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J’aimerais que tout soit facile, que face à toi, je sois juste capable de te dire ce que je pense vraiment de toi, de tout ça. J’aimerais pouvoir vider mon cœur sur la table mais ça ne marche pas comme cela. Les années à cacher celle que je suis vraiment, ces dizaines - pour ne pas dire centaines - de conversations sur le fait qu’une femme va avec un homme et puis c’est tout. J’en ai la nausée rien que d’y penser et je refuse de gâcher ce moment avec toi par ces pensées qui tentent de me submerger. C’est une surprise préparée rapidement mais c’est avec toi que je voulais passer ma première soirée ici. Je voulais profiter de ta présence, de ta discussion et de ta personne. T’as toujours été très importante pour moi. T’es la première personne de genre féminin qui a fait battre mon cœur un peu plus rapidement. Je n’ai jamais voulu l’écouter - ce cœur que je trouvais trop compliqué et difficile - mais aujourd’hui, quand je me concentre, je l’entends et il a la tonalité que j’aime. Il est heureux, chantant et ce n’est pas parce que tu m’appelles tata Adriana. Ce sont tes sourires, tes gestes, nos mains qui se touchent et se quittent avant de revenir l’une vers l’autre qui sont à l’origine de tout cela. Et ce moment que je m’apprête à partager avec Anaé aussi. Il y a peu de moments de réellement être calme avec un bébé et le moment du biberon en est un. J’écoute tes conseils et acquiesce. De toute façon, tu me dis s’il y a quelque chose qui cloche. Je sais qu’elle le fera et je préfère qu’elle corrige l’inclinaison du biberon plutôt que la petite puce se retrouve malade toute la nuit. Je crois qu’il y a une histoire d’air dans la tétine qui leur remplit l’estomac et c’est mauvais pour eux. Alors je fais attention à tout, te lance des coups d’yeux parce que toute ma concentration est sur Anaé. 21 août alors. Que je dis avec un sourire pour Anaé plus que toi. Ça va être intéressant ces vacances, ce premier été d’Anaé. Elle est complètement calme et ça me fascine. Quand j’ai de la nourriture, moi aussi je me tais mais là, c’est fascinant. Maroc et Sénégal après, c’est ça ? Que je demande, ne sachant même pas trop pourquoi j’ai signé. Et je crois que si je n’avais pas fait un détour par l’Espagne, je serais à Boston à ce moment précis. Seulement voilà, avec ce qu’il s’est passé avec mon père, j’avais besoin de me ressourcer ailleurs, de souffler, d’être dans un lieu où on n’attend rien de moi pendant une quinzaine de jours. C’est la paix que je suis venue chercher ici et j’aimerais te dire que tu me l’offres carrément à ce moment précis. Un sourire sur mes lèvres, je ne me fais pas de soucis pour vous deux. T’es débrouillarde, tu l’as prouvé et me le prouves encore. Des vacances en Afrique avec un bébé, c’est beaucoup d’organisation mais ça ne te fait pas peur. Ta toux, quant à elle, me fait froncer les sourcils et je redresse ma colonne, les yeux rivés sur toi, comme pour faire un état des lieux. Je ne veux pas que ce soit quelque chose de grave. Mais puisque tu reprends avec facilité, je te suis sur ta lancée. Deux semaines et demi. Je rentre le sept août. Ça me permet de profiter de la Tunisie, de la destination suivante et puis de rentrer. La vie d’adulte avec des tonnes de responsabilités m’attend et je ne peux pas la fuir indéfiniment. J’aimerais que ce soit le cas mais ça ne l’est pas. En tout cas, ce soir, je ne me perds pas dans mes moods travail à ruminer les dossiers. Je passe la soirée avec toi et ta fille, un point c’est tout. D’ailleurs, je redirige mes yeux sur son visage et alors que ses paupières battent quelques fois d'affilée, je souris. Je ne lève jamais le pied. Que je souffle en riant. Les vacances en Espagne, mes déplacements rapides sur New York. Même ici pour être honnête. J’ai bossé dans l’avion, je compte travailler un peu tous les jours mais je ne peux pas laisser mes clientes sans nouvelles sur leurs dossiers. Si je m’occupais de divorce, de la garde d’enfants, pourquoi pas. Mais ce n’est pas ce que je gère. Je m’occupe de ces femmes abusées, de celles qui sont sous-payées à côté de leurs pairs. Je me bats pour une cause qui me tient à cœur et je crois que niveau révolution et bataille, ton sang français ne peut que comprendre. C’est peut-être pour cela que j’ai couru vers toi quand c’est arrivé. Parce que t’es la personne qui m’a donné envie de le dire mais parce que je savais aussi que tu saurais me tendre la main que j’avais besoin de voir tendue. C’est vrai, j’aurais fait pareil. Que je souffle en souriant légèrement. Mais aucun doute sur le fait que tes parents n’auraient pas eu le comportement homophobe du mien. Je le déteste. Vraiment. Et quand tu t’approches de moi, je me penche doucement et plante mes lèvres sur ta joue. C’est doux, tendre et je reste quelques secondes comme cela avant de me retirer. Je ne peux pas le nier, j’ai lorgné dans ton décolleté et ça m’électrise carrément. Le bas ventre électrique, je me repositionne pour bien me réinstaller avec ta fille et te souris bêtement.
La soirée continue son train. On discute de tas de choses, on déguste des mets dignes de ce nom et quand il est l’heure de rentrer à nos chambres, je me propose de t’accompagner jusqu’à cette dernière. Il se fait tard, Anaé dort et nous, on discute encore. Je crois qu’avec toi, je pourrais passer la nuit debout à papoter alors qu’au final, les heures d’avion dans les pattes, c’est difficile de ne pas s’écrouler. Le sac de la puce sur l’épaule, je te suis et regarde ces jeunes à moitié ivres qui partent vers les clubs des alentours. Tu me réserves une après-midi piscine ? Que je demande en montant après elle dans l’ascenseur. Il n’y a plus que quelques minutes avant que nos chemins se séparent. Je suis dans un bâtiment complètement opposé mais ce n’est pas bien grave. Et une fois devant la porte de la chambre, je te souris et souffle Céleste ? Le maxi-cosi posé au sol, je pince les lèvres et tout se passe si vite. Je crois que je saute sans filet, sans élastique pour me retenir. C’est trop bizarre. Mais ma main glisse sur ta joue et mes lèvres se posent sur les tiennes. Un doux baiser et je me recule rapidement. Je suis désolée. C’est pas que j’aurais pas dû mais… J’aurais dû te demander si je pouvais, si tu voulais. Je me sens horrible et serre mes bras autour de mon corps. Presque gelée dans la nuit tunisienne, perdue et perturbée, prête à foutre le camp et disparaître si c’est ce qu’elle veut.
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