(TW) Temptation • Lion

Dimanche 2 juin. Soirée.

Diagnostic posé. Secret masqué. Cela faisait deux jours que la bombe m'avait éclaté au visage. Cela faisait deux jours que je me cachais derrière un sourire et des mensonges. Cela faisait deux jours que je jouais un rôle pour que personne ne sache que je sombrais un peu trop. Cancer. C'était le mot qui avait été soufflé par le médecin vendredi en fin de journée. Ça s'était mis à sentir mal quand on m'avait demandé de passer plus d'examens que ceux initialement prévus. J'avais prétendu être celui qui avait oublié qu'il y en avait autant face à mon meilleur ami qui m'accompagnait quand, en vérité, je n'étais juste pas au courant. Le diagnostic avait fini par tomber. Cancer du rein. La sentence était là. Pas aussi désastreuse qu'on pourrait le penser, mais réelle quand même. Le cancer était localisé à mon rein gauche et, avec une opération pour retirer le rein cancéreux, je devrai être sorti d'affaire. Face à mon meilleur ami, j'avais soufflé que tout allait bien. Mais, une fois entre les quatre murs de ma chambre d'hôtel, le sanglot avait quitté mes lèvres. Cancer. Quand j'avais pensé que ma rupture m'avait gangrèné, je pensais plus à mon cœur et de façon imagée et non aussi réelle. Dimanche soir. Cela faisait deux jours maintenant que je le savais et que je n'avais rien dit. Ange silencieux. Ange secret. Ange qui ne comptait pas en parler. Ange qui ne voulait pas de la pitié d'autrui. Ange qui allait finir par tout confier à Grayson bien sûr, le seul et l'unique. L'opération était prévue mercredi avant que la convalescence ne se lance. Assis sur un canapé de la boîte de nuit où je m'étais échoué porté par mes pas, je fixais le verre posé sur la table devant moi. Verre d'alcool tentateur pour l'Ange clean et sobre depuis bientôt deux mois. Je désirais tendre la main pour l'attraper et le descendre. Je rêvais de rompre mes efforts simplement dans l'espoir de noyer une vérité désagréable. Pourtant, je ne bougeais pas. Je restais là à fixer ma tentation sans craquer. Je demeurais là à oublier où je me trouvais. Ange baignant dans la solitude. Ange perdu dans sa bulle.

Tentation pesante. Hésitation pulsant. Il serait si aisé de tendre le bras pour descendre le contenu du verre qui se trouvait juste là à quelques mètres de moi. Ce serait si simple de craquer. Cela ne demandait pas le moindre effort. Il n'y avait nullement besoin de concentration pour franchir cette limite. Je n'avais qu'à lâcher prise et me laisser aller. C'était si simple à effectuer. Pourtant, je décidais de prendre l'autre chemin. Je m'engageais sur celui qui était foutrement plus compliqué à prendre. Ne pas bouger me demandait un effort considérable. Ne pas craquer était un combat de chaque seconde. Ne pas replonger était une lutte douloureuse et incessante. Même si une grande partie de mon être ne voulait pas rechuter dans cette spirale, ça restait foutrement compliqué de l'écouter et de m'y tenir. Encore plus avec le diagnostic tombé plus tôt. Encore plus avec l'idée de cette opération qui approchait. Pourquoi me priver alors que je ne savais pas de quoi demain serait fait ? Pourquoi résister alors que tout pouvait s'écrouler ? Ma langue glissait sur mes lèvres. L'hésitation frappait plus fort. Et, soudainement, le verre disparaissait de mon champ de vision. L'alcool salvateur n'était plus à portée de main. Mes prunelles se posaient sur la personne qui venait de chipper mon verre. Je m'attendais à voir un abruti qui se serait trompé ou peut-être Grayson qui viendrait me secourir de mes tourments. Mais non. Mes prunelles claires rencontraient la silhouette de Lion et je ne pouvais m'empêcher de grimacer. Je n'avais pas besoin de ça ce soir. Je n'avais pas besoin de quelqu'un comme lui autour de moi en ce moment. Je savais l'ignorer habituellement. Je savais ne pas être touché par quoi que ce soit venant de lui. Cependant, depuis que j'étais clean et sobre, mon chemin n'avait pas recroisé le sien et je ne savais pas comment ça pouvait se passer. Face à son remerciemment, l'Ange du passé reprenait le dessus soufflant un « Ça te coûtera une pipe. » sans la moindre hésitation. L'attaque était lancée sans même réfléchir. Elle m'échappait alors que, pourtant, je savais que la chasteté s'était invitée dans mon existence. Détournant le regard, je fixais les lieux sans réellement les voir tandis que les tambourinements recommençaient dans la tête. L'envie de me lever chercher un verre frappait violemment. Et je résistais serrant inconsciemment les poings. Lorsque la voix de Lion résonnait, le sourire passait sur les lèvres et le va te faire foutre se formait déjà dans la tête pour répondre. Pourtant, lorsque mon regard se posait sur lui, je soufflais un « Sans doute ouais... » qui manquait clairement de piquant. Ange qui rendait les armes. Ange qui avait perdu de sa superbe. Le soupir passait mes lèvres tandis que je fouillais mes poches tirant un paquet de cigarette. J'en glissais une entre mes lèvres. C'était le seul poison que je m'autorisait encore et j'en avais bien besoin à présent. Allumant la précieuse, je tirais dessus avant de m'enfoncer un peu plus dans le canapé fermant les yeux comme pour oublier tout ce qui me ravageait.

Ange du passé. Bien-être soudain. Le temps de quelques secondes, celui que j'étais avant de mettre fin à mes addiction se pointait. Et, pendant quelques secondes, je me sentais affreusement bien. Tout semblait plus simple lorsque j'étais ce mec. Détaché. Provocateur. Inconscient. Je m'en foutiste. Ouais, putain, la vie avait été bien plus aisée lorsque les addictions rythmaient mon quotidien. Je ne me prenais pas la tête. Je ne réfléchissait pas. Je ne me posais pas de questions. Je vivais tout simplement. Je vivais follement. Je vivais avec excès. Mais, putain, même si j'empoissonnais mon corps et que mes relations ne cessaient de défaillir, j'étais bien dans ce passé. Ce passé qui pourrait revenir si aisément. Il me suffisait de franchir la limite. Il me suffisait de glisser dans ces addictions habituelles. Je n'avais qu'un pas à faire pour glisser de nouveau. Pourtant, je ne le faisais pas. Je restais sage. Je restais à cette place que j'avais peinais à atteindre. Je restais ce nouvel Ange. Ce nouvel Ange qui fixaiy le liquide coulant des lèvres de Lion. La tentation se faisait plus forte un bret instant. J'avais envie de tout envoyer valser. Je voulais me lever et lécher cet alcool qui s'échappait. Je désirais me lever et reprendre ce verre pour le descendre. La réaction du jeune homme me replongeait dans le contexte. Sobre. Clean. Sage. Ou peut-être pas trop sage quand même. En entendant les mots qu'il soufflait, je ne pouvais m'empêcher d'éclater de rire. Le regard rivé sur lui, je rétorquais sans hésiter « Je mérite mieux c'est vrai. Ce serait t'accorder bien trop d'honneur. Et, mon chou, vu ton temps de réponse, ne joue pas le dégouté, je suis sûr que tu en meurs d'envie. Depuis le temps que tu me matesa après tout. » Sourire amusé aux lèvres, je me plaisais à jouer cet Ange que j'étais auparavant. J'aimais ce rôle et j'avais l'espoir de pouvoir l'être à jamais sans risquer de sombrer dans les substances. Là, c'était foutrement compliqué. J'avais envie d'un verre. Les secondes s'écoulaient et l'envie cognait. Intense. Forte. Je prenais sur moi finissant par m'effacer un peu et répliquant avec trop peu de piquant aux mots de l'adversaire du soir. Le soupir m'échappait et la cigarette rejoignait mes lèvres. M'enfonçant dans le canapé, je tirais sur ma précieuse les yeux fermés avec le fol espoir que la solitude reprenne ses droits. Lion n'avait aucune raison de rester là. Et, pourtant, sa voix se faisait de nouveau entendre me poussant à grogner face aux mots. Sans bouger de ma position, je baragouinais un « Je m'en fous. » avant de soupirer. Ouais, je m'en foutais. Je ne voulais pas quitter les lieux. Je ne voulais pas bouger. Rouvrant les yeux, je posais mon regard sur le jeune homme reprenant « Ce serait con de foutre en l'air deux mois sans alcool ni drogue juste parce que tu me dis de rentrer et que la solitude peut me pousser à craquer ce soir. » Ouais, ce soir, me retrouver seul dans ma chambre n'était pas une bonne idée. Pas si je voulais poursuivre dans une direction saine.