Ils étaient bien. Ils étaient confortablement installés, lui en dessous, Chuck allongée sur son torse, leurs respirations en harmonie parfaite, synchronisées à la micro-seconde près. Néanmoins, comme d'habitude, il avait tout gâché ... Malgré son intellect, il était constitué d'une telle manière qu'il ne pouvait pas s'empêcher de parler lorsqu'une question lui avait été posée, malgré le fait qu'uniquement quelques secondes auparavant, il avait promis de rester silencieux. En même temps, ce n'était pas uniquement de sa faute : Chuck était celle qui avait tenté d'entamer une conversation ; elle était celle qui s'était engagée à prendre des risques en l'interrogeant de la sorte. Malgré tout, il ne s'attendait pas à la réaction qu'elle eut alors. Il avait en effet cru qu'elle lui aurait répondu "Peut être bien, qui sait ?" à la première question et "Je ne sais pas, sans doute rien d'important" à la deuxième. Mais lorsqu'elle se dégagea de ses bras, ces bras protecteurs qui l'entouraient, il ne put être que surpris. Si surpris, d'ailleurs, qu'il recula en sursaut. Et elle en profita pour s'enfuir.
Une bouteille renversée, une Chuck étalée sur le sol, la main entaillée. Puis, elle se releva, se cogna dans sa table de chevet avant de se tourner vers la porte. Son sang ne fit qu'un tour, son coeur battant la chamade. L'adrénaline lui monta au corps tant la scène était intense à ses yeux. Il était terrifié. Terrifié qu'elle parte et qu'elle le laisse seul après cet éveil rempli d'espoirs et de promesses silencieuses ... Il avait peur qu'elle ne revienne plus. Il avait tout gâché. Néanmoins, elle fit alors quelque chose qu'il n'avait pas anticipé : Chuck s'accroupit alors dans un coin de la salle, la tête bien protégée entre ses deux bras, comme une victime de traumatisme.
Il ne savait pas comment ils étaient passés de ce tendre calin à cette scène affreuse. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il fallait y rémédier. Accroupie dans un coin de sa chambre se tenait une jeune fille désorientée ... Une jeune fille qui comptait beaucoup pour lui, dont le coeur étaient lourd et les yeux remplis de larmes. Souffrant du malaise de celle-ci, il se remit instantanément de sa stupeur lorsqu'elle s'était libérée de son étreinte quelques secondes auparavant, se levant doucement hors de ses draps et marchant vers Chuck. Elle souffrait. De quoi ? Il l'ignorait. Mais elle souffrait, et ça lui faisait mal. Son coeur était transpercé, tout comme la main de Chuck. En parlant de celle-ci, malgré le fait que la blessure n'était pas profonde, il devait faire quelque chose à son propos ... Étant donné qu'il avait une profonde aversion pour le sang. Contournant le lit ayant décidé de ne pas suivre le parcours de la jeune femme dû aux débris de verre et le fond de bierre à présent étalés sur son tapis, il marcha prudemment vers elle, rammassant au passage une bande blanche enroulée sur sa table de chevet.
Il avait eu de la chance : malgré le bazzar omniprésent dans sa chambre, les piles de vêtements empilées au coin du lit, les feuilles volantes et désordonnées sur le bureau et les livres empilés à la hâte sur les étagères, il avait quand même réussi à trouver son rouleau de bande adhésive en cas de blessures ... Pourquoi avait-il été posé sur sa table de chevet ? Il aurait aimé croire au destin. En vérité, c'était parce que environ trois jours auparavant, il s'était effleuré le mollet contre une grille en métal, sur le chemin du retour vers la maison des Dunsters.
S'approchant alors de Chuck, le regard attendri, il ne souriait plus. Les choses n'étaient plus légères, ils n'étaient plus bien, là où ils étaient. Sifflant doucement entre ses dents afin de la calmer, de la garder posée et relaxée, il s'accroupit à son côté, prenant sa main entre ses doigts avant d'enrouler la bande blanche autour de celle-ci. Certes, il ne la désinfectait pas mais ceci pouvait toujours être fait après ... Qui plus est, elle s'était coupée sur une bouteille contenant de l'alcool ... Il y avait donc moins de risques à ce qu'elle ait une infection. Elle pleurait encore, les larmes lui coulant le long de ses joues, balbutiant entre deux sanglots qu'elle aurait préféré qu'il se taise, qu'il ne dise rien ... Qu'il ne lui rappelle pas leur histoire. Culpabilisant, il se tut, se contentant de masser avec délicatesse la paume de sa main, à présent recouverte par un bandage.
Il lâcha alors doucement sa main, la reposant presque sur ses jambes avant de masser doucement son genou qui avait du souffrir de l'impact ... L'observant attentivement, il ne put s'empêcher d'être ému par sa détresse et par son insécurité ... Il avait mal pour elle. Ses émotions à lui ne voulaient plus rien dire à present car elles ne faisaient que miroiter celles de Chuck. La libérant de la cage que ses bras formaient autour de son crâne, leurs yeux se rencontrèrent alors furtivement et il le ressentit ... Ressentit quoi ? Il ne pouvait le décrire ; il savait simplement que ça lui avait donné des frissons. Et, instinctivement, sans comprendre pourquoi, il fit ce qu'il aurait du faire depuis le début. Edenshaw lui caressa la joue gauche, balayant quelques cheveux rebelles d'un geste de main avant de les ranger derrière son oreille. Puis, avec concentration, il essuya les larmes de Chuck avec ses doigts, comme si elles étaient de perles dangereuses qui pourraient le couper (ou plutôt, la couper) s'il y allait trop brusquement.
Une fois ses larmes sêchées, Edenshaw contempla la fille qui se tenait en face de lui. Elle semblait fragile ... Sans protections ni défenses. Levant lentement le menton de Chuck afin de pouvoir plonger son regard dans le sien, il afficha un regard strict qui lui ordonnait silencieusement de se taire et de rester immobile. Puis, s'avançant lentement vers elle, il déposa sur ses lèvres un doux baiser avant que celui-ci ne devienne quelque peu plus langoureux. Une main dans ses cheveux, l'autre derrière son dos. Il continuait avec autant de chaleur qu'il le pouvait, cherchant à mettre Chuck à son aise et à lui montrer l'intérieur de son coeur d'une manière qu'il savait qu'elle comprendrait. Se détachant alors rapidement d'elle, il lui chuchota dans l'oreille avant de continuer :
- But don't you see it, Doll ? With me, you'll never be lost, because I will always be here to guide you ... Together ... Ah god, I can't begin to imagine all the wonderful things we can do together.- Traduction:
Mais ne le vois-tu pas, Poupée ? Avec moi, tu ne seras jamais perdue, parce que je serais toujours là pour te guider ... Ensemble ... Ah dieu, je n'arrive même pas à imaginer toutes les choses merveilleuses que nous sommes capables d'effectuer ensemble.
Il l'embrassait toujours. Il la désirait. Puis, ralentissant avec hésitation dans son élan, il se résolut finalement à ajouter :
- You were always the only one for me, Doll. No matter how hard I tried, there couldn't be anybody else ... I think that ... I believe ... I'm nothing without you.- Traduction:
Tu as toujours été la seule pour moi, Poupée. Peu importe la détermination avec laquelle j'essayais, il ne pouvait jamais y avoir personne d'autre ... Je pense que ... Je crois .... Je suis rien sans toi.
Ayant ouvert son coeur à celle-ci, il se retrouvait à nu (émotionnellement) devant elle. Maintenant venait le moment difficile : celui de la réponse de celle-ci. Allait-elle se moquer de lui ? Allait-elle le rejeter ? Allait-elle se calmer et lui ouvrir son coeur, elle aussi ? Il l'ignorait : il la savait imprévisible et capable de changer du tout au tout. Mais ça lui importait peu. Il s'était libéré de cette tension accumulée depuis trois années maintenant. Il lui avait enfin dit ce qu'il avaait toujours sû et tenté de lui faire comprendre.