"Poussez une dernière fois Madame, courage !" Un énième effort, une énième douleur et tout était enfin terminé. Plus de trois heures de travail acharné et déjà, des cris raisonnaient dans le bloc opératoire. Samantha Eastwood, exténuée tenait la main de son mari fermement. Liam Eastwood avait la larme à l’œil, observant les médecins s'occuper de son fils. Depuis combien de temps voulait-il ce deuxième enfant ? Deux ans ? Trois ans ? Il ne savait plus... Il voulait oublier ses années de galère et avancer vers un avenir prometteur. Échangeant un regard avec sa femme, ils détournèrent le regard quand le médecin leur apporta leur fils. "Voilà votre fils ! Il est en bonne santé..."
En entendant ces paroles, Samantha commença à sangloter ce qui contrastait avec le sourire qui était apparût sur ses lèvres. Tendant les bras, elle prit le petit être dans ses bras et regarda son mari. "Regarde Liam, c'est notre fils..." Ému, ce dernier caressa les cheveux de sa femme et de sa main libre, toucha son fils. Il semblait si fragile. "Il est magnifique Sam, tout comme toi..." Lâchant un rire, la jeune femme soupira et regarda le petit garçon. Ce dernier semblait s'être calmé, gardant les yeux fermés inconscient du bonheur que pouvait ressentir ses parents. "Comment veux-tu l'appeler ?" La jeune femme tourna la tête vers son mari en fronçant les sourcils : "On avait décidé de l'appeler Cody, non ?" Détournant les yeux de son enfant, il sourit à sa femme et acquiesça tout en prenant l'enfant dans ses bras. "Oui, Cody ! Un joli prénom pour un gentil petit garçon. Bienvenue chez les Eastwood, Cody !"
Après les émois des premiers jours, Sam et Liam durent se rendre à l'évidence qu'élever deux enfants était beaucoup moins facile en pratique qu'en théorie. Le retour des biberons, des nuits blanches, les deux parents avaient bien du mal à tenir le coup. Surtout avec leur travail respectif : Liam Eastwood était politicien tandis que Samantha, bien qu'en congé maternité, était conservateur de musée. Prenant peu à peu le rythme, ils ne virent pas les premiers mois, les premières années défilées. Le petit garçon passa par tous les stades habituels : Premières dents, premiers pas, premiers mots... Cody eût une enfance plutôt tranquille, gâté par ses parents qui ne le pourrissaient pas pour autant. Très jeune, le petit garçon se prit de passion pour la musique et ses parents l'inscrivirent dans un cours où il apprit à jouer du piano. La musique, même lorsqu'il était petit, avait toujours eu l'effet de l'apaiser. Il se sentait dans son élément lorsque ses doigts pianotaient sur les touches. Loin d'être un virtuose, il lui fallut quelques années pour appréhender complètement l'instrument et se tourner vers la guitare.
A l'école, ses résultats étaient plutôt satisfaisant bien qu'il était un peu trop tête en l'air au goût de ses professeurs et même de ses parents. Mis à part ça, Cody restait un garçon tout à fait normal et sans histoire mais tout commença à basculer quand il entra au lycée et que l'adolescence se fit sentir.
L'adolescence est toujours un cap difficile pour tout le monde. C'est le moment où les gens découvrent des choses, se cherchent... C'est aussi à cette période où on commence à comprendre dans quel monde on vit et Cody eût l'impression de ne pas vivre dans le même que celui de ses parents
"Où est-ce que tu vas Cody ?" La voix de sa mère retentit du salon alors que le jeune homme, désormais âgés de 17 ans, enfilait une veste et s'apprêtait à sortir. "Je sors Maman ! Dylan a organisé une fête, tu sais je t'en ai parlé hier au dîner..." Prêt à ouvrir la porte, les pas de sa mère l'arrêtèrent et il se retourna pour se trouver face à cette dernière. Les bras croisés, elle le regardait avec insistance. Soupirant, Cody se passa une main dans les cheveux : "Maman,..." Sa mère le fit taire en levant simplement la main. "Je sais qu'avec ton père, on a dit oui pour cette soirée ! Je ne comptes pas revenir dessus même si ce n'est pas l'envie qui me manque." Un soulagement s'empara de l'adolescent qui remettait son col en place. "Mais tu sais ce que je pense de tes fréquentations Cody... N'oublies pas qu'à chaque fois que tu sors, tu représentes la famille.. " Un silence s'installa entre les deux. Cody n'osait pas la regarder en face. Il n'aimait pas que sa mère lui dise ce qu'il devait faire ou qu'elle mette son nez dans sa vie privée. Il en avait surtout assez de l'entendre répéter qu'il représentait la famille ! "Je sais Maman... J'ai compris que je ne devais pas traîner avec des cas sociaux et je te promets que c'est le cas !" C'était un mensonge mais ça, elle n'était pas obligé de savoir.
Sentant une main se poser sur sa joue, il leva les yeux vers sa mère. Celle-ci avait un sourire compatissant, ce qui contrastait avec l'inquiétude qu'il y avait il y a quelques instants. "Je sais que le lycée est une période importante et difficile... Ton père et moi y sommes passés et je ne voudrais pas que tu commettes les mêmes erreurs que nous !" Cody se dégagea et secoua la tête. "Tu ne comprends pas ! Tu ne sais rien de moi et de ce que je veux. Alors arrêtes de faire semblant de me comprendre, personne dans cette famille ne le peut" Le sourire disparu du visage de sa mère qui, de nouveau, haussa le ton : "Ne me parles pas sur ce ton... Ce n'est pas comme ça que ton père et moi, nous t'avons élevé..." Seul le claquement de la porte lui répondit.
Cody savait qu'il avait changé. Il se rebellait de plus en plus, il avait de mauvaises fréquentations mais il était attiré par eux. Cet interdit posé par ses parents ne rendaient que plus attrayant les fréquentations douteuses et néfastes. Mais ça, il était trop centré sur leur petites personnes pour s'en rendre compte !
" Tu te rends compte de ce que tu as fait ? De l'image que ça donne à la famille ? " Levant les yeux au ciel, Cody croisa les bras. Et c'était reparti pour la leçon de moral et l'importance de son image pour la famille... En même temps, il ne pouvait qu'en prendre qu'à lui même. Quelle idée de s'être pris en flagrant délit en train de rouler une pelle au fils du futur adversaire de son père pour les élections sénatoriales. Bref, il avait une nouvelle fois mis sa famille dans la tourmente et ça ne lui posait aucun problème. " Encore et toujours la famille... Vous me faites chier avec cette famille ! J'en ai marre de devoir jouer ce rôle de fils de famille parfait ! On est loin d'être une famille parfaite... " Sa déclaration jeta un froid dans le salon où une grande partie de la famille était présente. C'était comme ça chez les Eastwood dés qu'il y avait une crise, il fallait réunir tout le monde pour prendre une décision. Depuis sa tendre enfance, Cody devait faire attention à son image. Il devait être le meilleur à l'école, faire du bénévolat, poser sur des photos idiotes avec sa famille pour montrer leur cohésion... Mais il en avait marre ! Marre de toute cette pression... Son frère aîné, contrairement à lui, s'était très bien adapté à ce mode de vie. Il y avait même pris goûts mais lui, il voulait être libre. " Tu vas parler autrement à ton père... On ne t'a pas élevé comme ça ! Bref, calmons-nous, on doit trouver une solution... "
Une solution ? Elle était simple, qu'il le laisse tranquille. Sa vie avait été assez décortiquée comme ça. Son homosexualité avait fait la une des journaux et ses frasques faisaient celles des journaux à scandales. Il était le vilain petit canard de la famille et il n'en pouvait plus. " Laissez-moi, vivre ma vie ! Je veux partir d'ici, je ne veux plus vivre dans cette maison... N'importe où mais j'ai besoin de prendre de la distance avec cette famille de dingue " Il se doutait que sa demande allait faire du grabuge et quelques secondes plus tard, des acclamations s'élevèrent dans le salon. Soupirant, Cody se demandait pourquoi il restait ici. Son avis n'avait jamais vraiment compté de toute façon... Après quelques minutes de cacophonie, la voix de son père retentit. " Silence ! Je crois qu'on ferait bien de prendre en considération cette proposition... " Relevant la tête, Cody croisa le regard de son père. Depuis quand sa voix comptait pour lui ? Fronçant les sourcils, il attendait que ce dernier continue sur sa lancée, s'attendant à une idée encore loufoque. " Cods a peut-être raison... Notre mode de vie ne lui convient pas et il nous porte plus préjudices qu'autre chose alors peut-être que... " Sa mère l'interrompit. " Tu n'y penses pas ? Et notre image de famille unie et soudée ? " Décidément, elle était pire que lui... Son père secoua la tête alors que Cody écoutait avec attention la discussion. " Écoutes chérie, dans toutes les familles, les enfants partent pour étudier ailleurs ! Cody est jeune et il a besoin de vivre ses vingt ans comme tout le monde. Je crois qu'il faut juste qu'on essaye de le laisser respirer un peu ! " Sa mère renifla et croisa les bras, ne semblant pas partagé le point de vue de son mari. Cody observait son père, ne sachant pas s'il était sérieux ou non. Les autres personnes dans la pièce se mirent à murmurer alors que le brun étudiait la proposition. Il finit par hausser les épaules et de répondre. " Moi ça me va ! Tant que je me retrouve loin du feu des projecteurs, je suis partant. " Sa mère grogna et sortit de la pièce avec sa grand mère sur les talons. Souriant à son père, ce dernier sortit du salon avec son aîné et un de ses oncles. La tape sur son épaule de la part de son père lui fit chaud au cœur, pour la première fois depuis longtemps.
Un mois plus tard, il entrait dans la prestigieuse université d'Harvard ! Parce que bien qu'il ait fait des frasques en dehors des cours, Cody restait un élève brillant, promis à de grandes choses s'il s'en donnait la peine. Son choix d'études en surprit plus d'un, surtout sa famille. Lui qui n'arrêtait pas de répéter que c'était la politique qui avait détruit sa famille, le voilà qu'il se lançait là dedans... Choix qu'assumait Cody bien qu'un changement de cursus ne soit pas exclus. Ne plus participer au meeting, ne plus avoir cette sensation d'être épié, Cody se sent plus libre. A tel point que ce dernier pourrait finir par retomber dans ses travers s'il ne faisait pas attention. La seule chose qu'il espère, c'est que personne ne fera le lien entre lui et sa famille.