(marley) et bons voeux de rétablissement

Téléphone à la main, je pestais pour la énième fois de ne pas parvenir à joindre le garde du corps principal de mes soeurs, Alfred. Je ne savais pas si c'était un problème de téléphone, de réseau ou d'incompétence, mais ça allait bien deux minutes cette histoire. Ce n'était pas normal. Mon père ne choisissait jamais ses hommes au hasard, et avec tous ces évènements récents, je commençais déjà à me faire tout un tas de films. Tendu, je pressais mon chauffeur de faire un détour par cambridge en verrouillant l'écran de mon smartphone avec nervosité. Quelques minutes plus tard j'étais enfin face à l'immeuble où vivaient mes soeurs. Oui, je venais vérifier par moi même que tout allait bien. Clairement, je ne faisais pas dans la demi mesure - rien qui ne surprenne les filles à priori. Le temps de prendre l'ascenseur et je me trouvais devant leur porte, sonnant sans attendre. Une seconde fois quand personne ne venait m'ouvrir - la patience et moi ça fait deux. Puis n'y tenant plus, j'entrais, faisant fi de la bienséance. « Gracie ? Kenzie ? »

Mot d'ordre me concernant ''rester sagement en position semi-assise sur ce canapé.'' Très sérieusement, c'était very very complicated. Moi pas bougée? Moi pas pouvoir aller où je voulais? Le mot repos je connaissais pas et franchement.. c'était rude pour le mental ça. Les filles m'avaient aidé à m'installer confortablement. Ordi à côté de moi, mon téléphone à proximité, je lisais le roman girl, woman, other. Je dévorais littéralement chaque mot de ce livre, c'était un chef d'oeuvre. Mon attention était ailleurs que dans cette pièce, j'oubliais mon état pour un court laps de temps. Je sursautais en entendant la sonnette. Le mouvement que je venais de faire me procurait une douleur aux niveaux de mes côtes. Je grimaçais légèrement et.. quand j'entendis le bruit de la porte s'ouvrir, j'arrêtais de respirer. Pourquoi la porte était pas verrouillée? C'était qui? J'attendais personne et très peu de gens savaient que je restais ici le temps que je me rétablisse. Et si c'était.. lui? Et si c'était un cambrioleur? -quoique ils frappent pas aux portes oklm. Et si et si et si. C'était une avalanche de questions dans ma tête. Une voix masculine cassait ce lourd silence, c'était pas pour moi. « Elles ne sont pas là » répondais-je en étirant un peu ma tête, histoire de voir à qui j'avais affaire. Et mes traits changeaient en trois secondes trop chrono en le voyant lui.      

Clairement quand il s'agissait de mes soeurs, je perdais tout sens commun. Et en même temps, comment pouvait-il en être autrement quand on savait que Gracie s'était faite agressée à peine quinze jours plus tôt ? Savoir que cet enfoiré pouvait recommencer à tout moment, auprès d'elle ou de Kenzie, me rendait dingue. Réalisant que malgré tout ce que je pouvais faire à mon niveau, je restais terriblement impuissant face à cette situation. Alors je me contentais d'harceler Alfred pour m'assurer qu'elles allaient bien. Si ce n'était que moi je les auraient prises avec moi à la suite, mais je savais d'avance que jamais elles n'accepteraient.
Voyant que personne ne venait m'ouvrir, je rentrais donc dans l'appart, presque surpris de voir la porte ouverte. Elles n'étaient pas distraites au point de laisser la porte ouverte quand même si ? Jetant un regard circulaire, j'entendais rapidement une voix féminine à l'intonation un brin inquiète. Puis je tombais sur elle. « Toi ? » lâchai-je en haussant les sourcils. Mon regard glissait inévitablement sur l'immense plâtre qui recouvrait sa jambe, ainsi que son bras. « Eh ben, je ne savais pas que c'était une hospice ici » lâchai-je, toujours surpis. « Quoiqu'il te soit arrivé, tu t'es pas loupée » ajoutai-je d'un air qui aurait presque pu être désolé. A la place je m'installai nonchalamment dans le fauteuil qui lui faisait face, mon regard papillonnant à gauche à droite.

Manquait plus que ça, tomber sur une personne que je portais pas beaucoup dans mon coeur. Moins qu'on se croisait, mieux c'était. Y'avait un énorme clash entre nos personnalités respectives qui faisait en sorte que nos rapports étaient aussi inexistants que son humanité en lui. Je comprenais toujours pas qu'il puisse être proche d'Imogen, pour moi ça faisait aucun sens. Mon niveau de tolérance était mise à rude épreuve à chaque fois qu'il était dans les parages. Marcus était le type qui en avait rien à foutre des autres, lui seul comptait. « Yep j'suis très réelle » disais-je en nous pointant tour à tour du doigt pour qu'il enregistre l'info dans sa tête. « T'es pas au courant? Elles se sont dit que ça pourrait te faire du bien de t'occuper de quelqu'un, histoire que ça puisse être une expérience enrichissante pour toi » Marcus, s'occuper de quelqu'un? Jamais, c'est pas dans ses cordes ah ah. Quoique, si j'étais une von Habsburg ça serait différent. « On va dire que j'prends ça comme une forme de compassion » En vrai, il en avait rien à foutre. Il voulait parler pour briser ce silence, c'tout. Je m'attendais à ce qu'il se casse, parce qu'il y avait rien d'intéressant ici. Qu'il me dise de passer le bonjour à ses soeurs mais plutôt que tous ces scénarios envisagés, il s'installait dans le fauteuil en face de moi. « Qu'est-ce que tu fais? » demandais-je en comprenant que dalle, t'as besoin d'une visite guidée de l'appart? Agrandir ton réseau parce que t'as personne à qui parler?          

Brinley et moi, ça n'était jamais passé. Caractères trop explosif qui ne savaient cohabiter, ou tout simplement ce besoin de rejeter l'autre invariablement sans vraiment chercher à comprendre pourquoi. Elle avait ce truc qui pouvait à la fois m'exaspérer, me donner l'envie irrésistible de la faire chier ou de la provoquer jusqu'à la faire sortir de ses gonds. C'était... presque amusant en réalité. Mes soeurs avaient beau me réprimander chaque fois que je dépassais un peu trop les bornes avec elle, je ne pouvais m'empêcher de recommencer. « Oh, parce que tu aimerais que je m'occupe de toi ? » répondis-je avec un grand sourire tant cette image me paraissait comique. Rare étaient les personnes avec lesquelles je pouvais être aux petits soins, alors imaginer que je puisse jouer l'infirmier avec elle... cela devait probablement être autant son pire cauchemar que le mien. Néanmoins, je ne pouvais m'empêcher de me demander ce qui lui était arrivé pour se retrouver dans cet état. Etait-ce dû à cette fameuse explosion le soir d'halloween ? « Qu'est-ce que tu fais ? » Je savourais ce brusque changement dans sa voix qui trahissait le supplice que je pouvais représenter en m'asseyant face à elle, prenant encore un peu plus mes aises. « Je m'installe, en homme de compassion que je suis » répondis-je avec ironie. Puis toujours aussi nonchalamment, j'attrapais son téléphone avant qu'elle n'ait pu réagir. « Tiens c'est qui Braden ? Ton petit ami ? » lançai-je d'un air sadique en voyant un sms s'afficher alors qu'elle commençait à se tortiller pour essayer de récupérer l'objet.

Toutes les filles du campus rêveraient d'avoir une discussion avec Marcus, même la plus banale juste pour avoir un instant d'importance. Pour ma part, c'était pénible. Il aimait bien me rappeler d'où je venais, c'est-à-dire tout l'opposée de son statut. Je voyais pas l'intérêt d'être gentille avec quelqu'un qui s'amusait à tirer sur les ficelles pour me provoquer. Il devait pas avoir l'habitude d'être confronté à quelqu'un comme moi avec ce genre de tempérament. Je battais des records monstres en utilisant le sarcasme. « C'est mon rêve voyons et j'sens que t'en meurs d'envie » répondais-je en affichant un sourire hypocrite. Mon mental j'y tenais hein, même le peu qui restait, il était au bord du précipice. En fait mon rêve serait qu'il fasse demi tour pour dégager de l'appart. Je basculais ma tête vers l'arrière, jetant un bref regard au plafond du salon et je la relavais. Ah bah non, il était toujours planté là devant moi. Si j'avais pu bouger, je l'aurais pousser jusqu'à la porte, Sorry je suis pas sa fan number one, ni la centième. Je veux pas être dans son palmarès. « Belle initiative pour ta BA de l'année » répondais-je en tentant de dissimuler que j'étais dégoûtée. Ce trouduc -parce que j'ai pas d'autre synonyme plus politiquement correct en tête, attrapait mon téléphone. « Tiens c'est qui Braden ? Ton petit ami ? »  je fronçais les sourcils, tentant une manoeuvre pour essayer de le lui reprendre. Chose qui me fit grimacer de douleur. « Parce que ça t'intéresses de savoir si j'suis seule? Rends-moi ça »  

Le sarcasme était clairement chose courante avec elle lorsque j'étais dans les parages. Et je le lui rendais bien. « Ne prends pas tes rêves pour une réalité » répondis-je avec une fausse sollicitude, attendant le moment où j'arriverai à la faire sortir de ses gons pour de bon. Pourquoi ? Je n'aurais pas vraiment su l'expliquer. Parce que c'était le genre de choses qui me distrayaient lorsque je m'ennuyais. Et parce que malgré tout, malgré ce fossé entre nous et cette fâcheuse manie de se chercher les poux en permanence, il y avait ce truc chez cette fille qui m'intriguait. Cette impulsivité inexpliquée, comme une bombe à retardement qui ne demandait qu'à exploser. Contrairement à la majeure partie des gens je n'arrivais pas à la cerner totalement... et ça m'agaçait au plus haut point. Il faut dire aussi que ça répartie était exquise, un régal pour les oreilles. Je lui adressais même un clin d'oeil lorsqu'elle me parlait de ma BA de l'année, histoire de la faire rager encore un peu plus. Puis, poussant le bouchon encore plus loin, je lui volais son téléphone. Coup bas face à une nana handicapée, mais à la guerre, tous les coups son permis. Je captais néanmoins sa grimace et d'un regard je la sondais, réalisant qu'elle était réellement en piteux état. « Bien sûr que ça m'intéresse, ta vie, ton oeuvre... j'aimerais tout savoir de toi » susurrais-je avec ironie en ignorant sa supplique. Malheureusement, je ne connaissais pas son code pour en voir plus. « Bon, je ne voudrais pas risquer de tomber sur un nude » dis-je en posant l'objet à côté de moi. « Soyons sérieux, où sont les filles ? ».

« J'ai beaucoup de rêves mais t'en fais pas partie, scuse du quiproquo. » Contrairement aux autres meufs, qui s'imaginaient déjà mille et un scénarios, tous les plus tordus les uns que les autres. Je crois que j'étais sa cible préférée, que voulez-vous. Et autant qu'il arrivait à changer mon humeur en peu de temps, autant que je comprenais pas.. pourquoi il perdait son temps avec moi. Je comprenais pas non plus nos discussions. On s'appréciait pas mais on arrivait quand même à dialoguer - la plupart du temps c'était archi négatif. C'était weird. Il y avait aussi le fait que j'ignorais pourquoi il soulevait beaucoup d'interrogations dans ma tête. J'avais le besoin de comprendre les choses, les zones grises je détestais ça et avec lui, il y avait du gris partout. Ça me poussait à réfléchir plus, parler plus, réagir plus. En parlant de réaction, je me tortillais sur le canapé pour essayer d'atteindre MON téléphone qu'il avait pris. Je priais de toutes mes forces pour pas qu'il lise un truc qui était pas censé savoir. Chers amis, veuillez ne pas m'envoyer vos confidences pour les prochaines minutes svp. Forcément qu'à force de bouger comme ça, ça me faisait mal. « Tu sais que tout ça, ça se gagne et ça se mérite? T'es pas du niveau. » Parce que je suis trop complexe pour tes neurones mon ami pas ami. Fallait être un minimum proches et encore, je restais un mystère pour mes propres meilleurs amis qui avaient du mal à me déchiffrer. « C'est ce que ça fait d'avoir la curiosité mal placée. » disais-je sourcils froncés en le voyant poser mon portable à côté de lui. « Parties faire les courses, elles devraient pas tarder. » J'observais son visage, je savais au fond de moi pourquoi il semblait aussi inquiet.    

Chercher à piquer l'autre devenait un sport à ce stade, tant chaque phrase était ponctuée d'un sarcasme quand nous étions en présence l'un de l'autre. Je levais les yeux au ciel en l'entendant me répondre qu'en gros si je voulais en savoir plus sur elle, il fallait que je le mérite. « L'ironie Morelli, tu ne connais pas ? » lui répondis-je, voyant qu'elle me répondait au premier degré. Lui montrant clairement que je m'en foutait d'elle... même si au fond, les choses étaient un peu plus complexes que ça. Preuve étant que je m'amusais à essayer de regarder son téléphone, pour la faire enrager certes, mais aussi avec un brin de curiosité. « C'est ce que ça fait d'avoir la curiosité mal placée » répondit-elle, et du tac au tac, je rebondissais. « Parce que tu es vraiment du genre à faire des nudes alors ? » dis-je, de plus en plus amusé de la voir se dévoiler malgré elle. Et soudain je me prenais à me demander quel genre de nana elle pouvait être avec les hommes. Plutôt prude ou affirmée ?
Pour autant le temps passait, et je revenais au sujet principal: mes soeurs. Car malgré tout, c'était ça qui me préoccupait le plus. « Je vois... il va vraiment falloir que je fasse un point avec Alfred » dis-je en fronçant les sourcils, détournant le regard. Avec Alfred et son téléphone qui ne fonctionnait pas. Je me levais, m'approchant de la fenêtre pour les guetter.

C'est limite si il voulait qu'on se fasse une journée pour débriefer autour d'un thé avec des cookies. Rendez-vous à chaque dimanche pour faire un update ça me paraît être une bonne idée voyons -non-. Ma tête se décomposait lorsqu'il me confirmait que c'était de l'ironie. Own sans blague, j'aurais jamais pu deviner. « Ton humour est douteux von Habsburg » disais-je en faisant exprès d'être choquée, suivi d'un O avec ma bouche. Du coin de l'oeil je surveillais mon téléphone, j'aimais bien Braden mais j'avais pas confiance là. Parce qu'à tout moment il allait m'envoyer une connerie et.. Marcus était capable de tout. « Mes albums photos ressemblent pas à onlyfans » répondais-je sans vraiment répondre directement à sa question. J'envoyais pas des nudes à n'importe qui ni oklm comme ça. J'étais pas ce genre de meuf qui utilisait son corps comme moyen de séduction. C'était simple, en dehors des gages, j'en envoyais qu'à ceux avec qui je couchais régulièrement. C'est-à-dire pu personne à l'heure actuelle, vu qu'avec Levy c'était finito. Il se levait pour aller à la fenêtre histoire de jeter un coup d'oeil sur les environs. « Quel genre de point? » demandais-je malgré moi, j'essayais même pas de le raisonner pour le calmer. Je le comprenais.