All pie is good pie

Tandis qu’elle attend qu’il lui confesse ce qui peut bien le mettre autant à mal, elle regarde la boule de pâte qu’elle est en train de confectionner… Se disant que ça pourrait être une bonne idée de rajouter une épice à l’intérieur. De ce concours, puisqu’elle le prend avec légèreté, et que la cuisine n’est pas son passe-temps préféré, elle n’a pas de mal à entrevoir le futur vainqueur. « Elle m’a dit que j’avais un glorieux parcours mais qu’aujourd’hui je me retrouvais avec un poids qui m’empêchait d’avancer. » Sa recherche d’épice, elle est avortée par la crainte qu’il croit que c’est elle, le poids, « Un démon, de mauvaises habitudes auxquelles je suis attaché. » Il l’annonce comme si ce n’était pas une simple supposition annoncée par la cartomancienne, mais bel et bien un fait avéré.

Si l’appellation démon aurait d’abord pu lui faire penser à celui qu’elle a croisé à la fin de leur été, c’est le reste, qui l’effraie… Ces habitudes citées. Il n’en fallait pas plus pour la perturber. Qu’elle en vienne à penser que leurs tirages étaient diamétralement opposés. « Mais elle m’a aussi dit que j’allais devoir me montrer patient et compatissant dans le futur. Mais sans plus, » Patient... Avec qui, avec quoi ? Elle se mordille le coin inférieur de sa bouche, réfléchit à tout, perturbée, finalement, elle l’avoue. Mais elle ne veut pas se laisser troublée, elle ne désire pas tirer ses propres conclusions. Ce qui compte, c’est ce que lui pense, dans le fond. Alors en attrapant finalement au hasard un condiment à la teinte orangée, elle décline son regard vers lui pour lui demander, « Tu l’interprètes comment, toi ? » Est-ce qu’il estime avoir des démons ? Des penchants auxquelles il est lié ? Il y voit quoi, à l’intérieur ces vérités ? L’important ce ne sont pas les cartes, c’est la signification que l’on accepte de leur donner.

Concentrée sur l’étalement de sa pâte, elle ne s’attendait pas à être attaquée, ses mouvements s’en trouvent figés, tandis qu’elle, elle en reste totalement bouche bée. « Tu me l’as fait remarquer suffisamment de fois non ? » Car elle a su accepter la plupart des vices qu’il affectionne, se souvient même d’avoir voulu essayer de fumer, une fois… Bien sûr, sa relation avec Wendy est mise de côté, mais ça vaut mieux, aucune envie de remuer ce couteau dans la plaie. « Des problèmes qu’il faut solutionner avant de pouvoir avancer mais çà, tout le monde en a. » Il semble tout seul conclure, et pourtant, il n’en est pas moins bougon pour autant.

Comme elle ne sait pas quoi lui répondre, rumine encore un tantinet, et s’il choisit les pommes, elle ignore encore sur quoi va se porter son choix, quitte à faire n’importe quoi, elle attrape un panier rempli de champignons non loin de là. Opposés dans leurs choix. « Mais le futur je… n’sais pas. » Elle a presque envie de lui souffler que pour le présent, c’est aussi le cas. Ce n’est pas elle qui doute, pour une fois. « Peut-être vis-à-vis de nos parents, que ça prendra beaucoup de temps. » Au moins, cet avenir, il le voit commun. « Ca, on le savait déjà. » Elle prononce en essayant de sourire, « Je trouve qu’on a avancé et qu'on continue de le faire, moi. » malgré les soucis qu’il semble pouvoir citer, elle, elle estime que leur relation n’a de cesse d’évoluer. Et s’attaquant au premier champignon du panier, elle se lance, « Elle m’a dit que j’avais pris des décisions lourdes de conséquences, » et ça, elle sait, que c’est son choix de rester à Boston, de ne pas rentrer, lui, « que j’ai peur d’être désillusionnée… »

Désillusionnée. Bien sûr qu’elle a peur de l’être. Parce que même si elle est certaine de son choix, qu’il représente tout ce qu’elle veut, qu’elle l’aime à l’excès, et qu’elle espère que leur futur s’écrira à deux. Elle ne peut pas mentir, certains événements la poussent à craindre sa perte. Elle a conscience, d’autant plus maintenant que dans son monde elle a fait quelques pas, qu’il a une autre vie qui l’attend. Un quotidien dans lequel elle n’a pas vraiment sa place. Et elle a peur, oui, qu’il ne l’impose pas. Qu’il se contente d’accéder aux volontés de l’homme qui l’a élevé. « Et tu crois que ça peut se modifier ? » Ses craintes ? Sur certains points, elles s’amoindrissent chaque jour qu’elle passe à ses côtés.

Ses champignons coupés, elle regarde la chose qu’elle est en train de préparer d’un air contrarié. Quoi que… Elle en est plutôt écœurée. « C’était pour le présent, ça. » elle précise, mais le présent peut aussi se malléer, elle imagine. Un présent, ça se construit. Ce n’est pas figé, ça évolue aussi. « Le futur… » elle en sourit, parce que sans y croire, elle l’a apprécié, cette partie. Alors elle se fait forte de répéter, presque à la perfection, parce qu’elle a derechef mémorisé, « Vos efforts porteront leurs fruits, et vous serez dans une phase de création et de prospérité. » maligne, elle observe les traits du visage de Sheng, et continue sur sa lancée, « Je crois que c’était… L’Impératrice signifie la fertilité, la créativité et l’abondance. Quelque chose comme l’enrichissement de tous les aspects de la vie. » En somme, elle lui a dit que tout irait bien, et c’est tout ce dont elle avait besoin.
Néanmoins, à comparer l’aspect de leurs deux tartes, elle s’exprime, faussement dépitée ; « Mise à part pour la cuisine apparemment. » suivre une recette, oui. En faire une qu’elle connaît, oui aussi. Mais improviser… « Heureusement que tu me plais encore plus quand tu le fais. » L’art et la manière de lui confier que plus tard, il sera de corvée de préparation de repas mais… qu’elle comblera ses lacunes au coeur de leurs draps.