Son rire léger et sa tentative de ramener de la légèreté à la conversation me font sourire à mon tour. C’est toujours comme ça avec elle, une sorte de jeu entre le sérieux et la plaisanterie, un équilibre fragile mais solide en même temps. Quand elle évoque le bowling, je me rends compte qu’elle essaie de détourner l’attention, peut-être pour ne pas trop s’attarder sur ce moment un peu plus intime que je viens de créer. Et je respecte ça. Parce que moi aussi, parfois, je me demande où tout cela pourrait nous mener, et je préfère ne pas trop y penser non plus. Notre profonde amitié me suffit, ma vie est déjà bien trop compliquée pour en rajouter d’avantage.
« Oh, je suis prêt, » je réponds avec une pointe de défi dans la voix. « Rouillée ou pas, je compte bien te mettre la pâtée. » J'accompagne mes mots d'un sourire espiègle. C'est ce qu'on fait toujours, transformer les moments de tension en quelque chose de plus léger. Et ça marche. La complicité reprend immédiatement sa place, comme un vieux réflexe entre nous.
Je la regarde prendre une gorgée de sa boisson, ses mots résonnant encore dans mon esprit. Elle aussi a cette manière de dire les choses qui reste en suspens, comme si chaque phrase pouvait porter plus de sens qu'il n’y paraît. « Peu importe ce qu'il se passe... » C’est la vérité, et c’est peut-être ce qui me rassure le plus dans notre relation. Mais cette frontière, je la ressens de plus en plus, et parfois je me demande si je la franchirai un jour.
Essayant de me concentrer sur l’instant présent, sur ce moment simple que je partage avec elle. C’est facile de s’enfoncer dans des réflexions trop profondes, de se demander ce que tout cela pourrait devenir. Mais pour l’instant, je me dis que ce qu’on a, c’est déjà suffisant. Une amitié comme la nôtre, c’est rare. Je ne veux pas risquer de la perdre pour des questions auxquelles je ne suis même pas sûr de vouloir répondre.
« Alors c’est un deal, » je dis en hochant la tête. « Bowling ce week-end, et je te préviens, je vais me donner à fond. Prépare-toi à perdre. » Je lance cette phrase avec un sourire, sentant déjà la légèreté revenir dans l’air entre nous. « Si je gagne tu m’invite a dîner et si tu gagne et bien …. tu me donne un gage ? »
Je repose mon verre et croise son regard. Ce sourire, cette complicité, c’est tout ce dont j’ai besoin pour l’instant. « On va passer un bon moment, je le sens, » je lui dis d’une voix douce. « Et qui sait, peut-être que tu arriveras à marquer quelques strikes après tout. »
Je la taquine légèrement, mais au fond, je suis juste heureux de partager ces moments simples avec elle. Parce qu’au-delà de tout ce qu’on pourrait se poser comme question, ce sont ces instants qui comptent vraiment. Des moments où on se comprend sans avoir besoin de tout expliquer, où on peut être nous-mêmes, sans pression.
(Ian Beaumont)