CROCODILE DUNDEE II²

Plus de mensonges, c’était ce qu’elle lui avait demandé, qu’il arrête de lui cacher la vérité, de penser qu’elle est incapable de le supporter. Mais c’est probablement mieux à ses yeux, peut-être que ça le rend encore plus dangereux son jeu. Elle le défie du regard tandis qu’il soupire, les paroles suivantes, il aurait pu les retenir, « Ne me fous pas la saint val foirée sur le dos, » Car elle te parle des jours avant, de ceux où tu lui as simplement dis que tu étais absent. Elle, elle croyait que tu bossais, pour la rousse d’ailleurs, naïvement. « Parce que là je ne t’avais pas menti. » Et quel exploit. Elle devrait peut-être le noter, Sheng n’avait pas menti cette fois-là. Certes, elle sait inconsciemment qu’elle abuse, qu’elle déraisonne, seulement c’est comme pour tous ses sentiments, elle ne contrôle plus rien, quand ça implose. Lorsqu’elle aime, elle le fait à s’en rendre folle, et quand elle déteste, à en perdre la tête. Une femme enfant qui n’a pas de mesure, qui se perd dans ses blessures.

Elle mord l’aigreur qui se trouve sur le bout de sa langue, estomaquée par la suite de ses agissements. Repousse ses envies de le heurter quand il entre dans la douche qu’elle avait prévu d’utiliser. Il retire son t-shirt alors qu’elle est toujours comme une idiote en sous-vêtements. D’une paume, elle s’attrape le visage, exultant un rire empli d’animosité, « T’es même pas désolé. » Comme si ça pouvait, la bouche, lui écorcher. Incapable de lui souffler des excuses, de chercher à se faire pardonner, elle déglutit avec difficulté. La déception, elle est difficile à avaler. Avançant d’un pas, dans son dos, encore furieuse, les gestes rapides, c’est autour de son poignet qu’elle agrippe ses doigts, « Sors de là ! » s’arme d’une pression ridicule pour le tirer par le bras, comme si elle pouvait user d’une quelconque autorité avec toi.

Pas une excuse, pas une vraie justification, encore moins une preuve d’affection… Alors si elle croyait provoquer en lui une réaction en tentant de reprendre sa place dans la salle de bain, celle qu’il lui réserve, des espérances d’Haiwee, on ne peut faire plus loin. Une fois qu’il s’est défait d’elle, dans le regard de celui qu’elle aime, elle ne décèle que la haine. Et cette paume lever en sa direction qui lui retire toute affection. Lorsqu’il prononce, « Ne le retente jamais. » elle ne ressent plus rien à son égard, plongée dans un étrange cauchemar. « Tu m'entends. » Oui, même si avant cet instant il ne lui avait jamais paru aussi éloigné, « Plus jamais. » Avant ce moment, elle n’avait jamais eu peur de lui.

Depuis qu’il fait partie de sa vie, pourtant, des sentiments, elle en a ressenti. Elle a eu mal, elle a craint de le perdre, elle l’a fui, elle a ri, elle a pleuré, elle l’a aimé de toutes les manières… Cependant dans toutes leurs disputes, ils n’ont jamais dépassé les limites de la colère. Son cœur de battre semble s’être arrêté, dans l’attente de connaître ses futurs agissements, néanmoins – et tant mieux – il ne dit ou fait rien de plus, rien de moins. Alors quand il sort de la pièce, elle réalise qu’à l’effroi, il ne reste que sa tristesse. « Ne m'attends pas ce soir, » elle opine sans mot dire, et les larmes qui lui montent aux yeux, elle tente de les contenir. Dans sa tête ça tourne trop, elle croit que sans le contrôler, il vient de déclencher plusieurs maux. Elle se sent nue quand ses paumes s’accrochent au lavabo, regrette de s’être dévêtue, elle tente de se maitriser, expire à répétition dans le seul but d’amoindrir ses émotions. C’est lui qui l’a faite passer pour une idiote, lui qui s’est inscrit à ce genre d’expérience quand elle, elle se remettait encore de la perte de cet enfant qu’elle n’a pas eu la chance de cajoler. Lui qui ne sait pas s’arrêter de jouer avec Wendy. Si son cœur saigne, s’écorche, bat, ce n’est que pour lui. Mais la force lui manque pour poursuivre ce combat, et qu’elle s’étiole un peu plus lorsqu’elle balaie les gouttes qui jaillissent malgré elle de ses yeux, et elle ne sait même plus pourquoi elle s’en veut. Bien qu’elle soit intimement convaincue de ne pas avoir mal agi. Alors s’il veut partir, qu’il le fasse, elle, c’est le mutisme qu’elle choisit. Parce que le silence est le meilleur des mépris, et que ce n’est pas à elle de courir après lui.

L’équilibre déjà fragile de leur relation plus que perturbé, elle ne parvient pas remonter sur le fil. Au rythme de ses sanglots difficilement retenus, elle vacille. Elle déteste tout ce qu’il s’est passé. Exècre le fait qu’entre eux, rien ne soit arrangé, au contraire, tout s’est envenimé. Elle ne voulait que des explications, sa contrition. Elle n’a eu que des menaces, un accès de violence. Ca ne ressemble en rien à de la romance.

Perdue dans les méandres engendrés par la véhémence de leur altercation, elle n’entend pas les bruits adjacents, convaincue d’être à présent seule dans cet espace restreint, elle se permet de lâcher prise, se donne le droit de pleurer vraiment et s’essaie à ne pas tout remettre en question, ravale péniblement ses envies de faire ses valises et d’écourter ses vacances envenimées. Pourtant c’est tout ce qui traine maintenant dans sa tête bien qu’elle se refuse à l’admettre. A le quitter, Haiwee ne sera jamais prête.

Et le son sourd des phalanges de son amant heurtant la porte lui semble si lointain qu’elle met plusieurs secondes à redresser son regard en direction de sa silhouette figée dans l’embrasure. « Pardonne-moi, » la demande l'a fait souffrir, persuadée que c'est de cette manière qu'il aurait dû commencer, et tout le reste ne serait pas arrivé. Le pardonner... elle le fera c’est certain, parce qu’elle est attachée à lui, qu’elle lui a tout pardonné jusque-là, mais pas maintenant, c’est trop frais et son cœur est déjà entaché. La confiance éraflée. Même si dans son for intérieur, elle se convainc qu’il n’est pas capable de la frapper. Cette pensée seule réussi à la bouleverser. Basculée dans une dimension où Sheng pourrait physiquement la blesser. Ca ne ressemble à l’homme pour lequel elle est tombée. « je ne t’aurais jamais touchée. » comme s’il lisait dans ses pensées. Pourtant, cette paume, il l’avait levée, fendue l’air pour se retenir au moment de l’avertir… « Jamais. » Sauf que le mal est un peu fait. Ses prunelles dans la réflexion des siennes, elle espère qu’il saura trouver dans leur lueur combien elle l’aime, elle déglutit avant d’essuyer sur ses yeux les traces des dégâts qu’il a causé. Elle sait que ça n’arrivera pas, si elle l’a craint, si c’était à deux doigts, si elle n’a pas compris pourquoi elle aurait mérité ça, « Si un jour tu le fais… » elle se sent dans l’obligation de lui murmurer, d’une voix asthénique elle achève désillusionnée, « je ne reviendrais pas. » Il y a des actes que même l’amour ne peut pas pardonner.