15 minutes (clael #4)

Si la sortie était sensée être plutôt simple et décomplexée, il a fallu que je sois un abruti fini encore emporté par ses sentiments pour que ça en devienne tout le contraire. J'ai beau essayer de faire attention au ton que je prends, c'est plus fort que moi, je peux pas m'empêcher de me mettre en colère. Je crois, de toute façon, qu'on a jamais eu la même notion du couple tous les deux, que ça n'a jamais été quelque chose qui était fait pour du happily ever after. Et même si j'ai longtemps pu imaginer une vie à ses côtés, je me rends compte que c'était qu'une illusion, que c'était forcément voué à l'échec. "Parce que tu crois que ma réaction n'était pas légitime ? Clémence, merde, tu m'as trompé ! À quel moment dans ta tête tu t'es dit que c'était une bonne idée que de le faire ? Tu vas me dire 'oui, c'était le moment, les sentiments' et j'en oublie sûrement. Et ta crise de gamine capricieuse que t'as tapé à ton anniversaire, ça aussi c'était le moment et les sentiments ?" Et voilà, c'était parti en couilles. Je sais pourquoi elle montait en pression vitesse grand V maintenant ; elle était enceinte et hormonale. Le pire combo possible pour qu'une discussion se passe calmement. "Je t'ai pas demandé de faire une comparaison entre nous deux, juste au moins de penser à moi et pas faire ton égoïste ! Putain Clémence, tu crois que tous les sentiments que j'ai envers toi ont déjà disparu ? Je m'en cogne de Gabe, il fait ce qu'il veut, mais arrête de faire comme si j'avais jamais existé en passant à autre chose du jour au lendemain alors qu'il a bien su le faire en avril avec toi !" Il est vrai qu'à ce point de la discussion où on ne faisait que se renvoyer les torts l'un à l'autre, je n'avais qu'une envie, c'est lui dire ce que j'avais sur le cœur peu importe si c'était blessant. J'ai été suffisamment gentil jusque là, compréhensif au possible, et même si j'ai été franc lors de notre discussion il y a un peu plus d'un mois, j'ai jamais cherché à lui faire du mal dans mes paroles. "Et la chambre d'enfant, c'est pour faire joli ? Je me doute bien que c'est pour une raison, et si t'as envie de foutre en l'air ta vie à vingt-deux piges alors que tu fais des études de médecine qui vont sûrement te durer encore dix ans, vas-y, je te retiens pas ! T'as même pas fini ton bachelor, mets toi ça dans le crâne un peu !" Et parce que je ne faisais que monter en pression comme un autocuiseur, je serrais les poings tellement forts que les jointures en étaient devenues blanches. Parce que ça ne venait jamais tout seul, mon accent espagnol revenait au galop dans mon parler français. "Alors c'est bon, tu veux savoir ce que j'en pense de l'appart ? Ouais, il va bien vivre dedans, votre môme aussi, merveilleux avenir rempli de marmaille, belle vie, tout ça, j'en ai plus rien à foutre. T'as choisi de faire la conne, alors maintenant t'assumes comme une grande et t'arrêtes de me faire miroiter alors que t'as l'air de vivre le grand amour avec ton américain stupide qui t'a engrossé à la première occasion après que t'aies rompu avec moi !" J'avais pas vraiment fini, mais je me laisse un instant pour m'éloigner d'elle avant que je fasse quelque chose que je risque clairement de regretter ; et ça voudrait aussi dire que je suis pas mieux que Miss S qui m'a pourri la vie par le passé. "Alors avec ton Monsieur Pastor, vous allez me lâcher la grappe avec votre amour qui me donne juste envie de dégueuler." Celle-là était bien personnelle comme il faut. Et j'avais besoin de la sortir.