☼ close - up feat
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t/w, aucun
Quand elle était enfant, Dahlia écrivait des résumés de ses lectures, des citations ou des définitions. La petite brune n’était pas une enfant des plus sociables, avec une famille nombreuse, le rôle des amis n’est plus si essentiel - du moins c’est ce qu’elle avait ressenti. Une famille dans laquelle elle incarne la seule représentation féminine, tous ignoraient les codes de son genre. Dans la première étape de sa vie, elle avait pris confort dans cette ignorance et embrassait les codes et modèles qui lui étaient présentés. Grandissant à l’image de son jumeau, à la différence des nœuds dans ses cheveux. Jusqu’aux premiers commentaires. Le manque de féminité de la petite - ou du moins d'intérêt pour la question - a été attribué à une mauvaise éducation de son géniteur. Quand elle avait surpris cette conversation, le cœur de l’enfant en souffrit. Rapidement après, elle demanda à son père des livres d’autrices, des bandes dessinées où le personnage principal était une petite fille. Apprendre les codes, pour en jouer. Elle a toujours été une lectrice très impliquée. Au point où, aujourd’hui, si elle est happée par livre, elle pourra maintenir une conversation stérile dont elle ne retiendra rien, un fait qui amuse et terrifie son petit ami. C’est donc cette curiosité féministe qui a construi la jeune Dahlia, et qui se retrouve dans ses écrits d’adultes. Passée de l’autre côté de la plume, elle présente à ses professeurs et à divers concours un engagement, une lecture du monde que l’on qualifierait entre vicieuse et rusée. Elle peint des personnages comme des photos, avec un sens du détails époustouflant. Chaque pensée, chaque illogisme renvoie à une crédibilité de son invention. Et c’est cette même conclusion qu’elle a tiré en regardant le jeune homme, simplement comme un de ses personnages mis à la vie. Et elle a vu juste. Un sourire se dessine, victoire appréciée.
“ Mh, je vois. ” qu’elle affirme. En réalité, ne situant que les peintres, laissant Jean-Pierre Léaud être un nom dans le brouillard, sans visage, sans emploi, sans qualités rattachées. Les artistes par contre apparaissent sur la carte mentale de la brune, relier d’une cordelette bleue. Amis. Si il aimait tant la peinture, les arts qui baisent les deux joues du capitalisme pour en rire dans son dos, pourquoi ne peignait-il pas ? Ou alors il était plus inspiré par leur vies que par leurs oeuvres. Les angoisses noyés dans diverses chimères plus nocives les unes que les autres alors qu’ils essayaient de les oublier dans un monde créé pour eux. Ce cocon enflammé qui sert de refuge jusqu’à n’être qu’un tas de cendres. “ Je ne base pas mon idéal sur les autres. Je me fixe simplement des objectifs, peut-être sont-ils proches de ceux qui ont déjà été cochés par des plus grands, mais j’ose croire que je ne m'inflige pas à ce point. ” Elle se lie à des idéologies plus qu’à des figures, cette femme fatale qui ne laisse aucun homme lui tenir tête, cette business woman qui assure sa sécurité, son image et même son empire, finalement, cette femme qui réussit tout, partout, tout le temps. Celle qu’on envie, celle qu’elle veut être. Voilà son propre poison, sa probable perte. Et comme tout discours d’une tête bien trop dure, la nuance du cœur dit : il faut être avant tout humain et vulnérable dans sa réussite, montrer ses échecs pour que ceux qui tentent ce parcours aient un vrai repère, pas un produit de société.
“ J’ai validé ma troisième année à Harvard en effet. Mais, tu sais le niveau ne veux rien dire, tu restes sur un domaine que je connais du moins relativement. Poses moi des questions sur des fables et tu n’aurais pas grandes réponses. ” Cette nuance qui la rend humaine. Elle ne sait pas tout, pas encore qu’elle dit souvent, comme si un jour ce serait possible. Il faut savoir que Dahlia cache souvent la fierté qu’elle a grâce à son intégration dans cette Ivy League. Prétextant que chaque personne y ayant mis autant d'efforts avait sûrement dû réussir aussi. Méritocratie inavouée ou fausse modestie, elle ignore les deux. Oeillère qui se braquent seulement sur la prochaine réussite à accomplir, oubliant presque toutes celles cochées sur la liste de ses succès. Comme un réflexe parasite à chaque défi de penser que le bonheur ne s'obtient que par l’exploit.
L’aveu de son ignorance semble combler son client. La raison de celà est une nouvelle zone d’ombre, son regard affiche cette interrogation. Et alors même qu’elle pensait avoir fait le tour de cette conversation et conclut sa vente, les questions tombent, à la chaîne comme une seule et même pensée. “ T’es bien curieux. ” Qu’elle annonce en premier lieu, se donnant le temps de trouver un raccourci à son histoire. “ J’ai toujours aimé lire, puis écrire, depuis toute jeune. J’ai appris à manier les mots dans des clubs de débats et à devenir empathique avec les histoires par la comédie musicale. Je jouais d’abord, et la troisième année j’ai pu soumettre ma pièce, nous l’avons produite, j’étais très fière, j’avais adorer. Puis Harvard, pour suivre mes frères, je voulais pas faire moins bien qu’eux si on est honnête. Mais je visais des études des lois pour la stabilité et ma famille m’a convaincue de suivre ma passion. ” Elle ne développe pas ses petites habitudes, tout écrire et annoter, lire souvent, avoir un audiobook quand elle marche dans la rue. Sa vie sans tous ses mots serait bien fade. Mais parfois, elle aurait préféré vivre dans ce monde plus gris mais plus stable, où un manquement à sa réputation ne lui coûterait pas si cher. “ J’ai fait une année de césure pour préparer l'entretien et les concours d’Harvard, alors j’ai travaillé ici, espérant aider mes finances pour faire suite à mon acceptation. La vie y est belle, le patron sympas, et les contacts appréciables. Je leur dois de très belles opportunités. Tant que je peux me permettre de garder ce boulot, je le ferai. Même si pour le cursus, il risque de changer. ” Une envie de se tourner vers le grand écran, peut-être même le petit. Adapté ses œuvres elle-même entre un livre et un scénario.
Les réponses tombent au compte goutte assez naturellement. Comme si elle se confiait plus à un ami qu’à un client. La boutique étant dans ses heures creuses, le calme semble régner pour les laisser converser. “ Et je peux savoir ce que tu fais dans la vie ? Il me semble ne t'avoir jamais vu ici ? ” Petit sourire, assez sûre de son instinct.