Tonight will be a successful party night ! ft. (Sinna) 18.06

Ji-hun avait reçu la réponse officielle du comité de recrutement des sportifs harvardiens ce lundi. Après avoir passé les sélections de but en blanc, au moment de son inscription pour les cours intensifs d’anglais, il avait été heureux de sa performance, mais pas pleinement satisfait. Plusieurs mois d’inactivité sportive, depuis sa fuite de Corée du Nord, lui avaient fait perdre quelques chiffres sur le chronomètre, ce qui l’avait conduit à rester sceptique quant à son entrée dans le club de natation. Néanmoins, une chose restait certaine dans sa tête : août allait être le mois de la reprise. Que ce soit pour aller chercher la médaille en crawl, ou pour se préparer aux sélections des années prochaines, Ji-hun s’était promis de retrouver une piscine olympique. La lettre l’avait attendu sur le meuble de l’entrée, accompagnée d’un paquet ; le Nord-coréen allait pouvoir défendre les couleurs d’Harvard lors des rencontres universitaires.

Pour cette raison, il se trouvait au People’s Republik. Lieu où il ne s’était encore jamais rendu depuis son arrivée sur Boston, mais qu’il connaissait être bien côté par les étudiants. Accompagné d’autres estudiantins de sa classe d’anglais, il fit sonner gaiement son troisième verre de la soirée contre celui de ses camarades. Il avait récemment appris que la vraie vie c’était ça : partager ses réussites plutôt que de faire profil bas. Partager avec les personnes qu’on appréciait, mais aussi celles que l’on pourrait apprécier. Cul sec, cul sec, cul sec, criaient ceux et celles qui s’étaient déplacés volontiers pour célébrer ce succès avec lui. Et cul sec, il y eut. Cul sec qui lui arracha une grimace – la troisième,  sous les applaudissements de ses compères linguistes. La piste de danse les accueillit ensuite, et sans se perdre de vue, les cinq boute-en-train s'amusèrent au milieu de la foule.

Aux toilettes, faut que j’aille, prévint-il plus tard sa partenaire de danse qui continua de gesticuler. Le jeune homme se fraya un chemin entre tous ces danseurs amateurs jusqu’à pousser la porte des waters de l’établissement. Trop tôt pour s’être transformés en refuge pour les fêtards ayant consommé excessivement de l’alcool, la pièce était vide. Il commença à rejoindre l’une des cabines pour espérer un peu d’intimité, mais lorsqu’il poussa le battant, il se retrouva nez-à-nez avec quelqu’un. Oh, pardon, s’exclama-t-il en faisant un tour sur lui-même, et de son accent fortement marqué, il ajouta : libre, je croyais c’était. Mais, en même temps, le loquet n’aurait pas dû être tiré… ? Un coup, je peux te payer, proposa-t-il, pour dédommager son intrusion. Tant qu’à faire, c’était soir de fête !

★ ─ Tonight will be a successful party night! avec @Ji-hun Hwang

POV : SYD
TW : trouble dissociatif de l'identité

J’avais besoin de décompresser ce soir. Ce nouveau job me fout les boules, et il a même pas encore commencé. C’est une organisation de dingue, surtout qu’on doit se taper la Freshers Week et trouver des activités pour les petits nouveaux qui débarqueront avec leurs grands yeux innocents d’ici septembre. La lose.

Après avoir déposé mon skate dans les vestiaires, j’ai passé quelques heures à me défouler sur le dancefloor. Sinna avait peur qu’on tombe sur des étudiants, mais je lui ai dit qu’on n’allait pas rester cloîtré à la maison toute l’année de peur de tomber sur ses élèves dans les bars et boîtes de la ville... Faut pas déconner, hein. Faut que je sorte me dégourdir les jambes, moi ! Bref, je lui ai promis de ne pas essayer de galocher qui que ce soit. J’peux pas faire mieux !

Le plus relou, quand t’as pas qu’une seule identité, c’est que les autres sont pas toujours très loin... #jamaistranquille. Là par exemple, j’entendrais presque Morgana m’engueuler parce que je viens d’entrer dans les toilettes des mecs. « N’oublie pas que t’es dans un corps de nana ». Roooh, franchement, on est en 2022, tout le monde s’en tape ! « Non, on s’en fout pas. Des gens se sont fait tabasser pour moins que ça. Des gens transphobes, y en a partout, et des transphobes bourrés, c’est encore pire. »  Morgana c'est un peu la maman casse-pieds qui te surveille du coin de l'œil. Sinna reste à côté aussi, mais elle s’en fiche de ce genre de trucs. Tout ce qui lui importe, c’est que je finisse pas la soirée à vomir tripes et boyaux dans les chiottes d’un bar et que je ne roule pas des pelles à des inconnu.es qui pourraient se révéler être de futurs élèves.

Les chiottes sont vides, donc je prends même pas la peine de verrouiller ma cabine. Et j’ai à peine le temps de me rendre compte que quelqu’un vient d’entrer dans la pièce que la porte s’ouvre à la volée. Bravo, mec, y avait au moins dix cabines et t’as tapé dans le mille ! Faudra que je l’emmène au casino, celui-là.

— Y a pas d’mal, mec ! je crie pour me faire entendre par-dessus mon ruissellement. TU VIENS D’OÙ ? ENFIN J’AI CAPTÉ UN ACCENT DANS TA VOIX, J’DIS PAS ÇA PARCE QUE… BREF, TU M’AS COMPRIS.

Je tire la chasse avant de lui laisser le temps de répondre et bondis hors de ma cabine en frappant l’épaule de mon nouvel ami. Un sourire roublard prend possession de mes lèvres.

— J’veux bien un verre, ouais !

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HJ:

Dos à la jeune femme, Ji-hun s’était excusé d’être entré dans la cabine qu’elle occupait. Les yeux étaient tombés sur le miroir qui lui faisait face, la silhouette de la brune, assise sur son trône, s’était reflété. L’image l’avait alors obligé à lever le menton vers le plafond des toilettes. Que faisait-elle le verrou non tiré, et dans les W.C réservés aux hommes ? Le bruit de sa vessie qui se vidait avait ajouté une ambiance étrangement intime au « tête-à-tête » et le nord-coréen avait raclé sa gorge dans l’espoir de pouvoir se détacher de cette gêne qui l’avait entièrement bouffé de l’intérieur ; ce n’était pas les shot pris cul sec qui avaient fait rougir ses pommettes. De Corée, je viens , avait-il répondu, peut-être d’une voix un peu trop discrète pour qu’elle puisse l’entendre. Il avait répété alors, puis ajouté : à Boston, je vis maintenant. Au cas où elle le prendrait pour un touriste ; Boston était devenu sa maison.

Réponse donnée avant qu’il ne sente une main s’écraser sur son épaule avec engouement. Une joie extrême qui réussit à le faire sursauter ; est-ce que cela voulait dire qu’elle avait terminé ? Avec prudence, il descendit ses yeux du ciel aux spots aveuglants et tourna la tête vers elle, lui rendant son sourire. Il lui proposa de lui payer un verre, histoire de réparer son intrusion et elle accepta sans attendre. Il faudrait juste …, fit-il avant de pointer la cabine d’où elle était sortie, qu’aux toilettes, j’aille avant. La raison même du pourquoi il était là, après tout. Il la contourna pour s’approcher des cabinets, commença à pousser la porte mais… Ton pied, l’informa-t-il en donnant un coup de tête vers ce dernier, fermer je ne peux pas. Celui-ci se trouvait sur sa trajectoire, et il serait bête de repartir de la soirée les orteils dans le plâtre, pas vrai ?

Ji-hun attendit sagement que la chaussure se décale pour s’enfermer et enclencher le loquet. Il leva la cuvette avant de se soulager. Les secondes lui parurent longues, sachant qu’une femme patientait à quelques mètres de lui ; de quoi vivre le moment le plus étrange de sa vie ! Une fois terminé, il tira la chasse d’eau et sortit pour rejoindre les lavabos. De papier, dans l’espace des filles, il n’y avait plus, demanda-t-il la raison qui expliquait sa présence ici. Les mains lavées, il invita sa nouvelle connaissance à le suivre jusqu’au bar. Ils traversèrent la foule en délire, et l’Asiatique garda un œil sur elle, de façon à s’assurer qu’elle n’avait pas été emportée sur la piste ; ce fut un véritable combat pour arriver jusqu’au comptoir. Tu bois quoi, lui demanda-t-il, penché à son oreille pour couvrir la musique.

Ji-hun avait demandé la raison qui expliquait la présence de la jeune femme dans l’une des cabines réservées aux hommes, et sa réponse avait été surprenante bien que cohérente ; est-ce que les demoiselles passaient bien plus de temps aux toilettes que leurs semblables masculins ? Et pourquoi ? La réflexion avait poussé le nord-coréen à s’imaginer des visages à repoudrer, des épisodes menstruels à gérer, et des vêtements à changer ; peut-être. Quoi qu’il en était, le jeune homme n’avait pas pris la peine de demander plus de détails que ça, et s’était contenté du minimum avant d’inviter la brune à casquettes à rejoindre la salle. Il avait dû s’excuser à plusieurs reprises afin qu’on daigne se décaler pour le laisser passer. Il avait pris soin également de vérifier qu’il était toujours suivi par… quel était son prénom d’ailleurs ?

Le comptoir trouvé, Ji-hun s’amusa de l’entrain de sa voisine qui n’hésitait pas à utiliser l’humour à – presque – chacune de ses paroles. Champagne, l’occasion ça aurait été , fit l’Asiatique avant de pointer discrètement du doigt le groupe d’amis avec qui il était venu, mon entrée dans le club de natation de l’université , je viens célébrer. Il avait reçu l’enveloppe officielle et les habits sportifs d’Harvard. À la rentrée, il allait s’entraîner pour rafler le top des championnats universitaires. Il avait ainsi répondu à la question de sa comparse ; étudiant, mais pas que. À la Luna Caffe je travaille aussi, ajouta-t-il. Les seules aides ne suffisaient pas, et le salaire qu’il allait gagner en tant que doctorant n’allait pas compléter toutes ses dépenses non plus. Et toi, lui retourna t’il la question ; elle faisait quoi dans la vie, la demoiselle ?

Elle parlait vite, débitait un nombre incalculable de mots à la minute, mais le biochimiste arrivait à lire sur les lèvres ; c’était ce à quoi il s’était entraîné depuis son arrivée. Jay, je m’appelle au fait, fit-il ensuite, proposant sa main tendue afin qu’ils puissent se la serrer. Les verres commandés arrivèrent devant eux, et Ji-hun leva le sien vers sa binôme : à fêter, tu as quelque chose ? Il avait assez bu pour sa victoire, à son tour de trinquer pour la réussite d’une autre personne.

Ji-hun ne s’était pas attendu à une tape dans le dos venant d’une femme, si bien que ses yeux montrèrent tout l’étonnement et l’amusement que ce geste, si masculin à ses yeux, éveilla. Absolument y aller il faut, ajouta-t-il lorsqu’il apprit que la demoiselle n’avait jamais mis un orteil à la Luna Caffe, parce que j’y travaille, pas seulement ! L’endroit était réputé, pour les bonnes boissons et les adorables attentions des employés pour les clients. Les sandwiches n’étaient pas mauvais pour une brasserie spécialisée en café et gourmandises, et le côté cosy de l’intérieur plaisait aux grands et petits. Le nord-coréen se trouvait chanceux d’avoir pu intégrer l’équipe féminine de la Luna, les conditions de travail n’étaient pas déplorables et les demoiselles qui y venaient régulièrement étaient très belles à regarder ; pas compliqué, à dire vrai, il tombait sous le charme d’un large panel de beautés.

Le même style de bouquins, à la maison, je crois avoir, accompagna-t-il la personne qui se présenta aussitôt sous le nom de Syd. C’était bien la première fois qu’il entendait ce prénom, et s’il ne semblait pas très féminin, il se dit que cela devait être un diminutif – peut-être pour Sydney ? C’est chouette, Harvard, fit-il alors qu’ils trinquèrent ensemble aux vacances, quelques mois j’y passe déjà, l’ambiance y est bonne. De ce qu’il en avait vu en tout cas. Il avait arpenté quelques classes de la faculté de lettres, avait visité celles qu’il s’apprêtait à rejoindre à la rentrée, et une bonne partie du campus extérieur ; il faisait clairement bon y travailler. Il but deux gorgées de sa boisson avant que sa nouvelle alliée de soirée ne reprenne la parole ; ça faisait combien de verres, déjà ? Un pétard, que ça se fumait, je ne savais pas, commenta-t-il, pensant davantage à ceux que l’on utilisait aux feux d’artifices ; il subsistait encore quelques lacunes dans son vocabulaire.

Puis Syd finit par sortir le joint de sa poche, et il comprit alors très vite qu’il était à côté de la plaque. Oh, s’exclama-t-il, pas plus choqué que ça de voir ce genre de roulés. La drogue circulait en Corée du Nord, et près de la moitié des Coréens de ce pays étaient accro à la méthamphétamine et à certaines contrefaçons pharmaceutiques. À ce genre de choses, je ne touche plus, confia-t-il sa résolution qui datait d’avant son arrivée sur le sol américain, mais t’accompagner, je peux. Il avait des cigarettes. Certes, ce n’était toujours pas bon pour la santé, mais bien mieux que le cristal , l’opium ou l’héroïne. Les rejoindre plus tard, on pourra, proposa-t-il qu’ils s’accordent un moment pour souffler avant de retourner à la fête. Il prit son verre invita sa camarade à faire de même et s’éloigna du comptoir en s’assurant d’être suivi par la future stagiaire d’Harvard. Fumeur, on l’avait renseigné sur les réglementations en vigueur.

De filles, je n’en vois pas beaucoup fumer, remarqua-t-il qu’il avait plutôt côtoyé des hommes à cinq mètres des entrées, regroupés dans un nuage de fumée, longtemps ça fait ? Qu’elle s’adonnait aux plaisirs des joints. Depuis mon service militaire, j’ai commencé , fit-il ensuite, beaucoup de choses à faire, à décompresser on m’a appris là-bas. Les corvées dans les champs à chaque saison, les études scientifiques et son inscription à la réserve de l’armée de son pays natal, ça faisait beaucoup d’endroits où il lui était demandé d’exceller – pour éviter les réprimandes. On lui avait proposé de la drogue parfois, mais il n’en avait jamais consommé au point de ne pas pouvoir s’en passer. Il ne faisait pas froid dehors, c’était même plutôt agréable. De quoi allumer, tu as, demanda-t-il, prêt à lui céder son briquet au besoin.

Ji-hun ne s’était pas attendu à une tape dans le dos venant d’une femme, si bien que ses yeux Pétard, joint, spliff. Des mots qu’il ne connaissait pas, mais voulait dire la même chose, apparemment. Il prit note, même si Sid eut raison de préciser qu’il ne les utiliserait probablement pas. Il ne touchait plus aux drogues depuis un bon bout de temps, et n’avait jamais vraiment été un consommateur excessif. Il y avait goûté, une fois, deux fois,[…], parce que les occasions s’étaient présentées, voilà tout. Il proposa tout de même à la jeune femme de l’accompagner, la nicotine faisant partie de son quotidien. Ils marchèrent alors jusqu’à la porte arrière de la boîte de nuit, et s’écartèrent d’au moins cinq mètres avant de pouvoir mettre le feu à leur plaisir respectif. Ji-hun aspira le filtre et sentit la fumée parcourir l’intérieur de sa bouche, sa gorge et descendre jusqu’à ses poumons. La première bouffée était la meilleure, - la dernière carrément stressante.

Ouais, répondit-il, lorsque le service militaire fit son entrée dans la conversation, dix ans, pour les hommes. Six, pour les femmes. Contrairement aux États-Unis qui l’avaient abandonné depuis les années soixante-dix, la Corée du Nord mettait un point d’honneur à assurer la sécurité du pays. Cela faisait partie de l’indépendance que l’idéologie Juche prônait, de quoi faire réfléchir à deux fois ceux qui pensaient l’attaquer. Et pour ce qui était des States, il avoua : c’est différent… Néanmoins, il avait lui-même choisi ce pays, pouvait-il vraiment le dénigrer ? J’apprends beaucoup, fit-il, une ville où bon il fait vivre, c’est, Boston. À côté est l’océan, une bonne université il y a, les règles moins strictes elles sont, les personnes sont stylées et un salaire décent on a à la fin du mois… Ce n’était qu’une partie des choses qu’il trouvait cool ici.

Dans quel coin, tu vis, lui demanda-t-il. Il se rappelait qu’une étudiante en médecine vétérinaire lui avait dit qu’il y avait des quartiers qui craignaient plus que d’autres, et qu’il ne faisait pas forcément bon se balader là-bas. Dans un quartier de Cambridge, une petite rue c’est, avec des maisons, fit-il à son tour. Une maison composée de deux appartements, et il louait une chambre chez un couple de retraités qui avait le rez-de-chaussée et le jardinet tout autour. Un coin de verdure où arbres, herbes et quelques plantations donnaient un peu de fraîcheur l’été. C’était agreable au printemps, pour les milliers de couleurs qui explosaient et les premières récoltes. Et il paraissait que les feuilles mortes qui tombaient en automne donnaient un côté romantique à l’endroit ; il avait hâte d’être témoin de ça.