ELSA-MAY CASTAMERE ► Skye Stracke

Soupir. Quelle heure était-il ? Je tournais la tête, scrutant les alentours. Toujours personne. Je bus mon deuxième verre de ma boisson alcoolisée. Je fermais les yeux, faisant la moue. Puis, un « Bonsoir chérie.» vint m'extraire de mes rêveries. Un jeune homme d'un âge bien trop mûr passa devant moi pour s'asseoir en face, me regardant avec un sourire à la colgate. « J'avais une réunion très importante, désolé pour mon retard. Comment va ma fille ? » Bien sûr. Cette excuse était vraisemblablement l'histoire de ma vie. Affichant un sourire hypocrite, je fis mine d'être heureuse en compagnie de mon père. Je ne savais plus vraiment pourquoi je le méprisais mais, c'était le cas. Déçue à plusieurs reprises par ses nombreux retards à cause de ses diverses réunions et oubli de dates et événements importants à l'égard de sa famille, je ne pouvais que lui en vouloir. Et pourtant, je continuais à garder le contact avec lui. Parce qu'il était mon père. Et parce qu'il finançait mes études entre autre. Harvard coûtait chère et malgré mon job de danseuse, j'avais besoin d'une carte de crédit supplémentaire pour s'occuper des frais de l'université. Pourquoi avais-je choisi Harvard six ans plus tôt ? C'était quand j'avais eu 18 ans, fraichement sortie du lycée, je ne me voyais aller nulle part ailleurs. Bien qu'il y avait d'autres bonnes écoles au sein du pays, Harvard restait mon université favorite. Heureusement, je réussis le test d'entrée avec brio pour parvenir à entrer à Harvard. Il faut dire que j'étais le genre de fille très studieuse et intelligente. Ma famille, depuis des générations se consacrait à des métiers comme diplomate, politicien, chef d'entreprise ... C'était bien parce que les Castamere ont un cerveau bien rempli et formé. J'étais on ne peut plus fière de mes origines. D'ailleurs, cela me fit penser au fait que je fusse née en Espagne. C'était lors de la période où mon père travaillait à la capitale espagnole pour cinq ans. Je naquis au bout de la deuxième année. J'étais donc un peu Madrilène en fait, surtout que j'appris à parler cette délicieuse langue durant mes années là-bas. Actuellement, ayant privilégié les langues lors de mes études, je savais parler l'anglais, l'espagnol et même le français. Il fallait dire que je voyageais souvent en Europe. Découvrir le monde était pour moi un passe-temps fabuleux. « Je vais très bien merci et toi ? » Je m'enfoutais pas mal de comment aller mon père, de toute façon, il me répondrait qu'il va bien. Jamais il ne me faisait part de ses problèmes et rarement de ses réjouissances. Mon père avait toujours été discret et particulièrement intrigant. J'avais tenté maintes et maintes fois de le comprendre, mais en vain. Il était indéchiffrable. Un vrai homme d'affaire, en somme. Il restait, malgré ma non-affection pour lui, mon meilleur repère, la meilleure partie de ma personnalité. Il avait fait de moi une future business woman hors-pair, seule prouesse de sa part d'ailleurs et je lui en étais reconnaissante pour ça, mais trop fière pour lui en faire part. Et il était l'homme que j'admirais le plus, vu qu'il était un excellent homme d'affaire et un étrange père de famille. Il attisait ma curiosité sur tous les points. On dit souvent qu'il y a une fine frontière entre la haine et l'amour... « Tout va bien. Et tes études ? Tu t'en sors ? Mr. Marshall m'a prévenu que tu accomplissais toutes les missions données lors de ton stage avec succès. Je suis heureux de l'apprendre. Continue ainsi. » Nouveau sourire. J'étais toujours touchée lorsque mon père me félicitait. Il était important pour nous de dégager une très belle image, une image de qualité du nom Castamere. Et fort heureusement pour moi, mes études me le permettaient. J'étais étudiante en droit en majeur et en politique en mineur. J'arrivais presque à la fin de mon cursus. Il me fallait encore deux années pour valider ma maitrise. Et j'avais bien hâte ! En attendant la rentrée, je faisais un stage dans une entreprise importante, à côté des meilleurs politiciens de la région. Fière de ma réussite à l'université, je regardais mon géniteur avec malice. « Tout va bien aussi. Je suis toute aussi ravie d'apprendre que mes collègues sont satisfaits de mon travail. » Sourire aux coins des lèvres, je sirotais mon cocktail. Les questions de routine avaient été échangées, j'avais donc fait mon devoir de fille modèle, à savoir discuter avec mon père, il était maintenant l'heure pour moi de m'en aller. Je devais rentrer chez moi afin de me préparer pour mon show de ce soir. En effet, en plus d'être étudiante, j'étais danseuse dans une sorte de cabaret chic, en plein centre ville. C'était pas du nu mais du sexy, de la provocation. J'avais besoin d'apporter un peu de piment dans ma vie de sage et douce future héritière. Fière de ma passion pour ce genre de danse, je ne le cachais aux yeux de personne, sauf peut-être à ceux de mes parents. Ce genre de hobby n'était pas en accord avec l'image de la famille. « Désolée papa, il est presque 20h et je dois rentrer travailler un peu. J'ai une réunion très importante demain, tu sais... » Faisant semblant d'être embarrassée, je pris mes affaires pour me lever et déposa un baiser sur la joue de mon père. « Oui je comprends parfaitement. Cependant... Veille à ne pas travailler trop tard. C'est important d'être présentable pour le lendemain, l'apparence physique compte énormément, tu le sais très bien, utilise la à bon escient. » Souriant légèrement à sa remarque, j'avais comme le sentiment qu'il avait percé à jour mon petit secret, mais il n'en était rien, c'était juste une remarque innocente, qu'il donnait à défaut de ne savoir quoi dire d'autre. Comme s'il pouvait se souciait véritablement de moi, la blague. Je hochais de la tête en signe d'approbation pour ensuite sortir du restaurant, déterminée plus que jamais à vivre ma vie, comme bon me le semblait.