime enfant, le nourrisson de la catastrophe sociale. Un pauvre gosse né d’un viol, voilà ce qu’il était. Un frère qui se crut fils sous les bras de Charlie, frère perdu, frère voué à l’errance. Maison de bois qui craquait, maison de bois qui tremblait.

Vieillard toujours présent, vieille ombre de leur vie. Encore aidant pour ces adolescents, à osciller entre la mère qui avait risqué sa vie en donnant celle de son fils et l’arrivée inopinée de ce nourrisson secret. À diriger ces désespérés, à leur porter secours. Qu’auraient-ils fait toutes ces années, sans ce voisin salvateur ?

Maison de bois qui tremblait, maintenue droite par les bons soins d’un vieil homme au sourire antique.
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– De ce qui reste dans les chairs, même hors de l'esprit.

2001. Heather, 37. Alban, 16. Charlie, 11. Heathclif, 1.
Plateau. Perdue. Folle. | Ouverture, souffle.

Piquée de curiosité elle sautillait de partout et ses yeux s’agrandissaient sur toutes les images qu’ils croisaient, ses oreilles pointaient vers toutes les discussions et enregistraient chaque savoir. Piquée de curiosité, Charlie courait de longitude en latitude, à la recherche de nouveauté, à la recherche de vérités. Allait gaie et vivante, allait ouverte et réceptive, dans le monde, vers le monde, jusqu’à croiser le murmure du ciel.

S’arrêta une fois, Charlie. Et de ce jour ne se lassa pas de cet endroit. Endroit ambulant, endroit n’importe où façonnable, endroit de chaque terre. Endroit chéri, familier, un foyer dans son cœur, où qu’elle aille, à jamais.

Des pieds sur du bois qui craque. Son de son enfance, son de sa vie. Mais ce bois-là n’est pas une maison, ce bois-là est univers et possibilités, est ici et plus tard, est énergie et plaisir.
Des pieds sur du bois qui craque. Une respiration longue. Et des mots qui se jettent dans l’air, emplis de toute la force du corps qui les porte aux oreilles de tous, pétris de l’énergie brûlante d’un être en découverte, fortifiés par l’amour de l’apprentissage, amour vrai, amour seul. Des mots dans les airs, avec une force jamais éprouvée auparavant. Même la musique ne lui avait pas autant serré les tripes. Aucun sport n’avait jamais réussi à assouvir son besoin de dépense. Jamais comme là, elle le faisait. Ses deux pieds sur le plateau, vieille scène fidèle, debout à jardin regardant le public. Lieu magique qui signe son existence. Théâtre sa vie.

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– De ce qui reste dans les chairs, même hors de l'esprit.

Du déclin à l'ouverture. Heather, 26 à 39. Alban, 10 à 18. Charlie, jusque 13. Heathcliff, jusque 3.
Londres, Dublin. Déclin. | Conscience.

Longtemps, elle n’oserait pas parler. Dans les méandres de sa maison, sa peau frissonnait et couraient le long de son échine des picotements glacés. C’est à l’extérieur que le son de sa voix éclata enfin. Petite bille résonnant en claquements sur le sol, quand elle parlait des carillons sonnaient. Curieusement, c’est là-bas à Londres, dans les grands cercles familiaux des grands hommes de la capitale, qu’elle sût se manifester. Enfant seulement, une poignée d’années la soutenant à peine, elle se souvenait de ses folies avec un jeune garçon aux boucles dorées. Ils avaient chahuté et horrifié toute la bourgeoisie, aujourd’hui les Doyle étaient une famille bannie pour les Lestwood. Mais ce temps-là avait marqué son envol et Charlie depuis n’avait jamais voulu redescendre sur terre.

Elle volait, encore, et encore plus loin. La frénésie d’Icare l’animait, elle ne comptait pas s’arrêter. Et faisait bien se disait-elle. Les grandes heures s’annonçaient. Martelait sous ses pieds la finalité de l’errance, émergeait l’existence. Heather, cette pauvre folle ne cesserait-on de l’appeler, dansait toujours plus, dansait, entraînant avec elle son enfant, sa fille, croyant lui faire une faveur, signant sa perte en vérité.

Son ambition éternelle de fillette, avoir l’attention de cette mère, n’avait été atteinte qu’après un long parcours, une bataille étouffée comme un long couloir de coton grossissant. Mais Charlie y était. Après s’être entraînée dans le silence pour danser, après avoir travaillé au risque de l’évanouissement, elle était là à ses côtés. Dansant. Heather et Mary, danseuses. Mais c’est une joie bien vaine, qui pourrait soutenir la force d’Heather, qui pourrait prétendre se hisser à sa légèreté ?
L’enfant doit s’en aller, lentement on la force à descendre du ciel.

La danse en vérité n’avait jamais voulu d’elle. Charlie le comprit et la fuit à jamais.  Elle n’y retournera plus, observant avec une simple déchirure et une réelle distance, distance-temps et distance-espace entre elle et cet univers, les vidéos des ballerines. Absente.

Heather n’ouvrirait jamais ses portes. Quelle naïveté l’avait donc étrennée pour y croire ? Elle s’était écorchée des années pour tenter de rattraper cette femme, sans comprendre que la rattraper, courir après, c’est une chimère et qu’il faudrait bondir pour parvenir un tant soit peu à l’atteindre – car c’est la légèreté qui en est la clef.

Des années à s’écorcher, s’érafler, se râper, s’égratigner. Finalement, elle avait quand même compris que c’était inutile. Avait cessé de s’essouffler et désormais n’était qu’ombre liliale à ses côtés, l’accompagnant dans ses pas peut-être même sans qu’elle en soit consciente. Cette situation ne cessait de se dégrader. Au tout début, à l’orée du temps des silences et des frissons, de la folie et de la distance, Heather voyait encore par ses yeux. Elle savait regarder en ce temps-là et elle avait alors des pupilles perçantes – mais douces. Oui, fut un temps où Heather voyait. Mais à force de travail, elle oublia. Ses yeux se voilèrent dans sa conscience et il n’y a avait plus que son corps pour ressentir, son souffle pour exprimer. Il ne faut pas la blâmer. Cette femme, en vérité, a fini folle d’être mère. C’est tout.
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– De ce qui reste dans les chairs, même hors de l'esprit.

Période d'ouverture. Heather, 37 à 39. Alban, 16 à 18. Charlie, 11 à 13. Heathcliff, 1 à 3.
Nuit. Vers la perte. | Se tranquilliser.

Alors c’était la fin, et la fin signait l’avènement d’un vide – mais un peu vaseux et vicieux car après tout, ce n’était rien d’autre qu’un temps figé dans l’engrenage de la routine et cette pièce en grève, inutile et immobile au sol, c’était une belle utopie de la croire salvatrice car jamais rien ne s’arrêtait définitivement et bientôt une menace gronderait et la pièce reviendrait se fixer à la grande machine temporelle, reprendrait son travail auprès de celle qui toujours avale les existences – qui apaisait cet esprit toujours balayé par des vents colériques et violents, vents à tornades et ouragans, vents qui aveuglent, vents trop forts pour permettre de réfléchir. C’est ainsi que ce n’était qu’en fin de journée, lorsque les hommes se taisaient  et que les chats ondulaient le long des murs, quand là-haut les astres dévoilaient l’infini, au terme donc de tout le rayonnement solaire, oui, la quiétude s’installait comme le fumet d’une tasse de thé, une brume passante dans l’épaisseur du crépuscule. Charlie. Charlie s’allongeait dans l’herbe le soir. Elle se mettait sur le dos. Ses yeux étaient attirés par le ciel. Et ce dôme devenait le lieu de toutes les confidences et de toutes les paix.
Sur le sol, s’étalaient ses cheveux en vagues vermeilles, son visage doucement frôlé du faisceau argenté de la lune ; la peau plus pâle alors qu’elle ne l’était au jour. Ici elle respirait. Son ventre se soulevait sans honte en rythme avec son souffle, ses ongles étaient plongés dans la pelouse, la main détendue. Ainsi le temple nocturne domptait ses inquiétudes – viles terreurs qui à la lumière se nourrissaient de ce qu’elle pouvait voir et amplifiaient ainsi ses angoisses, profitant de l’imaginaire déployé par les images diurnes qui circulaient sur sa rétine – et enfin l’âme pouvait se repaître d’une méditation tranquille, goûter à l’immensité de la voie lactée. Charlie, enfin, n’était plus ni Mary ni Violet ni Charlie. Elle était. Elle se faisait, pour dire vrai. Parce qu’à ce moment là tout était calme et qu’elle n’avait pas besoin de sourire à s’en décrocher la mâchoire. Elle avait juste à être là et respirer. Dans le noir, on devine moins les états d’âme, tout est confondu. Elle pouvait être silencieuse. S’étourdir de toutes les étoiles. S’endormir au chant des astres. Les mains dans les brindilles d’herbe, la lune la caressant, elle n’avait plus à s’affoler puisque tout l’infini s’étendait au-delà d’elle et qu’elle en était, oh petite chose sur le sol. Quelle fortune, elle existait.
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– De ce qui reste dans les chairs, même hors de l'esprit.

2004-2005. Heather, 40 à 42. Alban, 19 à 20. Charlie, 14 à 15. Heathcliff, 4 à 5.
Dublin. Folie trop sourde, internement. | Éclatement du foyer, refuge dans le monde.

Et puis un jour elle rentra et rien n’allait plus.

C’est comme ça qu’on la trouva, ses yeux à lancer des éclairs et ses bras à frapper un torse tordu de culpabilité mais aussi façonné par la sagesse de son geste. Et elle de continuer à le frapper. Et lui de la serrer dans grands bras. Elle de pleurer et de hurler. Des larmes pas comme des vraies larmes, des larmes de rages qui n’étaient pas celles d’une adolescente, des larmes colériques et désespérées, des larmes arrachées, douloureuses, silencieuses. Sa voix, c’était la rage, ce n’était pas les larmes. Ses cris dans la maison, c’était la colère et la perte, ce n’étaient pas les larmes. Des hurlements de folle, des hurlements filiaux.

Elle était où cette femme ? Elle était où ?

« Elle est où ? », elle avait demandé.
« Plus là. », il avait répondu.

Il avait fallu cela, juste cela, pour qu’elle comprenne. Et de ce moment ce fut l’amertume et dans sa bouche et dans ses mots, le cœur acide et âpre, les lèvres qui tremblent, un élan de perte dans le corps.

Alors elle d’aller, la pauvre enfant, et de chiper dans son manteau les comprimés de l’horreur, encore et encore. Pour la préserver, crachait-elle au visage de l’aîné. Encore détestant le geste de son frère, ne digérant pas Heather dans une chambre pour fous. Femme folle qui s’aliénait, Alban avait voulu les sauver. C’est sa sœur qui partit folle à son tour. Et de crier et de hurler de frapper et de pleurer. Mal à a tête, comprenait-on. Terreur mentale, cachait-elle. Aussi quand on découvrit les pilules dans ses poches, et sa crise et ses dents qui mordaient et ses pieds qui tapaient, et ses yeux percés d’éclairs toujours, et ses mots assassins, ne l’enferma-t-on pas à son tour, pour qu’elle comprenne, la gosse. Gosse adolescente toute seule dans une chambre. Pour comprendre, il avait dit, le bonhomme. Et qu’on la calme, nom d’un chien. Trois petits jours et puis s’en vont, elle sortit sous couvert d’être apaisée ; explosa en son foyer.

Mais ce furent les deux billes noires posés sur elle qui la ramenèrent au monde. Regard de l’enfant seul, désemparé, qui cherchait des bras où se caler. Alors elle tranquillisa son esprit et pressa ce frère contre son cœur, poitrine de sœur qui se faisait mère.

N’était pas le seul, l’enfant ultime, à avoir besoin de bras où se nicher. C’est comme ça qu’elle partait, Charlie, courir à entremêler ses jambes et tomber sur le bitume, courir dans les rues et dans les herbes, courir jusqu’à s’essouffler, puis se cogner dans celui qu’elle recherchait. L’ami de son frère. Apparition salvatrice dans sa maison, tornade du monde qui la rendait légère. Le seul garçon sur qui elle pensa à poser son regard. Être suffisamment vivant pour qu’elle le remarque et ne détache plus ses sentiments de lui. Elle qui ne soutenait pas l’amour, elle qui n’était qu’un être d’amitié et de plaisanteries, avait fini par se heurter à l’âme d’un autre. Tomber amoureuse, disait-on. Aimer, chuchotait-elle quand elle était seule. Retrouvait Elwyn les après-midis de libre, et avec lui riait et se faisait malice, mettait de côté sa colère de sœur et son ennui de mère.

Mais l’Irlande se joua d’eux, et Elwyn quitta cette terre facétieuse.
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