murphy's law ─ Carla & Ace

Dernier jour avant la reprise du travail. Un dernier jour durant lequel Ace allait rendre justement visite à un de ses collègues, pour un anniversaire rapide, juste histoire de passer. Après un après midi sportif à courir le long de la Charles river, c'était dans cette résidence du centre ville dans laquelle il s'engouffrait. Un vieux bâtiment qui ne cracherait pas sur quelques rénovations, mais plaisait pour son charme ancien aussi ─ mais pas Ace, qui le trouvait franchement moche. Casquette sur le crâne, débardeur noir respirant et jogging sombre, il portait simplement sur son épaule un sac à dos noir et avait le nez baissé sur son téléphone, à lire ses messages alors qu'il suivait sans s'en rendre compte une jeune femme brune. Tous deux attendirent l'ascenseur, et lorsque les portes de ce dernier s'ouvrirent, Ace y entra en deuxième, avant de relever rapidement le regard pour presser le bouton du septième étage sur les treize disponibles. Il n'avait toujours pas lancé un regard à la jeune femme, trop occupé à pianoter sur son téléphone, jusqu'à ce que d'un coup... tout s'arrête, et la lumière s'éteigne, passant ensuite sur l'éclairage d'urgence. Pas de secousse, pas de bruit suspect, juste, tout s'était arrêté. Ace releva le nez et regarda autour de lui, curieux. Sa main se tendit automatiquement sur le bouton d'urgence, mais aucun bruit ne leur parvenait de l'autre côté. Il appuya plusieurs fois ; toujours rien. « Panne de courant généralisée on dirait bien... » Il soupira fortement ; tout le bâtiment, et peut-être le quartier complet, devait être sans électricité alors.

L'agacement de la femme dans son dos était largement compréhensible, et très honnêtement, partagé. Il répondit à son soupir par un autre et leva le nez pour observer la situation, mais ils ne savaient même pas avec précision à quel état ils se trouvaient. Il chercha la caméra de surveillance, mais rien n'indiquait si elle fonctionnait ou pas. Bon, au moins, c'est ascenseur ne risquait pas de se casser la gueule comme le précédent, car la panne n'était pas relative au mécanisme de l'ascenseur lui-même. Tout en parlant, Ace se retournait. « Y'a pas grand chose à faire d'toute façon, l'mieux qu'on puisse... » Retourné, il fronça les sourcils, coupé dans sa phrase alors qu'il réfléchissait. Ses traits étaient familiers, et après quelques secondes, il la reconnut. « ... tu s'rais pas... Carla ? La fille avec qui j'm'étais perdu en pleine cambrousse un été, pendant une journée kayak ? » Clairement, le moment était pas idéal pour parler du bon vieux temps, mais il fallait avouer que c'était encore plus étrange de se retrouver là avec quelqu'un qu'il n'avait pas vu depuis un bon bout de temps.

La dénommée Carla le reconnaissait également, et lâchait un rire nerveux avec un commentaire qui le fit légèrement grimacer et froncer les sourcils. « J'te retourne le compliment, j'vais t'éviter comme la peste à ce rythme. » Mais il n'y avait aucune animosité dans ses mots, si bien qu'il soupirait et relâchait ses épaules en regardant l'intérieur de l'ascenseur. Qu'importaient les retrouvailles, ils étaient coincés là. Une main passant derrière sa nuque pour la frotter, Ace n'était pas très sûr de ce qu'ils devaient faire, en vérité. « Y'a pas grand chose à faire pour se sortir de là j'crois. Soit on attend les secours, mais si c'est le quartier qui est dans la merde y'a des chances qu'on doive poireauter un moment... » Puis son regard se posa sur les portes de l'ascenseur. Ou plutôt la porte, mais elle semblait bien rangée. « J'peux toujours essayer d'ouvrir la porte mais j'sais pas du tout à quel étage on est. T'as pu voir, avant que ça coupe ? » demandait-il en reposant les yeux sur elle.

Si la troisième fois qu'il rencontre, ils ont toujours autant la poisse, alors oui, Ace l'associera définitivement en tant que personne à ne pas approcher. Pour autant, il compte pas abandonner ou laisser le sort d'acharner sur lui sans se débattre un peu, alors même quand elle lui fait signe de venir s'asseoir pour le rejoindre, il refuse, d'abord parce qu'il veut quand même essayer d'ouvrir les portes. « Raisonnable, ouais sûrement... » Son regard parcourt la porte qu'il observe, tentant de reconnaître son mécanisme, pour savoir s'il est familier avec ou pas. Peut-être, il en est pas sûr. « Après, moi, faut pas m'demander de rester assis à rien faire tant qu'il reste des solutions à essayer. » précise-t-il avant de poser ses doigts sur les bordures de la porte fermée. « Puis bon, quitte à devoir attendre, autant essayer d'sortir... » Il se positionne face à la porte, les doigts accrochés aux bords, et se met à essayer de forcer. D'abord silencieux, serrant juste les dents, ce sont les doigts qui glissent qui le font grogner un coup, mais il y retourne. « Ouvre... toi... saleté... ! » Il tire. Encore. Il grogne, sent les muscles chauffer... et ça bouge. Juste un peu, quelques centimètres, mais c'est la victoire, car la porte se referme pas et Ace lâche brusquement les bords en secouant les doigts. « Putain ! Chiante, cette porte... » Mais ils sont effectivement face à un mur et il soupire bruyamment, face à la déception. Évidemment.

Voir le mur de l'autre côté fait violemment soupirer Ace. Un échec, mais pas un effort perdu songe-t-il, car au moins, il a une réponse à sa question. Ce n'est pas celle qu'il a espéré, mais ça reste une réponse ; de fait, il peut passer à autre chose. Le rire de Carla l'invite à poser les yeux sur elle, mais il ne s'en offusque pas, se doutant que c'est la situation et les nerfs qui la font rire, et qu'il n'y a aucune moquerie. Le nez levé, Ace regarde alors le plafond, écoutant sa question sans trop s'occuper de l'intonation. « Potentiellement... » Potentiellement d'autres solutions. Des bonnes ? Probablement pas. Qui lui plairaient ? Certainement pas. Il connait la terreur que les ascenseurs peuvent générer, et tous les scénarios sordides des films qui hantent les esprits ─ une chance que dans la réalité, ces scénarios ne soient pas réalisables. Mais les gens, eux, souvent, ne le savent pas. Mais... Ace connait aussi les règles de sécurité. Raison pour laquelle il n'ouvre pas davantage les portes, et pourquoi la main sur le plafond, vers ce qui semble être une trappe, ne force qu'à peine sur cette dernière. « Je te ferai pas grimper sur le toit, rassure-toi. » prévient-il. Puis, les deux mains se posant sur la trappe, il cherche comment l'ouvrir, ne trouvant ni poignée ni système de poussée. Les bras retombent alors mollement et il vient vers le fond de l'ascenseur avec un soupir, se posant au sol à côté de la brune. « Bon... au moins avec les portes ouvertes, on devrait avoir un peu d'air et éviter de crever d'chaud en deux-deux. Du coup faut attendre. Patiemment. » Super ; comme si lui et la patience, ça faisait bon ménage.