Shōgun

Il aurait pu lui proposer n’importe quoi, elle aurait certainement dit oui, pas très compliquée, malgré sa naissance, aimant la simplicité, et puis elle était seulement enjouée par l’idée de passer un moment à ses côtés. Ce voyage en Italie, elle l’apprécie, c’est un côté de la planète qu’elle ne connaissait pas encore, sur lequel elle n’a jamais navigué. Et si elle aurait apprécié une sortie en mer, elle aime tout autant l’idée de se promener dans une plantation de câpriers. Même si c’est probablement la dernière activité qu’elle aurait mise sur sa liste, si on le lui avait demandé.

Après plusieurs minutes de trajet dans un scooter typique, elle se retrouve à l’orée de leur point de rendez-vous, ses pupilles à la recherche de sa silhouette, ses doigts empêchant sa capeline de s’envoler lorsqu’un coup de vent fait vibrer les feuillages… Elle ne contient pas le sourire qui arque les commissures de ses lèvres lorsqu’elle le reconnaît, s’apprête le retrouver, ses pas se font un peu plus rapides pour se glisser, dans son dos, à proximité, l’écoute continuer de baragouiner. « augurami... buona fortuna. » son bégaiement, c’est une invitation de plus à sourire. Même s’il ne faut pas se leurrer, en matière d’italien, elle ne connaît pas plus de mots que lui. « J’espère que tu seras plus doué pour le ramassage. » Une expression de tendresse glissée sur le visage, elle détaille celui de l’homme qui a été, à bien des égards, son alter ego, sa dose de courage.  

Il se retourne et elle note, ses commissures relevées en un arc léger, marquant le contentement qu’il éprouve à la retrouver. Et continue sur sa lancée, dans son italien bancal comme si cela s’approchait de sa véritable langue natale. “ Signora Hart ” l’amusement vient alors marquer les traits de Miya, elle n’est, c’est vrai, pas plus douée que lui pour les langues latines, mais il n’y a rien de bien compliqué à entendre pour le moment. “ è passato... molto tempo. ” Une fois encore, l’idée est comprise, elle n’ira pas le nier, puisqu’il était parti en voyage avant même le début de l’été. Qu’à la partie Japonaise du Summer Camp, elle n’a pas participé. Elle a préféré rechercher le calme, la sérénité. Bosser sur cette collection qu'elle aspire un jour voir devenir vraie.

Puis en Sicile, ils y sont depuis quelques jours déjà, mais elle ne lui tient pas rigueur de ne pas avoir eu le temps avant ça, elle n'est pas sans savoir que si elle se contente de profiter des lieux où ils séjournent, lui, c'est une compétition qu'il s'essaie à gagner. C'est un dépaysement qui lui fait du bien, et elle lui emboîte le pas, l’air de rien. Et en un murmure, elle lui confie, « Mais je ne vous en veux pas, signore Xian, » au moins ce mot-là, elle sait comment l’utiliser, et sur le même rythme que lui, elle marche, à peine réticente à l’idée de dépouiller les câpriers, « ma compagnie ne vaut pas celle d’Haiwee. » Il fut un temps peut-être, mais à présent, c’est différent. Une relation qu’elle admire et respecte.

La vérité c’est qu’elle s’en voudrait un peu de leur voler de leur temps, elle sait combien sont précieux leurs moments. Et elle ne souffre pas de ne pas être au premier plan. Bien au contraire. C’est peut-être pour cela qu’elle aspire à être styliste et non mannequin. Elle veut rester dans l’ombre et voir ses œuvres briller de loin. « Jalousie ? » Pas le moins du monde. Comment pourrait-elle l’être de la femme qui le rend heureux ? Cela fait longtemps, maintenant, qu’elle ne nourrit plus l’espoir de retrouver Sheng quand vient le soir.  

Et tandis qu’ils avancent, il s’arrête, sur ses mots, s’abaisse, « Alors c’est çà… » il semblerait, mais Miyabi ne leur trouve pas un grand intérêt. Même si leur goût est ignoré, elle n’apprécie pas que des fioritures viennent gâcher ses repas. Elle apprécie la simplicité, même pour ça. Lorsqu’on est sur un bateau durant des mois, on n’a pas vraiment le choix. « Tu rentres avant la fin ou tu profites jusqu’au bout ? » L’hésitation est palpable lorsqu’à son tour, elle plie les jambes afin de commencer à ramasser le saint graal de cette journée.

L’une de ses paumes courbée comme une coupe, elle commence à la remplir, « Je ne sais pas encore. » contrairement à lui qui se doit de suivre un programme tout au long du mois, elle, elle est libre, elle a le choix. « Dans l’idée, je profite jusqu’au bout. » elle a réservé son billet de retour en même temps que les autres étudiants. « Mais tu me connais… » elle est capable de partir du jour au lendemain, sans se retourner.