[TW!]A waking nightmare 29.10 ft Joyce

Warning : mention séquestration, plaies ouvertes

Administratif effectué, Ji-hun patienta dans la salle d’attente du Massachusetts general hospital. Il profita de ce moment pour ouvrir son portable, qui lui avait été subtilisé durant l’enlèvement, et avait été retrouvé aux alentours du fameux bunker par les forces de police. Les codes entrés lentement, innombrables appels en absence et messages non lus lui explosèrent en pleine figure. Il décida d’informer en priorité sa famille d’accueil de sa présence aux urgences , puis rebondit sur les inquiétudes, dont celles de Joyce. Il ne pouvait qu’être succinct, car quelques uns de ses doigts le faisaient souffrir. Il décida de ne pas la retenir de venir s’assurer que tout allait bien, – même s’il n’était pas vraiment sûr que ce soit la meilleure décision qu’il ait prise.

Il fut ensuite emmené dans un de ces carrés de soins semi-ouverts, et rencontra le médecin urgentiste pour évaluer cliniquement son état. Celui-ci lista la marche à suivre avant de laisser le nord-coréen aux mains d’un infirmier et d’une aide-soignante. Ils commencèrent par soigner les blessures présentes à ses mains. La tête de Joyce apparut peu de temps après qu’ils aient commencé à suturer l’une des plaies ouvertes. Plaies qu’il s’était faites à force de s’énerver contre les nombreuses fermetures de l’endroit où avait eu lieu la séquestration. Elle n'était au courant que du strict minimum, et arrivait au moment le plus «saignant». Oh, si vite tu as fait , fit-il, surpris ; elle ne devait pas avoir pris son vélo. Ça va, tenta-t-il de porter l'attention sur elle.

@Joyce Millett

Dès qu'elle reçoit la réponse de Jay sur l'hôpital dans lequel il se trouve, Joyce se met en pilote automatique. Ses doigts qui tapotent sur son téléphone pour appeler un Lyft le plus rapidement possible ; tant pis pour son vélo, elle le récupérerait à un autre moment. Pour l'instant elle était surtout trop inquiète de ce qui avait bien pu arriver au doctorant. Il n'était pas du genre à ne pas honorer ses rendez-vous ou ne pas répondre à ses messages ; encore moins à ne pas aller travailler. Même lorsqu'il était malade, il s'était traîné à la Luna et à l'hôtel pour assurer ses contrat. Toute cette situation ne lui ressemblait pas et elle n'avait pu s'empêcher de commencer d'imaginer les pires scénarios possibles. La case hôpital en faisait partie et, si elle était rassurée qu'il lui réponde et donc de constater qu'il était en vie et capable d'utiliser son téléphone, l'inquiétude n'était pas totalement redescendue pour autant.

La voiture arrive bien vite devant la Pfo House où elle était partie s'assurer - sans succès - que Jay n'était pas à l'agonie dans son lit ou même simplement en train de la ghoster - après tout, Halloween pouvait réveiller de bien pernicieux fantômes. Mais les coups à sa porte étaient restés sans réponse jusqu'à ce que ce soit son téléphone qui lui délivre l'information attendue. Elle file désormais en direction de l'hôpital, la tête bien trop occupée par ses pensées pour écouter le bavardage du conducteur qui n'a, heureusement, pas l'air de se formaliser de ne pas vraiment avoir de réponse à l'arrière de sa voiture. C'est un peu un métier d'écoute, finalement, de conduire les gens d'un point A à un point B ; et si parfois c'est le client qui parle et le chauffeur qui écoute, il peut arriver que les rôles s'inversent également.
Bientôt, Joyce se retrouve à l'endroit voulu, remercie rapidement le Lyft avant de se précipiter à l'intérieur de l'hôpital. Il fait chaud et ses joues se couvrent de rouge alors qu'elle interroge l'accueil pour savoir où se trouve son ami. Rapidement on lui indique l'un des boxes à moitié ouvert de l'étage et elle ne demande pas son reste avant de s'y diriger, évitant les différents patients et médecins qu'elle croise sur son chemin.

Bien vite elle atteint son but et c'est là qu'elle le voit ; lui, entouré d'employés de l'hôpital, une plaie bien ouverte à la tête et l'air de quelqu'un qui n'a pas beaucoup dormi. Au moins il semble conscient et pas trop mal en point de ce qu'elle peut apercevoir de son point de vue. Se glissant du côté libre pour ne pas gêner ceux qui travaillent à réparer ses blessures, elle se permet d'attraper sa main et de lier leurs doigts.

- J'ai pris un Lyft, avoue-t-elle.

Pas vraiment la solution la plus écologique, mais il y avait parfois des urgences qui justifiaient certains écarts.

- Que disent les médecins ?

Elle lève un regard interrogatif aussi bien en direction du patient que celui qui est occupé à le recoudre.

Main libre agrippée par celle de l’étudiante, Ji-hun ne put réfréner un sursaut et desserrer un peu l’étreinte de leurs doigts. Doucement, l’avertit-il en tentant un sourire, même si l’envie n’était clairement pas là. Sale état de ses phalanges, écorchées par un grillage vieux de cent ans. Abîmé et rouillé par le temps et l’humidité. Il y était peut-être allé un peu fort dans sa folie, mais sa plus grande peur avait toujours été les souffrances physique et psychologique ; il ne s’en était jamais caché. Il fut surpris qu’elle ait pris l’option d’un lyft, vu ses valeurs, mais il n’était pas mécontent de la voir à ses côtés. Ces dernières heures avaient été terrifiantes pour lui. Des examens j’ai à passer, répondit-il, prise de sang, échographie, trucs habituels. Peut-être une autre méthode d’imagerie plus spécifique vu ses antécédents, mais rien de bien méchant, contrairement à ces points de suture pour lesquels l’anesthésie locale ne semblait pas fonctionner à cent pour cent.

Ah… D’une entrecôte j’ai envie… avec des frites, et beaucoup de sauce, commença-t-il, n’ayant pas été nourri depuis jeudi soir. Ce n’était pas son régime habituel, mais qu’importait. Il avait envie de se laisser aller. Et l’océan tout entier je boirais bien. Parce qu’il n’avait pas non plus eu accès à de l’eau potable. L’aide-soignante proposa d’aller lui chercher un verre d’eau, et il accepta. Seul verre qu’il serait en mesure d’avoir, au cas où une opération serait à prévoir. En observation, je vais rester, l’informa-t-il, parce que de ça il ne pouvait qu’être sûr, son seul rein restant n’étant déjà pas proprement fonctionnel d’accoutumée. De t’avoir inquiétée, je suis désolé , accompagna-t-il ses excuses de traits compatissants. Entre de bonnes mains je suis, affirma-t-il. Même si la police présente encore dans l’hôpital allait certainement vouloir l’interroger dès aujourd’hui, il se sentait bien mieux ici que « là-bas ». L'infirmier termina de recoudre, puis s'occupa de préparer les tubes.

Le nord-coréen passa un regard sur le nombre qu'il déposait dans le plateau et secoua la tête : de remplir tout ça, je ne suis pas sûr. Plus de vingt-quatre s'étaient écoulées sans une goutte d'eau, et il n'avait pas eu assez de mictions pour s'en abreuver ; ils feront de leur mieux. Il reporta son attention sur Joyce et lui demanda : quelle heure il est ? Il ne voulait pas qu'elle loupe son travail à l'aquarium.

@Joyce Millett

Au geste, au moment surtout qui la réfrène, Joyce comprend immédiatement que l'étreinte de leurs doigts étaient trop douloureuses pour lui et s'en veut d'avoir pu ajouter de la douleur à celle qui existe déjà - qu'a-t-il bien pu se passer pour qu'il soit dans cet état ? Une image de son passé ressurgit, celle d'avoir déjà assisté à d'autres blessures sur un autre garçon. Denzel, à moitié dévisagé par un oeil au beurre noir qui lui dévorait la moitié du visage et les jointures saignant ; il avait le chic parfois pour se retrouver dans les mauvaises bagarres. Trop impulsif pour se retenir. Est-ce qu'elle était en train de revivre les mêmes schémas ? Ca ne ressemblait pourtant pas au doctorant, elle ne l'imaginait pas enfoncer ses poings dans la tête du premier venu, et encore moins disparaître plus de 24 heures après cela. Il y avait trop d'inconnues, trop de cases encore floues sur lesquelles elle ne parvenait pas à mettre des mots. Mais avant les mots, les gestes, et elle relâche un peu la main de Jay, sans pour autant totalement la lâcher.
Attentive, elle écoute ses explications, se retient de l'interroger sur la date de son dernier rappel du tétanos - elle se doute que c'est l'une des premières choses qu'ont vérifié les médecins dont c'est le métier, contrairement à elle - et sourit en l'entendant parler de nourriture, incapable de savoir s'il plaisante ou non. Ca fait un paquet d'années que Joyce n'a pas acheté ou cuisiner de la viande et encore moins de la viande rouge, mais pour lui elle serait prête à faire une exception et à courir à la cafétéria lui chercher ce qu'il lui demande, si seulement c'était possible. Elle se doute bien que les examens qui doivent encore potentiellement l'attendre n'accepte pas un estomac plein et son sentiment est confirmé par l'aide soignante qui propose d'aller chercher un verre, uniquement un. Alors que la femme sort du boxe, les laissant seuls avec l'infirmier concentré sur ses points, elle tente de plaisanter.

- Je suis pas sûre que boire tout l'océan soit une bonne idée vu la quantité de sel qu'il contient. Et où on irait nager s'il n'y avait plus d'océan ?

Et où iraient-ils nager s'il n'y avait plus de Jay ? À le voir là, enfin, sous ses yeux, elle se rend seulement compte de toute la peur accumulé ces derniers jours. Pourtant même pas tant de temps a passé depuis la dernière fois qu'elle a eu des nouvelles, mais ça ne l'a pas empêchée de s'inquiéter ; il compte pour elle, probablement même plus que ce qu'elle veut bien s'avouer.

- L'important c'est que tu ailles bien maintenant.

Physiquement du moins, parce qu'elle ignorait toujours ce qui s'était véritablement passé, mais un mauvais pressentiment lui pesait lourd sur les épaules. Elle n'ose pourtant pas l'interroger, préfère que ça vienne de lui, s'il ressent le besoin d'en parler, plutôt que de remuer des traumatismes.
L'infirmier termine la suture et les yeux de la biologiste se perdent brièvement dessus, nullement impressionnés ou terrifiés par le sang ou la ficelle qui relie désormais la peau. Une cicatrice, une de plus - elle est bien placée pour savoir que ce n'est pas la première qui recouvre son corps. L'homme pose ensuite quelques tubes devant Jay et la phrase qu'il sort à ce sujet ne la rassure pas vraiment. S'il n'est même pas capable de les remplir, c'est que quelque chose de grave doit s'être passé.

- 1:40 pm, j'ai encore le temps avant de devoir me rendre à l'aquarium.

Même si son job est bien la dernière de ses préoccupations sur le moment.

Ji-hun aurait aimé rire de son humour, mais il ne put que prendre au sérieux ses paroles, comme si ça avait été une réflexion intelligente plus qu’une banale plaisanterie. L’infirmier, lui, réussit à sourire ; ça n’avait pas été totalement vain. Tu as raison, me donnerait soif le sel, encore plus, confirma-t-il alors ses dires, avant de lui confier qu’il restera certainement en observation. Vingt-quatre heures devaient suffire pour le réhydrater et pour effectuer les examens qui nécessitaient un contrôle étendu. Les médecins étaient dans l'obligation de s’assurer du retour de ses mictions à la normale, et c’était un long processus qui le saoulait déjà, intérieurement. Il pensait aux heures qu’il avait loupées à la fac, et à son absence aux entraînements, alors qu’il allait rencontrer dans moins de deux semaines les universités de Dartmouth et Cornell ; rien n’allait en ce moment.

Il s’excusa pour l’inquiétude qu’il avait provoquée chez sa comparse scientifique avant de remarquer la quantité de tubes sortis par le personnel médical. Dans sa tête, il était impossible pour lui de remplir tout ça sans avoir bu ni mangé durant plus de vingt-quatre heures. Rien que l’idée le faisait déjà tourner de l’œil. Il s’appuya davantage contre le dossier du lit sur lequel il était allongé et se concentra sur Joyce, et le travail qui l’attendait. En retard ne sois pas, tu m’as promis, lui rappela-t-il. L’homme en blouse commença à chercher une veine, et malgré son expertise, celle-ci fut récalcitrante, il fouina un peu à l’intérieur pour la pêcher. Le nord-coréen serra ses mâchoires et les muscles de ses jambes se tendirent. Comme il l’avait prédit, le manque d’hydratation rendit la prise de sang compliquée, si bien que l’infirmier dut se résoudre à piquer sur le dessus de la main.

Il observa le visage de la scientifique et ses yeux s’arrêtèrent au niveau de ses semblables. Doigts entrelacés dans la légèreté, il leva leurs mains mêlées pour pouvoir venir toucher les petites poches gonflées qu’elle portait sous ses yeux. Beaucoup trop tu as travaillé , lui fit-il remarquer, dormir plus tu devrais Joyce ; un ordre plus qu’une suggestion. Ah…, s’exclama-t-il en fermant fortement les yeux, m’évanouir je vais… L’infirmier le rassura quant au fait qu’il finissait ce tube et n’insistera ; il se satisfit des quatre qu’il avait remplis. Joyce dut changer de côté pour qu’il puisse nettoyer l’autre main et Ji-hun quémanda sa présence en tendant celle à présent soignée. Pour Halloween, un évènement particulier vous avez mis en place, à l’aquarium, l’interrogea-t-il. Il l’écouta et avoua, sans détour : Halloween, je hais ça…

Entre les soucis à la Pforzheimer House et cet épisode plus que traumatisant, il allait détester le mois d’octobre, et cette fête, au moins jusqu’à l’année prochaine.

@Joyce Millett

La blague de Joyce fait un plat dans l’océan aussi bruyant que gênant. L’infirmier est le seul à qui ça tire un sourire, mais elle s’en fiche pas mal ; pour l’instant les seules lèvres qu’elle veut voir s'é tirer sont celles du patient sur le brancard. Son patient, elle perdait complètement la tête à mettre des pronoms possessifs là où il n’y avait pas lieu d’être, ce n’était pas parce qu’ils étaient exclusifs que, pour autant… Ce n’est pas le moment de se poser ce genre de questions. L’inquiétude a dévoré ses songes, son sommeil et ses pensées, la journée de la veille a été complètement décousue et elle a bien cru faire un abcès ce matin, en arrivant devant la chambre vide du Pfo. Heureusement le message l’avait atteint au bon moment parce qu’elle n’est pas certaine de ce qu’elle aurait bien pu faire après. Appeler la police ? Alerter les autres étudiants de sa maison ? Harvard ? Les journaux ? Tellement d’hypothèses s’échappaient de son imaginations, avec certaines bien plus tragiques que raisonnables. Elle n’est même pas certaine qu’elle aurait été capable d’aller travailler, pas avec autant de questions en tête, déjà que là ça va être difficile. Mais elle lui a promis qu’elle ne serait pas en retard car elle sait bien à quel point il est important aux yeux de Jay d’honorer ses contrats.

– Ne t’en fais pas, j’ai encore le temps.

Elle lui sourit alors que l’homme en blouse blanche s’active, tâte le coude du biochimiste pour tenter de trouver une veine sans parvenir à en dégager une assez pour pouvoir la piquer. Pour avoir été plusieurs fois donner son sang, Joyce le sait : il est important de beaucoup d’hydrater sinon la prise sera compliquée ; et ici, elle l’est. Elle espère que les examens seront rapidement terminé pour qu’il puisse enfin boire à sa convenance…
L’homme passe donc à la main, là où il est plus facile de les repérer, mais où la ponction est également plus douloureuse. Ça ne semble cependant pas beaucoup troubler Jay qui a l’air plus intrigué par les cernes violettes qui teintent la peau de la doctorante. Les terreurs nocturnes ont repris depuis sa disparition et elle a enchaîné presque deux nuits blanches ; ça n’aide pas pour lui donner un teint de pêche rayonnante. Clairement, ni elle ni Jay n’est dans son meilleur jour.

– J’essayerai, promet-elle sans oser lui dire que le manque de sommeil n’a rien à voir avec le travail. Elle n’aimerait pas qu’il culpabilise pour une chose aussi bête que ses émotions personnelles quand lui semble traverser l’enfer.

Mais il n’a pas le temps de réagir qu’un éclair de douleur semble le traverser. Des étoiles noires ont dû danser devant ses yeux et une grimace d’inquiétude se peint sur le visage de sa visiteuse. Il est trop déshydraté pour parvenir ainsi à remplir toutes les éprouvettes alignées devant lui. Heureusement que l’infirmier prend la sage décision de se contenter de quatre, sinon elle n’est pas certaine qu’elle l’aurait autorisé à continuer. Certes c’est son métier, il sait ce qu’il fait, mais elle n’aime pas voir souffrir ainsi l’homme allongé devant elle.

Un échange stratégique de place permet au soigneur de s’occuper de l’autre main tout en laissant Joyce aux côtés de Jay. Avec douceur, elle attrape son autre main, celle qui vient d’être soignée, mais ne la serre pas trop fort, consciente que l’endroit doit encore être douloureux.

– On a mis quelques décorations et on a ressorti les jouets des phoques en forme de citrouille.

Tradition pour ce jour de fête et dans laquelle les pinnipèdes excellaient, amusant les visiteurs qui venaient de loin pour les voir jouer avec leur fausses citrouilles ou essayer d’attraper les poissons qui débordaient de ces récipients improvisés. Joyce aurait bien aimé montrer tout ça à Jay – en espérant qu’il se rétablisse assez vite, mais le sujet semble sensible pour lui… est-ce que ça a un lien avec ce qui l’a mis dans cet état ? Elle n’y tient plus, alors enfin elle demande :

– Qu’est-ce qu’il s’est passé Jay ?

Et elle sent que la réponse est bien plus terrifiante qu’un squelette en plastique ou qu’un drap suspendu à une fenêtre pour simuler un fantôme…

mention : instinct de survie, séquestration, folie

Le tiraillement dans sa veine lui donna un haut-le-cœur. Des fourmillements apparurent aux extrémités, et des étoiles commencèrent à tourbillonner devant ses rétines. Il eut le réflexe de prévenir l’infirmier pour qu’il cesse tout avant qu’il ne parte à la dérive, dans les bras d’un Morphée qu’il n’avait même pas pu apercevoir ces deux dernières nuits. À l’écoute, l’homme vêtu d’une blouse finit de remplir le tube et mit fin au calvaire du nord-coréen. Quatre suffiront aux recherches, il les étiqueta avant de passer de l’autre côté, échangeant de place avec Joyce. Ji-hun interpella la jeune femme sur les activités mises en place pour Halloween, le mot « citrouille » éveilla un souvenir. Celle sur mon bureau, qu’elle ne pue pas j’espère…, pensa-t-il soudainement à la « Jack O Lantern» qu’il avait creusée à la Dudley. La mauvaise odeur était un critère de pourriture dont la scientifique avait parlé, il s’en rappelait.

À sa réflexion, il lança un : Halloween, je hais ça…. Cette phrase interpella la biologiste, car le brun était loin de détester beaucoup de choses. Elle le questionna, et il plongea son regard dans le sien. Il ouvrit la bouche, mais il fut soudainement mute L’aide-soignante arriva à ce moment-là avec le fameux verre d’eau. Ji-hun lâcha la main de sa comparse pour agripper le gobelet et, malgré les recommandations du personnel, le but d’une traite. Saint Graal de tous les Saint Graal qu’était cette boisson plate. Elle avait un arrière goût, mais bien moindre que l’urine qu’il avait ingurgitée pour éviter de crever de l’intérieur. Il ne perdit pas une seule goutte, attendit que la dernière tombe, avant de rendre le récipient à l’aide-soignante. Elle lui prépara une blouse de patient, en vue des examens d’imagerie qu’il avait à passer.

J’ai soif …, soupira-t-il. Ils allaient le perfuser, à cause de ses antécédents complexes, ils ne pouvaient y échapper pour éviter d’aggraver la situation  – s’ils arrivaient à poser le cathéter. Ce qui s’est passé , laissa-t-il en suspens, à la réunion, aux rats de mon professeur je pensais, et puis plus rien. Un trou noir, comme s’il avait cligné des yeux pour ne les rouvrir qu’après une bonne nuit de sommeil. Où je me suis réveillé, bizarre était l’endroit. Là étaient plusieurs Pfo, commença-t-il en laissant ses yeux se nourrir des murs pour se rappeler, une issue on a cherché, puis une voix… Une voix qui leur avait fait comprendre qu’ils devaient jouer le jeu, pour espérer sortir d’ici. Presque mot pour mot, il répéta la consigne ; à glacer le sang. S’est ouverte une trappe, on est passés et, par un grillage était bloquée une sortie…

Il baissa son regard sur ses mains et secoua la tête : neomu michyeosseo*… Il secoua de nouveau la tête avant de lever ses pierres aux lueurs affolées et répéta : neomu michyeosseo… La souffrance physique et psychologique avait toujours été sa plus grande crainte.

* Je suis devenu fou...

@Joyce Millett

Les tubes avalent goulument un sang rouge que Joyce regarde à peine, toute son attention concentrée sur celui qui, soudain, se sent un peu mal. Déstabilisée, Joyce ne sait pas bien comment réagir, mais heureusement l’infirmier intervient tout de suite et Jay ne s’évanouit pas. Tant mieux. Mieux vaut donc chercher à lui changer les idées en lui parlant des décorations mises en place et surtout du spectacle amusant des phoques avec leurs jouets en forme de citrouilles – en plastique celle-ci contrairement à celle creusée par le biochimiste lors de l’événement de la Dudley et qui a vu passer un certain nombre de jour depuis, enclenchant peut-être son processus de moisissure. L’employée de l’aquarium s’apprête alors à sortir son téléphone pour lui montrer le spectacle fabuleux et bien plus rigolo qu’effrayant de palmipèdes en train de s’amuser lorsque des mots du souffrant retiennent son geste. Il n’aime pas Halloween, du moins il n’aime plus ça, et c’est inhabituel, parce que c’est normalement elle qui rechigne lorsque les fêtes approchent – encore que, la fête des citrouilles et des sorcières, elle aime assez –comment dire non à la possibilité de se déguiser et de manger des pumpkin pie ? Surprise, elle ne peut s’empêcher de creuser, même s’il s’était promis d’attendre qu’il lui raconte toute son histoire de lui-même – comme elle l’a également toujours fait sur ses origines, combien même elle a deviner une partie de son histoire, confirmé par Haley depuis.
Leurs regard se trouvent et Joyce aspire un soupir, retient sa respiration alors qu’elle sent que l’histoire qu’il va conter la hantera bien plus que certains récits d’horreur que l’on raconte autour des feux de camp pour effrayer petits et grands. Jay est cependant interrompu avant même d’avoir pu commencer ; le verre d’eau salvateur enfin livré et qu’il avale d’une traite, comme s’il m’avait rien bu depuis deux jours…

L’eau avalée, verre vidé et rendu, soif pourtant loin d’être étanchée. Si Joyce avait pu, elle lui aurait ramené une fontaine entière à défaut de pouvoir transporter l’océan – il lui semblait en avoir vu une, pas loin, à l’autre bout du couloir. Combien de temps pour faire un aller-retour là-bas ? Mais les médecins connaissaient leur métier et s’il n’avait rien donné de plus c’est que les examens n’étaient pas terminés, qu’il fallait encore s’accrocher, à jean, pour passer scanner ou autre chose… Les murs blancs de l’hôpital lui rappelle l’époque où elle y accompagnait sa grand-mère – ce ne sont pas ses meilleurs souvenirs, même si c’était une autre ville, presque une autre vie.
Le récit peut alors reprendre maintenant que le conteur s’est hydraté. Un récit rempli d’images atroces, une véritable toile d’araignée dans laquelle l’arachnide tisse des horreurs. Le trou noir, l’enlèvement, l’enfermement, et ce jeu complètement absurde qui sonnait comme un remake de film d’horreur, mais avec du véritable sang au lieu de la fausse hémoglobine. Quelque part en Joyce, son ventre se tord et elle qui peut se venter de l’avoir bien accroché avec ses années en mer, doit retenir l’envie de rendre son petit déjeuner sur les draps d’hôpital. Ce n’est pas à elle qu’elle doit penser cependant ; elle le voit dans les yeux de Jay, il est bouleversé, épouvanté, et si elle ne comprend pas les mots en coréen qui surgissent pour achever ce cauchemar, elle en devine le sens, l’essence. Il a vécu les pires tourments ses dernières heures et Joyce, touchée se penche sur lui pour déposer ses lèvres sur son front, sans trop oser appuyer pour autant par peur de lui faire mal.

– C’est terminé tout ça maintenant, ça va aller, je suis là.

Élan maternel et emphatique ; même si elle sait qu’elle ne pourra jamais comprendre exactement tout ce qui a pu se dérouler pendant les heures de son enlèvement – ni tout ce qui a pu se passer plutôt dans sa vie et hante encore ses pensées aujourd’hui, n’arrangeant en rien la situation –, elle souhaite lui montrer qu’elle est là pour lui et que ses épaules sont assez solide pour qu’il se repose dessus.

mention : séquestration, folie, maltraitance/torture/expérimentation sur êtres humains

Pareille histoire n’aurait pu être pire pour lui. Ji-hun n’avait peur de rien, si ce n’était de ce dont on l’avait terrorisé. En l'enfermant dans ces espaces faits de béton et grillage, on l’avait directement renvoyé à tout ce qu’il avait fui ; au sort qu’on lui aurait réservé pour avoir été le fils et le frère de déserteuses. Et, si peu de personnes étaient au courant de tout ce qu’il avait traversé jusqu’ici, en tant que témoin et victime, il ne s’était jamais caché de craindre de souffrir, physiquement et psychologiquement. Dans ce bunker, il était devenu complètement fou, happé par ces visages de gens à moitié morts, maltraités et torturés au quotidien, qu’il avait croisés au camp de travail – de concentration. Endroit où il s’était rendu en tant qu’étudiant-scientifique dès sa quatrième année, pour observer des expériences inhumaines et épouvantables. Tout au long du parcours « halloweenesque », il s’était demandé s’il allait finir par devenir l’un d’entre eux, lui aussi.

Le nord-coréen ferma les paupières lorsque Joyce vint porter ses lèvres sur son front. Élan d’empathie bien nouveau pour celui qui s’était trop souvent tut dans l'espoir de paasser sous silence les horreurs vécues – et à vivre. C’était certainement la toute première fois que l’on embrassait ses plaies. Aussi bien visibles qu’invisibles. Lorsqu’elle se releva, il reporta son attention sur le faciès de la biologiste, et ne le dévia qu’au moment où l’aide-soignante lui indiqua qu’il était temps de se changer. Elle l’aida à se déshabiller, après avoir échangé un regard avec la visiteuse ; était-elle assez intime pour rester, ou devait-elle sortir ? Une à une, les affaires furent retirées, la blouse enfilée et attachée sous la nuque du brun. Ils purent s’atteler à la pause de la perfusion. Soins prodigués, ils quittèrent la salle en spécifiant qu’ils attendaient le résultat des analyses pour l’emmener faire les imageries de son rein ; la place n’était pas encore libre pour l’y monter tout de suite.

Sur le campus, à toi fais attention, d’accord, la supplia-t-il, dans la salle de réunion de la Pfo’, ça s’est passé. Qui a fait ça, personne ne sait… Le quartier résidentiel des étudiants ne semblait plus être un endroit sûr. Et si bon nombre d’infractions avaient dû être répertoriées depuis sa construction, il n’en avait jamais entendu de pareilles ampleurs. Les coupables couraient toujours, et leur identité n’était pas connue. À n’importe quelle heure ne sors pas, pas toute seule, lui ordonna-t-il, inquiet. S’il semblait choqué aujourd’hui, il allait s’en remettre. Peu sûr qu’il puisse facilement accepter de savoir Joyce vivre un tel enfer, toutefois. Vite ça va se savoir…, supposa-t-il, pointés du doigt, avant ça, bien assez on l’était déjà… ; à comprendre les membres de la Maison Dorée.

@Joyce Millett

Le cœur qui tambourine, les images qui s’enchevêtre dans l’esprit trop imaginatif de la biologiste. Ce calvaire que Jay a vécu, la douleur, la peur surtout de ne pas ressortir de là vivant, ou dans un sale état, d’y rester enfermé pendant des années. Qui est capable d’une telle horreur ? Il faut avoir un véritable problème pour imaginer, des jeux pareils aussi glauques qu’immondes. Et ça lui tort les boyaux, nausée qui remonte en brûlure dans sa gorge, mais qu’elle contient car les projecteurs ne doivent pas être braqués sur son dégoût. À la place, elle abandonne son regard à celui qui, allongé dans le lit, mettra sans doute des semaines, si ce n’est jamais, à se remettre de tout ça.De cette peur, cette frayeur, indicible horreur d’une soirée d’Halloween qui restera marquée pour toujours dans la conscience du doctorat. Bienvenue aux États-Unis.
L’échange muet dure quelques instants avant qu’il ne soit interrompu par l’aide soignante qui leur indique qu’il est temps d’enfiler la blouse traditionnelle d’hôpital – preuve qu’il va rester là un certain temps. Joyce doit-elle sortir ? Elle ne sait pas à quel point leur relation l’autorise à rester, ; après tout elle l’a déjà vu dans son plus simple appareil de nombreuses fois, les choses sont bien différentes dans l’espace aseptisé d’un hôpital et il n’a peut-être pas envie qu’elle reste. Regard interrogateur transmis au patient, mais qui ne bronche pas et elle garde donc sa place à son chevet, donnant même un coup de main pour retirer le haut qui découvre les muscles éprouvés du nageur. Rapidement les vêtements sont retirés pour laisser place à la blouse nouée derrière sa nuque et qui facilitera l’accès à son corps en cas d’urgence – en espérant qu’il ne faille pas en arriver là – et pour les différents examens qu’il va devoir subir. Perfusion ensuit attachée, non sans difficultés, au bras de celui qui avait bien besoin d’être réhydraté.

Quelques mots encore pour les informer qu’il faudrait patienter que les sales se libèrent pour approfondir les examens, et Jay et Joyce se retrouvent seuls dans l’inimité toute  relative des boxes d’hôpitaux délimités par des rideaux. Jamais vraiment séparés de l’environnement qui les entouraient, mais l’impression au moins de se retrouver un peu tous les deux.
Ce que lui avait raconté Jay lui faisait penser à l’aventure vécue par Ludo un an auparavant ; la drogue glissée dans un verre en soirée, la perte du contrôle de soit et Joyce qui avait débarqué au bon moment pour ramener la pompière chez elle plutôt que de la laisser partir avec le prédateur qui s’était amusé à mettre ça dans son verre. Le campus, la ville et désormais les maisons étudiantes. Plus aucun endroit ne semblait épargné et sauf, de quoi filer des frissons bien plus réels que ceux offerts par les films d’horreur. Elle n’avait cependant pas envie d’inquiéter Jay plus que ça pour le moment et de laisser transparaître une quelconque peur.

– Je ferai attention, ne t’en fais pas.

Reprenant sa main avec délicatesse entre ses deux paumes, elle l’observe quelques instants, le cœur qui bascule entre le soulagement de l’avoir retrouvé et la douleur de le voir ainsi alité  et encore traumatisé par tous les derniers événements qu’il a traversé.