ALEJANDRO D. NIZANNI ► Lucas Bernardini

Mon histoire

Tout a commencé à Pescara en Italie. Tout comme tout aurait pu commencer au Caire ou même en Amérique. Et si on y réfléchissait bien, rien ne présageait la rencontre entre Brooklyn Sharper et Milo Nizanni. Ils venaient de deux mondes totalement différents, de deux univers complètement opposés et surtout de deux continents se situant à des kilomètres l'un de l'autre. Combien d'histoires à distance avaient fonctionné? Les statistiques étaient maigres et rien ne jouaient en leur faveur. Dire qu'ils n'auraient même jamais du se rencontrer. Brooklyn vivait dans le Massachusetts depuis maintenant 22 ans. Fille d'un riche entrepreneur américain et d'une jeune égyptienne, ses parents s'étaient battu pour pouvoir vivre au grand jour leur amour. Un amour passionnel et pourtant bien mal vu par leurs familles respectives. Pourtant, ils avaient tenu bon et contre toute attente, s'étaient mariés et avaient eu des enfants qu'ils avaient élevés dans les valeurs et la richesse. Ils s'étaient promis une chose: toujours laisser le choix à leurs enfants, ne jamais rien leur imposer mais plutôt leur conseiller. Ils avaient donc été déçu quand Brooklyn avait préféré des études de psychologie au lieu de celles d'économie. Pourtant, ils l'avaient soutenue. Changement de tableau à Pescara, en Italie où était né Milo. Deux parents ouvriers, deux petits salaires. Chaque fin de mois était un supplice. Ajoutez à cela des disputes à répétition. Il se murmurait même que leur mariage avait été arrangé par leur famille respective. Difficile de savoir si c'était réellement le cas. Et si oui, dans quel but? Après tout, ils étaient pauvres. Milo avait donc grandi dans un petit appartement, bercé par les disputes et les dévalorisations. Pourtant, sa mère n'avait jamais quitté son père. Milo s'était promis de ne jamais être comme eux. A 25 ans, le jeune homme était infirmier aux soins intensifs et louait un studio à côté de son lieu de travail. Rien ne prédisposait donc Brooklyn et Milo à se rencontrer. Brooklyn n'aurait même jamais du se rendre en Italie. Et pourtant. Une de ses collègues devait donner une conférence au milieu d'un séminaire. Elle était malade et son patron lui avait demandé de la remplacer. Parler des grands-brûlés et donner des clés sur la psychologie à avoir avec ces derniers. Ce n'était pas sa spécialité. Mais Brooklyn avait accepté et s'était envolée pour Pescara. C'est dans cette ville et dans cet hôpital que travaillait Milo. Faisant partie du personnel médical, il avait participé à cette conférence. Il avait même été fasciné par cette demoiselle. Et en croisant Brooklyn dans les couloirs, il l'avait accostée. S'en était suivie une discussion. Puis une deuxième autour d'un café. Au final, Milo lui avait fait découvrir en quelques heures la ville et ses alentours. C'était comme un coup de foudre qui s'était terminé sous les draps. Brooklyn était repartie pour l'Amérique quelques jours plus tard, le coeur lourd. Elle s'était accrochée à Milo. Les différences attirent dit-on. Milo lui avait promis de rester en contact. Il avait tenu ses promesses puisqu'à peine arrivée chez elle, il lui avait fait un petit sms. Le décalage horaire n'avait pas d'importance pour lui, ni même la distance. Il voulait avoir une chance de vivre une belle histoire avec Brooklyn. Pourtant, sans qu'il ne puisse rien contrôler, tout s'accélèra. Un soir Brooklyn lui avait téléphoné, elle parlait tellement vite qu'il n'avait rien compris et l'avait forcé à répéter. Il avait failli tomber à la renverse quand il avait enfin compris. Brooklyn était enceinte. Et inutile de lui demander ce qu'elle comptait faire. Car elle lui avait spécifié qu'elle garderait le bébé. Milo, sous le choc, n'avait rien su dire. Il lui fallu quelques semaines pour digérer la nouvelle. Il allait être papa. Il était donc hors de question qu'il ne voit pas son enfant. S'envoler pour l'Amérique? Il n'en avait pas les moyens. C'est Brooklyn qui avait repris l'avion. Et c'est elle qui s'était installée dans son petit studio. Milo accumulait les heures de travail afin de subvenir aux besoins de Brooklyn et de leur futur enfant. Il passait le reste de son temps avec la jeune femme. L'amour était le plus fort, il l'avait même demandé en mariage. C'est donc dans un climat d'amour que naquit Alejandro Dionisio dans l'hôpital où tout avait commencé. Le bébé se portait à merveille. Tout semblait sourire aux jeunes parents.

'Alejandro, laisse ta petite soeur manger tranquillement et va t'habiller, on va être en retard!' Le petit garçon avait ouvert la bouche pour rouspéter mais en croisant le regard noir de sa mère, s'était ravisé. Brooklyn avait poussé un soupir, épuisée. Combiner son travail et l'éducation de deux enfants était une chose plus difficile qu'elle ne l'aurait souhaitée. Elle posa son regard bienveillant sur Celia, sa petite dernière. Elle avait à présent quatre ans et un fort caractère. Un peu comme son grand-frère. 2 années les séparaient. Ils étaient à la fois proches et pourtant, Alejandro ne pouvait s'empêcher d'embêter Celia, de la taquiner. Et si elle ne remettait pas de l'ordre, cela n'aurait jamais terminé. Ce jour-là, comme tous les autres, Brooklyn avait couru. Elle avait posé ses enfants à l'école avant de se rendre à son cabinet où son premier patient l'attendait pour 9 heures. Elle savait qu'une longue journée l'attendait. Tout comme elle savait que Milo irait rechercher les petits. Les jeunes parents s'arrangeaient toujours pour ne pas les laisser trop longtemps en garderie même si ils savaient qu'Alejandro veillait déjà sur sa petite soeur comme un grand frère un peu trop protecteur. Cependant, le petit garçon n'en oubliait pas ses amis: Flavio et Aurea. A eux trois, ils étaient inséparables depuis la maternelle. Toujours à faire les 400 coups aux récréations, à parler pendant les cours... Cela avait d'ailleurs obligé leur institutrice à les séparer aux quatre coins de la classe. Pourtant, plus les années passaient, plus ils étaient soudés. De plus Alejandro était un petit garçon agréable et curieux. Il s'intéressait à tout et déjà n'avait pas besoin de travailler énormément pour récolter de très bons résultats. C'était d'ailleurs le petit intello de sa bande. Suivi de très près par Aurea, qui ne comptait déjà pas les heures de travail avec ses parents. Celui qui avait le plus de mal à suivre était Flavio. Lui, c'était plutôt le petit clown du groupe. Alors qu'il donnait des idées et de la folie à Alejandro, ce dernier lui expliquait les leçons quand il avait un peu plus de mal. C'était ainsi. Les trois étaient complémentaires. L'enfance d'Alejandro se passa donc sans heurt.

Arriva le temps de l'adolescence et de ses soucis d'acné. Enfin pas que ça. Même si c'est l'image que se représente encore Alejandro quand il repense à ses 14 ans. Lui c'était le petit intello à lunette et rempli de boutons. Alors que son meilleur ami, Flavio semblait épargné par dame nature. Alejandro se souvenait avoir été complexé, avoir été mal dans sa peau. Et comme tout adolescent qui se respectait, il en avait voulu à ses parents, puis à la terre entière. Se rebeller contre tout le monde. Cela lui avait joué des tours. En quelques mois, il était passé d'intello à perturbateur, se mettant une bonne partie de ses professeurs à dos. Alejandro avait tout logiquement raté son année. Tout comme Flavio. Ils avaient donc été séparé d'Aurea. Même si cela ne les empêchait pas de se voir après les cours, Alejandro avait reçu comme un électro-choc. Il était redevenu l'adolescent studieux. Pour quelques mois. A 16 ans, Alejandro commença à sortir, profitant des nombreuses absences de ses parents. Pas vu, pas puni. Il s'arrangeait donc pour avoir des notes présentables afin de ne pas se faire prendre. C'est vers cet âge-là qu'il prit sa première cuite. Mémorable. L'alcool n'était pourtant pas permis à son âge mais le grand-frère de Flavio s'était arrangé pour leur en donner. Résultat, Alejandro ne se souvenait plus vraiment de comment il était rentré chez son ami. Mais son réveil le lendemain matin avait été éprouvant. C'est aussi avec Flavio qu'il goûta à sa première cigarette. Sa dernière aussi. Les deux jeunes avaient tellement toussé qu'ils avaient cru qu'ils allaient recracher leurs poumons. Ils n'avaient donc pas retenter l'expérience.

'Tu penses que cela va se terminer comment, maintenant que maman et papa vont divorcer?' La question était pertinente et venait de Celia. Elle venait de fêter son quinzième anniversaire quand les deux adolescents avaient appris le divorce de leurs parents. Un manque de fidélité de la part de Milo en était la cause principale. Même si pour Alejandro, il était probable que sa mère en ait fait de même de son côté. Quoiqu'il en était, leurs parents avaient décidé de se séparer et à présent, les deux adolescents se voyaient déjà une semaine chez maman, une semaine chez papa. Cela aurait été le meilleur des cas. Ce soir-là, Alejandro avait pris sa petite soeur dans ses bras et ils s'étaient endormi dans le canapé après une longue discussion. Si ils avaient émis des hypothèses sur leur avenir, ils n'avaient pourtant pas imaginé la suite. En effet, Brooklyn avait décidé de retourner chez elle dans le Massachusetts, emmenant avec elle Celia et Alejandro. Ils viendraient voir Milo pendant les vacances scolaires. Tel avait été l'arrangement des deux parents. Bien entendu, ils n'avaient pas demandé l'avis aux enfants. De toute façon, à 17 ans, Alejandro ne pouvait rien faire que de suivre à contre coeur sa maman vers un pays dont il ne connaissait rien. Encore heureux que sa mère lui parlait anglais depuis qu'il était petit, le problème de la langue ne se poserait donc pas. Mais vivre en Amérique, ce n'était pas du tout pareil que de vivre en Italie. Alejandro eu un mal fou à s'adapter au pays. Il se renferma donc dans ses études. A 19 ans, il eut son bac. Cette année-là, il s'inscrivit à Harvard choisissant un double cursus: médecine en majeur et langues étrangères en mineur. Son dossier fut accepté et le jeune homme commença sa vie universitaire. Pour le meilleur et pour le pire.