(josh&damya) shameless

La rencontre ne me paru plus si étrange lorsque j’appris que nous avions été dans la même équipe au Summer Camp et qu’il était aussi donc à Harvard. C’était plus des retrouvailles qu’une rencontre. Même si actuellement, la situation était surement plus propice à se connaitre davantage. Il faut dire que durant le Summer Camp, j’ai été plus intéressée par Devlin. Et si l’épreuve des toboggans s’étaient passés autrement, aurais-je connu quelqu’un d’autre ? Comme ce Joshua par exemple. Je ne le saurais probablement jamais. Mais j’étais contente de le revoir, même si je ne lui avais pas réellement parlé. « Actuellement je n’y suis plus… longue histoire. » Lui dis-je tout en faisant un signe de la main pour qu’il oublie. « Mais sinon j’étudiais la danse. Et toi alors ? Doctorant en quoi ? » Demandais-je, tout en me retournant vers lui, réellement intéressée par ce qu’il allait me dire. Je n’ai pas forcément l’habitude de côtoyer des doctorants. J’espérais juste qu’il ne doive pas se répéter. Peur qu’enfin de compte on se connaisse un peu plus. Oubliant totalement que s’il m’avait connu il ne m’aurait pas appelé « madame » plus tôt. Je souris à sa réponse, il savait comment mettre à l’aise les gens. Alors que j’allais lui répondre, à ses plusieurs questions, je l’écoutais me dire que j’allais vouloir m’enfuir à sa énième question. Ce qui me fit rire. « J’ai affaire à un petit curieux ? » Lui demandais-je, avant de rajouter. « Ca me va, tant que je peux aussi t’en poser. » Cela ne me dérange pas de parler de moi, mais il me faut un retour de tout de même. Je me retournais pour m’enfoncer dans le siège et m’installer confortablement face à la route. Avant de réfléchir à ses questions, et y répondre. « Alors, à côté, je suis pompier volontaire. » Ou je l’étais. Je ne savais plus si j’allais pouvoir exercer de nouveau. « Et je viens d’Espagne. » Je ne savais pas si mon accent s’entendait encore. Quand je m’énerve c’est certain, ainsi que quelques petites insultes en espagnoles peuvent sortir. « Et les malaises, je les ai depuis Septembre, depuis l’accident qui m’a causé cette amnésie. J’espère que ça ira mieux… quand je serais plus assidue sur mes traitements. » Je ne suis pas du genre à prendre des médicaments à tout va, alors devoir en prendre quotidiennement me dérange. J’ai pensé que ne pas les prendre ne se verrait pas, mais il semblerait que j’ai eu tort. J’espère seulement que mon cerveau se rétablira et que je n’aurais pas à les prendre à vie. « Bon et toi… mh… » Je réfléchis à une question. « Quel est le prochain pays que tu voudrais visiter ? » Je le regardais et souris. Oui, je souhaitais être un peu originale avec mes questions. Mais surtout, je savais que je pouvais tout autant apprendre à le connaitre en lui posant ce genre de questions.

Lorsque son poste radio s'alluma, le son était légèrement trop fort et fredonnait de vieux morceaux de hard-rock que Joshua plébiscitait pour les longues sorties en jeep dans le désert, mais qui n'étaient pas adaptés à un trajet tranquille. Il tourna une molette sur le tableau de bord et étouffa le son. Il mettait juste un arrière-son musical, quasiment poétique. Tu apprenais à danser ou la théorie de la danse ? Tu as dû arrêter temporairement à cause de ce genre de malaises que tu fais ? Les yeux concentrés sur la route à scruter toutes les zones dangereuses afin qu'aucune piéton ou cycliste pressé ne passe sous les roues, Joshua s'éclaircit la gorge afin de ne pas rendre barbant ce qu'il s'apprêtait à annoncer. Je suis doctorant en relations internationales et j'en profite pour enseigner à Harvard dans ce domaine, en chargé de TD. Du coin de l'œil, Joshua remarqua que Damya était amusée par son attitude à la fois gauche et plaisantine. L'heure était donc à se rassurer, elle était assurément mieux, et ne semblait pas risquer un évanouissement, c'était déjà ça. De plus, la jeune femme ne semblait pas mal à l'aise et dissipait la crainte de Josh de conduire dans un silence de cathédrale.Curieux c'est le moins que l'on puisse dire, déformation professionnelle. Où ça en Espagne ? Si les questions n'étaient pas couvertes par le secret d'Éta, le militaire y répondrait, mais cela ne l'empêchait pas d'enchainer lui-même des questions, pour éviter les temps morts propices à lui poser des questions interdites. C'est super pompier volontaire, j'ai beaucoup d'admiration pour ce métier et surtout pour ceux qui font ça sur leur temps libre, sans attendre de grands remerciements. Le moins que l'on puisse dire c'est que la dernière question de Damya le prit au dépourvu. Des pays, il en avait vu, une paire. Toutefois lorsque les hommes comme Josh se retrouvaient dans un pays ce n'était jamais bon signe pour l'état de santé du pays. Il avait écumé l'Afrique, l'Orient, l'Amérique du sud, l'Asie centrale, l'Europe de l'Est et du nord. Beaucoup de souvenirs impérissables, mais il aspirait aussi à visiter un pays et pas ses lignes de front. Une pays en paix cette fois, je dirais. Et toi ? Globe-trotteuse aussi ?fit-il dans un sourire.

Lorsque la voiture démarra, je me posais dans le siège, regard vers la route, tout en lui jetant des regards de temps en temps. Contente d’être tombé sur lui, une bonne personne. Quelqu’un avec qui ça passait plutôt bien même. En montant dans sa voiture, j’avais aussi eu peur que le silence s’installe et que l’on ne sache pas quoi dire. Cela aurait été un peu gênant. Je suis assez sociable, mais des fois, je ne sais pas quoi dire aux gens. Je ne suis pas du genre à insister non plus. Mais avec Joshua, la conversation se faisait toute seule. « Un peu des deux. Mais plus la pratique quand même. » Et je me m’y alors à penser à ce que je manquais cette année. Une année de perdue. Cela me peinait, mais c’était comme ça. « Alors, en fait j’avais reçu une proposition pour intégrer une compagnie, du coup j’ai pas renouvelle mon année… et puis, j’ai eu cet accident et ces malaises et la compagnie n’a plus voulu de moi… ce qui est normal… tu te vois prendre une danseuse qui peut s’évanouir à tout moment ? » J’espérais seulement que ça aille mieux et que je puisse reprendre les études l’année prochaine. « C’est quoi les relations internationales ? C’est genre pour travailler dans les ambassades et tout ? » J’étais un peu perdue avec ses études, et j’avais hâte qu’il m’aiguille un peu. La conversation divergea alors un peu sur moi, ma personne. Fini les études. Il semblait s’intéresser réellement à ma personne et ça me faisait plaisir. J’aime discuter, alors pourquoi pas. « Madrid. Et toi alors, américain ? » Puis je me mis alors à parler de mon deuxième passe temps : les pompiers. On pouvait remercier Diego qui m’avait lancé dans ça. S’il avait fait autre chose de sa vie, je ne l’aurais pas été. Mais plus le temps passait, et plus j’aimais aller à la caserne et participer aux missions de la tournée. Aider les gens ça me faisait plaisir. Puis, je crois que j’ai besoin d’adrénaline. M’ennuyer j’aime pas. D’où le fait que rester chez moi devient de plus en plus dur. « Il faut de tout dans le monde. » C’est vrai qu’en dansant je n’aidais pas grand monde. Je ne suis qu’un divertissement. Je ris lorsqu’il me dit qu’il souhaitait un pays en paix. Petit rire nerveux. « Arf, pas vraiment. Mais quand j’ai l’occasion, j’aime bien oui. » Puis quand j’ai l’argent pour surtout.

« Et tu pratiques quel genre de danse ? Mes connaissances sont limitées au modern jazz et au rock acrobatique. » Josh écouta patiemment avec un sourire chaleureux, sans piper mot. C'était un peu comme cela qu'on lui avait appris à faire, ou qu'il avait appris à faire sur le tard lorsque ses hommes venaient dans son bureau ou sa tente pour trouver une oreille attentive. Avec le temps Joshua avait renforcé son empathie et sa peine pour les destins brisés. Combien de gars il avait vu devoir abandonner leur rêve d'être dans les forces spéciales à cause d'une mauvaise chute, d'une fracture qui mettait tous les voyants au rouge aux yeux du médecin. Et combien de ses gars il avait vu déjouer les pronostics et revenir des abimes. « Actuellement, ça paraît compliqué... mh. En revanche, je pourrais embaucher une danseuse qui a eu des soucis de santé et qui est sur la voie du rétablissement je pense. N'abandonne pas la danse pour autant, un jour peut-être que ton corps te laissera partir et tu seras contente de pouvoir repartir. » Le La voiture tourna à un feu conformément au GPS, définitivement la ville était plus jolie à pied, lorsqu'on pouvait se laisser étourdir à loisir par les buildings autour, regarder en détail chaque magasin, chaque devanture. La voiture, c'était bien pour les grandes étendues américaines ou les océans de sable dans une jeep surarmée avec des camarades. « Ca en fait partie, c'est plus vaste, c'est l'étude des interactions entre les Etats et organisations politiques à l'échelle mondiale, le fonctionnement des institutions internationales, réglement des conflits, ce genre de trucs... » Parfois les illuminations dans la ville, les flashs de couleur lui rappelaient des échanges à la munition traçante fendant la nuit. Le brouaha des voitures lui remémorait celui de gros moteurs en colonne pour une marche à l'ennemi et son regard se perdait dans le vague, il lui fallait retourner à la réalité au risque de perde la conversation. « Madrid ? Tu es arrivée ici il y a combien de temps ? Pour tes études ? Pour ma part oui, je suis né en Virginie, j'ai des origines scandinaves et hollandaises simplement.» Le militaire remarqua le petit rire nerveux lorsqu'il évoqua son souhait de visiter un pays en paix. Il avait visiblement encore fait une remarque déplacé, il était habitué et savait qu'il devait garder ces réflexions pour lui-même. Pourtant au fond de son être, c'était ce à quoi il aspirait, découvrir un pays sans avoir à regarder dans un dispensaire de fortune des enfants se faire soigner, sans croiser au bord d'une route un corps au soleil oublié de tous ni voir un cratère au milieu d'un lieu de culte. « Tu as pu voir une partie de l'Afrique grâce au summer camp, c'est un bon début non ? »

« Alors j’ai des bases dans pas mal de danses. Mais j’ai une préférence pour le contemporain, et je m’étais mise depuis au dancehall. » Je le regardais, et rajoutais. « Tu ne dois pas connaitre, ça ne doit pas être ton genre. » Puis je relançais sur ce qu’il venait de dire. « Des connaissances ? Tu sais danser ? » Tout sourire, tout en le regardant, je le voyais bien connaitre quelques pas en rock par exemple. J’étais heureuse de pouvoir parler de danse, même si c’était une conversation des plus basiques. Mais lorsqu’on aime quelque chose, on aime en parler. Tout simplement. « Je ne compte pas abandonner, oh c’est mal me connaitre. » Même si je dois juste terminer professeur de danses pour enfants, j’en serais heureuse. Même si évidemment je vise bien plus haut. Mais je commence à avoir un certain âge, alors il est compliqué de viser trop haut non plus. Tout en l’écoutant m’expliquer ce qu’il faisait, ce que voulait signifier son doctorat, ses TD, j’en perdis le fil de ses mots. Non, je ne suis pas faite pour ça. Les études, à part celles pour la danse, je n’y ai jamais vraiment porté grande attention. « Tu m’as perdu à organisations politiques. Mais tant que ça te plait. » Il faut de tout dans ce monde. Et bien que l’on semblât assez différents l’un de l’autre, la conversation semblait tout de même bien se faire. Comme quoi, même si l’on est différent on peut s’entendre et s’apprécier. « Je suis arrivée ici à mes seize ans… après la mort de mon père. » A ces souvenirs, je fus nostalgique, mais ça allait. Je vivais avec. « J’ai eu un peu de mal au début, mais c’est bon maintenant. » Mon regard sur la route, je commençais à reconnaitre. On allait bientôt arriver. En fin de compte, il n’aura pas eu le temps de me poser ses 2500 questions dont il avait fait référence. « Ouais, c’était grave cool. D’ailleurs, je mets déjà de côté pour l’été prochain. » Espérant que l’été 2023 soit tout aussi bien. Que je sois en meilleur santé. Que j’y aille avec Devlin, et pourquoi pas Joshua. Avec Diego aussi peut-être. Bref, avec tous mes potes. L’idée me plaisait déjà énormément. « Bon on arrive… tes questions seront pour la prochaine fois. » Dis-je tout en me retournant vers lui et souriant. Puis je pris mon téléphone, et le lui tendit. « Si tu veux me noter ton numéro, comme ça ça sera plus simple. »

« Hm, dancehall... ragga dancehall ? J'ai peut-être dû en voir sur des vieux clips de Sean Paul... mais effectivement je pratique pas. Hormis la valse et le rock acrobatique pour briller dans les bals d'officiers, je suis limité,»
répondit Joshua en cloturant par un rire chaleureux. La conversation n'était pas déplaisante, visiblement les capacités de sociabilisation  du soldat n'étaient pas complètement rouillées. Il avait perdu l'habitude de sympathiser et de parler aux gens depuis le Summer Camp. Il allait à son laboratoire de recherche, parlait aux universitaires, donnait son cours en y mettant le plus de passion possible pour ne pas endormir les étudiants. A la rigueur il y avait les quelques joueurs de l'équipe de football qu'il coachait, mais sinon peu de réelles discussions. Il fallait parfois un retour à Fort Bragg pour un exercice d'une ou deux semaines, se reconnecter avec l'action, le combat, ses hommes pour se sentir plein.  Mais là, ces small talk avec Damya étaient agréables, comme sa compagnie en somme, et puis chaque parole qu'elle prononçait le rassurait sur son état de santé. Quand elle lui disait qu'elle continuerait la danse malgré ses pépins, le jeune prof' se sentait moins coupable de la déposer chez elle seule, malgré ses soucis physiques et professionnels, la jeune femme semblait prête à faire face. Elle n'avait pas la langue dans sa poche et cela devait faire longtemps que cette voiture n'avait pas connu une telle animation. « Beaucoup de gens sont perdus avant organisations politiques pour être honnête. ». Le GPS indiquait les minutes restantes avant d'arriver à bon port et le trajet bleu tracé en bleu semblait se raccourcir. Désormais chaque portion bleutée avalée n'en faisait plus apparaître de nouvelle, en revanche l'appartement apparaissait désormais fixe et indéboulonable sur l'écran. Il n'aurait pas l'occasion de la relancer sur sa famille, c'était peut-être mieux ainsi. A la révélation de son père mort, Joshua préféra ne pas surrenchérir. Elle avait déjà eu une fin de journée difficile, il était inutile de clôturer le trajet en voiture sur une note triste pour elle, l'hypothèse d'un nouveau Summer Camp était bien plus réjouissante. « Je ne sais pas où sera le Summer Camp, mais j'ai hâte d'y être. Au Spring Break également, car l'année dernière j'y suis allé mais je n'y ai pas fait grand chose. » Le temps était venu pour la voiture de s'arrêter sur le bord de la route, sans rogner sur le trottoir. Les warning allumés, Joshua s'attendait simplement à dire au revoir, car pensait-il elle n'avait plus besoin de lui désormais. Il prépara donc une sortie humoristique : « Ca fera 42 $ mademoiselle, depuis le début je te l'ai pas dit mais je suis un chauffeur Über,» plaisanta-t-il avec un sourire en coin pince sans rire. Mais il fut désarmé lorsqu'elle lui tendit son téléphone. Un peu déstabilisé par cette gentille attention, Joshua bredouilla dans sa barbe, étonné en posant ses doigts sur l'écran de Damya. Il y inscrit son numéro et son prénom. « C'était un plaisir, hésite pas à m'appeler si tu fais un autre malaise, même si tu n'en fais pas d'ailleurs. »