3 ... 2 ... 1 ... FIGHT | LYLYNNE

Il y a de la vie dehors, c'est ce qu'il a dit Lyssandre, à Annalynne, quand bien même il a lui-même du mal à affronter cette vie au dehors depuis quelques jours. Il y a de la vie dehors, et il ne pouvait pas continuer à la fuir sous prétexte qu’il vivait une rupture difficile. Deux mois déjà depuis sa rupture, deux mois à subir une humeur oscillante rythme des conneries qu’il peut faire ou des rencontres imprévues. Deux mois qu’il change, imperceptiblement chaque jour, ayant presque perdu sa joie de vivre naturelle et son énergie. Deux mois avant de prendre ce qu’il estime être l’ultime coup que son ex pouvait lui mettre. Deux mois avant de commencer à bouger son cul, et de se remettre à vivre.

Pour Annalynne et pour lui-même, il avait opté pour un lieu qui leur paraîtrait familier, un lieu dans lequel il pourrait s’amuser en tête à tête, malgré la foule présente ou non autour d’eux. Une salle d’arcade, un concept familier pour les membres de la kirkland qu’ils sont, de quoi leur demander suffisamment de concentration pour oublier qu’il a du monde autour, susceptible de les observer, de juger leurs skills, et de les détendre en cette période de révision. Le temps nécessaire à rejoindre l’arcade depuis l’appartement de Kirill où il crèche depuis quelques jours, il presse le pas le brun, conscient qu’à la faire trop attendre, la jeune femme pourrait rentrer se réfugier à la Kirkland. Mais lorsqu’il tourne au coin de la rue, il l’aperçoit, les mains occupées par un petit cube coloré visant certainement à l’occuper pendant cette attente. Il se rapproche, un sourire aux lèvres qui s’étirent un peu plus alors qu’elle ouvre verbalement la joute des moqueries concernant les défaites que pourrait essuyer Lyssandre aujourd’hui. « Tu sais fille, garçon, licorne ou elfe… J’ai pas assez d’ego pour faire une distinction. Juste assez pour râler de perdre. » Mauvais perdant, il l’est Lyssandre, contre tout le monde. Et le fait qu’Annalynne soit un fille ou plus jeune que lui ne froisserait pas plus son égo que s’il venait à perdre contre un mec, un enfant, ou un pro du jeu vidéo. Quoiqu’il arrive, il serait dégouté de perdre de la même façon.« Mais avant de trop faire la maligne, allons voir un peu ce que tu sais faire. »

Il est suffisamment déconstruit pour ne plus répondre à certains codes de la société Lyssandre. Qu’il perde contre une femme ou qu’il perde contre un homme, sa rage serait la même, et le fait qu’Annalynne soit son amie ne l’épargnerait pas totalement. Il avait l’esprit de compétition en lui le New-yorkais, l’envie de gagner, de prouver qu’il était le meilleur. Un trait de caractère qu’il est certain d’avoir développé en présence de ses frères, triplés, qui pendant longtemps, avaient les mêmes habiletés que lui. Les années avaient fini par creuser les différences entre eux, révélant plus clairement les points forts et les points faibles de chacun mais leurs esprits s’étaient malgré tout forgé dans la compétition, un trait de caractère qu’ils partageaient toujours. Les perdants, c'étaient les autres, pas eux. Et la perdante aujourd’hui, ça serait Annalynne, pas Lyssandre. Ce que la jeune femme n’accepterait pas sans s’être donnée à fond au préalable.

Les portes poussées, ils s'engouffrent dans ce bâtiment qui respire la pop-culture et une époque qui semble démodée et pourtant, qui fédère toujours autant les vieux et les jeunes. Le regard froncé et vide d’humour, il toise la jeune femme, un chouilla soupe au lait qu’elle se moque de lui ainsi. « Si j’étais un elfe, j’aurais trop de swag pour le monde. Genre comme Legolas, tout le monde me trouverait trop beau et tomberait amoureux de moi au premier regard. Toi aussi ! Donc tu vois, c’est plutôt une chance pour l’humanité que ce soit pas le cas ! » Il rit franchement. Il s’y serait volontiers vu dans le rôle de l’elfe, ou dans celui d’Aragorn, mais s’il n’avait pas leur jeu d’acteur. La salle balayée d’un regard, il réfléchit un instant. « On tente une partie de DDR ? Histoire de pouvoir me vanter de t’avoir vu danser un jour. » Il le sait bien le Wayne, que ce n’est en rien une activité que la jeune femme apprécie en dehors de ces murs. Un silence s’installe entre eux, alors que Lyssandre réfléchit. Que pourrait-il vouloir de la jeune femme qui le motiverait vraiment à ne pas se laisser faire, et qu’est ce qu’il pourrait lui offrir pour qu’elle lui rende la pareille. « Ok, j’ai ! Si je gagne, tu viens à une soirée avec moi. Celle de mon choix. Si tu gagnes, je passe une semaine à la kirkland avec une corne sur le front et des oreilles d’elfes ? Est ce que ça te convient ? » Il lui tend la main, comme pour sceller l’accord.

S'il devait être une créature mythique Lyssandre, il serait assurément un elfe ou un merman. Une créature aussi ensorcelante que dangereuse, capable de charmer les plus méfiants, les plus durs, tout comme il séduisait les coeurs les plus soit disant insensibles. Après tout, il avait séduit Florian, dans le sens le plus littérale possible, mais également Annalynne, dans un sens un peu plus métaphorique. Après tout, la jeune femme ne portait au kirklan certainement aucun sentiment amoureux, mais elle éprouvait pour lui une affection qu’elle ne portait qu’à peu d’autres être humains sur Terre. Une affection platonique, proche d’une affection fraternelle, réciproque, car il en était de même pour Lyssandre qui considérait la jeune femme comme une seconde petite soeur, bien qu’il n’ait jamais regretté de n’en avoir eu qu’une par les liens du sang. Alors oui, sous couvert d’humour, il confie un message lourd de signification. Révèle des choses sur la façon dont il se perçoit, même si depuis quelques temps, cette image de lui-même se brisait peu à peu pour quelque chose de plus obscur.

Le choix des armes lui revenant, il choisit, en toute connaissance de cause, la discipline la plus susceptible de mettre en déroute Annalynne. Il la connait trop bien la jeune femme, connait ses capacités, ses points forts, ses points faibles. Il sait qu’il n’a que peu de chance de la battre, une manette ou un joy-stick dans les mains. En revanche, il n’est pas sans ignorer qu’il est bien plus sportif que la demoiselle, plus endurant et certainement plus adroit. De toute les activités possibles, il porte donc son choix sur celle qui demanderait à la blonde des efforts dans un des domaines qu’elle néglige le plus : le sport. Un choix dont il se réjouit en apercevant sa mine déconfite qui restera à jamais gravée dans sa mémoire. Une réaction qui n’a pas de prix dans une amitié comme la leur. « Oh, mais bien sûr que si tu as le choix. C’est comme tout, tu peux à tout moment me dire que tu veux arrêter, ou que tu refuses de le faire. Le consentement, c’est à tous les niveaux, dans tous les domaines. Mais comme tu m’as défié, dans ce cas il faut que tu me dise que tu ne veux pas relever celui-ci. » Et il se doute, Lyssandre, qu’une part d’égo chez la jeune femme ne lui permettra pas d’abandonner sans avoir essayer. Sans avoir tenté de défendre son honneur. « Et ne fait pas la victime. A ma place tu aurais fait le même choix. T’es pas vraiment du genre à laisser une chance à l’adversaire. Ni même à laisser sa place à la chance. » Si elle avait pu choisir, elle aurait elle aussi fait le choix du jeu dans lequel Lyssandre aurait eu le moins de chance de gagner. Pas de pitié entre eux. Jamais. « Je peux commencer, pour te montrer. Si tu veux, on se laisse même une partie d’échauffement, histoire que tu puisses au moins essayer une fois avant de subir la défaite de ta vie. » Pas de pitié on a dit. Et si Lyssandre gagnait aujourd’hui, il ne laisserait jamais la jeune Cooper oublier cette défaite un jour.

L’esprit de compétition, il y est habitué le Wayne. 3 frères, une soeur, pas de place pour les vainqueurs qui ne se battaient pas, pour ceux que l’on laisse gagner sous prétexte d’un jeune âge, de gentillesse, de compassion. Victoire pour ceux qui se donnaient à fond quoi qu'il arrive, défaite pour les autres. Famille de compétiteurs, encore aujourd’hui, caractères bien affirmés, travailler pour atteindre ses objectifs, qu’importe sa place dans la famille. Alors les esprits compétiteurs, il sait les reconnaître quand il les voit, comme un sixième sens pour lui signaler celles et ceux faits du même bois que lui. Il le sait qu’Annalynne en fait partie, et aussi, malgré sa bienveillance, il sait exactement comment lui parler pour la provoquer un peu plus, la pousser à accepter, parce que l’idée d’abandonner, de se résigner face à la difficulté est quelque chose qu’elle ne pourrait tolérer.

Aux petites mimiques faciale de la blonde, il perçoit bien que son discours fait mouche, qu’elle n’a pas d’argument pour contrer les siens, parce qu’il la connaît trop bien le Wayne, parce qu’il arrive presque à lire en elle comme dans un livre ouvert, parce qu’il sait que la bataille ne se fera pas uniquement sur la machine mais aussi dans leur tête et que là dessus, il a déjà prit un petit longueur d’avance. Il sourit donc, en voyant qu’elle ne cède pas, qu’elle reste déterminée à lui faire mordre la poussière, même si l’exercice va se révéler difficile. Et quand elle affirme qu’un tour de chauffe n’est pas nécessaire, c’est un sourire plus carnassier qu’il affiche le Wayne, presque convaincu de sa victoire. « Comme tu voudras. » Affirme-t-il avec une certaine nonchalance. « Mais si c’est moi qui gagne, tu ne pourras pas non plus justifier ta défaite par le fait que tu ne sais pas comment ça fonctionne. » Parce qu’il lui aura laissé une chance Lyssandre, une chance dont elle n’a pas voulu. « J’espère que t’es prête à devenir fan de moi et à m’admirer pour le reste de tes jours après ça ! » Toujours à en faire des tonnes l’étudiant, surtout quand il s’agit de montrer ses talents ou de faire du charme. Mais la danse, après tout, c’était un peu des deux. Les bras étirés comme pour relancer tout son corps, il monte sur la machine, insert un jeton à l’intérieur avec de choisir une chanson, se tournant légèrement vers son ami. « Même chanson pour nous deux. Difficulté modérée. Le plus de points à gagner. » Précision des règles pour que la difficulté soit équivalente pour les deux participants, pour éviter les débats une fois la bataille finie, de savoir si la compétition était fair ou non. « Allez, c’est parti ! » Qu’il lance alors que l’écran face à lui commence le décompte.

Il est un petit diable avec Annalynne le Wayne, et il le sait bien. Mais il fallait bien un enjeu entre eux, il fallait bien que quelqu’un vienne de temps à autre défier un peu la jeune femme pour la sortir de son quotidien rassurant et confortable. Un challenger, venu de nul part, pouvant créer la surprise à tout moment. Voilà ce qu’il était Lyssandre. Et dans un futur proche, une défaite douce et amer. Mais avant cela, il devait gagner. Une victoire d’autant plus désirée que la blonde grimace, tantôt pour se moquer de lui que pour lui signifier qu’il n’est pas à son gout. Mais rien de tout cela ne pourrait le destabiliser lui.

Les règles clarifiées pour éviter les possibles réclamations par la suite, il se prépare Lyssandre, s’étire doucement de tout son long comme pour s’échauffer. Il prend place sur le machine, insert les jetons et lance la chanson. S’il fanfaronnait quelques instants auparavant, son expression change totalement une fois la chanson démarée. Son visage est fermé, déterminé, concentré. Il ne fait plus attention à ce qui l’entoure, ne pense même plus à la présence de son amie surement en train de l’observer avec attention pour anticiper ce qui va bientôt l’attendre. Il ne respire plus que pour la chanson en train de se jouer, la chantonne rapidement pour garder le rythme, se galvaniser, sans essayer de jeter le moindre coup d’oeil au score. Il n’en a pas vraiment le temps de toute façon.

Lorsque la musique s’arrête enfin, il souffle un bon coup le Wayne, passe une main sur son front légèrement couvert de sueur. Il n’aurait jamais cru que cela puisse lui donner aussi chaud. Il descend de la piste de danse, regarde l’écran pour mémoriser son score. Le score à battre pour la jeune Cooper. « A ton tour. Voyons de quoi tu es capable. » Voyons si elle peut faire mieux.