Goodbye Yesterday

Ses pupilles accrochent les paillettes que les rayons du soleil laissent sur les aléas de l’eau en perpétuel mouvement, ces reflets lui rappellent l’attachement qu’elle porte à ses terres d’enfance, lui murmurent combien parfois, perdue dans les buildings de Boston, ça lui manque. Dire qu’elle a renoncé à tout ça… Ici et maintenant, elle avoue se demander pourquoi. Mais ce n’est que la mélancolie qui parle pour elle, parce qu’elle ne se trouve pas dans ces montagnes, la vie réelle. « J’comprends mieux pourquoi tu voulais revenir ici, » Ses lèvres s’arquent en un léger sourire à la suite de sa phrase, elle délaisse l’éternelle rivière du vent pour contempler l’expression sur le visage de son amant. Elle apprécie constater qu’il partage, envers cet endroit, ses sentiments. Ça renforce son idée que c’est le lieu parfait pour que repose leur enfant.

Tandis qu’elle lance une œillade rapide aux chevaux, s’assure de leur proximité même s’ils ne sont pas attachés, elle fait volte-face quand Sheng énonce, « S'il fut un temps où je ne pensais pas d'avenir commun possible, maintenant je n'en suis plus si certain. » Des souvenirs cuisants lui reviennent, comme ce bal de fin d’année où il lui avait répété une énième fois qu’il était sous tutelle. Et tout en regardant les traits de son profil, elle fronce les sourcils. Ce qui la dérange, dans son énonciation, alors qu’elle devrait en être un peu rassurée, c’est le côté hypothétique de tout ça. Le fait qu’il ne l’affirme pas. Que rien ne soit acté. Qu’il ne prononce pas, Haiwee, je veux être avec toi., elle n'aspire pas être une supposition, une possibilité, elle devrait être une certitude. Un premier choix. Et c’est pour cette raison qu’elle lui rétorque cela ; « On en reparlera quand tu seras totalement sûr de toi dans ce cas. » Parce qu’elle, elle a toujours su ce qu’elle voulait. Antérieurement à leur rencontre déjà, elle savait à quoi son existence ressemblerait, car oui, le mariage a toujours été dans ses projets, c’est de cette manière que l’amérindienne a été élevée. Bien qu’avant lui, elle ne pensait pas pouvoir prétendre à une union reflétant l’affection. Et dès leur rencontre, elle a ressenti dans ses entrailles que c’était lui. C’est pour tout qu’elle le choisit. Les songes d’amour égarés dans son passé, les moments qu’ils partagent au présent, et les espoirs du futur. Le seul qu'elle a désiré, le seul qu'elle espère, le seul dont elle rêvera. « Moi je t’aime, et je ne vais nulle part… » sans toi.

C’est étrange comme à chaque fois qu’elle le lui dit se mélangent la peur et la confiance. Peut-être parce qu’elle ne peut toujours pas oublier la soirée durant laquelle ses sentiments ont débordé. Que la révélation de son amour pour lui n’a pas eu l’effet escompté, il n’était resté que l’arrêt brutal de leur relation, Sheng pas encore prêt à faire face à ce trop plein d’émotions. Mais aujourd’hui c’est différent, elle a appris à faire avec, grâce au temps. Elle s’est rendu compte qu’elle préfère le garder dans sa vie, elle possède assez d’amour pour deux, comme elle l’a si souvent dit.

Parce qu’il ne répond pas directement, choisissant les actes aux paroles, elle se conforte dans son idée, accueillant ses bras qui entourent son être avec un sourire qui traduit la quiétude qu’elle ressent. Son souffle contre sa joue rajoute quelques degrés à sa sérénité, rend ce moment magique et la convainc que leur tâche pour cette matinée va être réalisée avec affection et respect. C’est alors qu’il se hasarde à lui confesser. « Je le sais. Moi aussi. » Elle pourrait presque croire qu’elle a rêvé. Et elle craint de comprendre de travers, de mal interpréter, ne sait pas ce qu’elle préfère comme interprétation quand son cœur subi quelques ratés avant de redémarrer, son père évoqué, « Mais je vais devoir encore contrarier ton père. » rien de tel pour stopper la valse infernale de ses suppositions. Quoi que cela voulait signifier, il n’accèdera pas à la future demande de son paternel, et ça, ça ne la surprend pas. Sa tête et sa raison approuvent en même temps, quand se font un peu plus capricieux ses ressentiments. Mais sur l’un des soupirs de l’amérindienne, il déplace ses doigts, trouve ses phalanges, bien accrochées à ses espoirs perdus de maternité, à ce qui aurait pu être et ne sera jamais… « Je t'en referais un, » L'impact de ses mots, ce que ça lui fait, ça ne s’explique pas. Elle n’a rien éprouvé d’aussi fort jusque-là. Elle le sait, c’est dans tout son corps qu’elle a l’impression de frissonner. Elle n’ose même pas bouger, de peur de briser l’instant, prend le risque de laisser ses mots s’étioler face au vent. De les perdre sans avoir eu le temps de les assimiler véritablement. Elle voudrait pourvoir les attraper, les garder en elle, à tout jamais. Cette promesse, elle balaie tout ce qu’elle pensait précédemment, elle annonce le commun de leurs avenirs, et s’il doit partir, savoir que ce ne sera que pour un temps, posséder l’assurance de le voir revenir. Ses empreintes libres vont rejoindre les siennes, épousent la main restée sur sa hanche, effectuent sur elle une pression qui trahit l’intensité de ses émotions. Ce n’est qu’après quelques secondes de silence, à apprécier dans son dos, contre elle, sa présence, qu’elle saisit sa chance … Car pour une fois, il semble enclin à partager ce qu’il ressent, « Toi aussi… » elle ose à peine entrouvrir les lèvres pour le lui demander, « tu ne vas nulle part ou toi aussi tu m’aimes ? » Les deux, c’est la réponse qu’elle attend. Comme le nombre idéal d’enfants.