Lorsque le coup frappe, la douleur me transperce, brutale et inattendue. Mon nez saigne abondamment, et chaque pulsation semble envoyer une nouvelle vague de douleur à travers mon visage. La sensation est atroce, mais ce n’est rien comparé à ce que je lis dans les yeux d’Isia : la panique, le choc, et peut-être même un soupçon de culpabilité. Ses mains s’agitent, elle jure en français et se précipite pour chercher quelque chose pour stopper le sang. Elle revient rapidement avec des mouchoirs qu’elle me tend en silence.
Je prends ce qu’elle me donne, serrant les narines avec précaution, mais le flot de sang ne s’arrête pas vraiment. Je respire lentement par la bouche comme elle me l’a conseillé, essayant de calmer mon souffle malgré la douleur lancinante. Le goût métallique du sang commence à envahir ma gorge, ce qui me rend encore plus conscient de l'ampleur du coup.
Elle me dit qu’on doit nettoyer ça, et je hoche la tête sans un mot, trop concentré sur la douleur pour dire quoi que ce soit. Isia écarte les cordes du ring et me guide vers les toilettes masculines, où elle semble tout aussi perturbée que moi par ce qui vient de se passer. Le flot de sang ne diminue pas, et je commence à comprendre que ce n’est pas juste une égratignure.
« On doit aller aux urgences », déclare-t-elle finalement, et je lève les yeux vers elle. À travers la douleur et le chaos qui règne dans mon esprit, je réalise qu'elle prend la situation au sérieux. Elle se saisit d’un gros paquet de papier pour s’assurer que je ne laisse pas de traces sanglantes partout.
Je ne veux pas être une charge pour elle, mais je sais que je ne peux pas conduire dans cet état. « C’est… c’est pas si grave, t’inquiète pas », je tente de dire, mais ma voix est faible, à peine audible entre les bouffées d’air que je prends. La vérité, c’est que j’ai l’impression que mon nez est en miettes, et chaque respiration me rappelle douloureusement à quel point la blessure est sérieuse.
Isia m’attrape par le bras avec douceur, et je la suis, laissant derrière nous le ring, le coach et tous les regards curieux qui se sont posés sur nous. Une partie de moi a honte de ce qui s'est passé, de m’être retrouvé dans cette situation, mais je sais que ce n’est pas vraiment sa faute. C’était un accident.
En marchant vers la sortie, je me demande ce qui se passe dans sa tête. Elle semble aussi bouleversée que moi, sinon plus. Peut-être que ce n’était pas juste un coup accidentel, peut-être qu’elle aussi avait besoin de relâcher quelque chose. Mais au fond, je n’arrive pas à lui en vouloir.
Les urgences vont être une autre étape désagréable dans cette journée qui s’était déjà mal engagée, mais au moins je ne suis pas seul.
(Ian Beaumont)