Baciami adesso ─ Rose & Ace

S'il y avait bien une chose à laquelle il ne s'était pas attendu, c'était à un manque. Un sentiment que malgré le fun et les délires, il ne profitait pas pleinement de ses vacances, parce que certains... détails pesaient toujours sur son esprit. Peut-être était-ce à cause des récents événements, mais cette situation mais quelque chose avait définitivement changé dans sa façon d'aborder certains problèmes.
Au début hésitant, Ace avait fini par s'y plier, devant bien se rendre à l'évidence qu'il fallait crever un abcès. La marche jusqu'à ladite plage avait été longue, en vrai. Si l'isolation avait été ce que Rose cherchait, alors elle avait forcément dû s'éloigner ; et ça avait bien été le cas. Seule, en retrait, le coucher de soleil dans le dos laissant place aux premières étoiles face à elle, il la trouvait là. Il hésita, encore, lança un regard à l'horizon, puis songea aux raisons qui les avaient laissés dans cet état. Quelques secondes après, il s'engageait sur la plage pour s'approcher, sans se précipiter, mais fit un nouvel arrêt lorsqu'il fut certain qu'elle l'avait entendu s'approcher. « On m'a dit que je te trouverais là. » Le sac sur son épaule glissa, et il l'ouvrit pour en sortir une bouteille, qu'il tendit dans sa direction. « T'en veux ? » Bonne tentative, Ace. C'était mieux que rien, pour rétablir le contact.

vacarme réconfortant. vagues qui se fracassent contre les rochers. au rythme d'un myocarde torturé. fermant les orbes à cette tentation de retrouver le confort de cet océan dévastateur. imaginant ses vagues m'engloutir. me délaissant de ces pensées parasitaires. de ces préoccupations qui rongeaient mon subconscient. fatiguée de devoir rendre des comptes. éreintée de me battre pour les autres. la solitude comme unique amie. celle qui ne trahit pas. celle qui ne brise pas. amore m'a dit que je te trouverais là. j'soupire en reconnaissant ta voix. évidemment. quiétude dissipée. c'était pour me vider la tête que j'étais venue ici. pas pour être entrainée de nouveau dans cette spirale. spirale qui consumait toute mon énergie. j'prends pas la peine de te regarder. préférant la vue plus agréable de la perdition. t'en veux ? contrainte de te fixer. fixer ce que tu détenais entre tes doigts. venant la prendre sans rechigner. devenue stimulant. consolateur. dépendante de l'éthanol. de cette sensation qu'elle procure. celle de ne plus en avoir rien à foutre. ─ pourquoi t'es là ?

La bouteille quittait sa main et il se tenait toujours à distance raisonnable, un peu en retrait. Le regard sombre posé sur elle, il observa un instant son visage, ses traits, son expression. Elle n'était pas en forme. Celle dont le mordant l'avait bien souvent exaspéré était ailleurs, quelque part où il ne pouvait la voir. D'un côté, c'était inquiétant. De l'autre... c'était peut-être plus sincère, plus vrai. Alors à lui de faire de même, non ? « Je voulais te voir. » Ace expira, le haut de son corps s'affaissant un peu. Ses yeux descendirent brièvement sur le sable, sur la place à côté d'elle, où il finit par avancer sans précipitation. Face à la mer également, sans la regarder ; pour que malgré sa proximité, elle conserve un peu d'intimité. « J'ai remarqué tes absences et... ça m'a inquiété. Un peu. » Au point qu'Amore lui en avait fait la remarque : ouais, définitivement un peu. Juste un peu. Plus inquiet même que les autres, à en juger sa présence à ses côtés, tandis que tous les autres étaient en retrait.

dégage. l'envie qui gronde, d'exiger que tu fasses demi-tour. que tu continues de faire ce que tu fais de mieux. m'oublier. alors pourquoi j'te laisse t'installer ? j'la ressens ta présence. ta chaleur. celle qui m'avait tant intriguée. tant attirée. à la fois si proche, et si loin. aucun contact physique, j'peux respirer. quelques minutes. réfléchir à comment me débarrasser de toi. à t'abîmer. toi et ton âme trop dévorante. prend trop d'espace. empiète sur le mien. même inconsciemment. ça devient difficile, tu sais ? de ne pas te toucher. de ne pas te regarder. insupportable. désagréable. j'devrais pas ressentir tout ça. attachement que j'veux briser. y mettre fin. ce soir. maintenant. je veux te voir. menteur. cesse de te rapprocher. ça ne sert à rien. j'me sens tellement vide en cet instant. émotions figées. regard glaçant qui se dépose sur ce visage si agaçant. ─ pas besoin, j'vais bien. tu peux partir maintenant. lippes qui retrouvent le goût alcoolisé. avidement. avant de te tendre la bouteille. ─ moi j'veux pas te voir. tentant de paraitre la plus froide possible. le ton détaché. regarde moi. regarde à quel point j'peux être cruelle. dévastatrice. moi aussi, j'peux te mentir ace. si facilement. sans aucun regrets.

Le mur devant lui était de glace, définitivement. Et comment faire, face à ça ? Comment l'atteindre, parler, si la personne en face de lui ne voulait ni le voir ni l'entendre ? La pointe de sa langue passa sur sa lèvre inférieure, avant qu'il ne vienne la mordre. Supposément elle allait bien, et elle affirmait ne pas vouloir le voir. Est-ce qu'il devait juste l'accepter ? Fermer sa gueule et partir ? Son regard se leva un instant au ciel, ne faisant même pas attention au fait qu'elle le regardait. Il soupira, se donnant une claque mentale, puis pivota vers elle pour la regarder. « Ok. Tu veux pas m'voir, je l'entends. Très bien, même. Mais tu vas du coup m'écouter, et t'as qu'à regarder ailleurs si tu préfères. » Pourquoi s'énervait-il, au juste ? A cause du rejet ? Ou autre chose ? Pour autant, il ne semblait pas... en colère. Juste agité. « J'ai merdé, avec toi, et en beauté. Je le sais, ok ? Tu... » Hésitation brève, encore ; bordel mais pourquoi hésitait-il autant ? Fuck it. « T'es partout. T'es chez moi, dans ma cuisine, mon salon, t'es dans ma chambre, mon lit, sur ma moto, même à mon taff putain, et j'arrête pas d'y penser. » Dans ses pensées ; partout. Et à en juger par son regard il était sincère. « Tu... » Ah ; trop dur. Il ne finit pas sa phrase. « Merde ! » qu'il lâchait en se détournant d'elle. Brève expiration, et ce fut à son tour de boire à la bouteille. Est-ce qu'il lui faisait des reproches ? Est-ce qu'il était en train de lui dire qu'elle lui plaisait ? Où est-ce qu'il allait, en fait ? Ah ; si lui-même savait mettre de l'ordre dans ses idées.

tu ne bouges pas. tu ne t'éloignes toujours pas. malgré mes tentatives. vaines. insignifiantes. ne tente rien ace. corps qui resterait de marbre. qui continuerait de faire semblant. mensonge rassurant. solitude réconfortante. sors de ma vie. cesse de tourmenter mon palpitant. cesse de prendre trop de place. sors de ma tête. t'es partout. pensées qui s'harmonisent. qui prennent vie. quand t'en viens à les prononcer à voix haute. visage surpris qui se relève. ancrant mes rétines dans les tiennes. regard qui se met à briller. à scintiller. les mots qui deviennent étonnamment intéressants. incapable de demeurer insensible. intérêt qui décroit quand tu te ravises. t'observant boire à ton tour. sourcils froncés. mensonges. j'secoue la tête, l'indifférence qui renait. assombrit mon regard. délaisse le sourire pour me relever. si tu ne veux pas partir, j'le ferai. ─ va t-en ace. on a plus rien à se dire. t'as fait ton choix je te rappelle. les pieds chatouillés par l'eau salée. tissu retiré. prête à m'engouffrer là où tu ne pourrais plus m'atteindre. là où j'suis certaine que tu ne pourrais pas me rejoindre. et me redonner espoir.

Il s'arrêtait de boire, et elle le rejetait, sans surprise. De frustration, Ace ferma les yeux. Frustré contre lui-même, contre son inaptitude à dépasser certaines craintes, à pas pouvoir être honnête. Rose s'éloignait vers l'eau et Ace la regardait en silence, le visage durcit par des émotions contradictoires. Devait-il faire machine arrière, maintenant ? Non. Pas après ce qui s'était passé avec Amore. Le cul de la bouteille fut enfoncé sèchement dans le sable, et il se relevait à son tour, haussant le ton pour qu'elle l'entende. « Non, justement ! J'ai pas fait mon choix ! Ça fait des années que j'le fais plus ! » Chaussures retirées en vitesse, balancées sèchement dans le sable. Téléphone, clés, portefeuille, tout fut jeté avec les affaires de Rose et il s'avançait à son tour dans l'eau, s'avançant suffisamment pour ne pas avoir à forcer sur la voix pour se faire entendre... quand bien même il restait agité. « Tu voulais connaître la vérité ? Que j'assume ? La vérité, c'est que je suis parano. Et j'suis terrifié de dire que j'ai envie que tu restes. Je fais les gros bras, parce que c'est ma seule défense face à un certain connard qui me pourrit la vie depuis des années. Ce mec, il a acheté des gens de mon entourage pour qu'ils me trahissent, il me suit, me trouve quand je vais pisser dans des toilettes publiques, sait quelles filles je me tape, ce que j'ai acheté dimanche, putain il pourrait même savoir une semaine à l'avance quand je vais choper un rhume que ça m'étonnerait pas ! » Le sac se vidait, enfin ; et c'était étrange de le faire. « Bordel, ma mère en est même... ! » Ah, pas besoin de le dire. Il lâchait l'ombre d'un rire nerveux, le regard se détournant un instant, avant de revenir sur Rose. « Moi j'vais te poser une question. Un choix que tu dois faire. Demain, cet homme apparaît, et il t'offre cinq cent mille dollars si t'arrives à me convaincre de le suivre. Non, pire ; vas-y on vise même les trois millions. T'en fais quoi, hein ? Je pèse quoi dans la balance ? » Il valait pas ce prix. On l'avait déjà trahi pour moins, alors qu'est-ce qui empêcherait Rose de faire pareil ?

l'eau qui chatouille l'épiderme. apaisante. silencieuse. priant pour ce répit. cette bulle dans laquelle j'allais pouvoir m'isoler. demeurer loin de toi. loin de cet attachement. loin de cette tentation bien trop dévastatrice. poitrine recouverte, j'sens déjà l'air me manquer. nage encore plus. éloigne davantage. portée par les abîmes. arrêter le saignement interne. arrête de ressentir. arrête d'espérer. ta voix éclate, écho d'une colère insoupçonnée qui me parvient. barrage de l'esprit. pour la faire disparaitre à mesure que je ne fais qu'un avec la profondeur. tais-toi. barre-toi. si je m'éloigne, c'est pas pour que tu me rejoignes. tu ne comprends rien. le visage qui désirait s'enfoncer. quelques secondes et j'pouvais faire taire ce battement incessant. mais ta voix me happe de nouveau. me forçant à me retourner dans ta direction. monologue qui n'en finit pas. et malgré tout, je ne dis rien. j'me terre dans le silence. préférant t'écouter. laisser cette douleur d'antan refaire surface. rire nerveux, regard qui se détourne quand le mien demeure fixé sur toi. angoisse perceptible. me donne la gerbe. me fait trembler. j'veux pas. que tu sois le pantin d'un autre. ou d'une autre. bouche qui s'ouvre, mots qui veulent en savoir plus. l'esprit concentré sur ta personne. mais tu ne m'en laisses pas le temps. t'enchaine. et j'demeure interdite. rythmés par les battements de nos jambes qui nous maintiennent à la surface. fatiguant. ─ viens par là. j'prends ta main pour te forcer à me suivre vers le rivage. là où on a pieds. bascule de l'horizon à ton visage. les sourcils froncés. relâche ta main. trois millions. somme qui fait rêver, on va pas se mentir. mais j'comprends pas la question. encore moins ton raisonnement. depuis quand j't'échangerai pour ça ? depuis quand t'es devenu si important ? je pèse quoi dans la balance ? ça saute aux yeux. ça explose intérieurement. question qui tourne en boucle. les orbes contrariées qui finissent par observer la plage avant de revenir vers toi. lentement. ─ je pensais pourtant avoir été clair la dernière fois, chez toi. quand t'as mentionné ton père. parce que tu parles bien de lui non ? c'est lui qui hante tes rêves n'est-ce pas ? ─ ce que je t'ai dit, je le pensais vraiment. je t'aurais protégé. quoi qu'il m'en coûte. avant, y'aurait pas eu d'hésitation. j'aurais tout fait pour une telle somme. et même encore aujourd'hui, c'est flou. j'vais pas te mentir. mais te protéger de cet homme, ça j'le sais. je le ferais. sans hésiter.

Au lieu d'obtenir une réponse précise à sa question, elle le tira par la main, le prenant un peu de court. Mais il ne pouvait pas vraiment s'y opposer, et la suivit jusqu'à ce qu'ils puissent se tenir sur leurs deux jambes, sans avoir à battre des bras pour se tenir en position. Sans s'être déshabillé, la chemise blanche d'Ace lui collait complètement à la peau, tombant même avec le poids de l'eau. Une sensation désagréable à laquelle il ne pensait pas, car il était trop anxieux d'entendre la réponse de Rose ; une réponse à laquelle il ne s'était pas attendu d'ailleurs. Il eut un bref mouvement de ses sourcils qui se froncèrent, comme s'il n'était pas sûr d'avoir bien entendu. Il ne répondit pas de suite, la regardant dans les yeux, cherchant l'ombre d'un mensonge ou d'une manipulation, quelque chose qui lui dirait qu'elle ferait comme les autres ─ mais il ne trouva rien. Alors son expression changea subtilement, passant de la colère à une sorte de douleur frustrante. Aurais. Le temps n'était plus au présent. Même si ses pieds étaient bien ancrés dans le sable, cette pensée lui donna la sensation que son être entier était rappelé par la gravité, six pieds sous terre. « Mais plus maintenant. C'est ça ? » Incapable de détourner son regard, terrifié par la conséquence de son propre refus. C'était lui qui l'avait repoussée, lui qui l'avait refusée. Et peut-être que malgré ce que lui voulait, c'était mieux ainsi. C'était comme ça qu'il fallait penser, non ? Pour se rassurer. Rien ne peut vous blesser quand le vide vous entoure.

la vérité était bien là. prenant conscience du poids des mots prononcés à mesure que je les exprimais à voix haute. à mesure que toute cette tension accumulée depuis des jours se dispersait. lentement. agréablement. si tu savais jusqu'où j'suis prête à aller pour ceux que j'veux dans ma vie. pour ceux que j'apprécie. et j'saurais même pas te dire si tu en fais toujours partie. plus l'attente est grande et plus la déception n'en est que plus douloureuse, enfin de compte. toi plus qu'un autre. espoir placé sur toi. la rose qu'enzo avait attendu impatiemment s'était finalement révélée à toi. mais tout ça n'avait plus aucun intérêt, n'est-ce pas ? les erreurs du passé continueraient de nous hanter. mais on ne pouvait pas les effacer. moi j'le pouvais pas. beaucoup trop rancunière pour ça. t'étais pas le seul à appréhender l'avenir. pas le seul à être confronté à tes peurs. mais j'aurais pu les affronter avec toi. à tes côtés. te montrer mon soutien. être là pour toi. tout simplement. tu ne m'en as juste pas laissé l'occasion. tes cauchemars t'aveuglent, ace. t'empêchent de voir la main tendue dans ta direction. ce sourire pour te réconforter. ─ j'ai pas dit ça ... je murmure, réprimant cette colère qui gronde bien trop rapidement. qui souhaite s'exprimer. éclater en plein jour. la contenant depuis bien trop longtemps. l'amertume qui entoure mes orbes qui viennent te regarder intensément. de la même manière que toi. fixé sur mon visage. t'attendais ma réponse n'est-ce pas ? t'allais être servi. goûte aussi à cette rose-ci. celle que t'as jamais connu. celle qui ne dévoile pas ses blessures. ─ mais dis moi pourquoi je me battrais pour toi, alors que t'as pas été fichu de le faire pour moi ? t'es qu'un putain de lâche tu le sais ça ? et c'est pas d'un lâche dont j'ai besoin dans ma vie. le corps qui s'avance vers toi. les poings fermés. voix qui se brise. portée par le vent qui se soulève. au gré de mes émotions. ─ tu vois cette émotion que tu ressens en cet instant ? cette peur ? cette douleur ? ressens la bien. juste ici. main qui vient se poser sur ton torse. à l'endroit supposé d'un coeur qui aurait pu m'appartenir. ─ parce que moi c'est ce que j'ai ressenti quand j'ai compris que j'valais pas grand chose. même pas fichu de te battre pour moi putain ! alors d é g a g e une bonne fois pour toute d'accord ? doigts qui agrippent les pans de ta chemise. fortement. le corps qui ne cesse de trembler. encore une fois, j'suis incapable de gérer tout ce chaos émotionnel. littéralement au bord de l'implosion.