i don't mind falling if it means i get to fly again (Laia & Matt)

A chaque fois que Laia ouvre la bouche, Matteo a l’impression de repartir à zéro dans ses théories. Son discours sur les accidents, visant à la rassurer, n’a plus aucun sens lorsqu’elle lui apprend qu’il s’agissait en fait d’une tentative d'homicide de la part de sa mère. Ses pieds marquent un stop et Matteo se demande s’il a bien entendu. C’est impossible. Aucune mère ne peut en vouloir autant à sa progéniture. Il pense à sa propre mère, à l’inquiétude sur son visage à chaque épreuve qu’il a pu traverser, à son impuissance face au chagrin de Matteo, à tout ce qu’elle a sacrifié pour l’aider lui, Kayla et Cael. Et même si la conversation ne le concerne pas, il réalise à quel point il est chanceux. Si l’argent n’a jamais coulé à flot, qu’ils ont eu du mal à joindre les deux bouts trop souvent, son foyer n’a jamais manqué d’amour et c’est bien le plus important. Son flot de pensées qui dérive vers sa propre situation permet aussi à Laia de se remettre de sa confession, Matteo restant silencieux face à elle alors qu’il intègre difficilement ce qu’elle a traversé. Le jeune homme est à court de mots, parce qu’il n’y a rien qu’il puisse dire ou faire dans une telle situation. Lorsqu’elle reprend la parole, il secoue lentement la tête de gauche à droite, comme pour rejeter les mots de Laia et les détails impensables qu’elle lui fournit sur l’accident, qui en est tout sauf un. La main de Laia vient attraper la sienne, la serrer, et il a au moins le réflexe d’en faire autant lorsqu’elle lève les yeux vers lui. Je ne sais même pas quoi te dire Laia. C’est juste… inimaginable. Il ne peut pas se mettre à sa place, imaginer ce qu’elle endure et la blessure morale qui doit au final être bien plus profonde que les blessures laissées sur sa peau. Est-ce que la police la cherche ? Est-ce qu’ils te surveillent ? Encore sous le choc de ces révélations et incapable de commenter les faits, Matteo se montre pragmatique et préfère la questionner sur sa sécurité au quotidien, comprenant maintenant qu’elle soit terrorisée de mettre le pied dehors. Il finit par lâcher la main de Laia pour venir enrouler ses bras autour de son cou et la serrer contre sa poitrine, en silence. Il n’est rien ni personne pour elle, ne sera certainement pas celui qui la protège d’un quelconque danger, mais l’espace d’un court instant, il souhaite la réconforter et lui faire savoir qu’elle n’est pas seule. Lorsqu’il s’éloigne enfin, Matteo lui adresse un pauvre sourire se voulant rassurant et passe un bras autour de ses épaules. Allez, on rentre. Parce que mine de rien, cette conversation n’a sans doute pas lieu d’être au beau milieu du parc. Tu vas avoir besoin d'une douche, je suis tout transpirant. Il dit avec humour afin de détendre un petit peu l'atmosphère à présent pesante. Il n'y a pas pensé avant de la prendre dans ses bras mais il a peu près certain qu'elle ne lui en tiendra pas rigueur.

Les mots de Matteo, sa réaction, tout cela me frappe d'une manière inattendue. Je m'attendais à de l'incrédulité, à une certaine distance, peut-être même à un peu de pitié. Mais ce que je vois dans ses yeux, c'est un mélange de choc et de compassion sincère, quelque chose de bien plus profond que je ne l'aurais imaginé. Lorsqu'il secoue la tête, comme pour rejeter ce que je viens de lui dire, je sens une étrange douleur se réveiller en moi, comme si, en prononçant ces mots, je les avais rendus encore plus réels. Quand il me prend la main et la serre, je ressens une chaleur qui contraste avec le froid intérieur que je porte depuis l'accident. Ses questions sur la police, sur ma sécurité, me rappellent que Matteo, malgré tout, a toujours eu ce côté protecteur, même si notre histoire n'a jamais été celle d'un couple amoureux. Il s'inquiète pour moi, et ça me touche plus que je ne veux l'admettre. — Ils l'ont cherché pendant un mois et puis ils ont abandonné pensant qu'elle est repartie à Londres. Son visage est dans les gares et les aéroports. Je sens mes mots se perdre alors que Matteo me prend dans ses bras, et c'est à ce moment-là que tout le poids de la situation semble m'échapper. Pour la première fois depuis longtemps, je me laisse aller dans cette étreinte, oubliant pour un instant toutes les barrières que j'ai érigées autour de moi. La chaleur de son corps contre le mien, la manière dont il me serre avec cette force tranquille, me fait réaliser à quel point j'ai été seule dans cette épreuve. Et à quel point j'avais besoin de ce contact, de cette humanité. Quand il s'éloigne enfin, je sens un vide se créer là où il était. Mais son sourire, aussi faible soit-il, me réchauffe. Il essaie de détendre l'atmosphère, et je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour, même si c'est un sourire teinté de tristesse. — Une douche, oui, ce serait bien, surtout pour toi, dis-je avec un léger rire, acceptant son bras autour de mes épaules. Je me surprends à apprécier ce moment, ce simple geste de soutien. Peut-être que cette conversation, aussi inattendue soit-elle, était nécessaire. Peut-être que le simple fait de marcher avec quelqu'un, de sentir sa présence à mes côtés, rend cette épreuve un peu plus supportable. Alors que nous marchons ensemble, je sens un poids se lever légèrement de mes épaules. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est un début. Matteo n'est peut-être pas celui que j'aurais imaginé être là pour moi dans ce moment, mais il est là, et c'est tout ce qui compte. Je n'ai plus envie de fuir, plus envie de me cacher. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens un peu moins seule. — Merci d'être là murmurai-je en marchant à ses côtés, ma voix à peine plus forte qu'un souffle. Et même si je sais que cela ne change rien à la situation, cela change quelque chose en moi.

C’est vrai que durant les mois où ils se sont vus, ils ont très peu évoqué leur situation familiale respective. Matteo a plus ou moins déduit de leurs conversations que c’était compliqué pour Laia mais il n’a jamais cherché à creuser, de peur de la voir lui poser des questions en retour. Il n’a rien à cacher concernant ses parents mais il est difficile de ne pas évoquer Cael et Kayla lorsqu’ils parlent d’eux et tout ce qu’ils ont fait pour lui depuis toujours. Aujourd’hui, il réalise plus que jamais à quel point il est chanceux sur ce point. Sa vie est loin d'être parfaite mais s’il y a une constante, deux personnes sur lesquelles il pourra toujours se reposer, c’est bien son père et sa mère. Il a déjà du mal à imaginer que tout le monde ne puisse pas en dire autant, alors que la mère de Laia a été jusqu’à essayer de la tuer le dépasse complètement. C’est simplement inconcevable, quoi qu’il ait pu se passer entre eux. C’est pas ce que tu penses, toi? Car à sa façon de parler, Laia ne semble pas convaincue que sa mère a à présent quitter le pays, ce qui expliquerait que la jeune femme se sente autant en danger. Sans attendre de réponse, Matteo prend Laia dans ses bras et l’y serre un instant afin qu’elle sache qu’elle n’est pas toute seule, bien qu’il ait brillé par son absence durant cette épreuve. Il ne pouvait pas savoir et en vérité, il ne pense pas être suffisamment stable pour être la personne sur qui elle se repose, mais Matteo peut être cette personne pour quelques minutes. Ouai… J’étais sur la fin de ma course. Ce qui explique qu’il soit aussi transpirant, il a hâte de pouvoir prendre une bonne douche afin de se débarrasser de cette crasse. Il propose malgré tout de la raccompagner, pouvant bien perdre quelques minutes de plus sur sa journée pour s’assurer que la brune rentre à bon port sans faire une nouvelle chute. Les remerciements de Laia lui parviennent dans un murmure et Matteo y répond par une simple pression sur son bras pour lui faire savoir que ce n’est rien. C’est peut-être son côté “papa” qui prend le dessus, cette facette de sa personnalité où il a toujours pris soin des autres avant de prendre soin de lui-même, avant de se retrouver seul et d'apprendre à se mettre en première ligne. Ils marchent en silence un petit temps, avant d’arriver au coin de la rue de Laia qu’il ne connaît que trop bien, pour être venu lui rendre visite à maintes reprises. Essaye de ne pas trop forcer la prochaine fois, j’imagine que ton corps a besoin d’un peu plus de temps pour se remettre. Il dit, bienveillant, même s’il n’y connaît pas grand chose. Il n’est ni médecin, ni coach comme la jeune femme, mais ça ne l’empêche pas de constater qu’elle n’était clairement pas prête aujourd’hui. Ça va aller pour rentrer? Il demande une fois arrivés au pied du bâtiment, retirant le bras qu’il avait jusqu’ici autour des épaules de Laia pour se positionner face à elle. Il aimerait l’enlacer, peut-être même l’embrasser, mais Matteo a été suffisamment clair avec elle il y a quelques mois et ne souhaite pas venir remuer tout ça, alors qu’elle a déjà tant à gérer.

Quand Matteo me prend dans ses bras, une vague de chaleur m’envahit, un mélange de réconfort et de surprise. Il a toujours eu ce côté protecteur, même quand il essayait de se convaincre que notre relation n’était qu’une distraction passagère. Pourtant, aujourd’hui, je ressens quelque chose de différent dans son étreinte, comme s’il comprenait enfin que certaines blessures ne se guérissent pas avec des mots ou des silences. Quand il me demande si je crois vraiment que ma mère a quitté le pays, je reste silencieuse. En vérité, je n’en sais rien. Chaque jour, je me demande où elle est, si elle m’attend quelque part, si elle va revenir pour finir ce qu’elle a commencé. Mais je n’ai aucune preuve. La police, les enquêteurs, tout le monde est à sa recherche, mais chaque jour sans nouvelle me fait sentir un peu plus piégée dans cette peur. Matteo et moi marchons en silence, ce même silence qui nous a souvent accompagné dans nos moments ensemble, sauf que cette fois, il est teinté de quelque chose de plus lourd, plus complexe. Je sens son bras autour de mes épaules, et même si tout ce qui s’est passé entre nous aurait dû rendre ce geste inconfortable, il ne l’est pas. Au contraire, je me sens apaisée, comme si, l’espace d’un instant, je pouvais relâcher un peu la tension constante qui me ronge. Je souris faiblement quand il me conseille de ne pas trop forcer la prochaine fois. C’est un bon conseil, même si je sais que je vais probablement l’ignorer. Forcer est la seule chose que je sais faire en ce moment. Si je ne pousse pas mon corps à ses limites, je ne sais pas comment faire face à tout le reste. — Oui, t’inquiète, ça va aller, répondis-je doucement, en me tournant vers lui une fois devant la porte de mon immeuble. Merci de m’avoir raccompagnée. Je sens un moment d’hésitation, comme s’il voulait faire un geste de plus, mais il reste là, face à moi, me laissant l’espace dont j’ai besoin. Une part de moi aurait peut-être voulu qu’il me serre encore une fois dans ses bras, qu’il m’embrasse comme avant, comme si rien n’avait changé. Mais une autre part sait que ce ne serait pas juste, ni pour lui, ni pour moi. — Prends soin de toi, Matteo, finis-je par dire, cherchant dans ses yeux une sorte de clôture à tout ce que nous venons de partager. Lui offrir la fin qu’il attendait, ce qu’il voulait avant pour nous.