Scona - Brûle les cendres.

Cheveux humide. Les perles d’eau gouttent sur ses épaules. Le torse dénudé composé d’une simple serviette blanche autour de la taille, le brun termine de se brosser les dents. Autour de lui, la vapeur de sa douche, continue de s’accrocher à son derme. Tard est la nuit. Peut-être une heure du matin. Peut-être qu’il la fait exprès. De rentrer tard. De ne pas prendre le risque de la croiser. Elle. Pas après la soirée d’hier. Il donne sans doute l’impression d’être un connard – et on ne peut pas dire qu’il fasse en sorte que l’inverse soit plausible -, mais il à un cœur. Et ce qu’il ressent vis-à-vis de Lena, est suffisamment fort pour qu’il en éprouve de la douleur. Hantise. Il voit encore son regard. Regard qu’il croise soudainement dans le miroir, tandis qu’il se redresse. Pulsant qui fait un bond. Scott tente de l’ignorer. S’abaissant à nouveau pour attraper une gorgée d’eau au robinet.

insomnie foudroyante. Paupières lourdes, les rêves que je n’arrive plus à trouver. Depuis longtemps, trop maintenant. C’est cette même scène qui se déroule à chaque fois que j’essaye, à chaque fois que je me force à vouloir tout oublier. Passer à autre chose, fermer le livre, coudre sur la plaie cette cicatrice indélébile que t’as infligé sur le myocarde. Eau bouillante qui glisse sur la peau, nuage de fumée qui vole au-dessus du derme. La sensation d’être ailleurs sous cette pluie concentrée, de rêver encore un peu au fond de cette cabine étroite. Et les doigts qui récupèrent la serviette même si j’pouvais rester des heures là-dedans. C’est le moment de retrouver la froideur de mes nuits depuis que tout était fini. Pointe des pieds dehors, le corps suit et il me faut quelques secondes avant de voir ton dos courbé. Ce corps que je reconnaîtrais parmi des milliers. Ces dessins que j’avais l’habitude de re dessiner de mes mains. Là, cette peau que j’ai trop souvent animé. Aimé. Douce ironie. Le sujet de mes nuits tourmentées, de ce sommeil insaisissable. Toi, les sentiments égarés, effacés sur les lèvres d’une autre. Myocarde fou. Toujours quand il te voit. Lui ne sait pas mentir comme moi, lui n’sait pas faire semblant. Mais je te l’ai promis scott. L’indifférence, c’est tout ce que t’auras. Nausée turbulente, coeur à l’agonie quand je te contourne pour m’arrêter face au miroir à côté d’toi. Cheveux encore dégoulinants, frissons qui martyrise l’épiderme, les yeux focaliser sur mon reflet quand la brosse passe dans la crinière lentement.

Il la ressent. Sa chaleur. Alors qu’elle s’approche en silence. Côte à côte sans un mot. L’eau coupée nouvellement coupée, il entend les coups de brosses à ses côtés. Devine sa chevelure brune humide, encadrant son ovale parfait. Dans ce morne silence, l’ombre se redresse. Essuie ses lippes de la main. Range en silence sa brosse à dent. Evoluant sans cesse dans ce mutisme pesant. Comme l’impression d’évolué dans du goudron. Enfin, il l’affronte. Appose ses émeraudes sur elle. Elle si peu vêtue dont il devine les courbes, camouflés par le tissu éponge. Malgré lui, son cœur s’accélère. Encore. « Tu te douche tard. » Les mots s’échappent avant qu’il ne puisse les contenir. C’est plus fort que lui. Il est obligé de combler le vide. Le silence qui les lie à présent.

vacarme infernal dans la poitrine. Est-ce que tu l’entends aussi ? Est-ce que t’arrives à déceler les rebonds que je ne sais pas contrôler ? Les pulsations qui s’enchaînent brutalement sous la serviette. Là, dans ce silence macabre, j’ai l’impression que ses échos cognent trop fort dans ce vide immense. La brosse se coince dans une masse de cheveux, je force un peu au même moment que tes lèvres se délient. Futilités que tu balances, avec lesquelles j’ai pas envie de m’encombrer c’soir. - Arrête ça. de faire comme si rien ne s’était jamais passé entre nous. Comme si rien n’avait existé, comme si le chaos n’était pas en train de nous grignoter de l’intérieur. - Fais comme si j’étais pas là. comme si c’était pas moi, pas ce « nous » qu’on a massacré.

« Fait pas ça. » Dans l’abus. Comme toujours. L’ombre se dépasse. Encercle le fin poignet de la brune. Celui qui tient sa brosse à cheveux. Lentement, il remonte jusqu’au manche. S’en empare. Positionné derrière elle, il prend le risque qu’elle explose encore. Profitant d’une brève hésitation pour glisser la brosse dans sa chevelure ténébreuse. « M’demande pas de t’ignorer. » Les picots de l’objet effleurent la nuque de la jeune femme. Debout derrière elle, il maintient une légère distance. Ne la touche pas. Pourtant, c’est comme s’il pouvait la sentir contre lui. Caressé par son aura, il s’en imprègne. En tête, défile les images. De ce qu’il aimerait faire. Là maintenant. Et puis, il se rappel. De leur situation. De ce qu’il lui a fait la veille.

- Pourquoi ?! dans un élan de nervosité. Volcan au bord des lèvres prêt à exploser rencontre la douceur de tes gestes. Cette main sur mon poignet, tes doigts qui glissent jusqu’à ma brosse. Ton corps à quelques millimètres, trop loin pour pouvoir te toucher. Assez proche pour sentir ton souffle réchauffer la peau de ma nuque. Les iris qui stagnent sur la vision dans le miroir. Illusion de ce qu’on aurait pu être si nous n’étions pas nous. Miroitement d’une histoire épuisée avant même d’avoir commencée. On aurait pu être beau si on avait voulu, on aurait pu vivre ailleurs que dans les abysses de nos étreintes. Le contact que je laisse se prolonger, quelques secondes. Juste pour en profiter, pour sentir encore un peu cet odeur dont le manque me flingue. Et je me retourne, te fais face, le dos collé contre la vasque, mes yeux qui retrouvent à nouveau les tiens. - C’est ce que tu voulais, non ? M’oublier ? M’effacer ? Me détester ?.. T’as toujours fait en sorte que ce soit l’cas. Que j’abandonne. Les yeux qui battent rapidement des cils, nervosité que tu crées dans cette proximité étouffante. - Et Loïs ? Elle t’suffit plus ? Ah ouais.. non, t’en as trouvé une autre entre temps. les traits s’assombrissent, les images défilent encore dans la tête. Et bordel, j’aimerais les amputer une par une. Que tes lèvres n’aient jamais touchées les siennes. - C’est bon scott. Je te l’ai dis.. J’ai compris maintenant. que c’était pas toi. Que ça pouvait pas être toi. T’avais raison depuis le départ. On aurait jamais dû s’y accrocher.

Le bras qui retombe. La brosse toujours dans la main. La tornade lui fait face. Appuyé contre le meuble. Blanche neige aux lèvres pleines. Leur rosée ressort sur son derme ivoire. Les azurs qui le captent. L’accrochent, tandis qu’elle se déverse. Loïs. Encore et toujours. Le seul prénom qui prend tant de place entre ses lippes. « Tu voulais plus de moi. Alors, qu’est-ce que ça pouvait te foutre que je sois avec une autre ? » Il se rapproche, l’homme. Bruit mat. Celui de sa brosse déposé près de la vasque. De part et d’autre de la frêle Lena, Scott appose ses mains. La bloque de ses bras sans la toucher. « Hein ? Répond moi Lena. Qu’est-ce que ça t’a fait de me voir avec elle ? » Murmure assassin. Qui ravive les images. Il la caresse. La tyrannise. Et comme toujours, Scott se nourrie de ce qu’il déclenche. Uniquement avec elle. D’avance, il aurait dû comprendre. Savoir que rien ne sortirait de bon avec elle. Qu’ensemble, il ne faisait que tout brûler.

Sourcils qui se froncent, sarcasme dans un rictus qui s’efface en un quart de secondes. Tu te rapproches, trop pour ne pas vaciller dans cet éternel recommencement. Tes bras noircis d’encre qui s’étendent de chaque côté de mes hanches. - t’as tort putain.. murmure lâché entre les dents serrés. L’incompréhension qui brouille mon regard, celui qui te dévore encore. Malgré tout. - J’ai jamais appris à ne plus vouloir de toi.. fatalité qui tombe. Les mots se posent sur ce châtiment inébranlable. - Même quand t’as été le pire, même quand t’as fait semblant d’hésiter avec d’autres, même quand tu m’as repoussé, abattue tant d’fois.. Je te voulais encore. la voix reste neutre, les billes font des allers retour entre tes yeux et tes lèvres. Qui se perdent toujours. - Tu veux savoir scott ?.. tu veux savoir ce que ça m’a fait ?! le ton devient plus ferme, plus virulent quand la mâchoire se contracte dans la tristesse des instants précédents. - Regarde moi ! Vas-y ! les paumes de mes mains qui se planquent contre tes joues chaudes. Qui ramènent ton visage jusqu’au mien, qui te force à foutre tes yeux dans les miens plus profondément. Que tu admires les écorchures. - Regarde à quel point ça m’tue.. gorge nouée, les lippes qui en tremblent légèrement. - Regarde à quel point.. J’étais dingue de toi. Comment je peux l’être encore. - T’as tout gâché. et j’ai pas su faire mieux.

Chaque mot percute son âme. La fait trembler autant que les tremblements provoqués par son pulsant. Il ne se rend même pas compte Scott. Il ne prend même pas conscience qu’il retient sa respiration. Le souffle coincé dans la trachée, il attend la suite. Suspendu à ses lèvres. A cheval dans un entre deux. Il patiente jusqu’au moment où elle implosera. Celui-là même qui ne tarde pas à venir. L’ovale pris en otage, elle le rapproche de lui. Fait naître au creux de son ventre, cette sensation familière. De l’appréhension. De l’adrénaline. De l’excitation. Tout ça mélangé. Perdu dans ses prunelles, il peut en voir chaque nuance. Hypnotique. « Tu l’penses pas. » Il tente de garder le contrôle, mais sa voix lui apparait si désespéré en cet instant. « Tu l’es encore. » Contre son front, il appose le sien. Appuie plus fort. « T’es encore dingue d’moi. De nous. » Levant une main, il l’attrape par la nuque. L’immobilise. Dualité.

Et je te regarde te battre avec toi même. Le cerveau qui veut une chose, le coeur qui en veut une autre. À croire qu’on était dans le même bateau, celui qui est en train de prendre l’eau sous l’explosion des vagues. J’sens que les mots te percutent, te frappent de plein fouet. Toi, qui se veut toujours si solide. T’es autant à terre que moi c’soir. - Raté. T’as encore tort scott. la faiblesse que je camoufle dans l’arrogance mensongère. Passagère. Quand tes doigts accrochent ma nuque, me ramène à toi. Continuellement. Schéma qui se répète, au milieu de cette salle de bain, nouveaux souvenirs qu’on vient faire naître. Et le choc me fait oublier ce Monde. Là, collée à ta peau, je sens nos respirations hésitantes s’emmêler. Se chercher. - J’ressens plus rien. Que dalle. Ça me fait plus rien quand t’es là. que j’affirme sans conviction. Mensonges amères, j’veux que t’en souffres toi aussi. Que tu douilles autant que moi. - tu t’souviens pas scott ?.. fausses mimiques de réflexion. - Y’a jamais eu de nous. Tes mots. Que je te renvoie à la gueule, que tu m’as si souvent balancé. Mes ongles grattent le plâtre de la vasque, évacue l’hystérie des émotions.