total eclipse of the heart | parkell

L’esprit encore embué. Elle n’a toujours pas une pleine conscience de ce qu’il s’est passé. De la tournure de cette soirée. Du pourquoi. Du comment. Il y a quelques heures, tout se passait bien. Hier, aujourd'hui, la fête battait son plein. Et à présent ça se bouscule dans sa mémoire. Les événements s’entrechoquent dans tous les sens. Elle n’est même plus certaine d’avoir été présente. D’y avoir assisté. En fait, elle se demande même si c’est à elle que la question a été posée. Si l’énervement, la déception d’Andrew étaient vrais. Elle était comme spectatrice de l’instant, et elle s’est vue, partir en courant. Elle s’est regardé quitter la réception, ne pas savoir où aller, pleurer parce que la neige avait envahi tout Boston. Détrempée faute de marcher sans savoir où elle allait.

Elle a attrapé le premier taxi, elle a balancé son adresse comme terre d’asile, à vouloir qu’il soit son exil. Elle ne s’est pas demandé une seule seconde s’il serait chez lui. Ce qu’il penserait à la voir débarquer en pleine nuit. La dernière de l’année. Au moins, ça, c’est une certitude dont elle ne peut pas douter. Elle s’est égarée quelque part au milieu de la Saint-Sylvestre et du Jour de l’an. Et elle débarque chez son ancien amant.

Alors elle remercie le ciel pour celui ou celle qui a abîmé la porte donnant l’accès à son bâtiment, quittant ses escarpins, le tenant dans sa main, elle grimpe les trois étages sans même avoir pris le temps de tester l’ascenseur, et face à son appartement, elle sent tambouriner son cœur, à l’intérieur. C’est de la même manière qu’elle le fait avec son point contre le bois, espérant le tirer de son sommeil et qu’il ne soit pas ailleurs. Dans une fête pour célébrer la nouvelle année, ou pire, en train de travailler. Et quand le verrou se fait entendre, elle est au moins certaine d’une chose, lorsqu’elle le verra, elle se jettera dans ses bras.

A l’orée d’un nouvel an, le géant a souhaité se terrer, encore plus associable que d’accoutumée. Porté par l’amertume de ce que peut représenter cette fête de fin d’année, le seul effort qu’il a fait fut d’appuyer sur un texto impersonnel trouvé sur le net à la dernière minute, le texte qu’un parfait inconnu avait laissé à la disposition de tous. Son devoir fait envers ses parents, il était alors parti se coucher pour tenter d’éluder les joyeusetés et les cris des hystériques qui trouvent en cette soirée quelque chose de spécial à fêter. Mais les minutes passant et ne trouvant le sommeil, agacé par les bruits des passants au-dehors en train de fumer sur leur palier entre deux verres sifflés, il s’était relevé pour aller prendre une bière lui aussi et s’installer devant sa télé. C’était une bien mauvaise idée… A l’écran les programmes ont défilé, son doigt pressant lourdement sur le bouton incrémentant les chaines du petit écran sans qu’il ne trouve quelque chose pour animer sa soirée. Même les programmes pour adultes n’ont su lui changer les idées, sa main posée fixement sur son entrejambe sans pour autant vouloir s’y adonner. Un soupir, c’est tout ce qu’il a pu exprimer devant les cris lascifs venus raisonner dans son salon, le regard porté sur les lumières de la ville au travers de sa vitre avant d’entendre frapper.

Rapidement son pouce a muté les ébats, refermant sa robe de chambre pour se redresser et aller ouvrir, agacé d’avoir été dérangé alors qu’il était loin de finaliser, n’ayant même pas commencé. Beaucoup font plus de bruit que lui alors venir l’alpaguer pour si peu le contrarie fortement, oubliant même d’observer par le judas avant de déverrouiller la porte en balançant : « C’était trop fort peut-être. »  Mais ce ne sont pas ses voisins de l’étage inférieur qui patientent sur son paillasson mais une blonde à la chevelure détrempée…
 

Elle a le souffle court, toutes ses pensées emmêlées, lorsqu’il ouvre la porte, pourtant, elle s’attendait à ce qu’il apparaisse, mais elle arrive à en être surprise et réalise que sa présence désirée la soulage autant qu’elle la blesse. Il est le symbole de ce qu’elle a échoué. La raison de sa réaction de ce soir. Le synonyme de la sécurité, la protection mais aussi, et surtout, de l’abandon. Il est celui qui a été et ne sera plus. Ce pourquoi elle est perdue. « C’était trop fort peut-être. » Elle n’a aucune de ce qu’il vient de prononcer, de la signification réelle de ses mots, elle n’a pas le temps de les analyser, parce que lorsque son regard croise le sien, dans son esprit, il ne reste plus qu’une seule et unique idée, l’ayant précédemment effleurée. Celle de la proximité. Ça la percute peut-être un peu trop fort tant, elle désire se tenir au plus près, et elle mettra la faute plus tard sur la détresse de ses émotions.

Alors tous les actes, toutes ses décisions se déroulent avec rapidité incontrôlée. Victime de son désarroi. Cette perdition aussi, elle ne la contrôle pas. Elle baisse la tête, une fraction de seconde, elle se fait hésitante, les mots comme bloqués dans sa gorge, d’une main elle balaie ses boucles humides, et en une expiration, franchit cette distance qui l’insupporte. Deux pas ou trois, hâtive, avant que l’une de ses paumes ne s'accroche à son cou tandis que l’autre caresse sa joue. Un geste qu’elle a fait une centaine de fois, qui provoque son émoi. Et le bleu de ses yeux se perd dans le vert des siens… Et puis, toujours aussi rapidement, c’est sur sa bouche que s’achève son mouvement, un contact violent. Ses lèvres qui rencontrent celle de l’homme qu’elle a autrefois aimé, faisant bouillonner le sang dans ses veines. Un baiser avec lequel elle a la certitude de récupérer de l’oxygène.

Juste sous ses yeux encore las de l’ambiance festive qu’il ne veut partager se présente une femme aux traits éreintés, le maquillage souillé par les gouttes qui sont venues s’y perdre et pourtant ne gâchant rien à sa beauté. Et malgré sa fatigue il comprend bien vite que c’est à pied qu’elle est venue jusqu’ici, se demandant bien pourquoi elle n’a pas pris de taxi, pourquoi elle n’est pas venue le voir au volant de sa propre voiture. Mais aux mots il a toujours préféré le silence et l’observation, scrutant l’air contrarié sa tenue pourtant ben apprêtée, un examen très vite avorté par le premier geste de son ex qui d’une paume, puis d’une autre, vient le trouver. Voilà bien longtemps qu’elle ne l’avait pas ainsi touché, ni même regardé de cette façon-là, perturbé par ce qu’il voit et encore plus une fois qu’elle s’approche pour l’embrasser. Il en oublie celui qui l’a remplacé, profite du moment après une seconde d’incertitude mais finit par se reprendre, le présent les rattrapant. Alors avec douceur il se recule, sa main posée sur celle qui est accrochée à son cou pour délicatement la retirer, ne coupant pas court au contact visuel qu’elle a instauré. « Je. » Elle vient de lui faire perdre totalement ses moyens, encore surpris par cet élan d’affection, essayant de comprendre ses intentions sans en connaitre les raisons.

Toujours est-il que ses doigts gelés l’ont refroidi lui aussi, l’invitant à pénétrer à l’intérieur afin de se réchauffer. Il est gêné et cela se voit à sa façon de se conduire, son visage oscillant entre elle, le couloir et son intérieur avant de grommeler. « Rentre. » Se décalant d'un pas, sa carrure lui libère l'accès tandis qu'il scrute les portes de l’ascenseur puis la cage d'escaliers pour tenter de comprendre ce qui aurait pu à ce point l'alarmer, si personne ne la suit avant de refermer. Et se retournant vers elle, il ne peut rien rajouter de plus parce que c'est à elle de s'expliquer, ses phalanges reverrouillant la porte en lui laissant le temps d’ôter ses vêtements trempés.

 

Presque cinq années se sont écoulées depuis leur dernier baiser. Cinq ans à le comparer aux autres, à rechercher chez Andrew le goût de sa bouche. A vouloir passer à autre chose et l’oublier. Tirer un trait sur cet échec, avec quelques regrets. D’ailleurs, c’est une chose qu’elle pensait avoir faite, depuis le temps, en toute logique, ça devrait être vrai. Elle qui a tant de fois répété qu’elle apprécie leur relation actuelle, telle qu’elle est. Mais quand elle sent qu’il répond à son étreinte, elle n’est plus certaine de rien et se demande où se trouve la vérité.

Elle n’a pas envie d’y mettre un terme, éprouve même le besoin de l’intensifier, de croire qu’il est prêt à l’accepter… Mais même s’il s’était laissé faire, finalement, ce n’est plus le cas. Parce qu’il se recule et à l’intérieur d’Enola, ça se bouscule. « Je. » Inutile d’ignorer la confusion qui règne dans ses yeux, soudainement, elle se sent presque honteuse d’être là. Qu’est-ce que tu fous, Enola ? Retourne chez toi.

Et quand il se contente de prononcer ; « Rentre. » elle, elle ramasse ses escarpins qu’elle avait laissé tomber sur le sol avant de l’embrasser pour franchir sa porte d’entrée. Les chaussures sont délaissées quelques secondes après, tandis que dans son dos, elle l’entend verrouiller, et malgré elle, s’avançant, elle observe son environnement. Ça lui ressemble, elle ne pourrait le nier, c’est brut, tiré à quatre épingles, tout est à sa place, millimétré, comme à l’armée. C’est tout ce qu’elle déteste et à la fois tout ce qu’elle avait appris à adorer. Même ça, ça lui arrache un sourire mélancolique. Ça contraste si fort avec son intrusion bordélique.

Alors elle hésite à retirer sa veste gorgée de neige fondue, mais elle le fait, la délaissant sur un porte manteau si bien qu’elle s’aventure en robe noire de soirée maintenant, dans son appartement. Contrairement à lui, elle n’est venue chez lui qu’en de rares fois parce que c’est différent pour une femme de se rendre chez son ancien amant évidemment, célibataire de surcroît, ce n’est pas correct, quelque chose comme ça. Quand l’inverse pouvait se faire sans faire trop de manières… Puis ses yeux se posent finalement sur l’écran, lui arrachant un sourire farouchement sincère. « J’arrive au bon moment, apparemment. » Une accalmie en plein enfer.

 Il a encore le gout de son rouge à lèvres sur les siennes, en apprécie la texture résiduelle avant de serrer les mâchoires face à l’incompréhension qui le gagne. Et pendant qu’elle se déshabille et commence à errer dans son appartement, du pouce il tente d’effacer les quelques stigmates qu’elle aurait pu laisser, renoue rapidement le cordon de sa robe de chambre dans l’espoir vain de s’essuyer. « J’arrive au bon moment, apparemment. » Il en oublie le chaos qu’elle vient d’installer dans cette trêve qu’ils s’étaient tous deux accordés, ce break qui ne devait être qu’un aller sans retour pour la rejoindre d’un pas lourd. Puis ses mouvements se sont figés lorsqu’il comprit ce sur quoi elle a argumenté, le porno en plein écran qui continue muettement de jouer. Les corps s’entrechoquent sous leurs yeux, se prêtant sans complexe à l’excitation et ça la fait sourire, allège l’embarras de la situation.

Alors après être resté stoïque, ses membres se sont subitement ranimés pour aller chercher la télécommande, fouillant de sa main les différents éléments présents sur la table basse et changer de chaine, en faveur de l’un de ces téléfilms romantiques qui pullulent en cette période de l’année, lui confiant, assuré : « Une insomnie. » Et plutôt que d'avaler des cachets, il a toujours opté pour de l'activité physique afin de se fatiguer. Alors une fois redressé, c'est les mains dans les poches qu'il commence à marcher lentement vers l'ilot où sont rangés les verres, une habitude prise entre eux si bien qu'il n'a même pas besoin de lui demander si elle souhaite en boire un, ajoutant pour l'inviter à se confier sur la raison de sa venue après un énième regard curieux: « Et je doute que tu sois venue pour me regarder faire, » bien que ce ne serait pas une première, ayant partagé son intimité pendant des années avant de se séparer.

 

Son regard reste quelques secondes sur l’écran, songeant au fait qu’elle préfère le troubler dans un plaisir solitaire plutôt qu’avec une véritable partenaire. Au moins, même si elle n’avait pas envisagé cette possibilité, elle est soulagée de voir qu’elle est éloignée de la réalité. Alors si elle conserve son fin sourire, il s’élargit lorsque Jared s’active afin de trouver la télécommande et appuyer sur le bouton désigné, mettant un terme à l’action. « Une insomnie. » il se justifie, et pinçant ses lèvres, la blonde opine, amusée et compréhensive, mais aussi … dubitative.

Parce qu’il parle d’une insomnie alors que c’est le réveillon du jour de l’an, une célébration, normalement, et cette constatation la rend coupable l’espace d’un instant. Elle, elle faisait la fête, il y a encore quelques minutes, dans sa propre réception. La sienne et celle d’Andrew, une soirée où l’homme se tenant face à elle n’était pas invité. Elle ne devrait pas s’en vouloir, c’était normal de ne pas le convier, et pourtant… « Et je doute que tu sois venue pour me regarder faire, » elle en crache un soupir, dissimule le soulagement qu’elle éprouve quant à sa culpabilité, appréciant de l’idée de le regarder, la légèreté.

Comme il a sorti deux verres, elle s’approche, répond à son invitation, et prononce au sujet de la première, « Dommage, » tandis qu’il se retourne afin de récupérer dans son réfrigérateur une bouteille de vin déjà entamée. Après les avoir servis, parce qu’il lui en tend un, naturellement, elle le récupère, elle reste silencieuse avant de le porter à ses lèvres, d’en boire une longue gorgée, à la recherche de la meilleure façon de lui raconter, de s’expliquer. Le problème, c’est qu’elle-même ignore par où commencer. A-t-elle vraiment besoin de détailler ? Peut-être qu’elle ferait mieux de le lui dire, peut-être que ça lui permettra aussi de réaliser… Prendre pleinement conscience de ce qu’il s’est passé.
Ce n’est que lorsque lui aussi commence à boire qu’elle se décide, une tentative de s’accorder le temps de sa boisson en tant que répit, « Andrew m’a demandé de l’épouser. » ce soir, devant toute une assemblée, aux douze coups de minuit, dans un élan de romantisme parfait. Andrew lui a demandé de l’épouser, et elle a cru que son monde venait de s’écrouler, alors c’est chez toi qu’elle est venue se réfugier. Dans tes bras qu’elle s’est jetée. Totalement égarée.

 « Dommage, » le spectacle aurait été dans le thème il est vrai et il en a le sourire mauvais à l’idée d’un plausible flash-back sur leurs jeunes années, lorsqu’elle venait le rejoindre sous la douche lorsqu’il s’astiquait après une longue journée. Les verres sont posés et il entreprend de les remplir de la seule bouteille de vin qu’il possède, millésime qu’elle lui avait conseillé parce qu’il est plus porté sur le malt que les fruits macérés. Et s’il l’avait invitée à s’expliquer, elle tarde néanmoins à lui confier la raison de sa venue, boit une gorgée pour se donner du courage alors qu’il en fait de même, imitant sa gestuelle jusqu’à ce qu’elle lui cède : « Andrew m’a demandé de l’épouser. »

Le verre est posé dans un silence lourd de sens avant de souffler, pensif quant à l’avenir qui se dévoile enfin. « Et tu es venue ici. »  Là, il ne comprend plus vraiment sa logique parce qu’un mariage était de toute évidence ce à quoi elle pouvait s’attendre, l’évolution naturelle de sa relation avec le chirurgien. Au lieu de se réjouir, elle a parcouru la ville pour se présenter sur son palier et …. Alors sans le lui reproposer, sans que les verres ne soient complètement évidés, de sa paume il les a de nouveau reremplis plus que nécessaire. Le vice le pousserait à lui demander ce qu’elle lui a répondu, hésite un instant pour finalement préférer se réjouir faussement pour eux deux. « Aujourd’hui ? »  Pourtant elle ne semble pas réjouie par ce qu’elle vient de lui annoncer, effaçant toute trace de réjouissance de ses traits à lui qui pose le flanc de ses paumes sur le plan en quartz. « Enola. Pourquoi tu es venue ? »  Ce qu’il s’est passé il y a cinq ans entre eux n’est pas censé se reproduire avec lui, elle n'a plus à douter, leur schéma n'est pas une fatalité.
 

Son mutisme la heurte de plein fouet, sans trop savoir ce qu’elle espérait. Elle était sa femme. Ils s’appartenaient. Pour lui, c’est sans réfléchir qu’elle avait signé. Désinvolte et confiante en cet avenir à ses côtés. « Et tu es venue ici. » un murmure qu’elle ne peut ignorer alors qu’il repose son verre, et qu’elle soutient son regard, sans sourciller. Elle croyait que le dire la soulagerait, dédramatiserait la chose, la rendrait plus réelle, aussi c’est vrai. Cependant ça reste dans son esprit encore abstrait. Car ce qui l’a marquée, ce n’est pas la demande en elle-même, c’est l’après. Les paroles qui ont fusé, leur aparté, une fois que les félicitations se sont évaporées.

Tandis qu’il les ressert, c’est à son tour de rester sans mot dire, gênée par sa condition, par son apparence, pour ce qu’elle passe sous silence. « Aujourd’hui ? » L’envie de lui demander si ça possède une véritable importance, mais elle n’en fait rien, approuve d’un hochement de tête, en revanche. « Enola. » Elle se sent coupable, encore une fois, lorsqu’il prononce son prénom de cette façon-là. « Pourquoi tu es venue ? » Pourtant, jusque-là, elle avait toujours trouvé Jared intelligent, clairvoyant. Elle soupire et c’est cuisant. Il vient en une interrogation de lui prouver le ridicule de son comportement. Si bien qu’elle envisage de se noyer dans son verre, pour oublier, d’ailleurs, à défaut d’une noyade, pour le moment, elle boit une autre gorgée. « J’ai pas… » qu’elle s’essaie après avoir avalé, sauf que les mots arrivent dans sa bouche pêle-mêle, un casse-tête qu’elle trouve difficile à délier.

Elle pose le verre, encline à la nervosité, fixe le sol de ses yeux lorsqu’elle tente de réflexionner, et baragouine pour elle, allant jusqu’à se croire aliénée, « Pourquoi je suis là, je l’embrasse et il me demande pourquoi je suis là. » C’est encore plus lunaire que la demande en mariage, n’est-ce pas ? Pour elle, on ne faisait pas plus clair.
Et quand elle relève l’azur de son regard pour trouver le sien, ça la blesse tellement c’est limpide. Ils n’empruntent plus le même chemin. N’ont plus une longueur d’ondes identique. Alors elle ressasse les paroles d’Andrew, se met à rire à la force de ses nerfs qui lâchent tant elle trouve la situation ridiculement comique. « Bonne année, Jared. » T’as raison, elle n’a rien à faire chez toi.

Les deux poings sur l’ilot il attend la révélation de l’instant jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus garder pour elle ses pensées embrouillées. « Pourquoi je suis là, je l’embrasse et il me demande pourquoi je suis là. » Le vin n’a pourtant pas eu le temps d’agir sur ses humeurs mais puisqu’elle se montre brusquement volubile, autant qu’il reste en retrait, accoudé sur son plan de travail à la regarder batailler avec ses propres démons, le regard plongé dans le verre qu’elle peine à terminer.  Mais lorsqu’elle retrouve ses esprits pour le dévisager, c’est un autre sermon qu’elle lui crache au premier regard échangé. « Bonne année, Jared. » Les choses sont claires sans l’être, les raisons de sa venue toujours aussi confuses mais elle a amorcé son départ en seulement deux mots.
Alors la paume sur son verre pour en boire une autre gorgée, il met un terme à ses élucubrations nocturnes. « Tu n’iras nulle part. » Pas sans lui, pas sans être raccompagnée, plus maintenant qu’elle est complètement détrempée. Bien qu’il n’ait plus aucun droit sur elle, que leurs histoires ne soient plus que du passé, il n’en reste pas moins épris d’une profonde affection et se sent responsable d’elle, son obligé à présent qu’elle a passé son palier. « Je n’ai pas le droit de te le demander, »  mais la question de savoir ce qu’il s’est passé réellement après çà le démange au point d’hésiter, ouvrant sa main pour étayer. « Alors soit je te ramène, soit… »  Ses lèvres marquent un temps d’arrêt à l’idée qu’elle puisse se reposer ici chez lui, le temps de réfléchir, de trouver une façon de se retourner si la réponse avait été négative et sans craindre de voir son conjoint débarquer. « Soit je prends le canapé, »  pendant qu’elle pourra songer avec suffisamment de recul à comment réagir à cette demande qui devait finir par arriver.