(billowyn) I know I'd go back to you

J'aurais pu me défendre. J'aurais pu lever les armes et partir à nouveau à la guerre. J'aurais pu essayer de lui dire, encore, que je l'ai défendue corps et âme dans sa guerre avec Gustin il y a deux ans, que j'ai plaidé sa cause auprès de sa Némésis, auprès d'Andréa ou de mes amis qui pensaient que Billie allait trop loin. Parce que la vérité, c'est qu'ils ont tous les deux été trop loin dans cette histoire et en les défendant tous les deux, je ne prenais pas de partie et je ne prenais pas de partie, parce que je pensais qu'ils étaient tous les deux autant fautifs l'un que l'autre. J'aurais pu lui dire que je ne lui ai rien dit quant à mes sentiments pour Gustin parce qu'ils étaient insignifiants, parce que je n'ai pas hésité une seule seconde. J'aurais pu lui dire que je voulais juste protéger son coeur. Le protéger, tout comme elle pensait me protéger d'Andréa en la menaçant. Le problème, c'est que ces batailles, je les ai déjà disputés et elles nous ont tout de même menées ici : comme si ce que je disais n'avait aucune importance. Il est hors de question que je sorte les armes à nouveau, parce que je suis épuisée. Mais aussi, parce que je ne veux pas continuer à invalider ce qu'elle ressent en essayant de me défendre. Sa peine, elle est bien là, elle existe et quand je vois cette larme couler sur sa joue, j'ai le coeur qui se serre. Billie la vaillante qui pleure, ça démontre la profondeur de la blessure que je lui ai infligé. Les yeux baissés, j'essaie d'essuyer mes joues inondées en souriant légèrement. On doit bien avoir l'air de deux idiotes, effectivement. Mais je reste silencieuse, parce que la gorge est beaucoup trop serrée pour parler et le cerveau lui, est en ébullition. Je regarde sa main qui attrape la mienne et qui attire mon attention sur elle. Mais je n'arrive pas à sourire à ce qu'elle me dit là. Au fait qu'elle essaie de prendre un peu de responsabilité dans ce qu'il se passe. J'arrive pas à sourire parce que non. Non. Elle n'a pas de part dans ce gâchis. Je regarde ses doigts qui jouent avec l'une de mes bagues et je laisse la gorge se desserrer un peu pour dire. "J'savais exactement qui tu étais quand je me suis mise avec toi" Mon regard capte le sien. Tendre, malgré la douleur. Tendre, malgré la rancoeur adverse. "Certes, j'approuve pas tes méthodes et je les comprends pas toujours.. mais c'est aussi pour ça que j't'aime, Billie" Léger sourire. "Je sais que tout ce que tu as fait, tu l'as fait parce que tu m'aimais. Je sais que ça partait d'un bon sentiment et c'est pour ça, que j'ai réussi à passer au dessus" Peut-être que le problème, c'est que toi tu ne me crois pas, quand je te dis que je t'ai caché cette information sur mes brefs sentiments pour Gus pour te protéger toi. Peut-être que le problème, c'est que tu ne vois pas que tout ce que je fais, je le fais aussi parce que je veux te protéger. On a pas les mêmes méthodes, mais on a les même intentions. Les mêmes sentiments. La langue passe entre les lèvres sèches et je soupire doucement, ressentant légèrement mes doigts entre les siens. "Est-ce que tu veux..  encore plus d'espace ?", que je finis par demander, me retenant très fort de ne pas pleurer car ce que je vais dire là, ça me tord l'estomac, le coeur, les entrailles, tout mon intérieur. "Être dans les bras de quelqu'un d'autre pour savoir si tu veux être encore avec moi ou pas.." Rien que l'image d'elle avec quelqu'un d'autre me donne littéralement envie de vomir. Mais je sais plus quoi faire. J'ai baissé les armes, j'agite le drapeau blanc depuis des mois mais rien n'y fais. L'espace, je lui ai laissé et pour quels résultats ? Qu'est-ce que je peux faire d'autre que faire demi-tour et quitter le champs de bataille pour de bon, en espérant désespérément qu'elle finirait par me rattraper pour m'empêcher de partir.  

J’regrette rien, tu sais. Du bruit de taule brisée, du regard furieux de Gustin, d’Andrea qui flippe à l’idée de voir son image s’effriter, de voir sa place à Harvard remise en cause. J’regrette rien, et si j’devais le refaire, je referai tout pareil. Sûrement qu’en prévision de mon cœur qui se brise à la lecture de quelques lignes de trop, j’aurai flingué davantage sa caisse. Peut-être que sans voiture, il serait moins venu te voir, tu sais. Il se serait moins incrusté auprès de toi. J’ai merdé, forcément, à un moment. Tu me rassures, tu pardonnes tous mes méfaits ; mais la réalité c’est qu’un jour, j’ai merdé. Pour qu’à un moment, même bref, ton battant se soit divisé et se soit perdu dans ses battements. Il a eu le droit à cette mélodie que je pensais seulement adressée à mes oreilles. C’est con, j’suis pas trop possessive normalement. C’est ça le problème, “normalement”. Tous les “normalement” ne marchent pas avec toi. Normalement, on ne devrait pas être ensemble. Normalement, je ne devrais pas tomber amoureuse. Normalement, je devrais être soulagée que tu sois prête à me laisser partir. Le mot est cassé. Nous aussi je crois. “Oui.” C’est même pas soufflé, c’est affirmé, presque trop spontanément. Comme on chope un extincteur, en pensant que cette petite chose peut vaincre cette histoire en flammes. Oui, oui, pour la respiration, oui pour sortir de ce tunnel où je nous enterre. Oui, pour voir si tu sais encore danser quand je cesse de te rendre triste. Oui, si franc que ça me surprend à l'ouïe. J’pensais pourtant pas être si convaincue. Parce que trois lettres, ça parait peu, mais elles sont suffisantes pour tordre tout l’intérieur. Le O encercle mon cœur, le U enserre mes entrailles, et le I pique chaque nerf qu’il croise. On dit oui pour se marier, pas pour s’éloigner. J’maintiens tes doigts, par peur qu’ils s'enfuient. Que le oui t’agresse, toi aussi. “Pas le truc d’aller voir ailleurs ou quoi, je m’en fous de ça, c'est pas pour ça.” C’est pas le sujet et ça l’a jamais été. “Les autres me manquaient pas.” Le sourire, tellement triste. “C’est moi, qui me manque.” J’ai besoin de me retrouver ; même si me retrouver, c’est m’envelopper dans une nappe sombre et fricoter avec quelques friandises qui patientent dans ma table basse. Même si en tête à tête, j’préfère l’être avec toi plus qu’avec moi-même. “Faut que j’ai envie de me battre pour nous.” C’est pas le cas, tu le vois bien. J’me suis enfermée dans la rancœur depuis des mois, bien avant la cerise de Veritas. J’ai accepté ce que la Billie que je connaissais, n’aurait pas accepté. Peut-être qu’on aurait dû s’engueuler bien plus tôt. Peut-être qu’on se serait sauvées, comme ça. “Avant d’être capable de ça, faut déjà que je me batte pour à nouveau être bien, avec moi.” Me réaffirmer, ne plus avoir honte de ce simili O’Malley que j’me sers depuis quelque temps. “Et en même temps..” La respiration est profonde, c’est dur, tout est dur, surtout inspirer. Non, j'refuse de chialer encore. J'garde la flotte aux coins des orbes. “J’ai pas du tout envie de te perdre.” Mes phalanges qui broient les tiennes. Gamine aux épaules trop frêles, amoureuse sans savoir l'être.

Il est difficile de cacher ma surprise quand le oui glisse entre ses lèvres avec une facilité aussi déconcertante. Ou peut-être que la surprise réside dans la rapidité de sa réponse, comme si elle n'attendait que ça. Et bien sûr, que ça me fait mal. J'ai mal dans la poitrine, j'ai mal dans la gorge qui retient une nouvelle vague de larmes qui ne demandent qu'à envahir mon visage, j'ai mal dans ses doigts que tu resserres entre plus entre les miens mais qui me donnent la sensation de brûler. Une légère inspiration qui a pour but de tout encaisser, quand tu expliques que tu ne veux pas aller voir ailleurs, mais que tu as besoin de temps pour toi. Comme si tu n'en avais pas eu assez ces six derniers mois, avec ce silence que tu as imposé entre nous, ce silence qui, j'en suis convaincue, n'a fait que creuser ce trou entre nous, qui nous as encore plus cassé. Qui t'a peut-être redonné goût à ta liberté visiblement tant manquée ? Je suis complètement muette, parce que je suis incapable de parler sans fondre en sanglots. Mais quand le "mais en même temps" est prononcé, le regard est immédiatement posé sur elle, comme une enfant punie qui espère soudainement que l'adulte en face d'elle change d'avis sur sa punition. Mais à la suite de sa phrase, c'est trop. Mes doigts se libèrent des siennes et viennent cacher mes yeux, ne cachant même pas ce hoquet de sanglots enfin relâchés qui vient déchirer mon silence. Je me rends compte que je ne peux rester là, à sangloter comme une idiote et je tourne la tête dans la direction opposée pour tenter de sécher mes larmes, sans grand succès. Difficilement, je décroise mes jambes tremblantes pour me lever, passant mes mains sur ma robe pour la défroisser en reniflant, "Pourtant tu avais l'air assez sûre de toi", que je lui dis d'une voix tremblante avant de relever le regard vers elle, le sourire triste qui étire les lèvres tremblantes prêtes à laisser échapper de nouveaux sanglots. Je fais bien sûr mention de son oui si précipité, cette bouée à laquelle elle n'a pas hésité une seule seconde à se raccrocher plutôt que de nager jusqu'à la rive avec moi. Elle ne voulait pas faire comme les autres et pourtant, voilà le moment tant redouté. Celui où elle m'abandonne, elle aussi.  "J'vais.. appeler un Uber, j'ai plus envie d'être ici, faut que j'enlève cette.. robe à la con j'en peux plus de faire semblant.." Faire semblant que tout va bien, faire semblant qu'on ira mieux un jour quand visiblement, je t'ai perdu depuis six mois sans que t'aies le courage de rien dire, préférant me faire espérer que cette distance arrangerait assez les choses pour que tu aies envie de sauver le navire avec moi. Au lieu de ça on vient de sauter à l'eau, on abandonne le navire et on a pas la même méthode de survie. Je sais même pas si je vais avoir le courage de nager jusqu'à la rive, parce que j'ai plus l'impression que je vais couler. "Prends soin de toi, Billie", que je finis par lui dire avant de faire volte face pour m'éloigner, téléphone à la main pour appeler un Uber, espérant qu'une voiture sera disponible pour venir rapidement me chercher.