atlanta is calling (moraleimer)

atlanta is calling.

mercredi douze avril, atanta - georgie.
w/ @gaspard h. wertheimer

Deuxième journée de terminée et je suis complètement lessivée. Je reste de longues minutes sous la douche quand j’en ai l’occasion mais panique et mets la seconde quand mon téléphone sonne au loin. Cela veut dire qu’il ne me reste qu’une demi-heure avant de retrouver Gaspard et le reste de l’équipe dans le lobby de l’hôtel. Restaurant tous ensemble et puis fin de la soirée parce qu’il faut être à nouveau au studio à huit heures demain. Le rythme est intense mais rien ne me fait peur, loin de là même. Je coiffe rapidement mes cheveux, enfile un chemisier blanc, une jupe courte plissée et un blaser par dessus. Quelques accessoires ajoutés, j’enfile mes talons hauts avant de filer vers le lobby lorsque le dernier rappel sonne sur mon téléphone. Il me faut quelques minutes pour quitter mon étage et arriver jusqu’en bas où tout le monde est déjà là. Pardon, il y avait du monde qui voulait l’ascenseur ! Je marche rapidement jusqu’au groupe et nous partons rapidement dans les rues d’Atlanta. La soirée se passe bien et après quelques verres, nous voilà en club. Les jambes croisées, une coupe de champagne en mains, je fais signe à mes collègues de continuer leur soirée sans se préoccuper de moi pour le moment. J’ai besoin d’un petit peu de calme ou, du moins, de stopper les interactions sociales quelques minutes. C’est sans compter Gaspard qui s’assoit à mes côtés. Mon visage quitte le fauteuil en face que je fixais un peu dans le vide et regarde le blond. Mmh ? Il m’a parlé ? Que veut-il ? Une idée à noter, une information à ne pas oublier, j’en sors rapidement mon téléphone pour tout noter.

C’est compliqué de rester concentré toute la journée lorsque des tas de choses me ramènent à Boston. Ma mère ne cesse de me rassurer, de me dire que tout va bien, que nous ne connaissons aucun blessé grave, au final mais ce n’est pas assez. J’ai l’impression de ne pas faire assez pour la communauté, pour les victimes, pour ces personnes qui souffrent alors que moi, je vais bien, très bien même. Je sais que la soeur de Gaspard a été touché et j’ai plusieurs fois vu son regard se déconnecter du moment lors du repas. Je n’imagine pas ce que ça doit faire pour lui d’être à presque trois heures de vol de sa famille, de sa petite soeur et de ne rien pouvoir gérer. Quand on a des informations par téléphone, ce n’est jamais suffisant - enfin c’est le cas pour moi. Je n’ai pas eu le temps de voir Rhett et de voir effectivement ce qu’il a même s’il a voulu me rassurer en me disant qu’il n’avait rien. Je sais que je peux lui faire confiance mais le nombre de fois où je cachais mes blessures - physiques ou psychologiques - j’ai toujours un doute. Perdue dans mes pensées, le téléphone dégainé, je souris légèrement lorsque je sens ses doigts se poser sur ma main. Le contact est doux et agréable. Mes yeux sur son visage, je détaille ses traits anguleux qui dansent sous les jeux de lumière et souffle Merci. Parce que lorsqu’un professionnel de la mode comme lui donne ce genre de compliments, ce n’est pas à prendre à la légère. J’avais peur que ça fasse un peu trop… enfantin. La tenue est quand même très écolière mais c’est un parti que je prends en toute conscience. La mode ça a tellement d’importance dans ma vie, c’est un des échappatoires que j’ai trouvé lorsque j’étais une enfant perdue qui avait besoin de comprendre ce qu’il se passait pour elle. Je suis un peu fatiguée et j’ai couru toute la journée, je me sens un peu surmenée mais ça va. Et toi ? Des nouvelles d’Orphea ? Bien sûr que j’ai étudié l’arbre généalogique complet des Wertheimer quand j’ai décidé de rester ici. Il n’aurait pas fallu que je manque une information importante en chemin…

De toute façon, les créatifs sont souvent jugés mais rentrer dans le moule… J’hausse les épaules, une légère grimace sur le visage. Je ne suis pas de celles qui veulent rentrer dans le moule. Pourquoi ? Tout simplement parce que je sais que le moule est très souvent mal fichu, qu’il ne montre pas tout, qu’il ne veut rien dire et qu’il limite énormément. Le moule dans lequel je suis née ne me convenait pas, il n’était pas le mien mais bel et bien imposé par les normes et la société. Alors franchement, très peu pour moi. Je ne peux m’empêcher de sourire quand tu dis que j’ai bien appris mes leçons. C’est pas vraiment ça, c’est juste que c’est important pour toi et qu’en tant qu’assistante, ce qui a de l’importance pour toi en a pour moi. Oh. Je suis désolée d’entendre cela. Parce qu’on sait tous que si t’es venu à Boston en premier lieu, c’est pour ta famille et si t’es revenu c’est pour eux aussi. Tout le matériel que tu as ici, tu l’avais aussi dans la capitale de la mode. Ici, dans le Massachussetts, t’as moins professionnellement parlant mais sur le plan familial… Je suis fille unique. Mes parents ne voulaient pas de second enfant. Ils voulaient pouvoir continuer leurs carrières tout en m’éduquant, m’offrant tout ce dont j’avais besoin etc. Et puis, avec l’enfance et l’adolescence que j’ai eu, je crois qu’ils n’ont jamais voulu réitérer l’expérience. Mes parents ont toujours été tellement positifs, ils m’ont toujours soutenu et suivi dans chacun de mes choix et je leur en serai redevable dans cent ans encore. Je vais peut-être pas tarder oui. Le bruit m’agace un peu et j’ai une migraine qui commence. Je suis pourtant une Dudley - et donc une fêtarde - mais là, je crois que j’ai vidéo des tanks d’énergie et si je veux que tout se passe bien pour les deux derniers jours de tournage, il faut que je me repose. Je soupire doucement, frotte mes tempes et porte à nouveau mon regard sur toi. Mais restes ici hein. Profites de cette soirée, tu en as besoin. Avec tout le stress qu’il y a sur tes épaules… Et puis, je peux rentrer toute seule, je suis une grande fille.

Je suis heureuse d’avoir un supérieur comme toi, je ne vais pas mentir. T’es ouvert d’esprit, plutôt drôle et tu ne juges clairement pas ce que je peux faire ou dire. Il y a des gens dans le milieu de la mode qui vivent encore avec les anciens codes mais ce n’est pas ton cas et c’est tout ce qu’il me faut pour me sentir bien où je suis. C’est important après tout vu le nombre d’heures que l’on passe au travail et surtout moi, en tant qu’assistante, il est rare que je ne sois pas là quand tu arrives et toujours là quand tu pars. Je dois ralentir, je le sais, mais je veux que tout soit parfait. Oh, un Gaspard énervé, il parait que c’est plutôt rare… Parce que même si nous ne travaillons pas ensemble depuis longtemps, ta réputation n’est plus à faire. Quand certains modélistes hurlent et terrorisent à tout va, avec toi c’est plutôt cool raoul et c’est quelque chose que j’aime tout particulièrement. Mon père est avocat spécialisé dans les divorces et ma mère juge pour enfants. Et je ne cesserai jamais de les idolâtrer tous les deux. Ils ont une carrière importante et difficile, je le sais. Il arrive souvent à ma mère de voir - enfin d’entendre - des choses horribles au travail mais elle reste toujours impartiale. Je ne pourrais pas faire ce qu’elle fait, ni ce que mon père fait non plus. Ils se sont rencontrés en fac de droit. Parce que tous les métiers du droit passent par une même et unique base avant de choisir une spécialité et un concours après. Ils se connaissent depuis si longtemps, leur histoire me fait rêver, je ne peux pas le nier. J’aurais aussi une histoire aussi belle un jour mais pas tout de suite malheureusement pour moi. T’es sûr ? Que je demande rapidement alors que je tire mon manteau vers moi et finis mon verre d’eau pétillante. C’est pour dire à quel point je ne me sens pas très bien, j’ai abandonné le champagne pour l’eau qui pique, comme disent les gamins. Je te regarde passer ta main dans tes cheveux et j’ai envie de te dire de rester ici, que c’est mieux comme ça mais je n’en ai pas envie. Debout, je souffle Oui bien sûr. avant de faire un câlin aux quelques collègues qui sont sur le chemin de la sortie et je leur promets d’être en meilleure forme demain. J’enfile mon manteau que je ferme et patiente quelques secondes pour que tu sois à mes côtés. T’es d’une beauté et je me rends compte que tu coches tous les critères des hommes qui me plaisent. Une légère chaleur me parcourt et j’essaye de me concentrer sur ta présence et l’hôtel vers lequel on se dirige. Il n’y a pas trop à marcher, Dieu merci. Alors, t’es fier de ce que donne la pub pour le moment ?

Je ne peux m’empêcher de grimacer à tes mots. C’est le pire, je crois, de voir les gens que l’on aime se battre entre elles. Quand les familles se déchirent, c’est toujours malheureux et malencontreux. Malheureusement, on ne peut pas toucher éviter la guerre, loin de là même. J’espère que ça s’arrangera rapidement. Que je souffle de manière absolument sincère. Nous sommes plutôt soudés dans la famille et malgré des divergences d’opinions, on se soutient toujours tous entre nous. Il y a des jours où j’ai juste envie de crier sur Damya pour sa naïveté mais la vie l’a peut-être un peu plus épargnée que moi et je ne peux pas lui en vouloir pour cela. Non, clairement pas. Mais je crois qu’ils n’arrêteront que lorsqu’ils ne pourront plus réfléchir de manière convenables. Je les imagine tellement, l’âge de la retraite bien dépassée, a toujours se battre pour les gens, pour la justice. C’est quelque chose que j’admire chez eux et que je ne pourrai jamais critiquer. Ouai… Rencontre sur les bancs de l’université. Dix-huit ans, l’envie de se construire une carrière avant d’avoir un enfant… Netflix pourrait raconter leur histoire avec tellement de voluptés. Je souris et glisse mes yeux sur toi. Je ne sais pas si j’aurais autant de chance qu’eux - je suis déjà foutue pour la rencontré à dix-huit ans - mais je l’espère intérieurement. Grande romantique, je sais que ce n’est pas tout ce qui compte mais ça reste plutôt important pour moi. Je veux ma carrière, un homme qui comprend que les nuits sont courtes et les journées longues et puis des enfants. Plus qu’un, si possible. Ne pouvant porter le mini moi, je devrai faire appel à une mère porteuse alors je pense que je peux en avoir plus qu’un. Mais ça, ça sera à voir avec le géniteur - je n’y suis clairement pas. Des mouvements de mains vers nos collègues, je sors rapidement pour prendre l’air et apprécie grandement la brise contre mon visage. Une bouffée d’air fraiche, littéralement. Et quand t’es de retour à mes côtés, le rythme est vite lancé. Bien que l’on pourrait parler de la pluie et du beau temps, c’est la raison de notre visite à Atlanta que je mets sur le tapis. Je t’écoute et souffle. Je pense que ça manque un peu de pep’s, de vivant. Je dis ces mots avec légèreté et douceur, c’est un peu moins mordant que le froid sur mes joues. C’est très beau. Les couleurs sont merveilleuses, les mannequins magnifiques mais ça manque de mouvements. C’est très stoïque, on ne voit pas les tissus bouger, ça manque de vie. Et j’ai un peu l’impression que t’as voulu coller à l’ancienne génération avec la manière de faire cette publicité mais avec tes idées, ta créativité. C’est joli, ce clash des générations mais ça clashe. Je dis pas que ce qui a déjà été fait est nul à chier mais… Ça reflète pas ta vision des choses, tu vois ce que je veux dire ? Ça manque de toi. Et franchement, c’est super fade comme ça.