Charles Baudelaire avait dit mot pour mot “ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière.” Et tu comprends Fallon, tu le vois même dans le regard de Mikhaël qui accroche le tien, esprit absorbé par tes billes noisettes. Regard que tu veux discret, mais à la fois brûlant et intense. Cils qui papillonnent dans le vent lorsqu'il perd la partie. Rictus qui s'empare de ta chair pulpeuse. Il vient de perdre et ce n'est pas parce qu'il est nul, bien au contraire, c'est tout simplement parce que tu es présente, et pour une raison que tu ignores encore, tu as cette espèce d'emprise sur lui. Faisant de l'ombre même à sa copine. Copine que vous avez en commun d'ailleurs. Et dire que tu te sens mal de lui faire cet effet par rapport à Karina, serait mentir. Vile créature, telle est ta nature. Et tu ne veux rien y changer. Le garçon se lève et disparaît de ton champ de vision. Tu laisses ton regard vagabonder, Karina commence une nouvelle partie avec les autres. — J'vais me trouver un truc à manger, j'ai la dalle ! Ne comptez pas sur moi pour la prochaine partie. Ils te connaissent, estomac sur patte, tu n'es jamais rassasié. Silhouette dégagée, tu marches sur la pointe des pieds pour rejoindre la salle de bain où t'as entendue l'eau couler. Doucement, t'ouvres la porte et t'y introduis, puis la referme à clé et fourres l'objet dans la poche arrière de ton jean. — T'as besoin d'aide pour te frotter l'dos Mika ? Murmure suave tandis que tes doigts font glisser légèrement le rideau pour passer la tête. Sourire éclatant et à la fois provocateur.

Peut-être commets-tu une erreur en t'introduisant dans cette salle de bain alors que le garçon y est et que sa copine se trouve tout juste non loin dans le salon ? Tu n'as guère le temps de culpabiliser Fallon. Ton flair reconnaît aussitôt la présence de l’alpha en lui, tes prunelles passent la silhouette musclée du garçon au scanner. Et le fait qu'il se cache l'entrejambe t'arrache un petit rire. — Il est si petit à ce point ? Index tendu, ongle qui pointe son bijou de famille. Tu provoques. Encore et encore, parce que tu aimes ce petit jeu. Mais à trop vouloir jouer, il paraît qu'on finit par se brûler les ailes. — Poses-toi cette question Mikhaël. Qu'est-ce que je fous ici... J'ai entendu tes appels, ceux que tu tentes de refouler avec violence, mais que ton regard trahit. Réponse précise. Tu laisses ta main traîner à proximité, sur le rideau que tu fais glisser de plus en plus. — Qu'est-ce que tu sais déjà sur moi ? La générosité fait partie de l'une de mes plus belles qualités en somme. Tu l’observes un moment.  Évalues tes chances et l’angle d’approche qui te sera le plus avantageux. Ses gestes sont soignés, mais sa langue trahie ses pensées. La façon dont il te regarde, comme s'il allait te dévorer. Sensation frissonnante qui creuse ton bas-ventre. Personne n’est imperméable à un regard flatteur. Premier pied que tu poses tout doucement sur le carrelage de la douche. Ta peau frissonne légèrement au contact de l'eau.

Tu arrives à lire à travers ses pupilles dilatés, cette envie qu'il refoule. Cette envie de te voir à genoux pour goûter à l'interdit. — Tu aimerais bien non ? Regard qui accroche le sien. Tu l’observes. En fait, tu sembles le détailler bien plus qu’analyser sa réaction. Ces deux secondes, offertes à tes prunelles, te permettent de constater que tu as peut-être vu juste. Mais seulement, aura-t-il le cran de se jeter dans la gueule du loup ? Tu prends l'initiative de pousser le vice un peu plus loin en réduisant la proximité qui vous sépare, il ne faut cependant pas que l'eau touche tes vêtements, au risque de vous faire griller par la suite. — Dois-je te rappeler que j'ai moi aussi été en couple il y a peu ? J'suis tout sauf un exemple de fidélité... Tu ne t'en caches pas, tes plus proches savent que tu prônes la polygamie, peut-être n'as-tu simplement pas encore trouvé l'homme qui te fera oublier tous les autres ? — Si tu te tiens aussi près d'moi, tu vas finir par ne plus répondre de tes gestes. Allusion à la main qui s'pose dans le creux de ta hanche pour te rapprocher encore un peu. Vos souffles s'entremêlent, tes pupilles dilatées à leurs tours. Ton regard oscille entre ses lèvres et ses yeux. Il ne tient qu'à un mince fil de craquer. C’est peut-être pour cette raison que, sur un coup de tête, tu t'élances sur la pointe des pieds et requiert son attention en pressant tout doucement tes lèvres dans le coin des siennes. Rien d’outrageant. Un baiser simple et court qui te permet de provoquer cette coquille plus sauvage que son apparence pourrait laisser croire. Puis recules de quelques pas. Ni ton sourire chafouin, ni le clin d’œil que tu lui envoies ne sauraient mentir sur ton état d’esprit.

Pourquoi ? Une évidence s'offre à toi. Pourquoi reste-t-il prisonnier d'un amour à sens unique ? Tu ne comprends pas Fallon et tu es encore loin du compte. Tout ce dont tu es certaine, c'est qu'il ne l'aime pas. Et Karina est sûrement la seule à ne rien voir. — Est-ce ta façon de fuir ? De taire ce désir que tu n'arrives pas à contrôler ? Te persuader que tu pourrais être déçu alors que t'es conscient qu'à la minute où le bout de ma langue touchera le fruit défendu, tu ne voudras plus que ça s'arrête ? Le jeu reprend tandis que tes pulpeuses accueille naturellement un sourire enjoliveur. Tu le sais, Fallon, qu'il craque sur ce doux sourire. Sur tes canines de vampires et sur les deux fossettes qui creusent tes joues. Il joue à son tour, laisse vagabonder ses lèvres sur ta peau et putain... Ton sang bouillonne. Le partage de frissons délicieux s'empare de toi. — Je prends la pilule de toute façon. T'as encore d'autres excuses en stock ? Parce que toi, prise d'une pulsion non contrôlé , tu pousses sauvagement le garçon jusqu'à ce que son dos heurte le mur de la douche. Il faut que t'arrêtes Fallon, que tu sortes d'ici avant de lui créer une montagne de problèmes. Au fond, est-ce que tu t'en préoccupes ? Non pas tellement. — À quel point tu m'veux Mika ? Dis-le ! Murmure qui vient s'écraser contre son lobe d'oreille que tu tires légèrement entre les dents.