jude & billie ➳ what da fuuuuuuuuuuuuuuck ?

C’est drôle, je pouvais rester des semaines sans y penser et d’un coup, le manque reprenait le dessus. Pourtant tout allait un peu mieux dans ma vie. Roxanna était partie pour ce connard d’Eliot et je m’étais plus ou moins fait à l’idée. Est-ce que j’avais réellement le choix, de toute façon ? J’allais devoir vivre avec. Je n’étais plus assez bien pour elle, alors elle m’avait jetée et s’était consolée dans les bras du premier venu. Ca me rendait triste quand j’y pensais, surtout qu’en ce moment, il y avait toutes ces histoires avec la mère à Billie. Ca me rappelait l’été dernier lorsque Roxanna m’avait appris sa mort et ce sentiment de culpabilité qui pesait sur mes épaules parce que je n’avais pas pu la sauver alors qu’elle m’avait sauvé la vie un an plus tôt. Maintenant, j’avais les enfants qui me donnaient envie de me battre et de me battre contre la drogue. J’avais fait une cure de désintox mais parfois, je ressentais les effets du manque. Et quand ça arrivait, je courrais au supermarché m’acheter des carambars au caramel. Et c’était le cas cet après-midi-là. Roxanna avait Aaron et j’avais rendez-vous avec cette fille, Leandra qui me plaisait vraiment beaucoup et je ne voulais pas que le manque de la drogue gâche mon rendez-vous. Entrant au supermarché, je me dirigeais directement vers le rayon des bonbons. Carambars, carambars. Ça a l’air con, mais ça m’aidait vraiment. En fait, je remplaçais un peu le manque avec le sucre. Du bout du rayon, je vis qu’il ne restait plus qu’un paquet de carambar. Holy crap. J’accélérais alors le pas, histoire d’être sûr de l’avoir et que personne ne me le vole.

Durant l'année qui venait de s'écouler, le manque de drogue avait posé un véritable problème pour moi. J'étais isolée de toute population, donc impossible d'aller chercher une dose et j'avais constamment mon agent de protection à mes côtés, rendant la chose complètement inimaginable. J'avais subi plusieurs crises de manque au fil des mois, quand l'angoisse de ne jamais retrouver une vie normale me prenait à la gorge, c'étaient les moments les plus difficiles. Les crises n'étaient vraiment pas belles à voir, surtout quand il n'y avait rien à disposition pour combler ce manque. Ces crises n'avaient rien à voir avec celle qui était en train de débuter. Celle-ci était dix fois plus importante. Mes retrouvailles avec Rox avaient été pires que tout ce que j'avais pu imaginer et la perspective d'avoir encore à confronter Jude me mettait dans un état lamentable. Je m'étais réveillée les mains tremblantes, les pulsations de mon cœur dépassant un rythme acceptable et avec une seule idée en tête : calmer cette anxiété. J'étais sur le point de craquer, je le savais. J'avais enfilé des vêtements à l'arrache, mis une casquette et des lunettes de soleil puis j'avais quitté ma chambre d'hôtel à la hâte. Je ne connaissais pas les dealers de Boston, je ne savais pas où trouver une dose. J'étais à deux doigts de me rendre chez les Mathers quand je passai la petite épicerie où je venais toujours acheter mes bonbons avant. Arrêtant de marcher, je remarquai que mes paumes étaient moites et que mon souffle était court. Des larmes de frustration piquaient mes yeux et j'arrachai presque la porte d'entrée, avant de me précipiter à l'intérieur. Remarquant qu'il ne restait qu'un seul paquet de carambars au caramel, j'accélérai le pas et au moment où je le chopai, une autre main agrippa le paquet et le tira dans son sens. J'allai protester, mais toute plainte s'évapora lorsque je me redressai et fis face à nul autre que Jude. La seule explication après ça, était que j'étais maudite. Au moment où nos regards se croisèrent, nous lâchâmes simultanément le paquet de sucreries, qui s'écrasa sur mes pieds. « Jude.. » Oh bon sang, non. Non, non, je n'étais pas prête. Pas du tout en l'état de tenir une conversation sensée quand mon cerveau n'était fixé que sur une chose. Pourtant, l'émotion de le revoir après si longtemps me contracta le cœur tandis qu'il me fixait horrifié, comme s'il venait de voir un fantôme. Je ne savais pas quoi faire. M'enfuir n'était pas une solution, mais c'était la seule chose qui me venait à l'esprit à cet instant.

On ne sort jamais entièrement de la drogue. C’était la triste conclusion à tirer de tout ça. J’avais fait tout ce qui était en mon pouvoir pour arrêter la drogue, mais c’était plus fort que moi, le manque finissait toujours par revenir malgré ma bonne volonté. Je ne plongeais pas. Je ne voulais pas plonger pour ne pas donner à Roxanna l’occasion de mettre notre rupture sur le dos de mon addiction à la drogue car ça n’avait rien à voir. Et je devais tenir pour mes enfants, je devais tenir pour Billie. Elle m’avait aidé à m’en sortir. En fait, elle avait vraiment été mon ange gardien et je pensais souvent à elle. Surtout quand j’allais me bourrer de carambars au caramel. J’avais même aimé un ami à moi à se sevrer grâce à cette précieuse astuce. Mais en voyant l’unique paquet de carambars, je commençais à stresser. J’en avais besoin. J’accélérais le pas, le cœur battant et je choppais le paquet mais je sentais quelqu’un d’autre le prendre. Je fronçais les sourcils, bien décidés à ne pas le céder au premier venu. « Excusez-moi mais j’ai vraiment besoin de ces… » Je stoppais ma phrase direct lorsque j’eus relevé le regard vers… « Jude.. » Je déglutis, et je lâchais immédiatement le sachet. Okay. Okaaay, no panic. Cette fille ne pouvait pas être Billie, n’est-ce pas ? Mais comment elle connaissait mon nom ? Et… elle lui ressemblait trop. Je ne faisais même pas attention au paquet de carambars qui était tombé à mes pieds, je n’arrivais pas à détacher mon regard de cette fille qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Je n’arrivais même pas à parler, j’étais juste… paralysé, figé sur place. Ouais, je voyais un fantôme là… « Comment… tu… c’est pas possible… » Je fronçais les sourcils. Ça n’avait aucun sens, et je ne comprenais absolument rien du tout. Je me penchais pour ramasser le paquet de carambars et je relevais le regard vers elle. Dans un sens, j’avais envie que ça soit elle. Mais d’un autre côté…ça me faisait vraiment peur, parce que ça voulait dire qu’elle s’était fait passer pour morte pendant un an, et Roxanna et moi avions été tellement affectés par la mort de Billie, encore aujourd’hui.

Une trahison. C'était de cette façon que tous mes amis proches seraient amenés à voir ma fausse disparition. J'avais conscience qu'il avaient dû en souffrir quand ma 'mort' avait été officialisée en Juillet dernier. Mais je n'avais pas eu le choix, j'avais dû me cacher pour que ma mère soit absolument persuadée qu'elle avait mis fin à mes jours quand elle m'avait tiré dessus. Mes retrouvailles avec Roxanna m'avaient prouvé que les gens ne le verraient pas de cette façon là. Jude était celui que je considérais comme mon meilleur ami depuis que je l'avais rencontré et jamais, je n'aurais voulu le faire souffrir volontairement. Pourtant, sa façon de me regarder à ce moment-là me transperçait le coeur. Il y avait cette incrédulité qui était normale, mais il y avait aussi la même lueur qui avait traversé le regard de Rox, la veille : il se sentait trahi. « Comment… tu… c’est pas possible… » bafouilla-t-il en ramassant le sachet de carambars. Prise de panique, je le lui pris des mains et l'ouvris, déchirant l'emballage d'une barre pour la jeter avec précipitation dans ma bouche. Ma vision commençait à être encombrée de petits points noirs. J'en mangeai trois, manquant plusieurs fois de m'étouffer avec la pâte collante. Jude continuait de me fixer sans comprendre, perdu entre l'envie de croire qu'il s'agissait bien de moi et l'envie de m'étrangler s'il s'agissait bien de moi. Les larmes bordèrent mes paupières. Nous restions plantés là tous les deux, gênant le passage des autres clients, mais je devais avouer que ça me passait au-dessus de la tête. « Je suis désolée, Jude.. » Je lui rendis le paquet de bonbons fébrilement, ne comprenant même plus moi-même ce que je faisais. « Laisse-moi t'expliquer... »

J’avais vraiment l’impression de voir un fantôme, et ça faisait froid dans le dos. Le plus drôle, c’était que Roxanna et moi parlions quelques jours plus tôt à aller au procès de sa connasse de mère, quelque jours plus tôt, nous parlions à quel point notre Billie nous manquait. C’est vrai que je ne l’avais pas connu très longtemps, mais je l’avais presque considéré comme ma meilleure amie. Elle avait toujours été supportive dans le choix de Roxanna de devenir ma petite amie, quoi que les autres Eliot puissent en dire, elle m’avait aidé lors de mon premier sevrage, elle m’avait sauvé la vie en me faisant don de moelle osseuse lorsque ma leucémie avait récidivé. Billie était une personne extraordinaire qui m’avait toujours fait rire comme personne ne l’avait jamais fait. Et elle se tenait devant moi. J’étais là, figé à ne pas savoir quoi faire alors qu’elle m’arrachait le paquet de carambars des mains pour commencer à en engloutir. Et moi j’étais paralysé sur place, sans savoir quoi dire. Comment est-ce que je devais prendre ça ? Est-ce que Roxanna était au courant ? Non mais franchement, je devais être heureux ou en colère ? J’avais l’impression que je n’avais pas le droit d’être en colère, et pourtant… Elle avait les larmes aux yeux et ça me touchait, parce que c’était Billie… Billie était devant moi. « Je suis désolée, Jude.. » Je déglutis et je baissais le regard vers le paquet qu’elle m’avait remis en mains, et à mon tour, j’attrapais un carambar pour le déballer et le manger. Du sucre, il me fallait du sucre. Encore une fois, je ne savais pas quoi dire. C’était comme si mon cerveau m’ordonnait de lui dire toutes les choses que j’avais voulu lui dire après sa mort, mais que ma bouche m’empêchait de réagir. « Laisse-moi t'expliquer... » C’était bien elle, il n’y avait plus aucun doute possible. Sans faire attention, je laissais tomber la moitié des carambars du paquet à nos pieds, ne la quittant pas du regard et je réussis enfin à faire sortir un son de ma bouche. « M’expliquer… m’expliquer quoi… ? T’étais morte tu… ta mère elle va être jugée ce mois-ci, Roxanna me l’a dit la semaine dernière tu… » J’inspirais un grand coup et je lâchais le paquet pour me pencher et la prendre dans mes bras. J’étais en colère, mais j’étais aussi trop heureux. Je restais là, à la prendre contre moi pendant plusieurs longues minutes puis je me reculais, la regardant comme pour être sûr que je ne me trompais pas. « Pourquoi tu nous a fait ça.. ? » Quel que soit son explication, elle nous avait fait croire qu’elle était morte…et ça nous avait tellement dévastés Rox et moi… nous avions même donné à Aylin comme deuxième prénom Billie ! Et de savoir qu’elle aurait pu nous éviter cette peine… ça me rendait dingue.

Honnêtement, je pensais au fond de moi que Jude serait déjà au courant de ma 'résurrection'. Après tout, Roxanna et lui étaient comme les deux doigts de la main et j'aurais pensé qu'elle lui aurait dit qu'elle m'avait vue. Pourtant, Jude était autant sous le choc que la blonde la veille et s'il n'avait pas bouger pour manger à son tour un carambar, j'aurais sérieusement pensé qu'il s'était pétrifié. Sa réaction m'amena à penser qu'il n'était pas au courant et ses bafouillis confirmèrent mes soupçons. « M’expliquer… m’expliquer quoi… ? T’étais morte tu… ta mère elle va être jugée ce mois-ci, Roxanna me l’a dit la semaine dernière tu… » Contre toute attente, il m'étreignit longuement au beau milieu du magasin. Ce simple geste apaisa un peu le rythme effréné de mes pulsations. Je me laissai aller à cette douceur tant attendue, jusqu'à ce qu'il recule et que la réalité de la situation ne le frappe à nouveau. « Pourquoi tu nous a fait ça.. ? » Je reculai d'un pas, le cœur s'affolant et mes larmes imposant d'autant plus leur présence. Je n'étais pas prête à faire ça. Pas à nouveau, pas si tôt. Le souvenir du rejet catégorique de ma meilleure amie était encore trop frais dans ma mémoire, j'avais envie de vivre dans l'illusion encore un peu plus longtemps que Jude était toujours de mon côté. Mais si je l'affrontais, j'étais à peu près sûre qu'il allait réagir de la même façon. Il me fallait être plus convaincante qu'hier soir. Je devais trouver un moyen de m'expliquer mieux que les pathétiques marmonnements de la veille. « Ma vie était en danger... » Ah, ça commençait légèrement mieux que quand j'avais balancé tous les mots qui me passaient par la tête à Roxanna. Ça avait donné un mélange incompréhensible et ça avait initié ce que je redoutais le plus. « Mais ils m'ont forcée, je ne voulais pas. Je te jure, j'ai refusé, mais je n'avais pas le choix, je... C'était l'Alaska... » Bon, eh bien maintenant je me reconnaissais mieux. Voilà un nouveau mélange incohérent et incompréhensible qui me définissait depuis que j'étais revenue. Je soupirai et pinçai l'arête de mon nez, exaspérée de ma propre incapacité à défendre ma situation et mes actes.

J’étais partagé entre la colère et le fait d’être heureux. Notre Billie était là, devant moi. J’en parlais avec Roxanna encore plusieurs jours avant par rapport au procès de sa mère et au fait qu’on voulait la voir prendre cher au tribunal pour nous avoir enlevé notre meilleure amie. Mais même si ce bonheur semblait trop beau pour être vrai, je me sentais…. Trahis. Parce qu’elle nous avait fait croire à sa mort et que ça nous avait dévasté l’année dernière, et même encore aujourd’hui son absence nous pesait. Qu’est-ce qui avait bien pu la faire agir de la sorte ? Si elle avait eu besoin de se cacher, nous aurions pu le comprendre mais est-ce que c’était trop demandé de nous prévenir ? De nous faire parvenir un petit mot pour éviter qu’on souffre de cette absence ? J’adorais Billie, vraiment mais je n’étais pas sûr que j’allais réussir à faire comme-ci de rien n’était. Du moins, pour le moment, il allait me falloir un peu de temps. Je n’avais cependant pas pu m’empêcher de la prendre dans mes bras, c’était un peu le seul moyen que j’avais trouvé pour être sûr et certain que je ne rêvais pas et qu’elle était bien là. Sauf que ma question semblait la déstabiliser et des larmes lui montèrent tout de suite aux yeux. J’étais sûr et certain qu’elle allait se mettre à pleurer et ça me faisait mal au cœur de la voir comme ça. « Ma vie était en danger... » Je fronçais un peu les sourcils, ne détachant pas mon regard du sien. En danger ? Par rapport à sa mère ? « Mais ils m'ont forcée, je ne voulais pas. Je te jure, j'ai refusé, mais je n'avais pas le choix, je... C'était l'Alaska... » C’était l’Alaska ? Alors là, je dois avouer que je ne pigeais rien à la fin de sa phrase mais osef. Bon, ça ne servait à rien de s’énerver de toute façon, elle avait l’air assez bouleversée comme ça. « Comment ça en danger ? Qui t’as forcé à faire quoi ? » Je soupirais et je passais ma main dans ma nuque. J’attrapais alors un deuxième carambar, tout ça c’était de trop, déjà que j’étais en manque alors cette histoire avec Billie, ça allait me faire péter un câble. « Roxanna est au courant au moins ? » Certainement pas…sinon elle me l’aurait dit, non ? Quoi que ça n’était pas sûr, nous étions beaucoup moins proches qu’avant elle et moi depuis qu’elle m’avait quitté pour ce con d’Eliott qu’elle connaissait à peine. Je n’osais même pas imaginer sa réaction quand elle allait savoir..

« Comment ça en danger ? Qui t’as forcé à faire quoi ? » La jambe droite trépignant de nervosité, je regardai Jude fourrer sa main dans le paquet pour la seconde fois et en sortir un carambar qu'il ne tarda pas à engloutir. Je ne voulais pas réitérer le fiasco 'Roxanna'. Il fallait que je prenne quelques minutes pour réfléchir à la façon dont j'allais formuler mon explication. « Ça... Ça te dérange si on... » Fous le camp de cette épicerie ? ajoutai-je dans ma tête, mais complétai ma requête d'un simple mouvement silencieux, indiquant la sortie. Pendant mes crises de manque, j'avais toujours évité Jude comme la peste. Je ne voulais pas qu'il voie à quel point c'était dur de luter contre la drogue, même des années après avoir été sevrée. Je commençais à me sentir claustro dans ce foutu magasin et ça n'arrangeait pas mon problème, au contraire. J'étais en train de payer le paquet de bonbons, adressant un regard d'excuse à la caissière pour l'état dans lequel il se trouvait : tout déchiré et à moitié vide. Jude me posa alors la question fatale, qui me fit frémir d'angoisse à cause de souvenirs trop frais dans ma mémoire. Je ne lui répondis pas de suite ; nous sortîmes du magasin et je partis en direction du parc, décidant que me poser sur un banc allait probablement calmer mon anxiété. Mais bien sûr ! J'enfonçai un peu plus ma casquette sur ma tête et repoussai mes lunettes de soleil en haut de mon nez, m'éclaircissant la gorge. « Rox est au courant, oui.. » Il parut un peu surpris, tout comme je l'avais été un peu plus tôt, quand j'avais découvert qu'elle ne lui avait rien dit. « Dire qu'elle me déteste à l'heure qu'il est, serait un euphémisme. » Un emballage de carambar fut torturé pendant plusieurs minutes entre mon pouce et mon index, l'appréhension me bouffant le ventre. N'y tenant plus, je me tournai vers Jude avec une expression suppliante. « S'il te plaît, Jude.. promets-moi que tu vas m'écouter jusqu'au bout avant de me juger.. Je te jure que j'ai une bonne explication, mais hier soir .. j'étais trop sous le choc pour expliquer les choses correctement à Rox, sans compter qu'elle ne voulait pas m'écouter. »

« Ça... Ça te dérange si on... » Ouais, ça faisait con ces drôles de retrouvailles en plein milieu d’un rayon de sucreries du supermarché du coin, avec un paquet de carambars complètement déglingué entre nos mains. Non, ça n’était pas les retrouvailles rêvées. Sans rien répondre, je la suivais jusqu’aux caisses pour qu’elle paie le paquet. A vrai dire, j’étais tellement abasourdi par ce qui était en train de se passer que je ne cherchais même plus à savoir qui devait avoir le paquet, qui devait le payer ou quoi que ce soit. Je la suivais sans dire un mot, et la caissière devait se demander ce qui s’était passé avec ce paquet. Enfin, nous sortions du supermarché et je demandais à Billie si Roxanna était au courant. Parce que si elle le savait, elle me l’aurait dit je pense. Enfin, ne nous avançons pas, on ne pouvait pas trop s’avancer quand il s’agissait de Roxanna et de moi en fait. « Dire qu'elle me déteste à l'heure qu'il est, serait un euphémisme. » Je fronçais légèrement les sourcils. Elle l’a déteste à cause de tout ça ? Qu’on lui en veuille, je veux bien comprendre, mais au point de la détester, j’avais un peu du mal à la suivre pour le coup. Je glissais mes mains dans les proches de mon jean, tournant le regard vers Billie. J’étais juste… encore sous le choc. « S'il te plaît, Jude.. promets-moi que tu vas m'écouter jusqu'au bout avant de me juger.. Je te jure que j'ai une bonne explication, mais hier soir .. j'étais trop sous le choc pour expliquer les choses correctement à Rox, sans compter qu'elle ne voulait pas m'écouter. » Je ris légèrement, « Tu sais, je suis pas du genre à juger, et je serais mal placé de te faire la moral vu les conneries que j’ai pu faire cette année… » Je soupirais et j’allais m’asseoir sur les marches d’un bâtiment, attendant que Billie vienne me rejoindre pour lui dire, « Vas-y, je t’écoute. »

Si ma présence représentait un réel choc pour ceux qui me croyaient morte depuis un an, il en était quasiment de même pour moi. Bien sûr, mon niveau de surprise devait être nettement inférieur mais au fond, je m'étais faite à l'idée que j'allais probablement finir ma vie, seule en Alaska. Ou au moins jusqu'à ce que Shenae ne finisse par mourir de vieillesse et soit retrouvée quelque part à Hawaï des années après sa mort. En bref, j'avais totalement laissé s'échapper l'espoir de revoir un jour ces têtes qui me mettaient du baume au cœur. Alors oui, j'étais aussi choquée d'être en train de parler à Jude que lui semblait l'être. L'effet 'fantôme' en moins. « Tu sais, je suis pas du genre à juger, et je serais mal placé de te faire la moral vu les conneries que j’ai pu faire cette année… » Fronçant les sourcils, j'étais partie pour lui demander de quoi il parlait, mais il m'entraîna sur les marches d'une vieille bâtisse et redirigea directement la conversation sur le sujet de base. Cependant, je gardai précieusement la brindille d'informations qu'il venait de me filer sur sa vie et me promis de ne pas lâcher le morceau, une fois que j'aurais fini de m'expliquer. Alors, je me lançai dans le récit de ce fameux jour où ma génitrice avait attenté à ma vie, tout ça pour se louper en beauté. Je glissai le détail du coma délicatement et fis une pause après lui avoir dit que je m'étais réveillée face à quatre visages stressés de types du FBI. Je soupirai un coup, faisant un bref check-up de mes émotions pour vérifier que tout était en ordre. Je devais raconter cette histoire de la même façon qu'on arrachait un pansement : précipitamment. Sinon, ce serait le flot de larmes assuré. « Ils m'ont dit qu'ils m'emmèneraient dans une localisation sécurisée, loin de tout danger et avec une protection rapprochée qui me collerait aux basques H-24. Selon eux, je serais plus en sécurité par rapport à Shenae si tout le monde pensait que j'étais bien morte .. » Je m'arrêtai à nouveau, laissant le temps à Jude d'ingurgiter la tonne d'informations que je lui lançais sans pitié. Mes mains tremblèrent sur mes genoux, infime signe parmi tant d'autres que le manque était toujours présent dans mon système, alors je les bloquai entre mes cuisses et me balançai un peu en avant en fermant les yeux. « J'ai refusé .. Je leur ai dit que s'ils voulaient me mettre une garde rapprochée, qu'ils le fassent, mais qu'il était hors de question que je lâche ma vie pour une pourriture pareille. C'est là qu'ils m'ont fait comprendre qu'ils ne me laissaient pas le choix. Parce qu'au-delà de ma sécurité, il y avait celle de la nation qui devait être protégée d'une criminelle, qu'ils devaient employer tous les moyens pour la retrouver le plus rapidement possible, bref.. » Je citai les mots exacts que l'on m'avait servis ce jour-là, paraissant aussi robotique que l'homme en costard qui s'était adressé à moi comme si je n'étais même pas dans la pièce.