Anxiety ft. Taeil

Est ce qu'elle va le frapper ? L'étouffer avec son oreiller ? Débrancher les machines et le fouetter avec les fils ? Peut être. Parce qu'en plus d'être furieuse contre lui, elle est super inquiète. Vraiment inquiète et elle a envie de lui hurler dessus. Parce qu'elle est restée sans nouvelle, parce qu'il a pas été tendre avec elle la dernière fois qu'ils ont échangé des mots. Elle entre dans la chambre en se retenant d'enfoncer la porte. Puis, elle s'installe sur le seul siège disponible près du lit, à regarder Taeil qui semble paisible. Elle a presque envie de le secouer pour le réveiller et lui crier après. Elle le déteste tellement à l'instant. Elle soupire doucement et baisse le nez, passant une main sur son visage. « T'es vraiment un imbécile par moment... » Qu'elle marmonne pour elle-même.

Il ne s'est jamais senti aussi bien. Aussi calme, en paix avec lui-même et le reste du monde. Une première pour un être aussi solitaire et complexe. N'est-ce pas ironique dans le fond ? Triste, sûrement. De devoir frôler la mort, se trouver dans un état d'inconscience certaine pour enfin prendre connaissance de ce sentiment : être paisible. Rien ne pourrait venir le perturber, parce qu'il ne pense pas vraiment. Il rêve, peut-être. C'est difficile à dire, difficile de se souvenir lorsqu'il se sent revenir. Sur Terre ? À la vie ? En enfer ? "J'ai entendu." Paupières toujours closes, il est pourtant bien éveillé. Récupérant doucement le contrôle de son corps et de ses pensées, il sourit à l'intérieur. À l'intérieur seulement.

Il a à peine parlé et déjà Sukie elle souffle. D'agacement, de gêne, de soulagement. Un souffle où se mélange trop de sentiments pour son petit être. « Et tu trouves ça drôle ? » Qu'elle lance en croisant les bras. « L'infirmière m'a dit qu'on ne frappait pas les malades, t'as de la chances... » Elle n'est qu'à demi sérieuse Sukie. Parce que, vraiment, des fois elle a envie de lui claquer le museau à celui là. Elle soupire cette fois, plus calme. Soulagée d'entendre sa voix et de voir qu'il n'a pas décidé de l'abandonner. Lui aussi. Elle se mord la lèvre doucement et se penche légèrement vers lui pour le regarder. « Comment tu te sens... ? » Et c'est soudainement la douceur qui s'empare de sa voix, un peu contre son gré.

Est-ce que c'est normal d'avoir envie de rire à son réveil ? Lui qui d'ordinaire, est incapable d'étirer ses lèvres pour qu'elles ne forment un sourire. Non, probablement pas. Il espère de tout coeur qu'il s'agit simplement des effets indésirables de la morphine et qu'il n'est pas destiné à finir comme tous ces humains trop bêtes, niais et naïfs à souhait. Pourtant, y a bien l'ombre d'un sourire qui pointe enfin sur son visage à sa remarque. Visiblement il n'a pas encore retrouvé totalement le contrôle de son corps, juste assez pour ouvrir les yeux et tourner la tête vers la jeune femme. "J'ai quelque chose sur le visage pour que tu me regardes comme ça ?" Qu'il demande, faussement sérieux, sans quitter son regard. Il ne peut pas lui répondre alors il préfère éviter la question. Il ne sait pas, ne sait rien. "Est-ce que j'ai toujours mes bras et mes jambes ?" Billes noires qu'il pose sur sa propre personne, regardant de tous les côtés pour examiner les dégâts. Est-ce que c'est grave ?

Elle, elle ne s'empêche pas de sourire. Au contraire. Elle secoue doucement son visage en retenant un rire. Il n'y a sûrement pas de quoi rire de la situation mais les faits sont là. C'est lui qui est couché dans ce lit d'hôpital, pas elle. Et elle compte bien prendre soin de lui, même s'il râle sans arrêt. « Non, ils t'ont greffé des pieds de place des jambes. Je pense que tu vas te sentir un peu raide au début mais tu t'y habitueras. » Elle se repose contre le dossier de sa chaise, passant une nouvelle fois sa main sur son visage. « Albert te mord et tu te retrouves à l'hôpital, dans le coma... ? C'est pas un peu excessif ? » Qu'elle demande, sérieusement cette fois. Parce qu'elle ne le lâchera pas tant qu'il ne lui dira pas la vérité. Quitte à le menacer de le frapper là où il a mal.

Il n'a même pas la force de froncer les sourcils, de grimacer ou de prendre un air vexé quand elle se moque de lui. Faut pas trop lui en demander non plus, après avoir dormi si longtemps. Combien de temps d'ailleurs ? Deux minutes qu'il est réveillé et y a personne pour venir lui donner des explications. Humpf. "Je serais quand même plus grand que toi..." Avec des pieds à la place des jambes. Pas sûr mais bon, on va dire que oui juste pour la blague. C'est pas tous les jours que des miracles se produisent après tout. "Je te l'avais dit qu'il ne m'aimait pas. C'était qu'une question de temps avant qu'il essaie de me tuer." Il plaisante mais en réalité, ça ne le fait pas vraiment rire. Les souvenirs salés d'une conversation qui lui reviennent en mémoire.

« En même temps, ce n'est pas dur d'être plus grand que moi. » Et elle se retient de rire, pinçant fort les lèvres pour se contenir. « Arrête Taeil, c'est pas drôle... » Elle inspire doucement et l'observe, croisant à nouveau les bras contre sa poitrine. « Tu te rends compte de combien je me suis inquiétée ?? Tu annules soudainement notre sortie, avec une explication vraiment bidon hein... Parce que je doute que le fait que Albert te morde t'empêche de me voir... Et puis, pouf, plus aucune nouvelle. Je t'envoie un message, il n'est jamais arrivé à destination. Et là, j'apprends que tu es à l'hôpital... » Et elle, elle revit simplement l'accident de sa jeunesse, ce qui a détruit sa famille. Et elle voudrait pleurer là. Mais même ça, elle ne se l'y autorise pas. « Que ça te plaise ou non, t'as pas intérêt à me laisser toute seule dans ce monde. Parce que je te jure que je te fais revenir juste pour te le faire payer... » Et elle est sérieuse Sukie. Il a juste pas le droit. Et elle s'en fout qu'il râle.

Il ne sait pas si c'est l'effet des médocs qui se dissipe déjà ou bien les mots de Sukie qui le sèvrent mais il n'est déjà plus d'humeur à déconner. C'était drôle de l'embêter mais avec la tournure que vient de prendre la conversation, il n'en as plus vraiment envie. Les lèvres retroussées en une moue, il l'écoute en silence avant de lâcher : "Parce que tu crois que j'ai demandé à ce qu'une voiture me rentre dedans ?" Non, il n'est pas désespéré à ce point. Sa vie il y tient, même si parfois il voudrait disparaître derrière un tas de livres pour qu'on lui foute la paix une fois pour toute. Qu'on arrête de le blâmer pour être qui il est, c'est à dire asocial et solitaire. Franc et vexant. Intelligent et condescendant. "J'étais juste pas d'humeur, rien à voir avec Albert." C'est pas sa faute si elle crée des liens de cause à effet là où il n'y en a pas. Enfin, peut-être un peu.

Si quelques jours avant, elle était bien énervée contre lui, vexée d'avoir été jetée alors qu'elle était à deux pas de chez lui. Devoir faire le chemin inverse et la joie qui était retombée bien rapidement. Le simple fait de le voir qui la rend heureuse. Le fait qu'il soit venu jusqu'à Los Angeles pour être avec elle -enfin surtout pour le parc, elle le sait- et qu'ils aient pu passer du temps ensemble. Beaucoup de temps ensemble. Sans se prendre la tête. Sans qu'il ne soit trop désagréable. « Alors, c'est quoi ? Pourquoi ton humeur elle a soudainement changé ? » Et elle se fait douce, aussi douce que possible. Parce qu'apprivoiser un oiseau pareil, ça demande surtout de la patience. Pour le reste, Sukie, elle y va carrément à tâtons. Elle comprend qu'il n'ait plus envie mais elle aimerait en connaître la raison. Et elle ne se dévissera pas de cette chaise tant qu'il n'aura pas parlé.

Ça y est, le retour à la réalité est bien... réel. Les rôles de nouveau en place, elle qui insiste pour obtenir réponse à ses questions et lui... très Taeil, comme toujours. Long soupire qu'il laisse s'échapper avant de relever les yeux vers elle, l'observant un instant, pensif. Il sait qu'il aurait pas dû l'envoyer chier comme il l'a fait - comme toujours même - et qu'elle est dans ses droits de réclamer des explications. Mais c'est plus fort que lui. "J'ai pas envie d'en parler..." Elle a peut-être pas si tort que ça Billie dans le fond. Il n'est qu'un loup solitaire qui se contente de la compagnie d'un hérisson, incapable de tenir une conversation normale avec quelqu'un ni de s'ouvrir un peu. "J'suis désolé ok ? Je sais que je suis un connard..." Il le sait qu'il fait toujours tout foirer. Et ça le fait chier putain. Mais il sait pas faire autrement.