I don't go to parties ((blaise))

Silence de plomb qui nous entoure. Le coeur qui en clamse à chaque coups des vagues sous nos pieds. J'sais même pas à quoi tu penses à cette instant Blaise... Tu fouilles dans tes poches et j'sens ma sentence arriver. Ca fait bizarre de voir l'épée de Damoclès nous tourner au dessus de la caboche. Ton écran qui perce l'obscurité de la nuit qui s'était doucement interposé avec la disparition du soleil. Tu me tends l'écran alors j'ai pas l'choix que de relever les yeux. Pique au myocarde quand j'vois nos derniers messages, ce document téléchargé dont je connais le contenu. Alors tu m'poses cette question. La première avant une montagne. J'aurais pu te répondre d'un simple oui. Mais non. "J'sais, c'est pas ouf comme nom, j'savais pas quoi mettre ..." Un petit rire nerveux qui transperce ma coquille de verre, prête à se briser si tu frappes assez fort. Poing caché sous les questions, pourtant, ton ton n'est pas celui du jugement ni de la colère. L'es-tu ? Non. Impossible, tu cherches des réponses. Seulement des réponses et c'est moi qui les détient. J'pourrais te répondre que j'ai fais ça pour le fric. Parce que c'est pas complètement faux et que ces quelques billets sur le compte en banque, il a payé le McDo de ce soir. Mais la vérité, c'est pas ça... "J'ai hésité à le faire. J'pensais que je le ferais pas au début. J'trouvais ça trop ... bizarre. La vérité, c'est aussi que j't'ai jamais vu t'abonner et que ton message il m'a surprit. Pourquoi j'l'ai fait quand même ? Parce que je voulais te plaire..." Plaire, c'était ça. Voir le vrai Caesar sans les artifices que je t'offre chaque jour. "J'voulais te plaire genre ... physiquement. Et j'voulais te plaire vraiment, sans que ce soit parce que c'est moi tu vois ?" Et putain tous les efforts que j'ai dû faire pour que ces 23 minutes soient les plus proches de qui je suis.

La vérité était venue s'imposer à nous sans même que je ne puisse y faire quelque chose, ne m'étant jamais douté du fait que tu pourrais être celui derrière le compte que j'avais contacté sur cette application afin de pouvoir profiter d'un peu du désir de quelqu'un, d'un désir qui m'étais destiné directement bien que j'avais en tête le fait que cet homme ne penserait sûrement pas à moi. Mais c'était différent maintenant. C'était différent parce que c'était toi derrière l'écran, toi sur la vidéo que j'avais aimé regarder tant elle me semblait plaisante. Malgré moi, je venais rire légèrement en t'entendant commenter le nom que tu utilisais pour camoufler ton identité. — C'est pour cela que tu as refusé de montrer ton visage et d'utiliser ta voix, alors ? Cherchant des réponses, les réponses ne tardaient pas à s'enchainer avant que tu ne prennes le temps de m'expliquer pourquoi tu avais fais tout cela. Bien que touché par tes propos et cette volonté de plaire, de me plaire, qui semblait t'animer plus que tu ne daignais réellement le montrer à ceux qui ne la connaisse pas, je n'en étais pas moins perdu. — Tu avais réellement besoin de faire cela, de me voir être attiré par celui que je voyais en vidéo, pour comprendre que tu me plais ? La question, posée sans jugement, était accompagné d'un rapprochement de mon corps vers le tien, l'une de mes mains cherchant l'une des tiennes pour la serrer. — Je te l'ai déjà dis, Caesar. Tu m'attires, tu m'intrigues. Et tu me plais, physiquement. Un léger sourire s'installa sur mon visage avant que je ne fronce les sourcils. — Par contre, j'aime vraiment pas l'idée que des gens se servent de toi alors qu'ils sont en couple. Ce sont de vraies ordures.

De toute façon, la vérité, elle a toujours été subjective. Il suffit qu'on en cache une partie tu sais. Ca peut être des mots, des silences, des gestes, une voix, de l'ombre, des éléments, vraiment n'importe quoi et comme superman et ses lunettes, la vérité se cache. Nos petits rires qui forment un écho discret au fond de la nocturne journée. Les yeux se rebaissent et le silence ne se perd pas sur ta deuxième question. Oui Blaise, c'est même tout à fait ça. L'anonymat comme seule solution envisagée. C'était pas que pour toi. Mais pour toi, c'était d'autant plus particulier. Questions débitées, le besoin de s'expliquer avant que tu me dises ces derniers mots qui font eux-mêmes écho en moi. "Je sais pas ... En fait, j'en sais rien ... J'sais même pas pourquoi j'ai fait ça en fait, c'est carrément glauque, c'est pas correct, si tu veux je peux te rendre tes $100, j'peux tout à fait comprendre, je ... " Tu me coupes, tu me rassures, tu prends ma main et tu me réchauffes de la tienne en me serrant. J't'entraine vers mon coeur en attrapant un peu plus ta main. Putain que c'est agréable de la tenir. T'as les mains fortes et douces à la fois, elles ont l'air d'avoir déplacé des montagnes et en même temps, on dirait qu'elles ont cette sensibilité à la chaleur de ma peau, comme deux jumelles se rencontrant pour la première fois. Mais c'est pas la première fois. C'est loin d'être la première fois. Y a eu ces tapes sur l'épaule, ces effleurements des coudes pour m'aider à adapter ma position sous le poids de quelques haltères. Mais là c'est différent. Là y avait autre chose, plus subtile, y avait un message dans cette main là. Les joues rougissent puis le sourire s'efface. "Je suis pas maître de ce que font les autres et du pourquoi du comment ... En réalité, je ne cherche pas vraiment à savoir, certains sont juste plus bavards que d'autres ..." Ils sont trop plein d'angoisses et me transmettent certaines des leurs sans réellement se rendre compte. Mais une chose est sûr c'est que là, avec toi, je me sentais étrangement bien.

Il était des révélations qu'on ne pensait pas pouvoir obtenir un jour, des aveux qui auraient certainement pu rompre des murs en métal solide juste par leur puissance et sincérité. Mais rien ne venait mettre à mal ce que l'on construisait ensemble depuis que l'on se parlait quotidiennement, pas même ce que tu venais de m'apprendre. Peut-être aurais-je dû me fâcher contre toi lorsque tu m'avais avoué avoir fauté mais je ne t'en voulais guère. Ma main s'imposait alors sur ton corps, venait y trouver naturellement sa place dans quelques paroles que je pensais sincères. Serrant tes doigts entre les miens dans une volonté de me montrer le plus rassurant possible, je te faisais part des quelques attirances que j'éprouvai à ton égard sans même pouvoir m'en empêcher. Ce qui n'était, bien sûr, pas prévu dans mes plans de vie mais qui s'imposait sans peine. Il y avait sûrement beaucoup à dire mais je préférais me contenter de l'essentiel. Alors je finis par secouer la tête avant de venir répondre à la tirade que tu avais commencé avant que je ne m'adresse à toi. — Tu peux les garder, cela ne me dérange pas. Puis, non pas que je veuille minimiser ça, mais tout travail mérite salaire et tu as tout de même travaillé pour faire ce que je t'avais demandé. Et mes doigts se perdent entre les tiens, viennent te donner un peu de ma chaleur alors que le sujet de tes clients vient froncer mes sourcils dans une raison inexpliquée. — Je me doute bien mais tu mérites amplement que ce soit des personnes libres de toutes attaches qui s'intéressent à toi, même sur cette application. Et je ne comprendrais jamais comment on peut faire cela alors qu'on est avec quelqu'un... Bref. Le dernier mot tombe dans un soupir las alors que je finis par t'attirer un peu plus vers moi. — C'est donc pour m'avouer cela que tu nous a organisé un rendez-vous au bord de l'eau ? Moi qui pensait que tu essayais de me séduire... J'ose un rire franc alors que je te fais un clin d'œil, cherchant constamment à te taquiner.

Battant qui s'affole au contact de tes doigts. La sensation digitale en feu, comme si tu venais tout embraser en moi, mes membres, mon coeur, mon nez. Ca voulait tout dire. Cette vidéo n'était que pour toi. Des instructions que trop bien respectées. C'était toute mon âme que j'y avait foutu dedans. La morale scindée en plusieurs fragments entre l'envie de plaire, l'envie de te plaire, la honte et en même temps le rappel. Parce que j'étais pas sur cette application par hasard. Y avait ce besoin de fric naissant y a deux mois. Le besoin pour acheter le bijou. Celui qui aurait dû sceller deux âmes mais qui au final a servi à me la faire perdre dans des poudreuses toxiques. Et c'était devenu ça maintenant. Le maintien d'une vie confortable et l'addiction nécrosant mon coeur ou plutôt l'anesthésiant. Parce que dans ces moments là, j'ressens pas la douleur du manque. J'ressens pas plus la blessure de la trahison ou l'envie de meurtre à chaque instant, de voir le cou d'un visage inconnu se serrer sous mes pouces écrasant sa trachée. Mais aujourd'hui, il n'y a plus vraiment de colère, seulement de la décéption. Avais-je été trop stressé ? Était-ce réellement de ma faute ? Les pensées intrusives s'affaiblissent de jour en jour et à chaque message de toi. Un dénominateur de ma santé, c'est ce que tu devenais progressivement faut croire. Boule au ventre, j'entends encore les paroles de Jackson. Je ne devrais pas aussi rapidement le remplacer. Il faudrait que je fasse mon deuil. Mais comment rester en deuil quand la seule penser de bouffer un burger au risque d'avoir un bout de salade entre les dents ou une tomate qui se banane sur mes genoux est apaisante ? Faut croire que je suis comme ça. Ma vie, dirigée par le coeur, toujours. Et dieu sait que ça fait mal parfois. Mais souvent, c'est un moteur de vie que trop puissant. L'amour sous toutes ses formes, celle du coeur mais également un amour charnel, celui qui tord les corps en deux, celui qui force le désir. C'était devenu mon métier dans l'ombre. Celui de faire redresser les 4 ou 5 membres de ces dames et de ces messieurs qui cliquaient sur mon profil comme dans un catalogue de noël quand on choisit son jouet. Je n'étais plus humain mais seulement un objet que l'on moulait à ses propres envies et oui, parfois, cela venait de profil "de couple" comme ils disaient. Partage de plaisir devant la même photo, je savais le sort qui était réservée à celles que j'envoyais. "Blaise ... Stop. Je sais." Le "Bref" bien trop sec, si j'étais accroché à ta mâchoire, j'aurais pu entendre tes dents se serrer. J'en descelle une pointe de jalousie sans vraiment en être sûr. Après tout, qui sommes-nous ? Des connaissances ? Des amis ? Plus ?.. Je ne sais pas mais à ta dernière question, il n'y avait pas besoin de réponse, mon corps parlait de lui même. Mon sourire nerveux, le pourpre de mes joues, mes phalanges qui se serrent autour du sandwich et moi au bord de m'étouffer avec le pain. "Mmh" que je lance, mâchant encore un peu avant de m'exprimer. Je ne sais pas Blaise. Je ne sais plus. J'pose le sandwiche près de moi et recule ma table, celle qui t'éloignait de moi. Désormais entre nous, il n'y avait plus d'obstacle. Alors j'm'allonge. J'pose ma tête sur tes cuisses en faisant mine d'observer le ciel. Mais en réalité, dès que tu relevais les yeux, c'était une toute autre étoile que j'observais. Puis quand tes yeux se sont reposés sur moi, je n'ai pas pu te mentir trop longtemps. "Peut-être que ça en faisait aussi partie ?"