the sea and i are long time lovers ✦ esteban

Il avait raison. Sa présence l’avait repoussé vers la colère. La honte également. Elle n’était toutefois pas très rancunière. Il l’avait respecté, c’est tout ce qui comptait. Elle pouvait tourner la page, même si cet incident la ferait rougir lorsqu’elle y repenserait. « Oui, je.. Pardonne moi de m’être emportée à ton encontre. Je suis pas la plus à l’aise avec mon corps » Certes, elle s’était baignée sans un morceau de tissu, mais uniquement car elle était seule. Elle n’avait pas choisi l’option : en public. Elle se posa ensuite sur le sable et se confia à cet inconnu. Elle libéra sa solitude au monde, dans un cri qui aurait pu interrompre la fête qui battait son plein à quelques mètres. Couchée sur le dos, les grains de sable aimantés par l’eau sur ses cheveux, elle tourna son visage vers le jeune homme. Il était amusé par elle. Il la trouvait même bizarre. Holly n’en était pas surprise. Elle avait désormais l’habitude de faire cet effet. Au fond, elle se moquait de son image. Ils pouvaient lui attribuer n’importe quelle étiquette, elle était modelée ainsi. « Yep. Enfin non. Je suis au cœur d’un gros trafic de drogue. Mes hommes ont buté un flic hier, il nourrit à présent les fleurs de ma propriété » Holly ricana et revint à la réalité. Elle n’avait pas une vie rocambolesque. Loin de là. Elle était banale. Invisible. « Je vais étudier à Harvard à la rentrée » Elle lança ses pouces vers le ciel et reposa ses bras le long de son corps. C’est fou, elle n’avait plus peur de lui. Son cœur avait ralenti. « Et toi ? Je pourrais te croiser dans cette fac ou il faudra que je te trouve ailleurs ? Enfin, si tu n’es pas contre que je te revois.. » Après tout, il pouvait vivre n’importe où sur le globe. Les États Unis n’étaient pas le centre du monde. Elle luttait encore contre ses préjugés, ne lui octroyant pas une grande carrière. Se trompait-elle ? Elle avait appris que des gens vendaient leur vie sur le net et qu’ils en retiraient un bon pactole, peut être que cet Esteban faisait partie de ce groupe d’individu ?

Elle avait fait son mea culpa. Elle croisait les doigts pour qu’Esteban lui accorde son pardon. Elle s’était emportée et elle n’appréciait pas cette version d’elle-même. Elle détestait ce monstre qui ressortait parfois depuis qu’elle avait mis les pieds à Cambridge. Allongée, son regard jonglant entre l’infini et le jeune homme, elle se livrait plutôt facilement, réussissant à faire taire la voix de sa mère. Plus le temps passait, plus elle se sentait en confiance. « Biologie et chimie, mais ce qui est paradoxal, c’est que je me sens plus une littéraire, une artiste » Holly se redressa, sa peau commençait à sécher grâce à la brise qui soufflait. Elle percevait les éclats de rire au loin. Le chant des grillons. Elle se sentait transportée dans son univers. « Livreur ? On avait une sorte de livreur avant » Elle pensait à son voisin le plus proche, celui qui apportait souvent quelques courses à la maison. C’était lui qui les avait retrouvé. Le corps de sa mère et Holly. S’éloignant dans ses pensées, elle fut rappelée par le mâle qui ne lui avait visiblement pas tenu rigueur de son agressivité. « Oui, pourquoi ? C’est mal ? » La demoiselle fronça ses sourcils, ses pupilles animées par l’inquiétude. « Je ne devrais pas vouloir te revoir ? C’est que je connais personne, j’essaie de me faire des amis » Elle coupa le contact visuel, regardant sa main déverser le sable qu’elle contenait. Elle se sentait dorénavant idiote. Totalement idiote.

Holly ne crachait plus de feu. Le dragon avait disparu, laissant place à une douceur qui pouvait parfois la rendre mièvre. Elle se laissait aller à la confidence. Lui expliquant ce qu’elle ressentait. Elle lui avouait qui elle était vraiment et fut alors prise au piège. Elle se racla la gorge, cherchant une réponse à l’interrogation du jeune homme. Elle allait paraître débile, mais elle s’en fichait. « C’est ma mère qui .. qui m’a orienté. Et puis je pense qu’il vaut mieux que j’aille vers ce que je maîtrise le plus » Sa bouche se tordit. Elle semblait si jeune. Enfantine. Elle craignait si fort l’échec qu’elle préférait se lancer dans ce qu’elle connaissait. Elle enchaînait aussi les erreurs, mais Esteban ne lui en tenait pas rigueur. Elle crut pourtant qu’elle avait dépassé les bornes avec le brun. Qu’elle avait été trop intrusive. « Oui bien sûr, je veux bien, j’ai pas mon téléphone avec moi, mais je peux te donner le mien ? » Elle essaya de ne pas montrer trop d’emballement et ria lorsqu’il mentionna Macdo. « Oh oui, si c’est possible, je t’appellerai, j’ai déjà failli démonter une borne là-bas » Heureusement, une demoiselle l’avait secouru avant qu’elle ne détériore le matériel du restaurant. « Je vais m’en aller, je pense que tu as besoin d’être seul et comme ça, tu pourras fumer ce machin » S'il était venu ici, dans cet endroit isolé, ce n'était pas pour se faire hurler dessus ou questionner.

Holly était chanceuse, elle avait de quoi financer sa première année d’études, mais elle avait décidé de prendre de l’avance. Elle avait en effet décroché un emploi de femme de ménage. Ce n’était pas le job le plus gratifiant, mais elle ne cracherait jamais sur cet argent. Elle était en forme, mais se doutait que d’ici quelques mois, elle aurait le corps en miettes. Elle préférait ne pas y penser et savourer l’instant présent. Esteban enregistra son numéro et elle se sentit soudain de trop. Elle s’imaginait lui avoir volé son moment d’introspection. Elle souhaitait s’effacer, mais Esteban ne semblait pas contre un peu de compagnie. « D’accord.. Tu es parti avec quelqu’un ici ? Moi c’était mon premier voyage, j’ai angoissé tout le long du trajet » Elle n’avait effectivement jamais quitté son pays natal, mais elle avait souvent rêvé de visiter d’autres contrées. « Ce sont des gens pour qui je travaille qui m’ont payé le billet, j’sais pas si j’ai bien fait d’accepter, j’ai l’impression d’être redevable maintenant » La demoiselle haussa ses épaules, se sentant prise au piège, alors que cette famille pourrait bien décider de se débarrasser d’elle à la moindre erreur.

Finalement, Holly n’était pas si éloignée que ça d’Esteban. Il n’avait pas une vie si différente. L’argent était une denrée rare. Ils devaient se battre pour avancer. Holly avait un matelas sur lequel se reposer, mais elle ne souhaitait l’utiliser que pour financer ses années scolaires. Et comment dire, étudier à Harvard lui pompera toutes ses économies, enfin, son héritage. Et un autre point en commun, lui aussi avait traversé l’océan pour la toute première fois. Il était également endetté auprès de son meilleur ami. Holly fronça ses sourcils, jamais elle n’avait envisagé qu’elle devrait rembourser la famille qui l’emploie. Si elle s’en tenait aux principes d’Esteban, cela voudrait dire qu’elle allait être leur esclave pour une année complète. « T’es fou, je vois que tu es un type assez droit, mais moi, je vais pas transpirer gratuitement, jamais de la vie » Holly souleva ses longs cheveux et les secoua, tentant d’éliminer les grains de sable de sa chevelure. Esteban l’interrogea sur le poison qu’il semblait consommer régulièrement. Son coeur rata un battement. Était-ce une invitation ? Elle en avait besoin de rêver. D’éloigner ses pensées envahissantes. Holly attrapa le rouleau et renifla l’extrémité. Elle toussa de nouveau. « Mais c’est pas bon non ? Je veux dire, c’est pas aromatisé à la framboise ou un truc du genre ? Et ça fait quoi au juste ? On devient crétin après ? Je veux pas finir en psychiatrie. Je veux juste être sur un nuage et pouvoir redescendre sur Terre par la suite »