all that you are ─ Tommy

« Un tour en voit-?... okay... » Probablement encore un peu trop défoncé pour vraiment réaliser que le tour en voiture, ça n'allait pas être une promenade dans les rues de Boston. La mention d'adrénaline lui met pourtant la puce à l'oreille, mais il a confiance en Tommy. Pourtant, plus il se rapproche de la voiture, plus il se dit que c'est une mauvaise idée ; sans s'arrêter pour autant. Il le suit, monte dans le véhicule, attache sa ceinture, et regarde la route... avec une étrange appréhension. La drogue ? Ou le souvenir furtif de sa mère ? N'y pense pas ; et la voiture file à toute allure. Et c'est pas comme sur la moto, là il contrôle rien, et Ace de base n'aime pas ça, ne pas contrôler ; c'est empiré avec son état, qui le rend un peu mal à l'aise, mais il dit rien, tendant de ne pas juste déconnecter de la réalité. Mais rapidement, c'est l'estomac qui a du mal à suivre, et c'est quand des bruits de voiture de police et les gyrophares lumineux viennent agresser sa vue qu'Ace exige à sortir. « Putain ! Arrête-toi, j'vais béger ! » Le véhicule à peine forcé à l'arrêt qu'Ace ouvre la portière et se jette par terre pour vider son estomac, sous le regard... un peu dégoûté des forces de l'ordre intervenantes.

Tommy a un rire silencieux, se moquant intérieurement de la situation tout en jetant un coup d'œil rapide aux flics, qui semblent déjà mécontents. Il aurait dû se douter qu’Ace, encore un peu trop stone pour encaisser les virages et l’adrénaline à ce rythme-là, n’allait pas tenir longtemps. Il descend de la voiture sans se presser, l’air indifférent face aux regards sévères des agents. L’un des officiers s’approche, déjà prêt à lui passer un savon. Mais Tommy, gardant une main dans la poche et le regard perçant, coupe net l’officier d’une voix calme et maîtrisée : « Tout va bien, monsieur l'agent, » dit-il, comme s’il discutait de la pluie et du beau temps. « Mon pote a juste eu… une mauvaise soirée. » Il sait bien que la dernière chose dont ils ont besoin, c’est d’une scène avec les flics. Mais il garde son calme, tout en surveillant du coin de l’œil Ace, toujours penché en train de cracher les restes d’un dîner qui n’a visiblement pas aimé la balade. L’agent soupire, visiblement plus ennuyé qu’inquiet, et lève la main pour montrer la voiture et demander « les papiers du vehicule ? » Tommy déglutit, se souvenant allrs qu'il avait oublié ses papiers chez lui. « pourquoi ? Vous inquietez pas, je le ramène chez moi. » Tentait le tout pour le tout même s'il savait que c'était foutu. Pourquoi son ami avait-il du vomir comme ça ? Sans lui, il aurait sûrement réussi à les semer ces deux flics. Mauvaise soirée.

@Ace Chung

Non, vraiment, les voitures c'est pas sa came. Il a besoin de sentir l'air filer sur son corps, le fouette, le mordre alors qu'il prend de la vitesse, plutôt que d'être enfermé dans une boîte en métal. Ça aide pas que son état empire le mal du transport et après avoir tout régurgité, Ace se relève péniblement, heureusement la gueule épargnée par ses déboires, et son regard hagard se perd sur le bordel autour de lui et sa main ─ propre ─ se tient à la portière de la voiture alors qu'il répond aux flics. « Ouais il... me ramène chez moi... j'suis un peu malade... » Un policier s'approche, et Ace le regarde, méfiant ; et le policier souligne qu'il reconnait l'odeur du cannabis. Roulement d'yeux de la part d'Ace, qui s'explique. « Oui, j'ai fumé, tout à l'heure, avant qu'on parte, mais allez-y fouillez moi, je transporte rien. » Et alors que le policier s'exécute, Ace lance un regard à Tommy, espérant que l'homme n'avait rien de compromettant dans sa voiture.

Tommy se fige un instant, son cœur rate un battement. Il ne peut pas laisser la situation déraper. Son regard se fixe sur Ace, une lueur de tension dans ses yeux. Si le flic découvre quoi que ce soit d’autre, ça pourrait leur attirer des ennuis, et aucun des deux n’a besoin de ça maintenant. L’agent les scrute aléatoirement, un sourcil levé, comme s'il était sur le point de tomber dans le piège d'un adolescent inconscient. « Et vous, jeune homme, vous êtes celui qui conduisait ? » Tommy se redresse légèrement, cherchant à projeter une image de calme et de contrôle. « Ouais, c'est moi, le jeuuuune homme !!! On était juste en train de se détendre un peu avant de rentrer. Pas besoin de faire tout un cirque. » Sa voix est posée, mais il sait que chaque mot compte. L’agent hoche la tête, son regard passant entre les deux jeunes hommes. « Vous savez que conduire sous l'influence, c'est illégal, n’est-ce pas ? » Tommy se retient de sourire. Quel cliché. « Je sais, on n'est pas encore totalement cons. Mais on ne s’est pas vraiment déplacés. C’est juste un tour rapide pour s’aérer. » Chaque minute qui passe avec les flics là le met un peu plus sur les nerfs. « On ne cherche pas d'ennuis, je vous assure. Juste un mauvais moment, un besoin de respirer, c’est tout. » Un silence tendu s’installe alors que l'agent le scrute avec insistance. Puis, soudainement, il se retourne, se dirigeant vers la voiture de Tommy. « Ouvrez le coffre, s'il vous plaît. » Paniqué, sans même savoir pourquoi, il cria « Quoi ? Attendez, non c'est pas nécessaire ! » Tommy proteste, mais il sait qu'il ne peut rien faire. Alors qu’il ouvre le coffre, son esprit s'emballe. Il espère qu'il n'y a rien d'incriminant, pas même une petite chose qui pourrait leur causer des ennuis. Il se met à fouiller rapidement dans sa tête, passant en revue tout ce qu’il a pu laisser traîner. La dernière chose qu’il veut c’est empirer la situation. L’agent inspecte le coffre, scrutant les affaires sans enthousiasme. Au fond, des vieux vêtements, et … une boîte vide de pizza. Tommy souffle discrètement, soulagé que rien de compromettant n'apparaisse. « Vous voyez, y a rien !!! C’est bon, on peut partir ? » Agacé, il commençait à perdre patience. Même s’il avait son passé de militaire, il avait toujours eu du mal avec la police. Il s’avança vers son coffre où il prit la boite de pizza qu’il jeta dehors, pour faire le vide. Geste qu’il n’aurait surement pas du faire. Ces deux policiers n’attendant que le moindre mauvais geste pour faire quelque chose. Et avant même de comprendre ce qui se passait, il se retrouvait contre la voiture, les mains derrière le dos. « Vous avez rien d’autres à faire sérieux ? » Connards. Pensait l’avoir dit dans sa tête, mais l’avait-il réellement seulement pensé ?

« Il dit vrai, c'était juste pour s'aérer... » Le policier avec Ace le regarde, pas convaincu, surtout qu'il a l'air un peu louche l'asiatique avec son nez pété, mine de rien. Alors Ace soupire et s'explique à son voisin, quand Tommy s'explique aussi en parallèle. « Je viens de me faire larguer par ma meuf, j'ai le coeur brisé, on a juste voulu se remonter un peu le moral putain, ça faisait trois ans que j'étais avec... fiancé... coup dur pour moi, tu suis ? » C'est peine perdue, probablement, mais il tente le coup ; jusqu'à ce que l'officier avec Tommy demande à voir le coffre. La panique soudaine dans la voix de son partenaire fait également réagir Ace, qui se redresse et observe avec une légère anxiété... pour rien. Le soulagement est palpable et il s'avachit un peu sur la voiture, jusqu'à ce que ça dégénère et que Tommy soit forcé contre la voiture. De quoi agiter Ace également, qui veut le rejoindre. « Hey !! Lâchez-le, il a rien fait ! » Mais sa propre agitation, couplée à la consommation de cannabis, et le deuxième policier voit là l'occasion parfaite pour le pousser également contre la voiture et l'indigner de plus belle. « Qu'est-ce que vous foutez !? On a rien fait putain, on est coopératifs ! » « La consommation de cannabis sur la voie publique est un délit [...] » De chaque côté de la voiture, Ace et Tommy se font passer les menottes. Le plus jeune lance un regard à son aîné, ne l'accusant nullement de la situation mais en partageant plutôt sa colère, alors qu'on le décolle de la voiture, mains dans le dos, pour le traîner jusqu'au véhicule de police. Super. Deux fois chez les flics en deux semaines ─ il en connait un, en arrière-plan, qui va s'en frotter les mains.

Tommy sent la morsure froide des menottes se refermer sur ses poignets, ses épaules tendues de rage alors qu'il échange un regard avec Ace, une lueur d’ironie désabusée dans ses yeux. Voilà comment ils finissent : menottés et alignés comme des gosses qui ont joué avec le feu. « Sérieusement, les gars, tout ça pour une clope ? » crache Tommy, une pointe de défi dans la voix. Il est furieux, non seulement à cause de la situation absurde, mais surtout de l’ironie cruelle de la scène : ils cherchaient juste un moyen de se vider la tête, et ça les avait plongés dans un nouveau bourbier. Un des policiers le pousse doucement vers le véhicule, un sourire moqueur aux lèvres. « Fallait réfléchir avant de faire les malins. » Tommy ricane, mi-amusé, mi-amère. « Ouais de toute façon vous avez rien contre nous, vous pourrez pas nous garder trop longtemps. » Mais au fond de lui, il sait que cette histoire pourrait bien aller plus loin, avec leurs sales têtes et leur attitude insolente. Alors qu’ils approchent de la voiture de police, il tente de capter l’attention du policier qui les escorte. « On est juste deux gars paumés qui essayaient d’oublier leurs emmerdes. Allez, soyez sympa. » Qu'il tentait à nouveau, à son tour. Le flic le toise, impassible. « Ça, c’est ce que vous dites. Mais ce que vous ferez la prochaine fois ? Qui sait. » Ils montent alors dans le véhicule de police, silencieux, échangés entre les deux sièges comme des rebelles enchaînés. Dans ce moment d’attente, Tommy se tourne vers Ace. « Bon, c’était pas ma meilleure idée, j’admets. Mais hey… ça aurait pu être pire non ? »  Voiture changée, vitesse aussi. C’est dans les règles qu’ils terminèrent dans le commissariat le plus proche. « En vrai, désolé… de t'avoir entrainé dans tout ça. Ca reste entre nous tout ça hein ? » Qu’il en parle à personne d’autre du coup. Ni encore moins le chef.

À l'arrière du véhicule policier, les deux malchanceux se retrouvent privés de leur liberté. Ace lâche un gros soupir mêlé à un grognement, et fait une moue d'indifférence aux propos de Tommy. « Bah, ça aurait pu être pire comme tu dis... » Les deux policiers devant eux ne disent rien, restent tranquilles, et le silence irrite un peu plus Ace qui, dans un élan d'exaspération, interpelle les deux à l'avant. « M'sieur les policiers ! On fait commeeeent, j'ai une trique de malade, j'ai b'soin de me branler ! J'vais exploser sinon ! Retirez-nous les menottes au moins ! » Toujours dans le drame et la vulgarité, mais aussi la provocation, avec pour seule réponse ; « Sers-toi des pieds d'ton voisin ! » La grimace de dégoût d'Ace en dit long sur la réponse inattendue qu'il vient de recevoir, et c'est suffisant pour le faire taire jusqu'à la fin du trajet. Ce n'est qu'une fois au commissariat, alors qu'on les y faisait entrer, qu'Ace balança à Tommy quelques mots avant qu'ils ne soient séparés. « T'inquiètes, c'est juste ma deuxième en deux semaines. » Un brin d'ironie et de sarcasme dans la voix, ils furent séparés et interrogés, chacun à un bureau différent. Ace expliqua juste qu'il était dans le mal, avait fumé son joint et retrouvé son pote qui a proposé de lui changer les idées. Rien d'plus, rien d'moins ; pas de délit outre l'odeur qu'il dégage, mais sans rien d'incriminant à son égard, il fut vite conclu qu'ils ont mieux à foutre que le garder en cellule. Libéré de ses menottes, on le pousse vers la sortie, et surtout, on lui interdit de parler à Tommy, dont le sort lui est encore inconnu alors qu'il attend sur le trottoir, devant le commissariat.

Tommy se trouve là, sur le trottoir, les mains encore engourdies par les menottes qui les avaient serrées un peu trop fort. Les néons du commissariat jettent une lumière blafarde sur son visage, et il scrute la rue comme s’il pouvait y lire les réponses à ses questions. Il a l’impression d’être alors piégé. Les minutes s’éternisent avant qu’on ne lui autorise un appel. Pour Eline. L'angoisse l'envahit alors. Comment pourrait-il lui dire où il est ? Sans qu’elle ne pose trop de questions. Mais l’appel se passa plutôt bien. Elle allait venir. En l’attendant, on le remit dans une cellule. Le silence autour de lui lui pesait. Le ramenant presque à cette cellule où il avait été emprisonné pendant un petit laps de temps. C’est dans un coin qu’il se vit recroquevillé, tentant de fuir ces images, ces souvenirs qui voulaient resurgir. Il se remémore alors cette douleur, physique ainsi que psychique. L’impression d’y retourner. D’un coup, il se releva et frappa contre le mur en pierre face à lui. Juste de quoi se sentir vivant. Présent ici. Et non coincé dans ce passé. Policiers dans l’incompréhension n’allaient surement pas laisser passer cela. Ils pouvaient voir Tommy faire les cent pas dans la cellule, comme un lion en cage. Se prenant la tête entre les mains. « Non, non. » L’impression de devenir fou. Attrapant les barreaux, il se mit à crier. « Laissez moi sortir !!!! » Malgré sa force, les barreaux ne bougèrent pas d’un millimètre. Le métisse devenait fou. Mais non pas parce qu’il avait consommé ce qu’on son ami avait fait de son côté. Et alors qu’ils pensaient le faire sortir, les forces de l’ordre décidèrent de le garder un peu plus. Ce qui ne fit qu’accroitre les angoisses de l’ancien soldat. Continuant à crier, commençant à les insulter. Mains en sang. On pouvait l’entendre à travers tout le commissariat, et peut-être même de l’extérieur. Il devait sortir de là. Il ne pouvait pas rester enfermé.

Et il attend. Il attend encore, dehors, à voir les gens entrer et sortir du commissariat, guettant la sortie de Tommy qui n'arrive juste pas. Peut-être bien trente minute plus tard, Ace se décide à rentrer à nouveau, et il demande à voir un des policiers qui l'a arrêté pour savoir ce qu'il en est de l'homme qui l'accompagnait ; en cellule. Garde à vue pour la nuit, indiscutable, avec la menace cachée sous un conseil qu'Ace ferait mieux de ne pas faire de vague s'il ne veut pas se retrouver au même endroit pour comportement agressif envers les forces de l'ordre. Il y songe pourtant, le bougre, juste pour défendre Tommy ; mais il sait que ça ne ferait qu'empirer la situation et ne rendrait service à personne... alors il se ravise. Il ravale sa fierté et fait demi-tour pour sortir du commissariat, repérant déjà la voiture de Tommy tractée jusqu'ici pour éviter qu'elle reste sur le bas côté d'une route principale. Et après un regard en arrière, Ace peste et prend la route vers l'avenue principale. Juste dégoûté de la fin de sa soirée, impuissant face à la situation de Tommy, et bien évidemment, relativement loin de chez lui.

Tommy restait assis sur le banc froid de la cellule, les poings crispés et le corps tendu par l’épuisement. Ses jointures étaient en sang, le résultat d’une nuit à taper contre les murs, mais c’était la seule chose qui lui avait permis de tenir. La douleur physique était presque bienvenue, un échappatoire temporaire à la tempête qui grondait dans sa tête. Le silence pesant de la cellule ne faisait qu'amplifier ce qui tournait en boucle dans son esprit : ses souvenirs. Il avait essayé de rester fort, de garder le contrôle, mais la réalité l’avait vite rattrapé. Ce n’était pas la première fois qu’il se retrouvait dans une situation difficile, mais cette fois-ci, tout semblait plus lourd, plus écrasant. Il savait qu’Eline l’attendait dehors, qu’elle s’inquiétait. Elle devait être morte d’angoisse, et cette pensée le rongeait. Il voulait la protéger, la rassurer, mais il n’avait pas été capable de se protéger lui-même. Les minutes s’étiraient, et chaque seconde passée en cellule renforçait l’impression d’être piégé, à la merci des autres. Il haïssait cette sensation de vulnérabilité, comme si son passé venait encore le mordre, lui rappelant qu’il n’en avait jamais vraiment fini avec ses démons. Son esprit retournait inlassablement à cette mission, au moment où tout avait basculé. Ce moment où sa vie avait changé à tout jamais. Finalement, les bruits de pas dans le couloir brisèrent le silence oppressant. Les clés tournaient dans la serrure, et la porte de la cellule s’ouvrit. Le regard du policier ne trahissait aucune émotion, tout juste un soupçon d’agacement. “Tu peux y aller,” dit-il simplement, sans explication supplémentaire. Tommy se leva, ses jambes lourdes après des heures d’immobilité. Il ne répondit rien, se contentant de sortir de la cellule, le poids invisible sur ses épaules plus lourd que jamais. Il savait qu’Eline l'attendait dehors, et l’idée de la retrouver, de voir son visage inquiet, lui donnait autant d’espoir que de crainte. En franchissant la porte du commissariat, la lumière du jour l’agressa. Il cligna des yeux, cherchant Eline du regard, et la trouva adossée à sa voiture. Son cœur se serra en la voyant. Il n’avait jamais voulu qu’elle voie cette partie de lui, cette part brisée et fragile qu’il essayait de dissimuler.

the end.