jude & billie ➳ what da fuuuuuuuuuuuuuuck ?

Ça oui, je pouvais être en colère contre elle, lui en vouloir de nous avoir fait indirectement beaucoup de mal à Roxanna et moi, dans d’un autre côté, je n’arrivais pas à le rester de trop. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle m’avait manquée, et parce que j’aurais tout donné pour l’avoir vivante auprès de nous. Enfin… j’aurais préféré que ça arrive avant. Quand Aylin venait de naître par exemple et que ce fut un moment plutôt critique dans ma relation de couple. Elle aurait peut-être pu m’empêcher de replonger, Roxanna ne m’aurait pas quitté, elle ne serait pas allée baiser avec ce connard d’Eliot et nous serions certainement encore ensemble. A quoi bon ressasser le passé, de toute manière ? Si j’avais vécu une période très difficile après notre rupture, je recommençais à avoir goût à la vie parce que j’avais rencontré quelqu’un. Amenant Billie sur les bords des premières marches que je trouvais, je lui demandais de me raconter, tout en me promettant que je ne la couperai pas dans son récit. Elle commença alors à me raconter. Sa mère, le coma, le FBI. C’était une histoire de fou, digne d’un super polar. Je lui laissais le temps de parler, sans la brusquer car ça avait l’air de pas mal la secouer cette histoire tout de même. « Ils m'ont dit qu'ils m'emmèneraient dans une localisation sécurisée, loin de tout danger et avec une protection rapprochée qui me collerait aux basques H-24. Selon eux, je serais plus en sécurité par rapport à Shenae si tout le monde pensait que j'étais bien morte .. » J’hochais la tête : okay, vu sous cet angle, c’est clair qu’elle n’avait pas le choix. C’était pour son bien qu’ils avaient fait ça et sans cette histoire, ils n’auraient peut-être jamais réussi à chopper sa cinglée de mère. Je vis ses mains tremblantes qu’elle cachait entre ses cuisses et doucement, je tirais sur son bras pour lui prendre la main. Ça n’était peut-être rien, mais il fallait qu’elle sache que j’étais là. Le fait que Roxanna ait mal réagit en la voyant devait l’avoir bouleversée. « J'ai refusé .. Je leur ai dit que s'ils voulaient me mettre une garde rapprochée, qu'ils le fassent, mais qu'il était hors de question que je lâche ma vie pour une pourriture pareille. C'est là qu'ils m'ont fait comprendre qu'ils ne me laissaient pas le choix. Parce qu'au-delà de ma sécurité, il y avait celle de la nation qui devait être protégée d'une criminelle, qu'ils devaient employer tous les moyens pour la retrouver le plus rapidement possible, bref.. » Je soupirais et je tournais la tête pour regarder dans le vide. « Wow… », murmurais-je en passant ma langue entre mes lèvres. « C’est… un truc de fou… » C’était tout ce que je trouvais à dire. Qu’est-ce que je pouvais dire de plus ? L’accabler de reproches ? Elle avait l’air de s’en vouloir assez comme ça. Je lui en voudrais toujours un peu, mais pas la peine de la rendre encore plus mal qu’elle ne semblait l’être déjà. « Mais… tu es de retour pour de bon ? J’veux dire… tu vas retourner à Harvard et tout ça ? Et qu’est-ce que tu as fait pendant un an en Alaska ? » Je souris en coin et j’ajoutais, « Tu dormais dans un igloo et tu pêchais dans les trous de glace ? » Je disais ça pour rire, et pour détendre un peu l’atmosphère aussi. C’était Billie avec moi après tout, on pouvait déballer une tonne de conneries à la minutes, c’était ce qui me plaisait chez elle.

Mes mains continuaient à trembler contre mes cuisses et plus j'avançais dans cette explication farfelue, plus l'état empirait. Je me sentais ridicule, à avoir résisté pendant plusieurs années - certes, avec difficultés - à me laisser embarquer dans ce monde sombre que je connaissais si bien et qui définissait mon adolescence. Tout ça pour des retrouvailles avec Rox qui avaient tourné au vinaigre ; étant donné qu'elle était la seule à oser me coller une gifle monumentale pour me sortir le besoin de la tête et qu'à ce jour, il était hors de question que j'aille la voir pour ça, je me sentais un peu foutue. Jude attrapa mes mains délicatement, les serrant entre les siennes et bizarrement, ce simple geste joua sur mon anxiété pour l'apaiser. Je savais qu'il était dans le même état que moi et pour des raisons égoïstes, ça m'aidait. Il m'écouta sans m'interrompre, jusqu'à ce que je décide de cesser mon monologue pour le regarder. Son visage reflétait sa surprise, la bouche béante et les yeux ronds. Nerveusement, je retirai l'une de mes mains de les siennes et mordis anxieusement l'ongle de mon pouce sans le lâcher du regard. Il fallait qu'il dise quelque chose, n'importe quoi, sinon j'allais paniquer et me barrer. Enfin, il parla ; rien de très cohérent, mais c'était tout ce que je réclamais. Puis il rassembla ses pensées et intervint. « Mais… tu es de retour pour de bon ? J’veux dire… tu vas retourner à Harvard et tout ça ? Et qu’est-ce que tu as fait pendant un an en Alaska ? » Un rictus se forma sur son visage et malgré l'émotion me tordant toujours l'estomac, ma bouche imita la sienne inconsciemment. Je sentais la vanne venir de très loin et je ne fus pas déçue. « Tu dormais dans un igloo et tu pêchais dans les trous de glace ? » Le son qui sortit de ma bouche parut inhumain, mais je peux vous assurer qu'il s'agissait simplement d'un éclat de rire. Seulement, combiné avec mon actuel état émotionnel, ça donna un truc vraiment pas net. D'instinct, mes bras s'agrippèrent autour des épaules du brun et je le serrai dans mes bras naturellement, malgré mes difficultés avec le contact humain depuis que j'étais revenue. Je le relâchai rapidement, me demandant si ce que je venais de faire était acceptable, considérant le fait qu'il était probablement toujours énervé. « J'avais un igloo tout équipé. Et j'suis tombée trois fois dans le trou en pêchant. » Je cognai doucement mon épaule contre la sienne avec un tout petit sourire. Un petit silence passa et mon expression retrouva son sérieux malgré moi. « C'était affreux, en fait. Je ne pouvais fréquenter personne, j'étais constamment cloîtrée dans la maison avec l'agent qui me surveillait comme une meringue sous un grill .. Le seul contact avec le monde extérieur que j'avais, c'était la télévision. Pendant le premier mois, j'étais bloquée sur la chaîne d'infos pour suivre ce qui se disait. J'vous ai vus tellement de fois .. J'me détestais tellement de vous voir comme ça, mais j'avais pas le choix .. Et ce putain de testament .. C'était la goutte d'eau pour me faire sentir encore plus mal. Ils m'ont poussée à bout pour que je le fasse, mais je trouvais que c'était manipuler vos sentiments. Le seul truc qui me soulageait un peu la conscience, c'était qu'au final, ça pourrait t'aider à t'en sortir. »

Ça me faisait vraiment bizarre de voir Billie aussi… vulnérable. Je ne l’avais pas connu beaucoup, même si elle avait très vite pris une importance primordiale dans ma vie. Billie avait été mon espoir : la représentation même de la femme forte qui avait pourtant connu les mêmes désarrois que moi. Elle avait eu des problèmes avec la drogue et elle avait été mon modèle pour que j’arrive à m’en sortir. Elle m’avait conseillée, elle m’avait tirée vers le haut pour mon couple, pour mon propre bien aussi. Je n’avais que des bons souvenirs avec elle et le fait qu’elle soit là, avec moi me faisait beaucoup de bien. Ca soulageait ma conscience qui était lourde depuis sa « mort » car je m’étais sentie responsable. Elle m’avait sauvé la vie avec cette greffe et moi, je n’avais pas su la sauver. Tout ça n’avait plus aucune importance maintenant. En voyant sa main trembler, je ne pus m’empêcher de la prendre pour lui montrer que j’étais là, tout comme elle l’avait presque toujours été, du moins, tout comme elle l’avait toujours été lorsqu’elle était vivante. Ce geste sembla la toucher et je la bombardais de nouvelles questions, glissant juste après une petite vanne. C’était un peu notre marque de fabrique à elle et moi : dire de la merde. Nous avions bien été chercher des Tacos à Cancun au beau milieu de la nuit et au lieu de ça, nous avions atterrit dans un McDonald’s. Son rire, un peu bizarre certes, mais j’avais quand même réussi à la faire rire, me fit sourire à mon tour, fier de ma connerie. Un peu surpris qu’elle me tombe dans les bras, je la laissais cependant faire, passant mes bras autour de son corps en la gardant contre moi quelques secondes avant de la relâcher. Là, je retrouvais ma Billie. « J'avais un igloo tout équipé. Et j'suis tombée trois fois dans le trou en pêchant. » J’éclatais de rire à mon tour, levant les yeux au ciel en prenant une mine déconcertée, « Ralala, ça ne m’étonne pas de toi, il faut regarder où tu marches, surtout quand tu es sur la glace ! » Je souris et je la regardais alors qu’elle me donna un petit coup d’épaule. « C'était affreux, en fait. Je ne pouvais fréquenter personne, j'étais constamment cloîtrée dans la maison avec l'agent qui me surveillait comme une meringue sous un grill .. Le seul contact avec le monde extérieur que j'avais, c'était la télévision. Pendant le premier mois, j'étais bloquée sur la chaîne d'infos pour suivre ce qui se disait. J'vous ai vus tellement de fois .. J'me détestais tellement de vous voir comme ça, mais j'avais pas le choix .. Et ce putain de testament .. C'était la goutte d'eau pour me faire sentir encore plus mal. Ils m'ont poussée à bout pour que je le fasse, mais je trouvais que c'était manipuler vos sentiments. Le seul truc qui me soulageait un peu la conscience, c'était qu'au final, ça pourrait t'aider à t'en sortir. » Je me mordais la lèvre. Merde, je n’avais pas pensé à l’argent. Elle voulait certainement le récupérer, non ? C’était normal, c’était la moindre des choses j’ai envie de dire. Je baissais les yeux quelques instants pour regarder mes pieds, « J’aurais dû commencer par là… par te remercier… » Je souris timidement et j’haussais les épaules, relevant mon regard vers elle, « Grâce à cet argent j’ai… pu élever Aaron sans avoir à compter tout ce que j’achetais pour être sûr de joindre les deux bouts à la fin de chaque mois… » Je souris à nouveau, « Alors….merci… » Parce qu’avant, j’étais fauché et ma bourse m’aidait à payer surtout les frais de scolarité à Harvard, pour le reste c’était un peu plus compliqué. « J’ai pu aussi aller en cure de désintox y’a deux mois… » Cure de désintox pour Roxanna qui m’avait quand même tournée le dos. « Est-ce que tu veux que je te le rende ? Parce que je comprendrais, après tout tu dois en avoir besoin, non ? » Je me voyais mal garder tout son fric maintenant qu’elle était vivante, elle avait besoin d’argent elle aussi et c’était le sien après tout.

Jude était la personne avec qui j'entretenais la relation la plus bipolaire de mes connaissances. C'était comme ça depuis le début ; notre amitié avait débuté sur une vanne foireuse, après tout. Même si au début, j'avais eu peur pour Roxanna quand elle m'avait appris qu'elle sortait avec un Mather - qui plus est un qui était copain avec la drogue -, un seul coup d’œil m'avait permis de me rendre compte que Jude était quelqu'un de bien, au fond. J'avais voulu l'aider à s'en sortir dès que je l'avais connu, parce que je savais qu'il valait mieux que ça et je savais aussi à quel point une vie pouvait prendre des allures d'Enfer lorsqu'elle était dominée par la drogue. Au-delà de ça, j'appréciais réellement Jude. Notre relation avait toujours coulé naturellement. Bien sûr, à cause de mon obsession à le faire sortir de ce cercle vicieux, il y avait eu un quota assez démentiel d'engueulades entre nous et c'était dans ces moments-là que la bipolarité de nos liens ressortait le plus : une seconde il m'envoyait chier, la seconde suivante je lui lançais une vanne, il me poussait l'épaule, je lui frappais l'arrière du crâne et la seconde d'après, nous riions tous les deux aux éclats. C'était quelque chose d'assez déroutant à vivre, mais c'était comme ça que nous fonctionnions et c'était ce que j'adorais entre nous. Encore une fois aujourd'hui, il avait su détendre l'atmosphère avec une bonne blague, je ne pouvais que lui en être reconnaissante et me sentir mieux, malgré l'importance de notre conversation. « Ralala, ça ne m’étonne pas de toi, il faut regarder où tu marches, surtout quand tu es sur la glace ! » Je levai les yeux au ciel en riant ; depuis que j'avais été élue 'fille la plus maladroite' l'an dernier, Jude ne m'avait pas laissé un jour de répit quant à ce défaut encombrant. Il m'écouta attentivement ensuite et plus je parlais, plus mes sourcils formèrent un pli d'inquiétude sur mon front. Je sentais que j'étais en train de le mener sur une fausse piste et même si j'essayai de changer la donne de ce que je lui disais, il comprit bien ce que j'essayais de lui retirer de la tête. « J’aurais dû commencer par là… par te remercier… Grâce à cet argent j’ai… pu élever Aaron sans avoir à compter tout ce que j’achetais pour être sûr de joindre les deux bouts à la fin de chaque mois… Alors….merci… J’ai pu aussi aller en cure de désintox y’a deux mois… » Je me tortillai sur les marches, mal à l'aise bien qu'heureuse d'entendre ça. Mal à l'aise parce que j'avais toujours détesté les expressions de gratitude et que ça n'avait pas du tout changé. Heureuse parce j'apprenais qu'en effet, Jude avait pu sortir un peu la tête de l'eau après ça. Puis il avait été en cure ; c'était sûrement ce qui entraîna cette larme que j'essuyai discrètement. Je ne savais pas trop ce que ça lui avait apporté, si ça l'avait même aidé .. Mais j'étais quand même contente qu'il ait essayé, quoi qu'il se soit passé ensuite. « Est-ce que tu veux que je te le rende ? Parce que je comprendrais, après tout tu dois en avoir besoin, non ? » Voilà, c'était exactement ce que j'avais tenté vainement d'éviter. Il devait probablement être en train de se dire que j'étais revenue pour ça, reprendre ce qui m'appartenait. Nerveusement, je déliai mes mains des siennes et me levai des marches. J'engouffrai mes doigts dans mes cheveux et me mis dos à lui quelques secondes pour frotter mon visage et calmer l'angoisse que je sentais me gagner insidieusement. « Non, Jude .. » Les mains sur les hanches, je pris quelques inspirations et refis demi-tour pour le regarder, affronter cette idée que je venais de lui enfoncer sans le vouloir dans le crâne. « Je n'ai pas besoin de cet argent .. Même si j'en avais besoin je n'en voudrais pas .. Ils m'ont pas dicté ce que je devais mettre dans le testament, tu sais .. Je savais que j'aurais jamais besoin de tout cet argent, même si je retrouvais un jour ma vie normale, alors que toi t'en avais besoin .. et t'aurais jamais accepté si j'te l'avais donné autrement. » Je fis un petit sourire mal assuré, consciente que j'avais raison. Il m'aurait probablement renvoyée chez moi avec tout mon argent si je le lui avais proposé de mon "vivant". « J'suis pas là pour te le reprendre .. » dis-je en arborant une mine peinée. « Je te ferais pas ça. Je sais qu'aujourd'hui plus que jamais, t'en as besoin. » J'avais compris qu'Aaron devait être son fils et rien que pour lui, cet argent serait toujours plus utile à Jude qu'à moi.

Tout ça avait été tellement déroutant pour moi, que je n’avais pas pensé à l’argent que Billie m’avait légué. Je dois dire que lorsque Roxanna et moi avions appris pour ce testament, lorsque j’avais su que Billie me léguait autant d’argent… ça m’avait fait bizarre, parce que ça voulait dire que la galère était finie. Ma mère m’avait élevé seule à la mort de mon père lorsque j’étais enfant, et ça avait toujours été compliqué pour elle de me donner tout ce dont j’avais besoin. Aller à Harvard, ça avait été un rêve devenu réalité grâce à la bourse d’étude que j’avais pu toucher. Mais à la mort de ma mère, les choses s’étaient encore plus compliquées et j’avais du mal à joindre les deux bouts tous les mois. Surtout pendant la période où j’étais accroc à la drogue, parce qu’il fallait que je m’achète mes doses et ça n’est pas facile quand on est fauché. C’est même pour ça que j’avais commencé à dealer lorsque j’avais rencontré Roxanna l’année d’avant. Aujourd’hui, je n’avais plus ce problème grâce à Billie. Je pouvais payer Harvard les doigts dans le nez, payer la garderie à Aaron, lui payer des vêtements, des jouets, acheter aussi des trucs à ma fille, me payer des sorties. La question du fait que Billie était en fait vivante et voulait peut-être récupérer son argent ne m’était pas venue tout de suite en tête. En fait, peut-être qu’elle ne m’avait pas tout légué mais qu’une petite partie de sa fortune, et donc il lui restait certainement assez d’argent pour vivre ? Je préférais quand même lui poser la question, parce que je trouverais ça légitime qu’elle ait envie que je lui rende, c’était le sien après tout. Elle lâcha alors ma main et se leva, restant dos à moi. Je me pinçais la lèvre, est-ce que j’avais dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? « Non, Jude .. » Je continuais de la regarder, restant silencieux parce que je ne savais pas quoi dire, j’avais l’impression de faire une boulette en lui posant la question. « Je n'ai pas besoin de cet argent .. Même si j'en avais besoin je n'en voudrais pas .. Ils m'ont pas dicté ce que je devais mettre dans le testament, tu sais .. Je savais que j'aurais jamais besoin de tout cet argent, même si je retrouvais un jour ma vie normale, alors que toi t'en avais besoin .. et t'aurais jamais accepté si j'te l'avais donné autrement. » Je souris légèrement et j’hochais la tête : elle avait raison, jamais je n’aurais accepté autrement parce que ça n’était pas mon genre. « J'suis pas là pour te le reprendre .. Je te ferais pas ça. Je sais qu'aujourd'hui plus que jamais, t'en as besoin. » Je souris à nouveau et je me levais pour être face à elle. « Merci Billie… merci pour tout… » Je la pris une nouvelle fois dans mes bras, mais cette fois plus longtemps que dans le supermarché. « T’es retournée à l’Eliot House ? », demandais-je en grimaçant légèrement. C’est dingue qu’une fille aussi géniale et généreuse que Billie soit dans une maison aussi intolérante. « J’te raccompagne sur le campus si tu veux ? », demandais-je avant d’ajouter en riant, « Par contre, j’ai besoin de quelques carambars alors on fait cinquante cinquante ! »

J'étais sous le choc de constater à quel point mes retrouvailles avec Jude se passaient bien mieux qu'avec Roxanna. Ça avait semblé tellement plus simple de mettre les mots dans le bon ordre avec lui pour lui expliquer correctement la situation. Tandis qu'avec la blonde, je n'avais été qu'un désordre bafouillant, incapable de me souvenir de quoi que ce soit. Avec Jude, ça avait été moins précipité ; j'avais été aussi surprise que la veille quand j'étais tombée nez à nez avec ma meilleure amie, mais tout avait été différent. Jude n'avait pas réagi sous des impulsions, il m'avait laissé une chance et c'était certainement ce qui avait fait la différence. Alors, lorsqu'il m'enveloppa une nouvelle fois dans son étreinte, j'eus plus de mal qu'avant à le relâcher. Son contact, le contact tout court d'ailleurs, m'avait cruellement manqué pendant toute une année, totalement isolée avec un gorille interdit d'affection pour seule présence. Mes mains agrippèrent sa chemise et je me serrai un tantinet plus longtemps contre lui avant de finalement le laisser respirer. « T’es retournée à l’Eliot House ? » Il avait dit ça avec une telle grimace que j'hésitais à lui répondre un moment, puis j'acquiesçai rapidement. « Je sais que tu as toujours eu du mal avec eux, mais .. Ça a toujours été ma maison. Et puis .. j'pensais que Rox était toujours chez les Cabot, » ajoutai-je en me mordant la lèvre inférieure, coupable d'avoir à tout prix voulu esquiver la présence de mon amie. Jude n'avait jamais approuvé notre présence dans cette confrérie, tout comme nous n'approuvions pas son appartenance aux Mathers. C'était une chose à laquelle il allait devoir se faire. « J’te raccompagne sur le campus si tu veux ? Par contre, j’ai besoin de quelques carambars alors on fait cinquante cinquante ! » Je le suivis dans son hilarité et me mis en route à ses côtés, tenant le paquet de carambars hors de sa portée. Il devait en tout et pour tout en rester six dedans ; nous nous étions empiffrés comme deux vandales depuis une heure. « Tu m'donnes quoi en échange ? Je suis pas sûre d'avoir envie de partager avec toi. » Je continuai de tenir le paquet en l'air à l'opposé de Jude, mais il était tellement léger qu'avec un coup de vent, il s'envola de ma poigne. Je poussai un cri et me mis à courir après, cherchant à être plus rapide que Jude. Une fois que nous eûmes tout ramassé, j'éclatai de rire et remis une mèche derrière mon oreille en me redressant. « Il faut absolument qu'on s'arrête dans une autre épicerie sur le chemin, papy. »