DATE ✧ Alakazam & Norvégien à crêtes

Lorsque je laisse Rosalia avec une amie, je file vers le Sud de Boston pour ne pas être en retard pour mon rendez-vous de la Saint Valentin. Ça m’angoisse un peu, je ne peux pas le nier. Les rendez-vous à l’aveugle comme ça, ce n’est vraiment pas quelque chose qui me ressemble mais après huit ans en couple et une longue année à m’adapter à ce nouveau rythme, plus rien ne me ressemble. Il est grand temps de rallumer les étoiles qu’il y avait dans mes yeux et c’est pour cela que j’ai accepté ce rendez-vous à l’observatoire des baleines. Ça va être génial, unique et quelque chose que je ne referai pas de si tôt. Vêtue d’un short noir et d’un pull en laine, je me dirige vers le lieu de rencontre. Je serre mon manteau pour éviter de prendre froid et je regarde partout autour de moi. On aurait vraiment dû se dire nos vraies identités lorsque l’on a matché. Ou bien alors décider d’un signe distinctif pour se retrouver. Et si je ne le retrouvais pas ? Et si je ne reconnaissais pas sa voix, maintenant que le modificateur de voix n’était plus là ? Je commence à stresser et cela n’est jamais bon signe. Au pire, je ferai une activité tout frais payé par la ville, c’est bien aussi, non ? Je crois que cela fait cinq minutes que je suis là lorsque je sors mon téléphone et commence un audio à l’amie qui garde Rosalia. Pourquoi je ne lui ai pas demandé son nom au juste ? Tu crois que je devrais aborder tous les hommes qui arrivent seul en leur demandant s’ils sont Alakazam ? Et s’ils me disent oui, je fais quoi ? Salut moi c’est Norvégien à crêtes ? En tout cas, mon binôme n’est pas le blond qui vient de te dépasser vu le regard qu’il vient de me lancer. Super, un inconnu doit me prendre pour une tarée. Et c’est bien ma chance ça.

Lorsque j'arrivais sur place pour ce fameux date, je me demandais une énième fois ce que je faisais bien ici. Mais je tentais d'oublier qu'il s'agissait de la st valentin et d'un rencard. J'allais assister à un spectacle de baleines, et ça c'était plutôt cool non ? Ne sachant pas comment j'allais reconnaitre la jeune fille, j'avais imprimé une petite photo de mon fameux Pokémon afin de me promener avec. Je m'en fichais que les gens puissent me regarder d'une drôle de façon, car je savais qu'une fille parmi la foule allait comprendre. Mais à peine arrivé que j'entendis une fille prononcer le nom de Norvégien à crêtes. Je la regardais et je vis une jolie brune. Tout en rangeant mon dessin, je vins m'asseoir à ses côtés. "T'es plutôt jolie pour un Norvégien à crêtes." Bien que je ne savais pas à quoi m'attendre dans tous les cas. A aucun moment nous n'avions parlé de physique. Mais j'étais agréablement surpris. Je lui tendis ma main pour me présenter. "Carlos."

Je suis un peu stressée et ne sais vraiment pas à quoi m’attendre. C’est bizarre comme situation et en même temps, je l’ai consciemment choisi. La seule chose qui me rassure là-dedans c’est que ce n’est pas un rendez-vous amoureux qui m’attend mais juste un moment sympa avec un mec qui avait vraiment l’air entier et humain. Ça fait plaisir et c’est bien pour cela que j’ai sauté le pas avec le jeune homme. Angoissée à l’idée de ne pas le trouver, j’appelle mon amie et commence à discuter pour m’occuper. J’espère qu’il va venir sinon ce serait vraiment la honte… Quelqu’un s’assoit rapidement à mes côtés et je tourne le visage, souriant largement. J’te laisse Kat. Que je lance en raccrochant rapidement, touchée par le compliment du jeune homme. Il n’est pas mon style mais il a un visage charmant, la douceur qui se ressent par les traits de son visage. Love, enchantée. Je serre rapidement sa main et dis J’ai pensé que tu ne viendrais pas. Je ne suis pas de celles qui cachent les choses et après tout, après l’expérience de Love is blind, je compte bien rester sur une honnêteté complète. Un peu plus et on partait sans toi. Parce que le bâteau démarre quelques secondes après. C’était moins une ! Comment tu vas ? Une simple question pour lancer la conversation. Je me sens beaucoup plus à l’aise en tout cas. Il a quelque chose de rassurant et ça, ça me plait tout particulièrement.

Je ne savais pas ce que j’allais pouvoir lui dire. Cette fois-ci ça allait être différent. On se verrait, on verrait les mimiques de l’autre. Nos réactions face à ce qu’on pourrait se dire. J’avais pensé une seconde à ne pas venir oui. Ne voulant pas qu’elle passe un mauvais moment en ma compagnie. Mais je n’allais pas lui faire vivre ça. Comment pourrait-elle avoir confiance dans les autres, si je commence à lui poser un lapin. Puis, j’avais envie de les voir : ces baleines. Alors j’étais venu, la boule au ventre. Pas du tout rassuré. Je la vis très vite, en entendant son pseudo. Je m’assis à ses côtés, lorsqu’elle m’annonça son prénom. Je ris. « Tu t’appelles réellement Love ? » Quelle était la probabilité que je me retrouve avec une femme qui s’appelle Love alors que nous nous étions rencontrés lors d’un blind date concentré au niveau de l’amour. Vraiment. « J’ai hésité, je l’avoue. » Comme nous avions commencé, je restais honnête. « J’avais peur de ne pas être une bonne compagnie. Puis je me suis dis que je ne pouvais pas te faire ça. Alors me voilà. » Je la regardais et lui offris un sourire. Non, je ne prenais pas ce moment comme un rencard. Mais plus comme une activité entre amis. Parce qu’au fond, on le savait tous les deux : il y avait bien plus une amitié entre nous qu’autre chose. A moins que je ne me trompe. « Ecoute, ce n’est pas encore la grande forme, mais ça va, je suppose. » Je ne voulais pas l’embêter une nouvelle fois avec mes problèmes. « Et toi ? » Je regardais le bateau s’en aller. « Tes autres rencards n’ont rien donné pour terminer avec toi ? » Une si belle femme méritait bien mieux que moi.

Je le regarde et acquiesce. Oui, vraiment. Je ne prends pas mal le fait qu’il rit face à l’annonce de mon prénom. C’est toujours un peu bizarre quand on y pense. Love, c’est un nom commun plus qu’un prénom mais bon, c’est ce que ma mère a cherché toute sa vie alors elle m’en a affublé à la naissance. C’était une façon pour ma mère de toujours avoir de l’amour dans sa vie, je pense. Manque de bol, une gamine qui lui a - soit disant - gâché sa vie d’actrice, voilà ce que j’étais. Enfin, le discours qu’elle m’a servi pendant des années. Quand j’entends qu’il a hésité, je fais une petite moue, presque triste d’entendre qu’il voulait ne pas venir. Est-ce que j’ai donné la mauvaise impression, la mauvaise information ? Je n’en sais trop rien. Mais quand j’entends ses raisons, je me redresse légèrement. Je suis contente que tu sois là, vraiment. Et si tu as un moment où tu n’as juste pas envie de parler ou tu te sens ronchon, dis-le moi et puis voilà. Nous savons tous les deux que nous n’étions pas ici dans le but d’un rendez-vous romantique de toute façon alors bon… On pouvait être deux individus assis à côté l’un de l’autre et qui profitent du moment. Pas besoin de parler, juste de savoir que la personne à côté était là si on voulait discuter. Non, ils étaient un peu bizarre je t’avoue… Y avait cette fille qui m’a semblé complètement accro à une autre personne et qui parlait d’elle comme d’un objet limite. Et l’autre était trop intense, à me parler de ses traumatismes et tout. Je m’attendais pas à ça. Je ris légèrement et passe une main dans mes cheveux. Puis, je ne suis pas trop dans le mood pour quelque chose de romantique. Le retour de Jacob dans ma vie me retourne l’estomac, je ne peux pas le nier. J’ai besoin d’amis, c’est le plus important. Et j’espère que c’est ce qu’il va devenir. Le bateau démarre et je me lève rapidement. On va au bord ? Parce que j’ai peur qu’on nous bloque la vue après. Et ce serait dommage parce que je ne reviendrais jamais, je le sais. Ça coute beaucoup trop d’argents.

Je ne riais pas à cause de son prénom, mais bien parce que je me retrouvais avec une fille dont le prénom était « amour » alors que j’étais justement en train de chercher l’amour. Drôle de coïncidence. « Bon enfin de compte, je suis surement l’heureux gagnant de ce jeu : j’ai bien trouvé l’Amour. » Petit clin d’œil vers elle, j’espérais qu’elle comprenait ce que je voulais dire par-là. « Heureusement qu’elle aimait l’Amour alors et pas autre chose … J’sais pas, t’aurais pu t’appeler … Tacos ? » J’espérais que mon humour ne soit pas trop déplacé. Je ne voulais pas qu’elle pense que je me moque de sa mère ou quoique ce soit. Non. J’usais simplement de l’humour pour rendre ce moment un peu moins gênant. Plus naturel aussi. « C’est gentil, mais je compte bien passer un bon moment avec toi. » Je n’étais pas venu ici pour lui faire vivre un mauvais moment. Une nouvelle fois. Je m’étais assez complaint lors de notre première rencontre. Je ne voulais pas qu’elle pense que j’étais si négatif. J’allais tenter de mettre mes problèmes personnels de côté, et passer un bon moment avec cette nouvelle amitié, basé sur l’amour. Un amour qui peut naitre dans une amitié. On se comprend. « Oui… donc j’étais le moins pire, c’est ça ? » En l’entendant je me rendis compte qu’elle ne semblait pas avoir eu de chance dans ces rencards. La pauvre. Pourtant, elle semblait réellement mériter de trouver quelqu’un de bien. L’Amour avec un grand A. « Oui je comprends. Il faut prendre notre temps… j’imagine. Et ça nous tombera dessus ? » Décidemment, nous semblions réellement sur la même longueur d’onde, et ça faisait du bien. Avec elle je pouvais être moi-même. Je n’avais pas besoin de sourire si je n’en avais pas envie. Je pouvais être ronchon si je le souhaitais. Parler de mon ex autant que je le voulais. Je sentais qu’elle n’allait pas me juger. Qu’elle en avait gros sur la patate aussi. Dans un sens, on se comprenait. « Je serais ravi d’être un nouvel ami alors. » Tout en la regardant, je lui offris un de mes sourires les plus sincères. « Avec plaisir, je te suis ! »[/colo] Tout en quittant nos places, nous nous dirigions vers l’extérieur, pour nous retrouver aux bords et voir le bateau s’en aller du port. « Et du coup, on se fait quand ce petit voyage au Mexique ? » Lui demandais-je pour faire passer le temps.

Je suis contente de voir que je ne suis pas seule pour cette petite croisière. Je l’aurais quand même fait - c’est une excursion impressionnante - mais à deux, c’est toujours mieux. Je le regarde et ne peux m’empêcher d’éclater de rire quand il dit que j’aurais pu m’appeler Tacos. J’aurais changé de prénom légalement et on aurait pas pu me le refuser ! Parce que c’est vraiment la honte. Ce n’est pas toujours facile de porter un prénom qui a une réelle signification et peut se faire traduire dans des tas de langues mais si c’était un truc ridicule… Non merci. Pas avec la carrière que je vise. T’étais pas le moins pire mais le meilleur. Que je souffle rapidement parce que je ne veux pas qu’il se sente comme le choix le moins pitoyable mais bien comme le choix éclairé que j’ai fait. Après tout, lui aussi avait l’air d’être dans la panade lors du premier rendez-vous… Sentimentalement impliqué dans un truc passé. Mais il m’avait fait rire et son ouverture m’avait confirmé dans mon choix. Oui, il parait qu’on trouve l’amour quand on s’y attend le moins. Mais je ne sais pas vraiment si je crois à ce genre de choses. Je me dis que pour trouver l’amour, faut au moins s’ouvrir à la possibilité, ce que je ne suis pas vraiment en ce moment. J’aurais bien besoin d’un plan cul régulier et sans prise de tête, du genre qui me prend pas la tête si j’en ai un ou deux autres de plus et qui ne pense pas que je tombe amoureuse parce que je le contacte un peu trop souvent pour relâcher la pression. Y a toujours trop de sentiments et ça, je ne suis pas prête à l’affronter. Je me lève du banc et me dirige vers le bord du bateau. Les mains accrochés à la barre - par peur que l’on me pousse par dessus bord - je souris au jeune homme et dis Quand tu veux. J’ai des vacances à prendre. Je ris légèrement et souffle Mais on est deux, ma petite soeur et moi. Je peux pas la laisser derrière. Et je sais bien que tout cela est hypothétique parce que je suis incapable de payer une nuit d’hôtel à l’heure actuelle alors deux billets d’avion et tout ce qui en découle ? Même pas en rêve. Pourtant j’aimerais. En vrai, j’adorerais prévoir tout ça mais… financièrement c’est la galère. Mais dès que j’ai mis assez de côté - Ou mis tout court de côté, Je te préviens. Et c’est sincère. Ce serait tellement génial… Et ça apporterait beaucoup à Rosalia, je le sais.

J’étais content de voir comment le rendez-vous commençait. Le naturel était toujours là. Je ne cherchais pas à être quelqu’un d’autre. Je lui disais ce qui me passait en premier dans la tête. C’était donc avec un naturel que je lui disais qu’elle aurait pu s’appeler Tacos, ou encore Babybel, ou Maltesers. J’en riais intérieurement. Elle ne l’avait pas mal pris, elle continuait même dans mon délire, et cela faisait du bien. « C’est plutôt mignon Tacos… » Je la regardais, et pensais pendant une seconde que ça pourrait devenir son petit surnom. « Love, mon petit Tacos. » Mais cela, seulement si le moment se passe bien et que l’on se revoit par la suite. Ce qui n’est pas sortit d’affaire. Je peux encore tout gâcher par un geste ou des paroles. C’est ma spécialité. « C’est une façon … positive de voir la chose. » Et ça faisait du bien de se l’entendre dire. Au vu de mon état général, je me voyais bien comme le « moins pire », mais oui, évidemment ça faisait du bien d’entendre dire qu’on était le meilleur. Je la regardais et lui offris un sourire, en guide de remerciement. Comme quoi, un simple petit mot peut tout changer. « Et on le perd quand on ne s’y attend pas non plus… » Répondis-je directement, avant de me rendre compte que c’était trop négatif. « Excuse-moi, je vais essayer d’être de meilleure humeur. » Et à la suite, on se mettait sur le bord, afin d’être aux premiers rangs pour voir ces fameuses baleines. En attendant, je lui demandais quand est ce qu’on pourrait se faire ce fameux voyage au Mexique, comme on avait pu en parler. « Oh ? Ta sœur ? Elle a quel âge ? » Et je n’osais pas trop en demander plus. Comme par exemple, où était ses parents. Elle semblait devoir s’occuper de sa sœur. Mais était-ce permanent ou juste durant une période donnée. « Arrête ça. L’argent c’est pas un problème. Je t’invite. » Oui j’avais de l’argent grâce à mes parents adoptifs. Mais tout de suite, je rajoutais. « J’ai pas mal d’argent grâce à mes parents.. et je ne suis pas vraiment du genre à le dépenser, tu vois… Ca me fait plaisir de t’inviter. Toi, et ta sœur. » Et je souhaitais vraiment qu’elle voit que ça venait du fond du cœur. Pas de pitié. Non. Juste passer des vacances avec une nouvelle amie.

J’aurais pas dis mignon mais… C’est pas le pire. Que je souffle avec un sourire. Il y a tellement de noms sortis de nul part de nos jours. Je ne me remettrai jamais des jumeaux français croisés à Londres dont les prénoms étaient Babord et Tribord. Aimer la mer, tout ce qui touche au marin, pourquoi pas mais il y a des limites à ne pas franchir. En plus, je ne crois pas avoir mangé de tacos depuis une éternité - voire même jamais. Toujours du positif. Que je réponds rapidement avec un sourire. Si on laisse le négatif s’immiscer, c’est trop rapidement le début de la fin et je ne peux pas l’accepter. J’ai assez été dans le négatif et refuse d’y retourner. Il est l’heure pour moi d’être heureuse, de sourire, de me remettre de toutes ces émotions et de voir toutes ces choses positivement. Je le regarde et pose doucement une main sur son bras couvert par son manteau mais tout de même. Ne t’excuse pas. J’avais bien compris lors du rendez-vous qu’il avait encore quelqu’un en tête, un ex qui lui avait fait du mal, un homme qui semblait avoir piétiné son cœur. Et je ne serais pas une bonne partenaire en l’interdisant de ressentir tout ce qu’il ressent. Il y a de la place pour tout et tout le monde. Elle a un an et douze jours précisément. Et presque autant de temps que ma mère est décédée. Je n’arrive pas à y croire. Le temps passe si vite. Je secoue légèrement le visage, comme pour m’enlever ces pensées de l’esprit et me concentrer sur notre discussion. Surprise, je souffle Mais je peux pas accepter Carlos… C’est bien trop important. Il est hors de questions que j’accepte un tel cadeau de sa part même si ça rendrait les choses bien plus facile. J’apprécie la proposition mais je peux pas accepter… On ne se connait pas tant que ça même si je sais que l’on va faire un bon petit chemin tous les deux, c’est sûr. L’entente est si douce, la conversation facile, le contraire relèverait de la folie. Et de peur de le vexer, je souffle Si on voit une baleine dans les cinq minutes, j'étudierais la proposition un peu plus... Ca devrait le faire non ? L'idée m'enchante tellement et en même temps... Bon sang, pourquoi ai-je une conscience ?