Si je connaissais l'con qu'a fait sauter l'pont (Haiwee)

Restaurer un pont, c'était quand même d'un autre niveau que de monter des étagères. Cela ne mobilisait pas du tout les mêmes compétences et tu étais en train de le voir de tes propres yeux. Tu avais bien sûr déjà regardé des émissions de rénovation à la télé, notamment sur des châteaux et autres monuments historiques, quand il ne s'agissait pas tout simplement de statues mais de là à le faire dans la réalité, cela faisait une très grosse différence, surtout quand on n'y connaissait rien. Tu essayais toutefois de faire de ton mieux et pour l'instant, agir par mimétisme semblait te réussir. Préparer du mortier était sans doute moins dangereux que de ramasser des citrons dans un verger car dans le second cas, le risque de se prendre un citron sur la tête était bien présent. En parlant de la récolte de citrons, tu avais demandé à Haiwee quelle était l'épreuve qu'elle avait préférée. La deuxième épreuve, qui n'avait pas eu lieu, ne comptait pas, même si cela vous avait permis de constater que l'herbe n'était pas plus verte ailleurs, au contraire, vous aviez l'air de bien vous en sortir en comparaison aux autres équipes où il y avait eu quelques tensions. La réponse de la Adams t'étonna. Elle avait préféré les grottes, là où tu avais dû affronter ta plus grande peur qu'était la claustrophobie. À choisir, tu aurais préféré une chasse aux trésors dans un musée mais vous n'aviez aucun pouvoir de décision sur la programmation. "Je vois. Et qu'est-ce qui t'a plu, dans cette épreuve?" Tu avais besoin de plus de détails pour pouvoir assouvir ta curiosité. Les grottes ce n'était pas du tout ton truc aussi tu l'interrogeais pour avoir son point de vue et par extension un avis différent du tien. Haiwee fit à son tour preuve de curiosité puisqu'elle t'interrogea sur ce que tu étais venu chercher, en Sicile. Tu réfléchis un instant à ce que tu pourrais bien lui répondre. Il est vrai que tu ne t'étais pas étendu plus que ça sur ta vie privée, préférant te concentrer sur des conversations plus légères plutôt que  de te lancer dans de grandes confessions. "Je suis venu pour me retrouver, parce que cela fait un certain temps que je me suis perdu." Tu dis alors, terriblement sincère dans ton propos. Tu avais été tellement tiraillé entre tes différents rôles- prince héritier, père, futur époux - que tu avais laissé de côté tes rêves et tes ambitions pour faire ce que l'on attendait de toi.

"Je vois. Et qu'est-ce qui t'a plu, dans cette épreuve?" D’abord étonnée par sa question, elle lui décoche un regard d’incompréhension. Mais très vite, elle en vient à se souvenir de l’angoisse qu’il avait ressenti à l’intérieur de ladite grotte, alors forcément, ça devient plus clair aux yeux d’Haiwee. Il cherche à comprendre comment elle a pu aimer quand lui a dû prendre sur sa personne pour tenir l’épreuve dans son entièreté. « Tout, en fait. » elle débute son explication, « C’était la première, on se connaissait à peine, il y avait l’adrénaline, l’envie de gagner la compétition, l’inconnu… Oui, tout. » C’était un mélange savant d’émotions. « Disons que c’était plus palpitant que les pizzas et les citrons. » Là, ils avaient tous pété les plombs.

Et chemin se faisant dans la conversation, elle finit par lui demander ce qu’il était venu chercher. Parce qu’il semble réfléchir, marque un temps de silence, elle se dit qu’elle n’aurait pas dû se montrer aussi indiscrète… Puis finalement, il articule, "Je suis venu pour me retrouver, parce que cela fait un certain temps que je me suis perdu." Ça fait sourciller Haiwee, si bien qu’elle ne sait plus réellement ce qu’elle doit faire de l’objet qu’elle tient entre les doigts. Ni même ce qu’elle compte infliger au pont, en réalité. « Tu … » elle veut prendre des pincettes, mais elle est conduite par son caractère des plus honnêtes, « tu m’expliques ? » sincèrement intéressée. Sous le masque de l’héritier, des blagues qu’ils se sont lancés, elle a envie de savoir ce qui peut bien se cacher.

Avec l'ouverture d'esprit qui était la tienne tu écoutais Haiwee qui expliquait ce qu'elle avait apprécié dans cette épreuve. En toute objectivité tu aurais apprécié le jeu si tu n'avais pas été handicapé par ta peur. Un escape game en pleine nature, c'était quand même autre chose que ceux qui étaient organisées dans des salles, entièrement faites de la main de l'homme. Quant au fait que c'était plus palpitant que les pizzas et les citrons, tu ne pouvais qu'approuver. "C'est clair!" Tu t'écrias pour valider son propos. "J'ai trouvé ça un peu répétitif, et tout bien considéré, je pense que j'ai préféré les grottes moi aussi. " Tes mots pouvaient surprendre puisque tes coéquipiers connaissaient ta peur, aussi tu apportas des précisions. "C'est l'épreuve que j'ai préféré parce qu'elle m'a permis de me dépasser. J'ai réussi à affronter mes peurs pour pouvoir aller jusqu'au bout." Et c'était une force, de se dresser contre ses angoisses. La grotte, tu l'avais affrontée, presque avec brio d'ailleurs mais quant à tes angoisses existentielles, cela se passait de commentaires. Pourtant, Haiwee, une fois encore, te demanda d'expliquer. Tu étais en train de boucher les trous dans le mur de pierre à l'aide d'une truelle. "C'est compliqué d'être constamment sous pression." Tu dis finalement, les sourcils froncés par la réflexion. "Essayer de répondre aux attentes des uns et des autres, c'est épuisant, alors que dans le fond, je veux juste être libre." Et c'était cette liberté que tu avais retrouvée, sur cette île à travers quelques instants volés, ballotés dans l'océan de tes responsabilités.

"C'est clair!" Elle lui offre un grand sourire après son approbation bourrée d’entrain, "J'ai trouvé ça un peu répétitif, et tout bien considéré, je pense que j'ai préféré les grottes moi aussi. " Encore une fois, Rainier vient la surprendre du bon côté, comme quoi, a la finalité, ils sont tous les deux sur la même longueur, et ça lui fait plaisir, elle veut bien l’avouer. Renforce son impression qu’ils ont commencé à tisser une amitié. "C'est l'épreuve que j'ai préféré parce qu'elle m'a permis de me dépasser. J'ai réussi à affronter mes peurs pour pouvoir aller jusqu'au bout." Son visage est hoché de façon positive, parce qu’elle comprend, affronter ses peurs peut être si compliqué, va jusqu’à vous glacer le sang, alors même si ça ne vaut pas grand-chose, elle se dit qu’elle est fière de lui. « Tu vois ! » qu’elle prononce toute fière, reprenant du poil de la bête quant au fait de réparer ce fichu mur.

Et l’écoute tandis que son explication débute, "C'est compliqué d'être constamment sous pression." Elle ne peut que l’imaginer, car toute la pression qu’elle a sur les épaules, c’est celle qu’elle se met elle-même pour terminer ses études et obtenir son diplôme. "Essayer de répondre aux attentes des uns et des autres, c'est épuisant, alors que dans le fond, je veux juste être libre." Là, en revanche, elle comprend, parce qu’elle a envoyé valser les espérances de ses parents pour sa liberté et vivre la vie qu’elle désirait. « Et tu ne peux pas choisir de l’être ? » tout simplement. Une vision un peu trop facile, probablement.

À présent que le Summer Camp touchait à sa fin, et que vous avez passé toutes les épreuves il était plus facile d'avoir une vision d'ensemble et de faire un bilan de votre aventure. Sans trop te mouiller, donc, tu pouvais affirmer que tu avais toi aussi préféré les grottes. Bien sûr, tu n'avais pas cessé d'être claustrophobe du jour au lendemain, ça ne disparaîtra pas d'un coup de baguette magique mais tu avais fait preuve de sang froid, tu avais performé et c'était tout ce qui comptait. Si en plus vous n'étiez pas trop mal placés alors c'était du bonus. Tu souris toi aussi, face à l'enthousiasme de Haiwee. Tu étais content de pouvoir partager tes réflexions avec elle, signe que votre relation était, semble-t-il, en train de changer, et dans le bon sens. Tout en essayant tant bien que mal de réparer ce pont, vous étiez en train de discuter de choses plus profondes , comme ce besoin de liberté que tu ressentais plus fort à chaque fois que les chaînes se resserraient autour de toi. Quand elle te demanda si tu ne pouvais pas choisir d'être libre, tout simplement, tu te fendis d'un léger rictus. "C'est un peu l'histoire de ma vie, de me battre pour mener la vie que je souhaite. " Tu dis alors, tout en continuant à reboucher les trous que tu voyais ça et là. "Seulement je ne suis plus tout seul, dans l'histoire, chacun de mes choix ont un impact sur d'autres personnes et je dois réfléchir aux conséquences." Peut-être que tu avais bien trop de scrupules et surtout, que tu n'étais pas assez égoïste pour tout envoyer valser. Toi, tu savais ce que tu voulais au fond de toi. Tu n'étais pas sûr d'avoir envie de te marier, ce qui impliquait de rompre tes fiançailles, voire de rompre tout court. Et maintenant qu'il y avait un  enfant au milieu de ces histoires, tu devais aussi réfléchir en fonction de lui  et ce que tu avais vécu avec tes parents te dissuadait de faire la même chose avec lui. Tu allais sans doute briser quelques cœurs mais en même temps l'amour ne se contrôlait pas, tu ne pouvais pas te forcer à rester dans une relation qui ne te convenait pas, avec quelqu'un que tu n'aimais plus juste pour faire plaisir aux autres. Et c'était cette dernière idée que tu avais tant de mal à assimiler.