I know I'd go back to you
Dans l’anonymat d’une salle bondée, dansante, heureuse. Une salle qui vit, quand nous au milieu, on se meurt un peu. L’anonymat d’un couple à la dérive, de sanglots qu’on étouffe par une musique trop forte, du bruit pourtant assourdissant de deux cœurs qui se brisent mutuellement. Personne n’a entendu, tout le monde continue. La terre, de tourner, les couples aussi. On existe si peu. Des conversations futiles tout autour, et nous, dans celle la plus importante de notre duo. Ils s’en foutent eux, qu’on s’entendent à peine. Alors tu nous extirpes, tu nous isoles, et désormais c’est le silence qui m’agrippe à la gorge. Tout est si calme, ici, je t’entends respirer, et j’entends aussi les larmes qui ont été ravalées. Je m’entend réfléchir, et ça s’ajoute à l’étouffement. C’est moins facile, quand j’peux pas camoufler les syllabes dans les éclats de rire. Mais, je le sais. Que tu ne peux pas continuer comme ça, que j’t’en demande trop, avec ma distance et mes doigts qui te maintiennent près de moi tout de même. Je pourrais, je crois. Continuer. Je sais pas combien de temps, mais je pourrais. J’ai peur de l’après, si tu me quittes. Je gratte des minutes, jours, semaines. Regarde comme je peux faire ça pendant des mois. Ca n’est confortable ni pour toi, ni pour moi ; mais on est toujours ensemble, et si j’en ai envie, je peux même déposer mes lèvres sur les tiennes. Égoïsme. J’copie tes pieds nus, qui disparaissent sous le voile vert clair de ma robe. Y a du ridicule dans ces corps apprêtés, ce maquillage gâché. “ Je sais pas quoi te dire..” Mais j’le sais, que j’ai pas le droit de te dire ça, pas maintenant. Qu’il y aura pas d’autre bal. Que t’as décidé que ce soir, on réglait les choses. Tu vois, je t’ai dis que c’était trop doux comme thème. “J’ai l’impression que je te l’ai déjà dis, et.. je sais pas, ça change rien.” Les épaules haussées doucement, à peine, elles ne se battent plus, elles non plus. Les orbes sont plus brillantes que d’ordinaire. “J’ai l’impression que j’ai oublié qui j’étais.” La tête se secoue, rectifie. “Enfin, pas vraiment. Le truc c’est que.. j’ai accepté des trucs que j’aurai jamais accepté avant, que j’aurai peut-être pas dû accepter, finalement. Parce que j'ai pas aimé ce que ça m'a fait ressentir. ” Les lèvres se pincent. “Mais je l’ai fais parce que je t’aime. Et je suppose que quand on veut ça marche, on doit faire des concessions.” J’ai avalé des couleuvres, et tout un tas d’autres espèces. Ca m’a mordu la gorge ; regarde comme je galère à respirer désormais. “Y a eu des moments où tu m’as pas choisi.” T’aimes tout le monde Eowyn, et moi j’t’aime toi. C’est peut-être ça le problème. ”T’as pas cherché à comprendre comment je fonctionnais, pourquoi je faisais ce que je faisais, même si ça avait l’air extrême de ton point de vue.” Du point de vue de tout un tas de gens, je conçois. “Tu m’as laissé être attaquée, t’as oublié de te mettre de mon côté.” On y revient, je ne fais que répéter ce qui a déjà été dis. “J’étais la méchante, et tu m’as laissé là-dedans.” T’es pas la seule. Mon amitié avec Orphéa a été abîmée, aussi. La puissance d’un sourire charmeur, dans une histoire. “J’ai digéré, j’ai accepté, parce que t’en vaut vraiment la peine.” J’regrette pas, sans ça, on aurait pas eu les instants qui ont suivi. J’me redresse un peu dans mon assise, les lèvres amères. “Mais là.. les sentiments pour Gus, c’était juste le truc de trop, je crois.” T’aimes trop, Eowyn, j’le répète. Et tu continues. Je t’ai laissé le choix, et tu l’as gardé près de toi. L’arme du crime, toujours dans le tableau, pas peu fier de nous avoir bousillées.