(Lavender & Jessica) Au resto

J'essaie de me motiver devant le bon hamburger aux frites et le verre de bière que j'ai commandé.
Pour ma première soirée à Harvard, j'ai décidé de m'offrir un repas dans un restaurant renommé.
Mais l'entrain n'est pas vraiment au rendez-vous. Arrivée la veille, je n'ai encore pas eu l'occasion de parler à qui que ce soit et je me sens complètement étrangère à tous les étudiants, et même à tous les habitants de la ville universitaire.
"Allez Jessica, à ta santé ! à cette année qui s'annonce !" me dis-je dans ma tête en me portant un toast à moi-même.
Et je vide mon verre d'un trait avant d'en commander un autre. L'alcool m'aidera peut-être à chasser toute la mélancolie cafardeuse qui ne veut pas me quitter.
Je remarque bientôt une une grande et belle brune qui vient s'assoir à une petite table non loin de la mienne. Elle semble seule aussi. Ses longs cheveux jettent des reflets auburn. Elle est resplendissante dans une jupe et un haut blancs très chics.
Je ne peux m'empêcher de la contempler, buvant sa beauté comme je bois la bière qui réchauffe mon corps. Dans ma griserie, je ne me rends pas compte que mon regard doit certainement sembler assez insistant.

Lavender revenait de chez sa cousine, lorsqu'elle avait quitté son appartement, le jour commençait déjà à décliner. Elle avait songé à manger sur le pouce, mais elle savait que ce n'était pas raisonnable et après tout, elle avait bien le droit de s'offrir des petits plaisirs de temps à autre. Casey n'était pas disponible de soir-là, ses amis étaient probablement à la Quincy House en train de réviser ou de dîner mais le temps qu'elle rentre et qu'elle s'attable, il serait déjà l'heure d'aller dormir. Lavender passa devant plusieurs restaurants, certains étaient déjà bien bondés et la jeune femme n'avait pas envie de se sentir étouffer par la foule. Au coin de la rue, elle opta pour le East Coast Grill qui proposait des menus abordables et alléchants. Elle poussa la porte d'entrée et fut de suite dirigée vers une table libre. Musique, odeur de cuisine maison et rires d'enfants, la soirée démarrait bien. Ne comptant tout de même pas s'attarder en ville au-delà d'une certaine heure, elle commanda un plat du jour - steak de viande rouge avec des french fries et une sauce handmade - et n'attendit que quelques minutes à peine avant d'être servie. Humant le plat avec gourmandise, elle s'attela à découper sa pièce de viande avec méthode. Un regard circulaire indique à la Quincy qu'elle n'est pas la seule à manger sans compagnie ce soir. Quelques mètres plus loin, une jeune femme regarde les alentours d'un air morose. Lorsqu'elle tourne la tête dans sa direction, Lavender lui sourit puis se concentre de nouveau sur son plat. L'inconnue ne la quitte pas des yeux, tant et si bien que Lavender se demande si elle n'aurait pas fait une grosse tâche sur son ensemble blanc neige - raison valable pour que l'ensemble du restaurant la regarde avec insistance. Lavender inspecte rapidement ses habits, rien de suspect. Elle sourit d'un air gêné à la jeune femme se demandant ce qui pouvait bien se passer.

Lorsque la belle inconnue me sourit je me sens pousser des ailes.
Je me ressers une bière je continue de l'épier, espérant un deuxième regard encourageant qui me déciderait à oser lui adresser la parole.
Mais lorsque ce regard vient, c'est la douche froide. Dans son sourire contraint je décèle presque de l'agacement.
Brulée de honte je détourne mes yeux et me concentre sur mon verre.
Avec toute cette bière dans le ventre j'ai maintenant une forte envie d'aller au toilettes.
Je me lève et là c'est la catastrophe, le sol vogue dangereusement autour de moi.
J'essaie de me diriger vers la porte au fond de la salle, mais j'ai conscience d'avoir une démarche plus que chancelante. Quelle erreur ! Pour qui doit me prendre la belle brune maintenant ?
Une fois que je me suis soulagée, je me lave les mains au lavabo puis me mouille le visage afin de reprendre mes esprits. Je n'ai pas trop l'habitude de boire et ces quatre bières m'ont été fatales. Je reste de longues minutes devant le miroir, j'espère que la fille sera partie lorsque je regagnerai ma place. J'ai trop honte du spectacle que je lui ai donné.

Un feu de cheminée brûlait au fond de la salle, diffusant une onde de chaleur dans le restaurant. On se serait crû à un repas de famille, en sécurité, entouré de bruits rassurants et de rires. Lavender dévorait son plat; de nature gourmande, il lui arrivait rarement de cumuler plat riche et dessert mais si pour cette fois elle faisait une exception ?....

Tandis que la quantité de viande diminuait rapidement dans son assiette, Lavender s'aperçut que la jeune inconnue avait quitté sa place avec précipitation. Elle réapparut dans le champ de vision de la brunette, quelques mètres plus loin, près des WC. Son visage était pâle et elle semblait presque avoir du mal à tenir debout, elle vacillait. La jeune femme reconnut immédiatement les effets de l'alcool...à trop forte dose. Lavender soupira, quelle était cette mode de boire sans se soucier de sa santé ? Elle même avait une amie, Ambre, qui connaissait de graves problèmes. Alcoolique et droguée, Lavender avait toujours été là pour elle en cas de rechute. Craignant le pire - Lavender avait déjà retrouvé son amie saoule sur un trottoir - elle se leva à son tour pour retracer le parcours de la jeune inconnue et la retrouver face au lavabo, dans les toilettes des dames, le teint blême et les lèvres tremblantes...
- ça va aller ? osa demander Lavender.
La Quincy savait qu'elle n'avait pas à se mêler des affaires de l'inconnue mais elle ne pouvait s'empêcher d'intervenir lorsqu'elle pensait que le danger rôdait.

Ce n'est pas possible, voilà que la belle inconnue m'aborde d'elle-même, mais dans les pires conditions qui soient ! J'ai toute les peines du monde à retenir une horrible nausée qui me donne des vertiges atroces.
Je ne vais quand même pas vomir devant elle !
Oh ça cogne trop fort dans ma tête, j'ai juste le temps de projeter ma tête vers le lavabo et d'expulser avec un bruit affreux le repas que je viens d'ingurgiter.
J'ouvre le robinet et le fait couler à grande eau, essayant de faire partir la peu ragoutante mixture.
Puis je me lave la figure et me redresse. Je suis toute pâle et me sens très faible, mais au moins la nausée est partie. D'une voix pâteuse je murmure en direction de la jeune fille, sans avoir le courage de la regarder.
"je suis désolée... c'est vraiment pas très... enfin je veux dire... mais bon ça va mieux, ne vous inquiétez pas, merci".
Je n'ai plus qu'une envie maintenant, c'est qu'elle parte et qu'elle me laisse seule avec ma honte. Je vais essayer de me trainer jusque chez moi si j'y arrive, me plonger sur mon matelas et tenter oublier cette horrible soirée, ma première soirée à Harvard...

Le reflet de la jeune dans le miroir était presque fantomatique, elle semblait avoir le gorge serrée et ses yeux avaient pris une légère coloration rougeâtre. Se rendant bien compte que la jeune inconnue avait du mal à tenir sur ses deux jambes, Lavender la retient juste avant que ses jambes ne se dérobent sous elle. La jeune femme se tenait la tête d'une main, elle semblait souffrir d'un mal de tête atroce. Les effets de l'alcool étaient bien là. Qu'avait-elle consommé pour se retrouver dans cet état-là et en quelle quantité ? Etait-elle accompagnée ce soir ? La Quincy n'allait certainement pas laisser la jeune fille repartir dans cet état, elle risquait de provoquer un accident si elle sortait du restaurant aussi imbibée ! Un léger déglutissement indiqua que la jeune femme allait avoir un haut-le-cœur irrépressible, ce qui se confirma lorsque l'inconnue vomit tout son repas dans le lavabo. C'est avec étonnement que Lavender l'entend alors s'excuser, à peine quelques minutes plus tard.
- Vous n'avez pas à vous excuser. Elle sut à ce moment qu'elle avait bien fait de suivre les traces de la jeune femme. Si Lavender n'avait pas remarqué son état, elle serait certainement tombée par terre, n'ayant personne pour la soutenir face au lavabo. Lavender ne préférait pas envisager ce que ce serait passé si l'inconnue était tombée sur une personne mal intentionnée, un homme par exemple...
- Vous voulez vous asseoir quelques minutes ? Un verre d'eau vous ferait du bien, le temps que l'alcool s'élimine un peu. Hésitante au départ, Lavender osa demander :
- Vous avez beaucoup bu...?

Lavender comprenait à présent le comportement de la jeune femme, un peu plus tôt dans la soirée. Après lui avoir souri, c'était comme si les yeux de l'inconnue était resté "branchés" sur Lavender, comment avait-elle pu être aussi aveugle ? Comment avait-elle fait pour ne pas se rendre compte que la personne qu'elle avait en face d'elle avait déjà quelques grammes dans le sang ? Le visage de la jeune femme exprimait du soulagement mais aussi beaucoup de fatigue, ses traits étaient légèrement tirés et son teint beaucoup trop pâle. Même si elle avait éliminé une partie de l'alcool qu'elle avait consommé, en vomissant, elle avait aussi perdu tout son repas et avait donc le ventre vide. Son foi avait dû mal supporter cette cuite soudaine. L'inconnue ne devait pas être habituée, il était plutôt rare de se saouler sans une bande de copains...bien que même entourée de ses amies, Lavender n'avait jamais été au-delà d'une verre ou deux, elle tenait trop à sa santé pour le faire. Quand on savait qu'elle avait perdu son père à l'âge de 10 ans, on comprenait d'ailleurs mieux le pourquoi. Lavender raccompagne la jeune femme vers la table, lui permettant de sortir des petits toilettes du restaurants et de retrouver la chaleur du feu de cheminée. Après avoir traversé la salle, Lavender l'aide à prendre place en face d'elle, son assiette de viande à moitié terminée. Elle remplit un verre d'eau et le tend à la jeune femme qui lui fait face.
- ça reste fort si l'on a pas l'habitude...ça devrait passer rapidement, heureusement que c'est l'un des alcools les moins forts.
C'est alors que la jeune femme regarde Lavender avec sympathie puis, perdue dans les vapeurs d'alcool, se lance dans la narration d'une histoire. La sienne. Elle raconte à la Quincy son arrivée à la faculté de sociologie, ancienne new-yorkaise qui semble avoir du mal à suivre le rythme de la vie à Cambridge.
- C'est toi ou les trois ou quatre bières qui parle(nt) ? Lavender sourit face à cette situation plutôt comique et ajoute, Harvard est une grande faculté. C'est vrai qu'on peut se sentir perdue au début. Je venais d'une petit patelin, Forks. En arrivant ici, tout m'a paru si grand...non pas grand, gigantesque en fait. De grandes artères, plein de visages et très peu de connaissance du terrain et des habitants. On s'y fait, tu verras.
Les yeux de la jeune femme s'étant embués, Lavender se demanda si elle n'avait pas fait de bourde quelque part...
Timidement, elle tenta donc :
- Et moi, c'est Lavender, je suis en biologie depuis 2 ans maintenant.

Dernièrement, la jeune femme avait la fâcheuse habitude de se retrouver dans des situations des plus insolites. Quelques semaines auparavant, en roulant en taxi vers Harvard à une heure tardive, elle découvre une de ses amies saoule sur un trottoir. Lorsqu'elle était sortie au taxi, elle avait remarqué qu'elle avait consommé de la drogue en plus de plusieurs bouteilles d'alcool et qu'elle avait rendu tout son repas. La situation de ce soir lui rappelait donc des souvenirs...La jeune femme assise en face d'elle avait un air perdu, presque apeuré. Elle avait eu de la chance de tomber sur Lavender, toujours prête à rendre service. Un serveur s'approche rapidement de leur table pour leur annoncer la fermeture du restaurant, Lavender consulte sa montre et découvre avec stupeur que le temps semble s'être écoulé à toute allure. Elle n'avait pas vu la soirée passer. Jessica n'est pas en état de repartir seule et une idée germe aussitôt dans l'esprit de la Quincy.
- On rentre à pied histoire de prendre l'air...mais au vu de la mine fatiguée de Jessica, l'idée semblait assez mauvaise...ou on monte dans un taxi pour éviter un drame en pleine rue ! Tandis que les deux jeunes femmes enfilent leurs manteaux respectifs, Lavender ouvre la grande porte d'entrée, rapidement suivie par Jessica. D'un geste, elle salue le serveur - elle n'a bien évidemment pas oublié de régler son addition avant de partir - et soutient l'étudiante qui évolue maladroitement sur les pavés de la rue.
- Finalement, le taxi me semble être la meilleure idée...
Elle alla s’enquérir, auprès du serveur qui nettoyait les tables dans le restaurant qu'elle et Jessica venaient de quitter, du numéro de la ligne de taxi du coin. Le grand brun composa le numéro d'un air assuré et partit se réfugier derrière le comptoir en lui annonçant que le véhicule n'allait pas tarder.