Le spectre est resté aux États-Unis. Elle n’est plus harcelée par la peine et le chagrin. Elle s’aventure dans un pays qui comble tous ses sens. Elle craint parfois de se perdre, de ne plus jamais pouvoir revenir sur sa terre natale, mais sa boussole intérieure la guide toujours vers la civilisation. Ce soir, elle a suivie un groupe d’étudiants. Aucun ne doit connaître son prénom, mais elle s’en fiche. Elle les regarde s’amuser. Plus elle les observe, plus elle se sent .. différente. Elle reste toujours en retrait. Elle ne consomme que des jus de fruits Holly. Elle crée un tsunami dans son verre à l’aide de sa paille. La plupart ont une moitié. Ils dansent tous en couple. C’est donc l’heure. Elle s’échappe de tout ce miel coulant. De ses baisers suaves qui la font rougir. Elle paie sa consommation et disparaît dans les ruelles. Elle se rapproche du littoral. Cellules olfactives en alerte, elle cherche une crique déserte et s’y rend. Elle manque de dévaler la falaise et de s’écraser en bas, mais elle arrive enfin en un seul morceau. Le soleil se couche à l’horizon. Elle perçoit encore les bars et leurs musiques qui se mélangent. Ici, elle peut enfin s’entendre penser. Sa solitude lui manquait. Les mules laissées sur le sable, elle soulève sa robe, la jette derrière elle et après avoir fusillé l’ensemble de la crique du regard, elle retire ce qui lui reste sur la peau. Entièrement nue, comme elle le faisait régulièrement dans son marais, lorsque sa mère travaillait, elle revenait à l’instinct primaire. S’enfonçant dans les vagues, elle sourit et s’immerge. Plus rien. C’est le calme absolu. La paix intérieure. L’eau glisse sur son corps. Elle nage loin. Plonge dans l’obscurité. Dans les abysses. Lorsqu’elle revient à la surface, qu’elle tourne le dos au crépuscule, elle aperçoit la silhouette d’un homme qui descend de la colline. C’est la panique. Ses yeux s’agrandissent. Ses jambes s’agitent sous l’eau. Elle est endurante, mais combien de temps faudra-t-elle qu’elle reste ici avant qu’il ne parte ? Elle n’aura jamais le temps de retourner sur la plage et d’enfiler sa robe, jamais. Elle n’a plus qu’à se faire dévorer par les requins. Ou décider qu'elle n'a pas à avoir honte de ses formes.
(Holly Huxley)
Fuck what they think
✧The moon shimmers in green water. White herons fly through the moonlight. The young man hears a girl gathering water-chestnuts: