Cover me with sunshine
Le besoin de peindre s’est fait ressentir, celui de faire quelque chose d’important, de profond, significatif. Pour lui. Il se fiche bien que d’autres pourront ou non la voir cette toile, se fiche que d’autres sachent l’apprécier, il avait besoin de peindre pour lui, plus que jamais. Dans sa tête, l’esquisse est déjà faite, la composition, le choix des couleurs. Tout est déjà pensé, déjà peint, si ce n’est un visage, toujours flou, malgré les traits qu’il s’est efforcé d’apprendre par coeur. Impossible à peindre de tête sans mêler ces traits à ceux d’une autre personne, tant la ressemblance est frappante. Pinceaux délaissés, il cherche parmi les rares photos qu’il possède l’expression parfaite, celle qui le réconfortera quand il regardera le tableau. Qui les réconfortera. Il espère secrètement toucher cinq autres personnes, leurs rappeler les liens qui les unissent, mis à mal depuis plusieurs mois. Il ne s’est jamais demandé ce qu’il se passerait s’ils venaient à être rompu, n’a jamais vraiment imaginé le futur sans l’un d’entre eux, même si les traumatismes passés avaient poussé à envisager l’inenvisageable. Mais la répétition des mêmes disputes fragilise sa confiance, ses certitudes. Et si… Ne pas y penser, c’est bien pour cette raison qu’il peint, pour cette raison qu’il cherche un exutoire. Mais pour cela, il lui manque une photo.
Photo parfaite qui n’existe pas parmi les affaires de cette ancienne vie qu’il traîne depuis des années, ces petites choses d’une lointaine époque dont il n’arrivera jamais à se débarrasser malgré l’absence de fonction de ces objets maintenant. Il referme la boîte et la glisse sous son lit, regarde l’heure pour connaître les options qui se présentent à lui. La possibilité de faire un aller retour dans un autre appartement chercher ce qu’il désire est envisageable, mais le risque de tomber sur quelqu’un qu’il ne voudrait voir après la terrible embrouille de la veille le tente moins. Réflexion de quelques secondes, parce qu’il devra bien y aller un jour et que le risque ne diminuera jamais, il quitte sa chambre, rassemble clés et téléphone pour quitter la coterie Lyssandre. Le chemin jusqu’à chez lui- chez son père plus précisément mais chez lui quand même- n’est pas long, pas assez pour lui permettre de penser à quoi que ce soit qu'aux paroles des musiques qui se jouent à fond dans ses oreilles. Arrivé devant l’appartement familial, il sonne, même s’il se doute que l’intérieur est vide. Confirmé après plusieurs minutes à attendre devant la porte. Il prend donc ses clés pour l’ouvrir, se glisse à l’intérieur et se sert à boire avec de fouiller les albums photos rangés dans les placards, comme s’il était le véritable habitant des lieux.
(Lyssandre Wayne)
I'm scared
I've never fallen from quite this high, fallin' into your ocean eyes.