Goodbye Yesterday

Wind River… Et l’éternel vague à l’âme que ça lui donne, cette mélancolie qu’elle ressent quand elle est proche de ses parents, au cœur de ses souvenirs d’enfant. Presque elle en oublierait en un battement de cils les années passées loin d’eux, à Boston, à fuir cette réalité. Pourtant, en son cœur, elle éprouve que c’est quasiment elle, l’étrangère, maintenant. Coupable de trop aimer le monde de l’homme blanc. C’est peut-être pour ça, pour cet enfant qu’ils pas pu tenir dans leurs bras, qu’elle a autant tenu à le faire. Respecte les coutumes, les prières. Sans s’être expliqué avec lui au préalable, par crainte qu’il n’entende pas les traditions venant d’un autre millénaire.

Alors à observer le décor de son environnement natal, elle ressasse les paroles de la veille et tente de s’apaiser à songer que Sheng est resté tout le temps à ses côtés. « Au moins maintenant ils savent. » Imperceptible, elle hoche le visage positivement, oui, au moins, ils sont au courant. Là plaie ils n’auront bientôt plus besoin de la remuer. « J’comprends mais… » elle sourcille dans l’attente de la suite de ses pensées. Seulement c’est la tendresse de ses bras qui l’enserrent qu’elle recueille dans un premier temps, « Un coup d'fil aurait suffit. » il a un peu raison dans le fond, mais pas lorsque connaît ses ancestrales traditions… Alors un léger sourire traverse ses traits, tandis que ses doigts s’apposent sur les siens, elle clôt les paupières, prend une grande inspiration traduisant son appréhension. « Il fallait qu’on revienne, » pour le leur dire, mais surtout, « Je… On devait le ramener ici. » délaisse sa paume, déride son front, une tentative vaine de balayer sa gêne de devoir lui expliquer ses croyances païennes.

Elle cherche ses mots pour traduire ses envies et cette peine qu’elle traîne, ses sentiments renfermés au plus profond d’elle depuis de longs mois, qui attendaient, tapis en silence pour qu’elle vienne ici, déposer celui auquel elle n’a pas su donner naissance. « Le ramener ? » il souffle contre son visage et elle en craque un rictus qui tend à l’anxiété, va pincer de deux doigts l’arrête de son nez. Geste inutile afin de s’accorder une brève seconde de répit avant de parler.

Mais si elle se vante de connaître Sheng par cœur, ce n’est que parce que la réciproque est vraie. Alors quand elle le sent dans son dos s’agiter, elle grince des dents, a conscience que la fin du suspense c’est pour maintenant. « Qu’est-ce que.. » Elle déglutit tandis qu’elle se dit qu’il va penser qu'elle a sombré dans la folie. Néanmoins, c’est comme ça ici, c’est avec ces rituels qu’Haiwee a grandi. Etonnamment plus amérindienne qu’elle na l’a été durant ces derniers mois. Et parce qu’il l’a compris, elle l’autorise, silencieuse, à ouvrir la valise pour y trouver l’objet qu’il reconnaît. Elle pince ses lèvres, tente de contenir le calme de sa respiration, à fleur de peau, victime de ses émotions. « Tu m’expliques ? » Alors elle tique, grimace une nouvelle fois, elle ignore, en fait, comment expliquer ces choses-là. Elle se désire courageuse, pas vraiment honteuse… se convainquant seule, que s’il l’aime comme elle le croit, c’est avec toutes ses convictions, qu’il l’acceptera. Elle souffle, à mi-voix. « C’est pour son âme. » Elle aurait pu lui demander, peut-être d’ailleurs que lui avait des traditions à respecter à ce sujet… Alors dans le doute elle décide de mieux s’expliquer. « Qu’elle puisse trouver la paix et poursuivre son chemin sur la terre de ses ancêtres. » appuie sur leurs différences peut-être.

Elle réalise bien que ses mots peuvent paraître insensés à ceux qui ne sont pas habitués, mais Sheng a été, lui aussi, bercé par des croyances spirituelles qui lui sont propres, alors il doit l’entendre à défaut de totalement l’approuver et la comprendre. Cependant ce qu’elle voit dans le regard qu’il lui concède, ce n’est pas un jugement à propos de ses traditions, non. C’est en rapport direct avec l’enfant. « Haiwee.. Il n’était pas conscient, » Et puis ? Ca ne l’empêchait pas de l’aimer pour autant. De l’attendre, de l’espérer. L’imaginer l’a rendu réel. Même sans l’avoir jamais senti bouger ou tenu dans ses bras, il était bien là, vivant, en elle.

Mais elle n’a pas la force de le lui expliquer, elle n’est pas certaine que son cœur pourrait le supporter. Elle garde ses larmes pour plus tard, si le silence pour le moment, il veut bien lui accorder. Ses yeux observaient jusque-là l’écrin qu’il tient entre ses doigts, elle accroche finalement son regard tandis qu’il reprend, « Et pourquoi je suis là…  S’il s’agissait de les disséminer sur vos terres, » ses mots sont si surprenants qu’elle songe avoir halluciné l’espace d’un instant. « j’suis qu’un étranger. » Elle n’était pas prête, fait non d’un mouvement de tête.
Toutefois plus que sa tristesse, c’est une colère qui grimpe en elle. « Pourquoi t’es là ?! » elle répète, interloquée. Elle pose les mains sur ses hanches, retient un rire enclin à la nervosité. « J’sais pas, peut-être parce qu’on l’a fait à deux cet enfant ? Qu’on est ensemble depuis plus d’un an ? » sans compter les années où elle t’a attendu avant. « Tu fais partie de moi. » Et tu dois inévitablement être là. Etranger, à ses yeux, ça fait longtemps que tu ne l’es plus. Elle pensait que c’était évident, qu’importe les ressentiments de ses parents.

Elle balaie rapidement le « déjà » qu’il se perd à articuler, elle ignore comment le prendre et craint d’ailleurs de mal l’interpréter. Dans le doute et un brin dérangée, elle préfère ne pas l’analyser. Et se concentre sur la vérité qu’elle vient de lui affirmer. Il fait partie d’elle. C’est un fait que nul ne saurait réfuter. Il s’est infiltré en elle comme un délicieux et brûlant poison. Depuis leur rencontre, en deux mille vingt et un, déjà. Et elle est persuadée qu’elle l’aime comme personne d’autre au monde ne l’aimera. Alors elle l’a imposé sur ses terres, à plusieurs reprises, elle a bravé les interdits de son père, pour et parce que c’est lui, parce qu’elle l’a choisi. Même si l’enfant n’est pas né, il est sa moitié et son monde, ce n’est qu’avec lui qu’elle désire le partager.

Après avoir replacé le rabat de la valise de l’amérindienne, il s’aventure à la malignité, « Je voulais juste m’assurer que je ne serais pas sacrifié dans les jours qui suivent… » elle en rit du nez, secouant le visage, s détend aussi instinctivement que ce qu’elle s’était braquée. Trop sensible. « Ça ne dérangerait pas ton paternel. » Ce coup ci, c’est un soupir qui s’extirpe du carmin de ses lèvres, elle s’approche de Sheng, car oui, c’est sur le ton de la plaisanterie qu’il l’a balancé néanmoins, elle sait reconnaitre la part de véracité. « Tu lui as pris sa fille unique. » elle explique allant caresser les traits de l’homme dont elle s’est amourachée. La douceur de son sourire appelle le sien lorsqu’elle surligne furtivement son inférieure. Puis s’en retourne à l’écrin qu’elle récupère, « Ce n’est pas un sacrifice qu’il te faut craindre… » elle l’apostrophe en cultivant son mystère. Déterminée à ne pas éclairer sa lanterne mais à revenir sur ce qui lui tient à cœur, « On y va ? » Dire au revoir à cette partie d’elle, de toi.

Malgré la teneur de leurs prochains agissements, elle conserve sur les lèvres un léger sourire, appréciant tourmenter quelque peu son amoureux. « Comment çà ? » elle secoue le visage, s’apprête à sortir, choisit pour laisser planer encore un peu le secret sur ce que son père pourrait faire. Ou plutôt exiger. Et lorsque sa paume libre se pose sur la poignée de la porte de sa chambre, il retient son attention, impose une condition, « On ne touche pas à mon cheval. » Alors elle en fronce ses sourcils et lui décoche une œillade, étonnée qu’il puisse supposer que du mal sera fait à cet animal. « Sheng… » même si la propriétaire initiale de cette bête n’est pas appréciée de l’amérindienne, jamais ça ne lui serait venu à l’esprit, ni même à lui. « Mon père aime cet animal plus que toi, tu sais. » elle lui réplique en riant, ouvrant finalement la porte et se dirigeant naturellement vers la sortie de la maison.

Le salon désert, elle ne s’arrête pas, récupère simplement une besace sur délaissée sur un crochet afin d’y glisser avec délicatesse l’enfant non-né et suivit par l’Adams, ils se retrouvent tous deux au dehors… Et justement parlant cheval, c’est la direction de leur champ qu’elle prend naturellement, et la discussion sur les désirs et croyances spirituelles de son paternel se poursuit, « Il pourrait croire que c’est parce que notre union n’a pas été approuvée par le Grand Esprit. » et demander qu’elle le soit. Et elle le sait trop bien, qu’il ne le désire pas. L’engagement, pour lui, c’est délicat. « On monte à cru ? » Contrairement à son patriarche, Haiwee elle l’aime assez pour accepter d’être une fille perdue.