[TW!]A waking nightmare 29.10 ft Joyce

L’envie de la savoir en sécurité finit par poindre dans ses mots, d’un ton aussi inquiet qu’ordonnant. Le soir, les tentatives malveillantes se multipliaient, et le quartier résidentiel dans lequel elle logeait était encore moins sûr depuis l’événement. Il fallait qu’elle reste sur ses gardes, pour elle, mais aussi pour sa conscience à lui. Il fut heureux d’entendre qu’elle fera attention, ne jouera pas avec le feu au moins tant que l’histoire n’aura pas été éclaircie. Les forces de l’ordre étaient sur le coup, ce n’était qu’une question de jours ou de semaines tout au plus. Le téléphone du brun vibra dans la poche du pantalon qu’on lui avait ôté. Il dévia lentement la tête en direction de la chaise sur laquelle ses vêtements étaient posés, mais préféra enrouler légèrement plus fort la main de Joyce de la sienne ; sa présence suffisait amplement.

Rapproche-toi, là , lui demanda-t-il en se déplaçant, lui aussi, vers le bord du lit d’hôpital pour raccourcir la distance. Il tourna son corps de quarante-cinq degrés vers la gauche et sa tempe vint se caler sur la poitrine de sa comparse scientifique, non loin des battements de son cœur. Que tu es là, je suis content, souffla-t-il. Pas uniquement pour son besoin à lui, mais parce que, durant son abominable séjour aux enfers, il avait pensé à elle. À cette soirée qu’ils s’étaient promis de passer en ligne, à ce rendez-vous qu’il n’avait pas honoré, et à ces réponses qu’il n'avait pas pu donner à ses messages ; le nord-coréen s’était souvent demandé l’heure qu’il était. Les yeux, un peu je vais fermer, d’accord, la prévint-il. Il n’allait pas dormir, juste reposer ses rétines, un peu sa tête et son corps aussi. Aussitôt dit, aussitôt fait. À défaut de pouvoir l’encercler de son bras droit – puisque perfusé – il se fondit un peu plus contre elle.

Il ne saurait dire s’il n’avait vraiment fait que trouver le néant derrière les battants de ses pierres, ou s’il s’était assoupi, épuisé par la mauvaise aventure qu’il venait de vivre, mais son tronc, lui, s’était écrasé contre l’anatomie féminine. Tout du moins, jusqu’à ce que l’aide-soignante réapparaisse pour prévenir qu’on allait bientôt le mener en salle d’imagerie. Vingt petites minutes étaient passées, pourtant il avait l’impression d’avoir regagné de l’énergie ; merci le réconfort. À l’aquarium , tu vas devoir aller, supposa-t-il en se redressant doucement ; sa famille d’accueil ne devait plus être bien loin, maintenant.

@Joyce Millett

Bruissement de la ville qui s'emmêlait, sans dessus dessous, terrifiantes ombres qui venaient égarer leur dents pointues sur les silhouettes étudiantes. Jay s'inquiète pour elle, et il serait mentir de dire qu'elle est totalement rassurée à l'idée de traîner sur le campus ces prochains temps. Elle n'a pas envie de disparaître ; et encore moins de revivre ces derniers jours sans nouvelles de lui alors que les pires hypothèses s'échafaudaient dans sa tête - sans pourtant toucher la vérité.
Inquiétude calmée désormais, même si elle n'en revient toujours pas de l'histoire abracadabrante qui est tombée sur la Pfo - qui peut être aussi dérangé pour concevoir un tel cauchemar ? Alors elle n'hésite pas à suivre ses mots lorsqu'il lui intime de se rapprocher, heureuse de le sentir contre elle, à l'abri, si proche que, cette fois, il ne disparaîtra pas.

- Je suis soulagée que tu sois de retour, murmure-t-elle.

Il doit être épuisé et elle ne tente pas de retenir sa conscience ou de prolonger une conversation. L'important c'est surtout qu'il soit là, de retour près du palpitant battant de la navigatrice, Jay a retrouvé le bon port et un peu de chaleur se dégage de l'étreinte dans laquelle il tombe. De sa main libre, elle vient doucement caresser sa joue alors qu'il papillonne encore un instant des yeux avant que ses paupières ne retombent. Repos nécessaire pour se remettre de tout ça ; physiquement et, surtout, émotionnellement. Et, en l'observant, elle se fait la promesse qu'elle sera là pour le soutenir, pour l'aider à remonter face à tous les traumatismes vécus ces derniers jours, face à cet halloween qui marquera longtemps les consciences, cette nuit d'octobre maudite ou le trick or treat à virer au fantasme dérangé d'un psychopathe.
Joyce finit par poser ses fesses sur le bord du lit d'hôpital et s'adosser au mur derrière elle, en faisant attention à ne pas déranger les différents câbles et fils qui entourent le patient. À son tour, elle ferme les yeux sans pour autant vraiment s'endormir, laissant simplement le temps continuer sa course.

Vingt minutes plus tard, c'est les mots de Jay qui la tirent de sa somnolence et elle se redresse à son tour, se relevant avant de détacher sa paume de la joue du doctorant sur laquelle elle l'avait laissée, afin d'aller attraper son téléphone pour vérifier l'heure. Une grimace déforme ses lèvres alors qu'il constate qu'il a raison : c'est l'heure pour elle d'aller travailler, même si elle préférerait mille fois rester là avec lui.

- Tu as raison...

Un léger soupir s'attarde sur ses lèvres alors qu'elle range le téléphone puis redirige son attention sur lui.

- Je repasserai après le travail. Et n'essaie même pas de me convaincre du contraire !

Main qu'elle n'a pas envie de lâcher, qu'elle emmènerait bien en voyage avec elle, rendre visite aux poissons multicolores qui le fascinent tant.

Agréable sensation que de sentir cette main-douceur se poser sur sa joue, Ji-hun ne mit pas grand-temps à trouver le repos. Vingt minutes passèrent, durant lesquelles des micro-sourires trouvèrent la force de naître sur ses lèvres ; les battements du cœur de Joyce étaient harmonieux, chantaient une mélodie qui touchait ses tympans. Il aurait pu tenir encore un moment ainsi positionné contre le corps de sa comparse scientifique, mais l’aide-soignante marqua la fin de la somnolence en entrant et en avertissant qu’ils ne tarderaient pas à le monter dans les étages. Il devina également que la doctorante allait devoir s’en aller, et répondre aux responsabilités sur lesquelles elle s’était engagée à l’aquarium. Et même si le réconfort de sa présence avait été bien plus grand qu’il ne l’aurait cru, il l’invita à ne pas trop penser à son départ, mais plutôt à leurs retrouvailles.

Te convaincre de ne pas venir, je n’essayerai pas, promit-il alors qu’elle planifiait de lui rendre à nouveau visite une fois son devoir effectué. Il tenta de lui offrir un sourire avant de porter son attention sur leurs mains encore liées. Il observa les doigts s’étreindre naturellement, se donner des caresses veloutées, pour ne pas déranger les fils fraîchement posés. Je…, commença-t-il en relevant ses rétines vers elle ; je veux que tu reviennes. Elle devenait l’un de ces êtres essentiels, de ceux sans qui il ne saurait faire grand-chose. Aveu malheureusement balayé par l’arrivée en trombe d’une demoiselle aux cheveux roux, qui n’hésita pas à balancer le rideau pour se faufiler à l’intérieur. Visage si familier au brun, qu’il relâcha la pression exercée de ses phalanges sur la main féminine, et s’en sépara.

Faisant fi de la présence de Joyce, elle vint entourer l’asiatique de ses bras, et le serra contre son palpitant en affirmant à plusieurs reprises ô combien elle s’était faite un sang d’encre. Il ne sut que dire, souffle à moitié coupé par la possession qu’elle exerça sur lui. Puis la libération – ou presque. Elle plaça ses mains de chaque côté de son faciès pour vérifier, à l’œil nu, le fond sombre des yeux du plus âgé ; qu’en était-il,  ? Il préféra passer outre la question, et repoussa les palmes de l’étudiante infirmière avant d’éclaircir sa voix, gêné. Une… camarade de fac’ je te présente , dit-il en faisant remarquer qu’ils n’étaient pas seuls, Liv, Joyce. Joyce, Liv. La plus jeune, après avoir balancé un « enchantée », la remercia d'avoir tenu compagnie à « son Hun » jusqu'ici.

@Joyce Millett

Joyce avait toujours adoré son travail à l'aquarium. Depuis les premiers instants elle s'était - littéralement - sentie comme un poisson dans l'eau dans cet environnement qui lui ressemblait tant. Et il fallait qu'elle soit à l'agonie pour louper un jour de boulot ; même en gueule de bois comme ça avait pu lui arriver par le passé, elle était toujours à l'heure, prête à passer du temps auprès des animaux qu'elle chérissait tant.
Pourtant, aujourd'hui, l'estomac résultat encore de toute l'inquiétude qui l'avait rongée ces derniers jours, elle aurait préféré pouvoir faire l'impasse sur son activité, passer un coup de fil à son chef pour lui expliquer brièvement la situation et tenter de s'en échapper. Mais "je suis à l'hôpital avec un ami, enfin pas tout à fait un ami, tu vois, on couche ensemble de manière exclusive, mais on est pas ensemble, enfin pas totalement, enfin c'est compliqué" n'était probablement pas une excuse recevable. À défaut donc de pouvoir rester, elle promet de revenir et annonce d'avance qu'elle n'acceptera aucun refus de la part du patient. Et il abdique d'ailleurs tout de suite - peut-être face à l'assurance de l'étudiante, ou simplement parce qu'il en a envie. Elle s'attend à avoir la réponse dans ce tout petit "je" qui ouvre le début d'une phrase, mais ils sont interrompus par une tornade rousse qui arrache presque le rideau de la petite pièce improvisée et se précipite sur Jay alors que Joyce sent soudain leurs doigts se détacher et un vent de fraîcheur frôler ses phalanges. Mains séparées et interrompues par la présence d'une nouvelle venue qui fait fi de l'existence même de la doctorante pour s'accrocher à l'homme sur le lit comme une femme de militaire qui retrouverait son époux alité après des mois de guerre. Et, étrangement, la navigatrice sent un petit pincement lui serrer le coeur alors qu'elle se demande bien qui peut être cette inconnue qui semble tellement inquiète.
Question à laquelle le doctorant finit par apporter une réponse. Liv, un prénom déjà vaguement entendu ; la fameuse fille de sa marraine sur laquelle elle pouvait finalement mettre un visage. Mais surtout, elle même était présentée comme une simple "camarade de fac'" et ça lui fait un peu mal de porter ce titre quand elle se rend compte qu'il a une place bien plus importante que ça pour elle en tout cas. Mais, il faut croire qu'il ne souhaite pas afficher, même leur amitié, devant celle qui le nomme "mon Hun" avec une familiarité qui agace presque la biologiste qui tente cependant de ne pas paraître agressive dans le "salut" qu'elle lui adresse et même de revêtir un sourire sur ses lèvres. Après tout, de quoi se mêle-t-elle ?

- Je te laisse prendre la relève alors Liv, et je vais bosser.

Job qu'elle déteste bien plus encore à l'idée de les laisser seuls tous les deux. Et si cette idée lui paraît un peu ridicule, elle peine pourtant à s'en débarrasser.

- À tout à l'heure, Jay.

Avec la distance imposée dans les présentations, elle n'ose pas venir l'embrasser sur le front pour lui dire au revoir, ou même simplement lui caresser la main ; l'envie pourtant ne lui manque pas. Mais il lui faudra attendre sa prochaine visite, en espérant que Liv ne soit plus dans les parages... Elle se contente donc d'un simple signe du bout des doigts avant de récupérer ses affaires et de s'éclipser par les rideaux restés ouverts.

S’il avait vérifié son téléphone, Ji-hun aurait certainement pu prédire l’arrivée prochaine de Liv. Au lieu de ça, il avait préféré profiter de la présence de la doctorante, et ainsi accueillit de plein fouet l’inquiétude de la jeune femme. Elle se logea contre lui, affalée de ses deux bras liés sur les épaules du brun comme une panthère allongée sur sa branche. Le nord-coréen ne sut que dire, habitué aux émotions toujours vivement exprimées de l’apprentie infirmière. Il la laissa redescendre toute seule, reprendre un bol d’air. Elle aussi avait été apeurée par les messages et les appels sans réponse, par ces « message non distribué » qui avait meurtri ses nuits et ses jours. Il ne pouvait lui en vouloir d’apprécier le savoir vivant. Il présenta les deux jeunes femmes rapidement.

Froncement de sourcils adressé à la plus jeune de l’espace médical, en réponse au possessif soudainement utilisé. Joyce se montra bien plus cordiale que la fille de sa marraine d’accueil, point qu’il n’hésitera pas à éclaircir lorsque la biologiste sera partie travailler ; qu’est-ce qui lui avait pris ? Sur la route, fais attention, fit-il après avoir tourné le faciès vers la doctorante, je ne bouge pas, de toute façon. Petit trait d’humour jeté comme ça, qu’il espérait voir rattrapé par l’employée de l’aquarium, et pourquoi pas naître sur l’un de ses sourires ; lui était fatigué pour esquisser quoi que ce soit. Il la regarda s’éloigner puis disparaitre. Il la laissa filer à contrecœur, au point de lui arracher un long soupir.

À peine retrouvée qu’elle était déjà partie. Faible, bien trop faible ; la peur de ne pas la revoir fit briller le blanc de ses yeux mais, déshydraté, les gouttes ne furent pas assez nombreuses pour couler.