PAOLO O'SHEA › Casey Deidrick

Le 22 avril 1992, la famille O’Shea attendait deux heureux événements. Vincent et moi, Paolo. Je suis arrivé 7 minutes après mon frère, ce qui fait de moi le cadet des jumeaux. Dès les premiers instants, même si on ne savait pas encore quelle serais notre vie, j’étais connecté à mon frère. Dès que l’un se mettait à pleurer, l’autre suivait quasiment instantanément. Du moins, ce sont les souvenirs que ma mère m’a souvent racontés. Il parait qu’on était tellement fusionnel que même dans les berceaux, on était toujours à la recherche de l’autre. Et je peux confirmer que ce souvenir est vrai. J’ai le souvenir de toujours avoir besoin de mon frère. Du plus loin de mes souvenirs, mon frère a sa place, son importance. Il n’y a pas un souvenir ou il n’existe pas.

Entre nous deux, j’ai toujours été le plus sauvage. Très vite, je me suis montré comme le petit démon, l’enfant turbulent qui fait des caprices, qui pousse des cris et exerce une sorte de chantage pour réussir à ses fins. À écouter ma mère, je tiens cela de mon père. Même si j’aurais aimé être différent, à ce moment-là, je n’avais pas encore à maturité de me contrôler, ni de savoir ce qui était bien ou mal.

J’ai toujours été le jumeau turbulent, celui qui ne peut s’empêcher de faire des bêtises, entrainant Vincent dans des situations ou c’était souvent lui qui prenait la punition. Je ne sais pas si mon père avait tendance à toujours croire que c’était lui le vilain dans l’histoire, ou si je me sortais des situations par des pirouettes verbales. En-tout-cas, j’ai malheureusement fait punir un grand nombre de fois mon frère jumeau. Que ce soient de petites ou plus grosses bêtises, Vincent était le coupable idéal et il a toujours été là pour me protéger. J’ai peut-être abusé de sa gentillesse, de sa protection qui était naturelle chez lui. Mais à cette époque, je n’étais pas capable de voir le mal que je pouvais lui faire en agissant de la sorte.

Même quand notre petit frère est venu au monde, alors qu’on avait 6 ans, Vincent était toujours là pour me protéger. Cependant, son attention était tournée vers Tullio, ce qui me rendait jaloux. Je ne l’ai jamais dit, mais ma mère l’a vite compris. J’étais jaloux de mon jeune frère, car je devais partager avec lui mon jumeau. Je crois que j’ai toujours été possessif envers Vincent, et même à l’âge de 6 ans, j’ai vite montré de la jalousie, de la possessivité. D’après un psychologue que j’ai consulté bien plus grand, j’aurais été un adolescent turbulent à cause de ses sentiments. Mais moi, la seule chose que je pouvais dire, c’est que j’aimais mon jeune frère, mais effectivement voir Vincent s’en occuper avec tellement de tendresse, ne me laisser pas indifférent.

Et ce fut la même chose quand Khol, un cousin, qui venait très souvent à la maison. Il était comme mon second petit frère, mais j’étais tout aussi jaloux. Jaloux mais pas méchant. Je ne les ai pas rejetés, mais je cachais et montrais ce trouble émotionnel en faisant de plus en plus de bêtise. À cette époque, je ne supportais pas l’autorité de mes parents. Surtout celle de mon père. Je n'ai pas cherché à comprendre à cette époque, pourquoi dès qu’il me lançait un regard, je me braquais. La plupart du temps, je me mettais vite en colère, je le provoquais et je voulais prouver que j’étais le meilleur. Meilleur que lui, meilleur que mon frère, ou que la terre entière. J’étais encore qu’un gamin, mais j’avais un tempérament de feu, ce qui provoquait souvent des disputes. S'il y a un enfant que ma mère aurait sûrement voulu autrement, c’est moi. J’étais aimé, mais je n’étais pas l’enfant le plus facile, le plus docile.  

Que ce soit à l’école, ou envers la famille, j’étais comme une pile électrique, il me fallait me distinguer, montrer que j’étais là. L’amour de mes parents, de mes frères aurait dû me rassurer, me réconforter, mais à croire que ça me plaisait à jouer les bad boys. J’étais le pro des petits délits en tout genre. C’était plus amusant de voler des bonbons que d’étudier. Contrairement à moi, Vincent était studieux et calme. Alors que moi, je trouvais l'école ennuyeux. Je refusais d'étudier, je ne faisais aucun devoir et pourtant je connaissais les cours par coeur. Cependant j'ai caché ce détail, c'était plus amusant de ne rien faire. Ou au contraire, de faire le pitre en classe et faire rire les filles.  

Bizarrement, j’ai souvent entraîné Vincent dans mes bêtises, mais jamais mes autres frères. J’ai vite considéré Khol comme un frère, et tout comme Tullio, il avait sa place dans ma vie, mais je n’avais pas la même complicité qu’avec mon jumeau. On m’a expliqué que j’étais sûrement le jumeau “toxique”, celui qui empêchait l’autre de vivre librement, mais je ne l’ai compris que bien des années plus tard.  

Et pourtant, tout a changé lors de l’adolescence. À cette période, j’ai découvert ma sexualité, et j’ai vite compris que je n’étais pas forcément dans les “normes”. Je me suis laissé porter par la curiosité et j’ai découvert à quelques semaines d’écart, le plaisir avec une fille de ma classe et avec un garçon du même club de sport que moi. À cette époque, il faut dire que j’avais du succès autant auprès des filles que des garçons. J’étais vu comme un “mauvais garçon” et il faut croire que cela plaît plus qu’autre chose. Durant deux ans, j’ai varié les plaisirs, sans chercher à savoir si l’un me plaisait plus que l’autre. Je n’avais pas de sentiment pour ceux et celles avec qui je passais un moment intime, et pourtant, il y avait bien quelqu’un qui m’attirait. Je crois que c’est la seule fois où mon cœur est tombé amoureux. Je ne sais pas si c’était un amour d’adolescent, mais j’étais trop “timide” pour aller le voir. Personne ne savait que j’étais amoureux. Je crois que lui non plus ne le savait pas. Car oui, il s’agissait d’un garçon. Gabriel, c’est son prénom. Ce garçon, j’avais tendance à le chahuter, à le provoquer, car il était l’intello de ma classe. Mais il était terriblement sexy avec ses lunettes. J’ai passé deux ans par l’observer discrètement, à me moquer de lui, à le titiller sans raison. On pourrait parler de “harcèlement ”, car c’était bien de cela qu’il s’agissait. Mais à cette époque, je ne savais pas vraiment ce que je faisais. Pour moi, je cherchais juste à attirer son attention. Je l’isolais des autres, pour qu’il ne soit qu’à moi, qu’il ne parle qu’à moi… Même si niveau conversation, ce n’était pas évident, car il rougissait dès que je m’approchais de lui, et je n’étais pas insensible à cela.

Jusqu’au jour où le professeur décide de nous mettre en duo pour un exposé. Lui l’intello et moi le cancre de la classe, c’était le duo improbable, mais d’après le professeur, lui et moi, étaient fait pour se compléter et ils voyaient en nous, le moyen de faire quelque chose d’exceptionnel. Même si Gabriel a vite émis le souhait de changer de binôme, le professeur était sûr de lui. Quant à moi, j’étais heureux intérieurement, si bien que j’ai joué à l’indifférent devant tout le monde. Mais je n’avais pas prévu que cet exposé allé nous rapprocher. On se retrouve à la bibliothèque pour travailler mais je n’arrive pas à me concentrer, je suis trop turbulent à tel point qu’on se fait exclure du lieu. Du coup, il m’entraîne chez lui. Ou alors, je lui impose de m’y emmener, je ne sais plus trop. Mais une chose est sûre, je me suis vite retrouvé seul avec lui, dans sa chambre. Et si j’étais vu comme “méchant” avec lui quand on est en cours, chez lui, j'étais totalement différent. Je suis plus calme, plus studieux et la communication passe sans soucis. Gabriel est plus détendu, moins stresser et je ne sais pas pourquoi je me retrouve à l’embrasser.  

Un baiser qu’il n’avait pas prévu et qui ne semble pas lui avoir déplus. Si bien que cela reste un secret entre nous, car même si on n’en parlait pas, on avait recommencé cela dès le lendemain, puis le surlendemain… Bref, il ne me repoussait pas et petit à petit, mes mains se font tactiles, curieuses mais jamais on a parlé de sentiment, jamais il n’a osé me demander pourquoi je faisais cela. Et avec le temps, je me demande s’il ne se laissait pas faire par peur. Avait-il, si peur de moi ? Je ne le serais jamais.

Mais un jour, alors que je suis complètement collé à lui, à l’embrasser et le caresser, voilà que son grand frère fait irruption dans la chambre. Ce moment privé, intime, nous a été volé. Et si j’étais le genre de garçon turbulent, face à son grand frère, je ne faisais pas le poids. Si bien qu’il me met dehors en me hurlant dessus. Je pensais m’expliquer avec Gabriel, pour m'excuser, mais le lendemain, il n’est pas venu en classe. Ni les jours suivants. Je n’ai pas cherché à comprendre, une semaine plus tard, je me suis rendu chez lui et il n’était plus là. J’ignore pourquoi, si c’était de ma faute, mais il avait soudainement déménagé, d’après ce que les voisins m’ont dit. Je n’ai plus jamais eu l’occasion de le revoir, de lui dire ce que je ressentais.  

Quant à moi, j’étais totalement perdu. Je n’avais plus de binôme pour l’exposé, mais était ce vraiment le problème ? Non, je m’en foutais de cet exposé, c’était Gabriel qui me rendait fou. Disparaitre si soudainement, je n’ai pas compris et j’ai eu beau le chercher dans le quartier, à me renseigner auprès des professeurs, de ses voisins, je n’ai jamais eu de réponse.

On pourrait croire que j’allais vite l’oublier, mais ce n’était pas le cas. Je me mets soudainement à refuser le contacte d’autre personne, garçon ou fille, je n’y arrive pas. Je ne pense qu’à Gabriel et c’est lui que je veux.  

Cependant, les années ont passé, et si je me suis laissés aller dans les bras de filles, de femme, je n’ai plus jamais touché le corps d’un homme. Je ne cherche pas pourquoi, mais je reste fermé aux avances masculines, alors que je n’ai aucune difficulté avec celle de femme.  

J’ai 18 ans quand ma vie dérape. Mon comportement m’a fait avoir une fréquentation peu correcte. Mon père avait beau tout faire pour que je devienne le fils modèle, j’avais pris goût à cette vie de bad boy, à ne pas se prendre la tête, à vivre de façon rock’n’roll. Jusqu’à ce que je me retrouve dans une situation dangereuse. Ce soir-là, je n’avais pas prévu de me retrouver attaché à un pilier d’un immeuble abandonné, à me faire battre par un groupe d’hommes portant des cagoules noires. A la base, j’avais rendez-vous avec la “bomba”, une femme qui était convoitée par beaucoup d’hommes du quartier, mais c’était sur moi qu’elle avait jeté son dévolu et ça me plaisait parfaitement. Sauf que c’était un piège. Je n’ai jamais su pourquoi j’étais dans son viseur, mais au lieu de la retrouver, je me retrouve embarqué dans une fourgonnette, on m’a assommé et à mon réveil, je me retrouve attaché à un pilier. Le premier coup de ceinture fut sans doute le plus difficile, car j’avais autant de l’énergie à revendre et je n'arrêtais pas de bouger, de crier. ais comme tout être humain, j'ai mes limites et j'ai vite céder face à la douleur. Mon dos était en sang, chaque coup était terrible si bien que je n'avais plus de force de crier.  Et quand la douleur m’a fait perdre connaissance, c’est à l’hôpital que j’ai repris connaissance.  

Les coups portés m’ont fait perdre connaissance et j’ai même encore à ce jour, des souvenirs flous. Ce que je sais, c’est que mon père a caché ce qui m’étais arrivé aux yeux de mes frères, et de ma mère, qui a cru que j’étais partie quelques jours chez un ami. Mais la réalité est tout autre. D'ailleurs mon père a vite gérer la situation, je n'ai jamais eu affaire à la police, mais il m'a fait comprendre qu'il avait régler l'affaire. Je n'avais plus qu'une chose à faire : oublier. Mais c'est impossible d'oublier une tels chose. Je suis traumatisé par ce qui m’est arrivé, et mon corps en porte les marques. Des cicatrices qui ont mis quelques semaines à guérir, mais sous ordre de mon père, je l’ai caché. Et je le cache toujours. Mes frères ignorent dans quel état se trouve mon dos, je ne me suis, plus jamais, montré torse nu et je n’ai jamais parlé de ce que j’ai subi. Si bien que même aujourd’hui, je garde les détails pour moi.  

Par contre, si même mon jumeau ignore ce que j’ai vécu, mon père profite de la situation pour faire de moi ce qu’il veut. Je ne suis plus le même, si bien que je vois un thérapeute toutes les semaines et malgré cela, mon côté rebelle semble avoir disparu. Ce thérapeute a vite compris que mon comportement, passé n’était pas anodin et que si j’étais si turbulent, c’est que j'ai un QI plus élevé que la moyenne, à la limite d’être HPI. Jamais on n’aurait pu le deviner, car je comblais l’ennui que je ressentais en faisant des bêtises, en faisant l’idiot. J’ai toujours caché la frustration que je ressentais en jouant l’imbécile et il semblerait que je sois un bon acteur. J’ai passé la majeure partie de ma vie à m’amuser, à faire le Bad boy alors que j’avais les capacités de faire bien plus. C’est d’ailleurs pour cela que quand j’ai repris les études, il ne m’a pas fallu longtemps pour rattraper le niveau qu’on attendait de moi.

Même si je suis encore un homme qui a du tempérament, mais je suis rentré dans le droit chemin. Je ne repousse pas les exigences de mon père, au contraire, je dépasse ses attentes et deviens très vite son égale dans l’entreprise familiale. Il me forme comme son successeur, du moins, il semble aimé avoir un fils qui est capable de reprendre l’entreprise comme il le voudrait. Et j’avoue que cela ne me déplaît pas. J’ai un train de vite assez luxueux, j’enchaîne les conquêtes sans me prendre la tête, même si là-dessus, mon père voudrait me voir marié et avoir des enfants, lui offrir un héritier, mais je n’en suis pas encore là.  

Quand j’ai 21 ans, on m’a annoncé que ma mère était atteinte de la maladie d’Alzheimer, j’ai décidé de garder cela secret, du moins pour mon jumeau. Tullio était témoin de la déchéance de notre mère et c’était très dur pour lui, mais je ne voulais pas que mon frère Vincent voie sa vie impacter et je l’ai tenue loin de la réalité, sûrement parce que je voulais le laisser vivre sa vie, sans avoir le poids de la maladie qui va nous voler notre mère. Car petit à petit, la femme belle et forte qui nous avait élevées, disparaît. Petit à petit, elle ne nous reconnaît pas et quand mon père décide de la placer, j’ai vite compris que ça l’arrangeait lui. Il ne pensait qu’à s’amuser avec ses conquêtes du moment.  

Mais voilà que Vincent apprend pour notre mère et il m’en veut. Je peux le comprendre, mais je ne lui explique pas pourquoi j’ai voulu le garder éloigné. Ce n’était pas égoïste de ma part, je voulais simplement le protéger, le laisser vivre dans le bonheur de sa nouvelle vie. Cependant, il ne me comprend pas, il est fâché contre moi et je perds tout contact avec lui.

Cela fait deux ans que je suis venu à Boston, je partage ma vie entre l’Italie et cette ville qui m’a rapproché de mes frères. Cependant, je ne suis pas là-bas pour eux, car ma vie à leurs côtés est compliquée, surtout pour Vincent qui m’a effacé de sa vie jusqu'à peu. Mais je suis désormais le PDG d'O’Shea Pharmaceutical, et même si mon père reste celui qui a tout pouvoir, il a confiance en moi et me laisse gérer la branche américaine.