don't abandon me (caesian)

Ce cul posé dans le froid du béton. Escalier qui te sert de domiciles depuis de longues dizaines de minutes. Impossible d’en savoir combien, l’esprit trop occupé à songer. Songer à tout ce qu’il peut bien se passer dans ton couple. Dans la tête de Caesar. L’impression d’aimer un inconnu que tu avais l’impression de connaître par cœur. Et maintenant, tu doutes. Tes larmes aux yeux. Nez qui renifle quand ton visage se relève par-dessus ton épaule pour découvrir la silhouette de Caesar débarquée derrière toi. Quelques secondes de silence pour combler cette tension. Ton regard sur tes doigts triturant ce vulgaire bout de cailloux depuis une demi-heure. J’arrive pas à comprendre si c’est de la jalousie, ton égo qui est piqué... Et dans les deux cas, pourquoi ? La voix est calme, anormalement calme. Pourquoi j’ai l’impression que t’as pas tourné la page ?

L'énervement au bout des cils, gosse complètement perdu dans des songes qui ne me ressemble même pas, mais que suis-je en train de devenir ? Un monstre empli de colère ? Un pauvre con aigri de la réussite des autres ? Un jaloux compulsif alors que le plus beau bonheur est à portée de doigts ? L'envie de hurler pour ressortir cet inconnu hors de mon être mais l'impression qu'il est trop collé à cette part d'ombre que je porte tel un fardeau. La gorge enflammée sous la boisson bu trop vite et les reproches qui tabassent déjà alors que je suis à peine sorti. Y a pas de mots qui sortent de ma bouche. Que des larmes qui coulent doucement le long de mes joues comme ruisselant sous la colère de ne plus être moi. Y a pas de mots. Qu'un trop long silence après les accusations, qu'un trop long silence tandis que le coeur se serre pour pas laisser échapper les blessures qu'un inconnu m'inflige.

Il est là devant toi. Ancré dans ce béton qui pourrait être votre lit de mort s’il avait la capacité d’aspirer toute âme égarée foulant son granit. Tu parles, tu poses ces questions. Celles qui tambourinent dans ta tête depuis ces dizaines de minutes, probablement équivalente à une décennie. Cœur lourd, les mots sont forts, tu ne sais même pas par quoi commencer. Mais lui il est là, devant toi. Sans l’ombre d’une parole, sans ouvrir ses lèvres et en extirper la moindre réponse. Tu relèves ton regard vers lui, toi en contrebas. Prunelles qui retombent sur son visage, découvrir les perles salées le long de ses joues. Cœur qui bat trop vite, myocarde qui s’emballe. Tu te redresses, ton visage qui retombe à son niveau, impossible de contrôler cette avalanche d’émotion qui glisse le long de ton être. Tes bras qui entourent son corps, les larmes qui s’écoulent. Nez qui renifle. Les paumes de mains qui remontent à son visage, redresser celui-ci face à toi, tomber ton regard dans le sien. Vos billes humides qui s’entremêlent. Dis moi ce qui va pas.. Presque un murmure qui perce ta voix cassée.

Tu sais Matian, ça fait mal. Ca fait mal de se sentir si vide et en même temps occupé par un être trop sombre pour le nommer. On se sent seul là dedans, trop à l'étroit entre des nuages de négativité. Si on faisait une photo de mon coeur, on le verrait noir, pas rouge sanguinolant, non, noir charbon, trop sec pour oser battre, parce qu'il se serre tellement à l'intérieur de ma poitrine qu'il se vide de son essence et me perd dans sa chute. Je le sens dans mes entrailles, battre trop lentement et pourtant trop fort. Il me fait mal. Il me guide dans de trop nombreuses mauvaises décisions. Et t'entendre renifler me rend plus mal encore. Qu'ai-je fais ? Que suis-je en train de devenir ? Amant ou bourreau, il faut choisir. Mais les torrents salés sur tes joues n'indiquent rien de joyeux. Tu sais Mat, ça fait des jours pour ne pas dire des semaines voir des mois que je tente de ne pas perdre la face, que je tente si désespérément de tenir bon pour toi, par amour, par amitié aussi, pour tout ce que tu as fait pour moi et pour tenter de devenir ton pilier. Mais le pilier déjà bien effrité commence à perdre de la hauteur et je me sens complètement sombrer. Comment on exprime ça ? Comment on exprime que chaque jour devient une torture de l'âme pour se lever ? Comment on exprime qu'on a perdu l'envie de tout et que les lendemains font peur ? Tes doigts qui me capturent ont juste réussi à ouvrir les vannes. Alors mes bras, comme dans un mécanisme, un réflexe, viennent entourer ta tête et coller ton torse contre mon torse sanglotant. Les larmes coulent à torrent elles aussi et semble ne plus pouvoir s'arrêter. Rien ne va Matian ... Rien ne va à part toi. Jalousie de ne pas réussir à t'offrir plus, de ne pas réussir à t'offrir autant qu'Adrian offre à son nouveau copain, jalousie qui entraine la violence de la tristesse dans une vie où tout semble collapser. Alors les mots deviennent désuets, inutiles et les sanglots passent le message à la place de la langue quand mes doigts s'accrochent aux cheveux bouclés de ta nuque, peut-être par peur que tu t'enfuies toi aussi.

Ses bras qui t’enroulent, toi aussi. Vos sanglots comme une chanson trop bien accordée, tristement parfaite. Sa main dans nuque, son regard qu’il te glace le sang autant qu’il le réchauffe. Murs de cette ruelle qui vous entourent, témoins de ce mélange salé aux arrières goûts d’amour. Tu le connais, Caesar. Les âmes sœurs entremêlées, tu le connais. Ses émotions qui viennent danser avec les tiennes dans un sans-faute. Tu as compris, pourtant. Il t’aime, suffisamment pour que tu le saches. Myocarde qui résonne au grès du sien. Tu as compris que malgré tout, tu lui fais confiance. Tu sais qu’il a ses raisons qu’il ignore probablement lui-même. Tu connais ce regard, celui du vide. Trou noir envahissant dans lequel tu as fini par plonger mars dernier. Tentative ratée d’arrêter de te noyer dans la pénombre. Il ce regard, identique à celui qu’il a trouvé dans tes yeux les mois en arrière. Pouces qui glissent le long de ses joues pour essayer ses larmes quand les tiennes coulent encore. Je t’aime. Je t’aime plus que tout. Nez qui renfile, une nouvelle fois, tes mains autour de son visage, presque oppressantes. J’vais pas partir, j’vais pas te laisser seul. Tes yeux piqués dans les siens, sans en lâcher le moindre millimètre. Je suis là pour toi, pour nous. Tu ne comprends toujours rien à cette soirée, mais tu sais une chose : tu l’aimes à en crever et tu seras là pour lui. Tes lèvres qui se déposent sur les siennes. Ultime goût salé des larmes qui se sont échoués le long de ses traits.

C'est donc ça la fragilité de l'âme ? Celle dont on n'ose prononcer que le nom. Mais putain que ça fait du bien de ne plus sentir ses jambes, de se laisser vaciller, de ne tenir que par sa présence, ta présence. Ca fait du bien de laisser sortir cet intérieur qui me pourrissait jour après jour, nuit après nuit. Comme si l'obscurité avait besoin de ta lumière pour disparaître, ne serait-ce que momentanément. Alors je me laisse aller. Oui, ici, dans cette ruelle mal éclairée, au bord de quelques marches d'un club qui n'a eu qu'un effet néfaste dans ma vie. Je pleure, laisse les sanglots m'envahir même quand tu tentes d'essuyer les gouttes salées qui débordent sur mes joues. "J'y arrive pas Mat, j'ai l'impression que tout ça ... c'est trop." Le besoin de laisser encore couler les océans de mes yeux. "J't'aime ..."... mais j'ai peur. Peur de ne pas être assez, de te faire plonger dans des abysses avec moi, d'être ton Neal ou ta Sofia, celui qui ne te laissera qu'une cicatrice au coeur un jour. J'ai peur de tellement te décevoir que tu finissent par me haïr autant que je me haïs aujourd'hui. J'ai peur de ne pas réussir à franchir ces caps que tu espères pourtant que je franchisse. J'ai peur de n'être qu'un pauvre gosse dans ta vie d'adulte bien remplie.

On pourra peut-être te décrire comme le plus con des jambons. Celui qui laisse tout passer, qui s’laisse écraser. Tu n’as peut-être rien de commun, ta vie n’est que trou noir sans amour. Tu préfères régler les conflits plutôt que de simplement partir. T’as besoin de sentiments pour coucher. Un alien ? Probablement. T’es peut-être le dernier des cocus, il aime peut-être encore Adrian, sa jalousie de le voir avec ce type. Il est peut-être triste d’être avec seulement toi. Peut être que tu lui en demandes trop, d’être le père de ta fille, de passer la bague à ton doigt, de finir par habiter ensemble. Peut être que tu es tout simplement, trop toi. Peut être qu’il finira par partir, lui. Peut être ce soir, demain. Avec un autre. Montagne de question qui s’empile depuis plusieurs de minutes au fond de ton crâne, mais pourtant tes lèvres ont été posé contre les siennes, les sentiments ont continué de parler. Plutôt mourir étranglé par connard dans cette ruelle sombre que d’arrêter de laisser ton cœur battre pour lui. Toujours agrippé à lui comme si t’a vie en dépendait. Paume de ta main dans son dos, caresses tranquilles. Dis moi ce qui est trop ? Tu veux comprendre, la voix, calme, ton souffle repris. J’vais pas partir d’ici et j’te lâcherais pas tant que j’serais pas Caesar.

"Moi..." Moi je suis de trop. Je suis celui qui court à la perte, de tout le monde, de toi un jour, mes craintes personnelles qui commencent à prendre le dessus sur nous. Mais comment tu fais pour me supporter dans ces putains d'états d'âme ?? Comment tu fais pour supporter ma jalousie de la réussite des autres ? Comment tu fais pour supporter cet égo si détestable ? Putain mais pourquoi ? "J'arrive pas à t'offrir plus que ce qu'on a ... J'ai l'impression d'être le pire mec au monde." Les sanglots qui me forcent à te serrer un peu plus fort. C'est horrible cette sensation de dépendance tu sais, comme si tu était l'oxygène qui me tient en vie. J'pourrais crever aussi facilement que si tu me lâches la main. "Et j'arrive pas à me réjouir de ce qu'ont les autres ... OUI, je suis jaloux mais pas qu'adrian ait un mec, je m'en bas les couilles de qui il fréquente, je suis juste jaloux parce qu'il avance plus vite que toi et moi et j'aimerais tellement ce qu'ils ont et je sais pas si j'suis prêt ... je ... J'arrive pas à l'expliquer, je m'en veux tellement mat, si tu savais" Hoquet incontrôlable que je lâche sur ton épaule, les joues rougis, les yeux bouffis, la morve au nez et le besoin incontrôlable de te sentir là, contre moi, à bout de bras, à bout de doigts, comme si la peur prenait place dans tout mon être, peur de te perdre quand bien même tu es toujours là...

Le sang qui s’est glacé dans le circuit vital de ton corps. Observé au rayon x, on pourrait simplement n’apercevoir qu’un bloc ne circulant plus, laissant ton corps froid, vide, inerte. Ses mots qui se heurtent à toi. Il se dit trop, il parle de lui comme d’un problème. Ses sanglots en assaisonnement d’une soupe déjà trop ratée pour toi. Son étreinte resserrée contre toi, tu veux mourir, la maintenant tout de suite dans ses bras plutôt que continuer de l’écouter parler. Pourtant, tu remercies ses lèvres de bouger, te laisser comprendre le problème. Te laisser enfin une place dans sa tête quand il ne t’y a pas laissé l’accès pendant bien trop de temps. Tu pourrais mal le prendre, qu’il ne t’a rien dit, secret trop bien conservé. Mais tu t’en fous, quand tes yeux se perdent dans les siens, vos larmes qui s’écoulent en symbiose. Paume de la main qui rejoint se joue, phalanges chatouillant son oreille. Ton front qui se rapproche du sien, tes yeux qui se referment, paupières qui tombent une fois cette connexion établie. Tu veux qu’il ressente l’entièreté de tes pensées, qu’il entrevoit le quart de toute la fierté que tu portes en toi de partager sa vie. Ton autre bras, qui l’entoure, se resserre toujours plus. Vos corps vont finir par fusionner, impossible de vous en séparer. J’ai pas besoin que ça aille vite, plus vite que ça. J’ai pas besoin qu’on passe toutes les étapes à fond comme eux ou j’sais pas qui. J’suis tellement heureux de ce que j’ai déjà, j’en demandes pas plus. J’te veux juste toi, juste nous. Ton front se décolle pour le fixer, encore. J’suis désolé si j’t’en demandes trop. Si j’te demande d’aller trop vite, avec Ellie, avec tout le reste. Pulpe des doigts qui s’engouffrent dans ses cheveux. Tu te rends pas compte de comment tu m’rends. Ce que tu m’as donné dans ma vie. Tu te rends pas compte que j’ai jamais été aussi heureux que là actuellement. Tu renifles, l’élan peu romantique de cette scène dramatique. J’veux pas un Caesar qui aille plus vite ce qu’il est capable alors que j’suis déjà le roi du monde à ton bras.

Le problème mat, c'est pas que je le veux pas, ni que je me force à le vouloir, c'est que je le veux si ardemment que j'ai peur de faire fuir. Pourtant je sais que j'ai confiance en toi, c'est paradoxal cette idée. "J'veux partir Mat..." chuchotais-je en un seul et même souffle, le front qui se recolle au tien. J'veux partir de cette soirée de malheur tant que c'est à ton bras. J'veux fuir les musiques ringards de notre enfance, j'veux retrouver notre silence, chez nous. Mais avant ça, j'veux pouvoir te dire que ... "J'ai besoin d'aide ..." L'aveu est difficile mais il est honnête. Les changements sont trop nombreux et la boule au ventre grandi trop vite pour ne pas avoir peur de l'implosion. J'veux pas finir comme ces pauvres gens au bout du rouleau, sans vie, coincés au fond de leur lit. Les dernières larmes coulent avant que mes lèvres ne capturent les tiennes tandis que les yeux ne se rouvrent pas encore, attendant le moindre mouvement de tes doigts, de tes vagues pour m'emporter.