You, me and her // Love & Rosie

Le moment est doux, agréable et aussi paisible que plaisant. J’aime passer du temps avec toi, je ne peux pas le cacher. T’as cette candeur qui me permet toujours de passer un bon moment. C’est toujours simple et c’est ce dont j’ai besoin et envie dans ma vie de tous les jours. Je ne peux pas me permettre de me prendre la tête à longueur de journée et c’est quelque chose que tu comprends sans avoir besoin d’en parler. La preuve avec ce tour de carrousel. C’était simple, ça aurait soulé la plus part des femmes de la ville mais c’était le moment parfait pour la dynamique qui nous unit, avec Rosalia. Et pendant qu’elle regarde partout autour d’elle, je porte à nouveau mon attention sur toi. Oh, vraiment ? Que je souffle, un peu surprise par ton envie d’arrêter tes études à Harvard. Je me dis que ça doit être tellement dur d’y entrer, de passer les années et ça doit coûter si cher… Je n’ose même pas imaginer le nombre de chiffres pour une année de cours. Je crois que j’en ferais une syncope. Je préfère penser à autre chose, ouvrir la porte à une nouvelle entrevue juste toi et moi. Les mots que t’utilises me piquent en plein cœur, une sensation désagréable à ce ton presque enfantisant mais je n’y fais pas attention. Wow. Le choc de la ville. New-York. Pas si loin et pourtant bien trop loin. Je suis heureuse pour toi mais ça me fait bizarre de l’entendre. La ville où j’ai tellement vécu, où j’ai passé des années à courir le long des avenues. C’est une opportunité de fou. Tchekov quoi. Un mythe, un auteur qui a écrit des pièces que beaucoup rêvent de jouer. Même moi qui n’ait pas de formation théâtrale, je le connais, c’est pour dire. Ne dis pas n’importe quoi. Tu as toutes tes chances. Si tu travailles comme il faut, il n’y a pas de raison. Et je crois en toi, moi. S’il faut le faire pour deux, je le ferai. Rosie m’aidera. J’aurais avoir quelqu’un qui croyait en moi comme ça à l’époque. Ca sera une expérience qui changera ta vie. Positive ou non, la finalité sera la même. On grandit après avoir évolué sur une scène, d’une manière étrange mais si agréable. Nous, les artistes, on a l’âme qui prend plus que le cerveau et c’est beau. Je regarde la première fléchette qui se plante dans le bois et reporte mon attention sur ton visage. T’es concentré avec tes fléchettes, la masse capillaire que je meurs d’envie de toucher. Mais je me concentre sur la conversation, ne souhaitant pas me concentrer là-dessus. Surprise de ta réponse, je ris légèrement et souffle Eh bah. Nouveau sport fétiche ? Je n’ai pas le temps d’entendre ta réponse que tu me proposes le seau de fléchettes. Je grimace légèrement et en prends une. Je suis pas franchement douée à ça… Je préfère le dire tout simplement. Pas grand chose. Rosalia a été malade, j’ai dû passer pas mal de temps avec elle à la maison. Ce qui fait que la paye de fin de mois était microscopique. Les pâtes, c’est bon pour la santé non ? Je suis tombée sur mon ex. Ou il est tombé sur moi, je ne sais pas trop. Que je souffle doucement, portant ma main au niveau de ma joue pour viser. C’est la tête de Jacob que j’imagine sur un ballon. Peut-être que ça va marcher et qu’il va éclater. C’était pas les retrouvailles de l’année et il a pas vraiment apprécié ton message pour mon anniversaire sur Meetsa. Je ne préf!re même pas penser à ce qu’il s’est passé, à ce qu’il s’est dit. Je lance la fléchette et grimace en la voyant rebondir sur un des ballons avant de tomber au sol. Et j’ai eu l’info qu’ils allaient faire Dirty Dancing à Boston, en off Broadway. Je vais pouvoir retrouver mon rôle, ma raison de vivre et voir où tout ça me mène. Mais j’y suis pas encore. Il faut que je décroche le rôle et que je me fasse l’idée de travailler avec Jacob parce que même si je refuse d’y penser, je sais qu’ils l’ont prévenu lui aussi. Il semblerait que professionnellement parlant, 2023 nous sourit. Et personnellement, ça donnerait quoi ?

Je serais triste de te voir partir mais je crois que tu as déjà fait ton choix et pesé le pour et le contre. Harvard, la scène ? Tu as l’air d’avoir déjà réfléchi à tout cela. Je crois que dans le choix de tes mots, je me vois il y a plusieurs années en arrière. Diplôme en poche, j’ai pris le premier train pour New York et ne me suis pas retournée avant un bon moment. Ça m’attriste de savoir qu’on risque d’être séparés mais que puis-je faire à part te soutenir ? Après tout, je ne sais que trop bien ce que c’est que de vouloir évoluer dans le monde de la scène. Je l’ai vu lors de notre rencontre puis lorsque je suis venue te voir sur scène, tu es fait pour cela. C’est un monde qui t’anime et dont tu tires tellement d’énergie que tu vas y arriver. Voilà ce que je me dis quand je t’écoute. J’aimerais que tu sois dans ma tête pour l’entendre et t’en convaincre mais ce n’est pas possible. Par contre, ce que tu me demandes, c’est plus que faisable. Et ça me fait tellement plaisir que tu me le proposes. Un large sourire sur le visage, je souffle Avec plaisir ! On pourra répéter quelques fois si tu veux être à fond dans le rôle et bien t’approprier le personnage… Et puis faire l’enregistrement. Peut-être que cette fois-ci, t’auras le rôle que tu souhaites et vraiment tout ce que j’espère pour toi. Même si j’essaye de calmer mon coeur face à tout ce qu’il ressent, je ne te laisserai pas tomber. Bien sûr que je vais auditionner. C’est le producteur de la version anglaise qui m’a prévenu de tout ça, me disant que si j’avais pas eu la chance de garder mon rôle sur le West End, je l’aurais peut-être ici, à Boston. Et c’est un peu comme si la planète décidait de me donner un peu de répit, de m’offrir de quoi commencer à vivre au lieu de survivre comme c’est le cas depuis mon arrivée ici. J’ai tellement hâte de passer les auditions, de voir où cela me mènera. Je connais le rôle de la sœur par cœur mais c’est Frédérique Houseman que je vise. Je me doute que cela veut aussi dire que Jacob est au courant et qu’il passera aussi les castings mais je n’ai pas envie de trop y penser. Assez pour le mentionner parce que je sais que si nous récupérons la tête d’affiche, JT fera tout pour se montrer à mes côtés, ce qui ne me rassure pas vraiment. Gros jaloux, c’est rien de le dire. Que je souffle en glissant les yeux sur Rosalia qui nous regarde et sursaute à chaque ballon éclaté. Elle ne panique pas mais elle n’est pas trop rassurée non plus, ce qui fait que je la sors de la poussette pour lui prouver qu’elle n’a rien à craindre, comme je ne devrais rien avoir à craindre de la part de Jacob. Il est… intense. Que je finis par dire. Et son silence n’annonce rien de bon. On avait pas une relation très saine à l’époque. C’était pas toujours facile à vivre mais c’était intense et avec ce que j’avais entendu ma mère dire toute sa vie… C’est de l’amour. S’il te frappe et qu’il s’excuse, c’est qu’il ne le pensait pas, que ce n’est pas un monstre puisqu’il a des remords. Avec du recul, je me dis que j’étais complètement folle d’accepter cela mais je me suis aussi rendue compte - lors de notre dernière entrevue - que nous nourrissons la pire façade de notre personnalité quand on est ensemble. Ça c’est fini parce que ma mère est décédée et que je devais venir m’occuper de Rosie. Il a préféré rester à Londres, continuer une partie de la tournée Dirty Dancing et après quelques semaines, il s’est rendu compte que je lui manquais. Ou c’est la main qu’il avait sur moi qui lui a manqué, je ne saurais trop dire. Je me balance de droite à gauche et embrasse le front de Rosalia pour me donner un peu plus de contenance parce que je suis en train de perdre mes moyens. On était ce genre de couple qui, en public, a l’air d’être parfait, amoureux et en privé… Je blâme Jacob pour à peu près tout et n’importe quoi mais je sais que je suis coupable à cinquante pourcent dans ce bordel qu’ a été notre relation. Moi aussi, j’avais le rôle de celle qui hurle, lançais les verres à travers la pièce et levais la main avant de m’excuser. Une partie de ma vie que j’ai laissé à Londres et que j’espère ne jamais retrouver.

Je ne peux pas cacher mes émotions et faire comme si rien de cela ne me touchait parce que c’est tout l’inverse. Je t’apprécie énormément, toi ainsi que ta compagnie. Quand je suis avec toi, tout me semble plus simple et plus léger. Je ne pense pas au fait que je suis une artiste ratée qui se retrouve à élever une gamine qui n’est pas la sienne. Cette après-midi - comme chaque moment que nous avons passé ensemble - est une bouchée d’air frais que je serais triste de perdre mais je ne te demanderai jamais de rester si ce n’est pas ce que tu souhaites. Je ne peux pas te garder ici pour la légèreté que tu me procures, le monde entier a le droit d’en profiter. Je t’adresse un sourire et sens mon coeur se serrer à ton ton. Je crois que la décision est prise et j’espérais secrètement qu’il y avait encore un petit doute là-dessus. Il n’y en a aucun et je ne peux que te soutenir. Pas de soucis. Et vraiment, je peux ne pas répéter une journée. Je connais le rôle par coeur, les danses aussi et je veux t’aider. C’est comme cela que l’on s’est rencontré et si tu venais à avoir ce rôle à New York, ce serait un peu comme si la boucle était bouclée. Si j’ai le rôle oui. Que je souffle doucement en riant. J’ai confiance, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas et en même temps, pourquoi moi ? Je n’en sais plus rien. Tout ce qu’il se passe ces derniers temps me fait doucement perdre confiance en moi et en mes capacités. Qui vivra verra ! Que l’amour, c’est le but unique d’une vie, qu’on ne trouve pas deux fois l’homme de sa vie et qu’il ne faut jamais laisser passer sa chance à un amour fusionnel et passionnel. Les mots sortent tout simplement et je t’adresse un timide sourire. J’ai pas trop cette vision de l’amour mais j’ai une peur assez imposable de l’abandon et ça, c’est le pire dans la vie. Parce qu’on reste avec des gens pour ne pas finir seule. Elle m’a parlé d’amour toute sa vie et ce qu’elle m’a offert, avec son décès, c’est la liberté et la porte de sortie dont j’avais besoin. Là-dessus, je peux le dire, elle a bien réussi son coup. Je ne préfère pas rélever tes derniers mots et lorsque tu gagnes une peluche, j’applaudis avec Rosalia sur mes hanches qui applaudit avec moi aussi. On part avec laquelle alors ? Je souffle en montrant toutes les peluches. Elle regarde partout et pointe la girafe du bout du doigt. Mais elle est plus grande que toi ! C’était sûre qu’elle allait choisir celle-ci et le forain nous la donne rapidement. La journée continue sur le même ton, avec la même complicité et finit avec une promesse de se revoir pour ce selftape. Je compte bien profiter de toi au maximum.

rp terminé.