❝ we're not broken - with Elysia. ❞

Peut-être que c'était une sale idée, une impulsion. Enfin, ça c'est pas fait d'un coup non plus et je sais pas ce que j'avais bien put m'imaginer. J'attendais rien de particulier, mais j'avais décidé de quitter Columbia pour Harvard en apprenant qu'elle s'y trouvait. La elle en question, c'était pas n'importe qui car évidemment, j'aurais pas laissé ma vie à New York en plan pour une inconnue dans la foule mais bon, c'était pas beaucoup mieux. Elle avait toujours été une sorte d'ombre, présente sans l'être franchement, avec moi du moins. Elle ne parlait pas beaucoup et à moi quasiment jamais. Parfois des mots sortaient de sa bouche et je constatais silencieusement que sa voix était semblable à celle de sa soeur. Une prononciation semblable. Puis sa soeur... Mily n'avait plus été là. Elle avait disparue sous nos yeux à tous les deux et pour toujours et j'avais été pris du sentiment que si je continuais à croiser ce visage au quotidien, j'allais finir par me murer dans le silence moi aussi. Je n'ai pas envie de me taire. Venir à Harvard, c'est peut-être une façon d'éviter ça. Peut-être qu'il faut remuer le passé un bon coup pour avancer. Ca semblerait presque logique si tout d'un coup ça m'apparaissait pas aussi stupide. Mais j'étais là et pas franchement désireux de rentrer à New York sans rien avoir fait. Ca aurait été un échec et je ne voulais pas de ça. Un bar, boire un peu, c'était un moyen comme un autre de faire taire ma tête. Au moins, quand j'étais saoul, je m'endormais comme un bébé, sans penser à quoi que ce soit car cela semblait alors totalement hors de portée. J'avais besoin de cet étrange sentiment de sécurité. Je ne l'aurais jamais reconnu à voix haute à quelqu'un donc il fallait que je me débrouille tout seul. Je m'installe au comptoir. Ca grouille de monde. Enfin, pas beaucoup de monde me connais donc je m'en fou, le regard des autres, ça m'a jamais franchement paralysé et empêcher de faire quoi que ce soit. Je commande un verre que je descends à grandes gorgées puis j'en demande un autre tout en jetant des billets froissés devant moi. Je commence à croire que ça peut-être une bonne soirée quand un son me parvient. Je le reconnais et quand il glisse derrière moi, instinctivement, je tend la main et saisit un bras dans la foule d'étudiants qui se presse derrière moi. Je reconnaîtrais ce rire n'importe oui. Evidemment j'en devine la source et je fronce les sourcils malgré moi en découvrant un visage familier. C'est elle, il y a pas à se le demander plusieurs fois. Je reconnaitrais ce visage pour le restant de mes jours tant il est présent dans une multitude de mes souvenirs mais ce n'est pas celui de Mylena. C'est le visage tapis dans l'ombre, le masque de timidité. C'est Elysia, mais elle n'a plus franchement grand chose à voir avec la fille de mon souvenir. Ely ? C'est toi je lâche bêtement, saoulé vite par ma propre bêtise.

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Boire, fumer, oublier. Voilà mes principales activités que je perpétuais depuis des semaines. Boire pour oublier, fumer pour oublier, mais surtout, c'était ce qui me permettait de ne pas sombrer. Encore une fois. Ce soir ne faisait pas exception. C'était le seul moyen pour moi de m'endormir sereinement, de ne plus ressasser ces cauchemars, pour ne plus rêver tout court. Parce que je ne pouvais plus le supporter, les supporter. Tous les soirs, leurs visages venaient me hanter, parfois souriant, parfois empli de terreur. Et le matin, je me retrouvais dans un état déplorable. J'en souffrais, mon coeur souffrait, cette douleur me rendait folle, me tuait petit à petit. Mais quand je buvais, quand je fumais, quand je sniffais, je ne ressentais plus rien. J'allais bien. Encore une fois, je les en entraînées avec moi, Septembre et Malicia. J'avais aussi contacté Emrys, parce que boire avec lui me permettait d'encore plus oublier mon passé, sans raison apparente. Le Lord Hobo m'accueillait maintenant presque tous les soirs depuis son enterrement. Un mois déjà qu'elle était partie, pourtant, j'avais l'impression qu'hier encore, nous étions dans sa chambre d'hôpital où nous nous étions réconciliées. Une gorgée, puis un deuxième. Je riais, je souriais, mais mon cœur était toujours près du sien. Une taffe, une deuxième. J’avais envie de vomir devant mon comportement. Mais je ne faisais rien pour changer. Je ne pouvais pas. Un verre, puis deux, un troisième. Je les enchaînais à une vitesse que même Emrys ne pouvait pas suivre. Il me demandait de ralentir, je ne l’écoutais pas. Je riais toujours, je parlais toujours, je m’amusais, je me trompais. Puis, plus rien. Il m’en fallait encore, toujours plus. Les autres venaient de finir leur deuxième verre. Moi j’étais déjà à mon quatrième. Je ne sentais même plus l’alcool me brûler la gorge. Encore une tournée. Le bar était bondé, le comptoir encore plus. Mais j’en voulais encore, je ne pouvais pas m’arrêter. Je me frayais un chemin dans la foule, jouant des coudes, saluant les visages connus, riant à leur remarque sur mon comportement. Je n’avais que faire de leur critique. Soudain, une main m’attrapa le bras. Sans doute encore une connaissance. Il m’attire plus près. Je me tourne. Mon sourire disparaît alors. « Ely ? C’est toi ? » Cette voix, je l’ai reconnue. Ce visage, je ne pourrais jamais l’oublier. Tout à coup, les images de mes souvenirs défilèrent sous mes yeux. Je les voyais ensemble à parler, rire s’amuser, encore et encore. Je me voyais dans mon coin, à le regarder les yeux brillants, timidement. Je le dévisageais alors. Il n’avait pas changé. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Peut-être n’aurais-je pas du lui parler aussi froidement ? Mais je n’avais pas pu m’en empêcher. Parce que le revoir venait de réveiller tous les sentiments que je cherchai à supprimer depuis des années. Cette douleur était revenue en un éclair. Non, elle ne m’avait jamais quittée…

C'est bizarre, revoir ce visage. Les mois sont passés et chaque détail est toujours aussi clair dans ma mémoire. Je me demande souvent si un jour les contours vont s'adoucir avant de disparaître complètement, brouillant ma vision, me débarrassant de souvenirs qui me bouffent. C'est aussi à se demander si c'est ce que je veux vraiment : je ne peux pas fermer les yeux sans être assaillit de cauchemars et qu'est-ce que je trouve comme solution ? Poursuivre ce visage qui me hante jusqu'à Cambridge. Entendre sa voix, ça réveille une nouvelle vague de souvenirs. Je n'arrive pas à réprimer une grimace. C'est qui cette fille franchement ? L'erreur n'est pas envisageable et pourtant cette fille détonne sérieusement avec la fille de mes souvenirs. Elysia ne m'aboyait pas dessus avant, c'est à peine si elle m'adressait la parole et voilà que maintenant, elle m'envoyait bouler. Heureux de te revoir également je lâche, une pointe de sarcasme dans la voix. C'est pas la bonne attitude, je n'ai pas envie de me disputer avec qui que ce soit et puis ce serait tellement stupide de ma part. On a aucune raison de se gueuler dessus. Je me mord la lèvre, prenant sur moi. Désolé, l'alcool me rend trop franc et toi, ça te rend carrément plus bavarde je trouve il fallait pas être particulièrement futé pour comprendre ce qu'elle foutait là : elle faisait la même chose que moi, tout bonnement. Boire, se vider la tête jusqu'à ne plus pouvoir penser à tout ce qui fait mal mais malgré tout, malgré qu'on ai tous deux de bonnes raisons de nous abandonner à ce genre de penchements, je suis vexé, un peu déçu. Ca me gêne qu'elle me parle aussi froidement, ça me déplait de ne rien reconnaître de la fille que j'ai laissée, haletante, sur le toit après que Mily se soit jetée dans le vide. J'ai esquivé sa question car les miennes me brulent la langue et je préfère demander des réponses qu'en donner. C'est drôle, j'aurais jamais imaginé te retrouver ainsi, enfin ici je veux dire, dans un bar, avec des gens je m'enfonce. Ca sonne comme un défaut chez elle dans ma bouche. Comme une critique en retard et foutrement mal déguisée. Cela n'en est pas une, je ne cherche pas à la déprécier.

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J’aurais voulu m’enfuir, prendre mes jambes à mon cou et ne plus revenir. De peur de le croiser à nouveau. Je ne comprenais pas ce qu’il faisait ici. J’avais pourtant entendu dire qu’il était resté à New York, qu’il étudiait à Colombia. Alors comment pouvait-il être dans ce bar, à des kilomètres de notre ville natale ? Maximilian était sans doute l’une des seules personnes que je ne voulais plus revoir de toute ma vie. Parce que la dernière fois que je l’ai vu, c’était sur ce toit. Ce toit qui a hanté mes rêves pendant trop longtemps. J’étais presque parvenue à l’oublier. Non, jamais je n’aurais pu, je n’ai fait que me convaincre avoir tourné la page. Je le voyais grimacer face à ma froideur. Je venais de l’étonner. Bien sûr, il ne m’avait jamais vu ainsi. Pour lui, je n’étais que la jumelle coincée, rien de plus, rien de moins. Pour moi, il avait été tellement plus que le meilleur ami de Mily. « Heureux de te voir également. » Je restais silencieuse, mon regard ne quittant pas le sien. J’essayais de rester impassible devant son sarcasme. « Désolé, l’alcool me rend trop franc et toi, ça te rend carrément plus bavarde je trouve. » Il ne me connaissait pas et pourtant, il osait faire une remarque sur ma personne. Je grimaçais alors pour ne pas lui cracher une réplique. Je ne voulais pas me disputer avec lui, ou avec quiconque en réalité. J’étais venue pour passer une bonne soirée avec des amis. Mais maintenant qu’il était là, je la savais déjà gâchée d’avance. Pourquoi a-t-il fallu qu’il réapparaisse après 3 ans ? « C'est drôle, j'aurais jamais imaginé te retrouver ainsi, enfin ici je veux dire, dans un bar, avec des gens. » Encore une remarque que je n’appréciais pas. Cette fois-ci, je ne me retins pas. « Parce que tu crois quoi ? Que je suis toujours restée la une pauvre fille coincée que tu croyais connaître ? Pitié, cette fille-là est morte en même temps que… » Je me taisais d’un coup. Non, je ne parlais pas de ma jumelle, je parlais de Coraleen, ma meilleure amie. Mais ça, il n’avait pas à le savoir. De toute façon, qui était-il pour que je me confie ? Personne. Du moins, plus maintenant. Je me tournais alors vers le barman. « Un double whisky s’il-te-plait. » J'avais besoin d'un remontant. Maintenant qu'il était là, j'en avais vraiment besoin. Dès qu'on me l'apporta, je le vidai d'une traite. « Un autre s'il-te-plait. » Je ne le regardais pas, je n'osais pas. Je ne voulais pas voir dans ses yeux cette lueur de déception, d'incompréhension, voire même de pitié. Parce que je ne le supportais pas.

J'utilise les mauvais mots et je le sais pertinemment rien qu'à son expression. Son visage ne ment pas, je le connais par coeur pour avoir longuement guetté chaque changement sur celui de Mily quand elle était encore présente dans ma vie. Elle ne peut pas me mentir mais pour l'instant elle n'a rien de bien croustillant à me révéler autre que son nouveau penchant pour l'alcool. Je n'essaie pas de dissimuler quoi que ce soit. Je suis las et emmerdé par son attitude avec moi. Elle me parle comme à un chien et j'ai pas l'habitude de ça venant d'elle. Je n'ai pas l'intention de la laisser partir comme ça sans savoir exactement pourquoi je suis soudain devenu la personne qu'on envoie se faire voir. Ah je vois. Maintenant, la fille que j'ai connu à laisser place à une fille hautaine, buveuse de whisky et qui traite les gens comme des sous-merdes ? Je la connaissais pas beaucoup l'ancienne Elysia, mais elle me manque déjà c'était pas non plus ce qu'il fallait dire. A croire que je cherchais la bagarre mais bon, elle nous avait engagé tous les deux dans cette voie en me parlant aussi froidement dès le début. Je ne sais pas pourquoi ça me touche à ce point, ce changement d'attitude avec moi. Ca devrait pas m'importer à ce point. On est des étrangers l'un pour l'autre, c'est l'autre jumelle qui connaissait tout de moi. Elysia a toujours été une ombre, quelqu'un que je saluais, qui m'intriguais assez mais tout ça, c'était éclipsé par mon amitié pour Mylena. Je ne pensais pas la perdre un jour et pourtant. C'est toujours cet instant que je revis en rêve : celui ou je comprend alors que je suis en train d'hurler que seule Elysia m'entend car Mily est déjà partie. J'avais été bouffé par un sentiment de solitude d'une telle ampleur que j'étais resté ainsi, trop choqué pour faire quoi que ce soit. Mais je ne dois pas penser à ça. Je commande un verre à mon tour et en sirote une gorgée. Doucement je lance, personne ne va te piquer des verres. Une pique. Le genre de choses que je ne fais pas d'habitude, avec elle encore moins mais je crois qu'il est temps que je me fasse à la perspective que tout puisse être différent, désormais.

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« Ah je vois. Maintenant, la fille que j'ai connu à laisser place à une fille hautaine, buveuse de whisky et qui traite les gens comme des sous-merdes ? Je la connaissais pas beaucoup l'ancienne Elysia, mais elle me manque déjà. » Hautaine ? Moi ? À croire qu'il ne me connaissait vraiment pas. Je ne le suis pas, je ne l'ai jamais été. Il a juste pris ma réplique hors du contexte général. Jamais je n'aurais réagi comme ça si je n'avais pas déjà quelques verres dans le nez. Mais je ne m'en voulais pas. Peut-être aurais-je du réagir un peu mieux, mais je n'avais pas réussi à le faire. Parce que c'était lui. Je suis sûre que si c'était une autre ancienne connaissance que je retrouvais, je lui aurais sauté dans les bras, comme lors de mes retrouvailles avec Aleks. Mais pas avec lui. Trop de souvenirs d'elle étaient présents quand je le regardais. Je savais pourtant qu'il faudrait que j'affronte mes démons, mais pas ce soir. « Ne parle pas de ce que tu ne sais pas, s'il-te-plait. Je ne suis pas une fille hautaine comme tu le dis si bien. Je n'ai jamais traité quelqu'un comme de la sous-merde. Désolé si tu as pu y croire. » J'étais restée impassible. Mon excuse ne semblait pas en être une. Parce que je n'y mettais aucun sentiment de regret. Je voulais juste qu'il sache que je n'étais pas celle qu'il croyait voir en ce moment-même. Doucement, personne ne va te piquer des verres. » Je soupirais alors. Était-il venu pour me critiquer ? Si c'était le cas, il pouvait partir, je ne le retiendrais pas. Pourtant, l'entendre me parler ainsi me blessait. « Si tu es venu ici pour me critiquer, tu peux repartir, je ne te retiendrais pas. » Faux. Intérieurement, je ne voulais pas qu'il me laisse, mais d'un autre coté, sa présence ne m'enchantait guère non plus. Je le regardais alors. Que comptait-il faire maintenant ? Partir sans rien dire, ou rester ?

Elle ne comprend rien du tout et je ne peux pas le lui reprocher vu que moi même, je ne sais pas exactement ce que je fou là. Je dois avoir l'air de chercher la bagarre, hors je n'ai pas envie de ça. Je lâche un soupire. Non, je n'ai pas l'intention de partir quelque part, même si l'idée m'effleurt pas mal ces temps-ci, il faut bien le reconnaître et que je découvrir une nouvelle version d'Ely' ne m'enchante pas des masses non plus. J'ai besoin de retrouver la fille de mes souvenirs et je sais pas vraiment pourquoi, j'en ai juste besoin. Besoin de constater que je n'ai pas tout perdu. Non, je n'ai pas lâché Columbia pour venir te critiquer et désolé de ne pas être franchement adorable mais tu n'as pas été tendre toi non plus. Bah ouais, elle avait commencé mais il aurait eu l'air d'avoir la maturité d'un gamin de cinq ans s'il avait sortit ça à voix haute. Il décida donc de s'abstenir. Elle m'avait foutu de mauvaise humeur. J'attrape mon verre et me remet à boire quelques longues gorgées. J'ai peut-être carrément pris la mauvaise décision en décidant de venir à Cambridge. J'ai voulu aller trop vite malgré les années écoulées et j'ai voulu trovuer je ne sais quoi comme s'il y avait un remède magique à Cambridge pour m'aider à faire enfin mon deuil. Je ne me connaissais pas aussi crétin et naïf. Je pensais pouvoir retrouver ici la fille que j'ai rencontré à New York et me demande pas pourquoi, mais j'avais vraiment envie de la retrouver. Enfin, ça n'a pas d'importance, car je ne la vois pas mon ton n'est pas sec ou froid, juste fatigué. Cette situation m'énerve et je me sens comme toujours sur les nerfs. Je suis toujours sur les nerfs depuis le décès de Mily, je ne me souviens même plus de ce qu'est ce qu'être détendu. Elle doit me trouver carrément bizarre, d'avoir brusquement voulu la voir, le pire c'est que si elle me demande des explications, ce qu'elle va sans doute faire, ce soir ou dans les jours qui viennent, je ne vais pas savoir quoi lui dire.

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Je le regardais toujours, appréhendant sa réaction suite à ma remarque. Je ne voulais pas qu'il parte, j'avais tellement de questions à lui poser. Mais était-ce le bon moment ? Après tout, je ne l'avais pas vraiment accueillie comme je l'aurais dû, avec un sourire et peut-être un « ça fait longtemps, tu m'as manqué ». Je voulais savoir ce qu'il faisait à Cambridge. Je voulais savoir ce qu'il a fait pendant ces 3 dernières années. Je voulais savoir pourquoi il n'avait pas pensé à venir me voir plus tôt. Je voulais tout savoir. « Non, je n'ai pas lâché Columbia pour venir te critiquer et désolé de ne pas être franchement adorable mais tu n'as pas été tendre toi non plus. » J'encaissais ses mots sans rien dire. Il avait parfaitement raison, j'avais commencé par un ton désagréable. Lui, il m'avait juste retenu pour me parler. Et je lui avais répondu aussi sèchement que possible. Je le regardais alors ingurgiter une grande partie de son verre. Je n'avais pas bougé. « Je pensais pouvoir retrouver ici la fille que j'ai rencontré à New York et me demande pas pourquoi, mais j'avais vraiment envie de la retrouver. Enfin, ça n'a pas d'importance, car je ne la vois pas. » Il était donc venu me retrouver ? Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Après trois ans ? Et puis surtout, pourquoi voulait-il me retrouver ? Nous n'avions jamais été proche, nous n'avions jamais réellement parlé avant. Je ne comprenais pas son comportement, cet impulsion. Avait-il quitté Colombia pour Harvard juste pour me voir ? Cette idée me semblait grotesque et pourtant, une part de moi espérait que ce soit le cas. Connerie. Néanmoins, un léger sourire s'afficha sur mes lèvres. Je détournais alors mon regard pour le plonger dans mon verre encore remplis. Mon sourire se fit plus triste, mes doigts enserrèrent le verre et doucement, je lui lançais: « Si tu étais venu 1 an plus tôt, tu l'aurais retrouvée, cette fille de ton passé. Et peut-être que tu aurais pu la sauver... » Oui, s'il était venu 1 an plus tôt, peut-être que je n'aurais pas autant changé. Peut-être aurait-il réussi à m'empêcher de faire cette connerie. Peut-être que je ne serais pas retournée en Angleterre, je n'aurais donc pas connu Konrad. Et peut-être que je ne serais pas devenue la fille que je suis maintenant, celle qui semble détestable à ses yeux... Avec des si et des peut-être, nous pourrions refaire le monde...

Je m'efforce de paraître moins dur car ce n'est pas là mon intention. Ce n'est agréable pour aucun de nous deux, ou bien encore, dans le meilleur des cas, c'est juste vraiment bizarre. Mes explications sont vaseuses, pas très claires. J'évolue dans le brouillard, mais ce n'est pas très déconcertant, j'ai l'impression d'avancer à moitié endormi dans ma vie depuis des mois. Elle semble s'interroger et elle a de quoi le faire vu tout ce que je débite depuis le début de cette conversation. Puis, après un léger silence au cours duquel je cherchais à percevoir dans l'expression de son visage comment elle se sentait en ce moment, elle se remit à parler. Ce que j'apprend m'intrigue beaucoup. Je fronce les sourcils. Un an. Il peut s'en passer des choses en un an. Je ne peux pas concevoir bien pire comme événement que de voir sa soeur jumelle se suicider. Une multitude de questions se présentent à moi. Elle aussi, ce moment sur le toît doit être gravé dans sa mémoire, je ne dois pas être le seul à cauchemarder toujours à ce sujet malgré les années écoulées depuis. Et que s'est-il passé en un an ? Je m'entends demander. Ca m'a échappé. Mon ton est devenu étonnement doux. J'ai de la compassion à l'égard d'Elysia. Ca aussi, c'est bizarre sans l'être vraiment. Je la connais depuis des années, sans la connaître pour autant cependant. J'ai peur d'être bouleversé et de reporter mon affection pour Mily sur elle. C'est trop compliqué cette situation, comme si le fait que ce soit à ce point douloureux c'était pas suffisant. Ne te sens pas obligée de répondre je rectifie brusquement. Je veux dire que tu n'as pas à me fournir d'explications, moi je ne t'en donne pas beaucoup. J'espère que ça va toi en tout cas j'en doute un peu, enfin, je la retrouve bourrée dans un bar. Rien de bien étonnant, on est jeunes après tout, mais bon. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'elle ne doit pas être très sincère envers elle même. Cette version délurée de la fille timide que je croisais chez Mily, je n'y crois pas beaucoup.

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Tout était confus pour moi. Par moment, je détestais cette nouvelle Elysia, mais je ne voulais pas redevenir l'ancienne. Parce que je ne l'aimais pas non plus. Je ne parvenais pas à trouver un juste milieu, trop de choses se faisaient et de défaisaient. J'avais l'impression de ne pas être stable, de ne pas réussir à être moi-même. D'ailleurs, je n'ai jamais réussi à l'être réellement. Soit je me cachais derrière un masque de timidité, soit je me cachais derrière celui d'une grosse exubérante. Je ne savais tout simplement qui être réellement. Parce que mon repère m'avait quitté. « Et que s'est-il passé en un an ? » Je n'aurais rien dû dire. Je ne voulais rien lui dévoiler, je ne pouvais pas le faire. Trop d'événements se sont passés en une petite année, assez pour me chambouler, assez pour me perdre encore plus. Je ne parvenais pas encore à me retrouver totalement. La preuve, j'étais partie des Eliot dans un coup de tête et je m'étais retrouvée chez les Mathers. Cette maison était celle de la transition. Personne ne pouvait y rester indéfiniment. Et moi, je m'y abritais le temps de me connaître, de me retrouver, de faire un petit bout de chemin avec mes compères et finalement, marcher seule sur le chemin que j'aurais trouvé, ma voix. La douceur de sa voix réchauffa doucement mon coeur. Je ne pouvais pas continuer de me montrer aussi froide. Ce n'était déjà pas dans mes habitudes, mais en plus, ce serait injuste de ma part alors que, maintenant, il se montrait gentil. « Ne te sens pas obligée de répondre. Je veux dire que tu n'as pas à me fournir d'explications, moi je ne t'en donne pas beaucoup. J'espère que ça va toi en tout cas. » De toute façon, je n'ai pas la force d'en parler, pas maintenant en tout cas. Et c'est ce que je lui répondis. « Pas maintenant. Peut-être qu'un jour, je te dirais tout. Mais ce jour-là n'est pas encore arrivé. » Je savais pourtant qu'il faudrait qu'il l'apprenne de ma bouche. Car maintenant qu'il était à Harvard, il pourrait toujours se renseigner auprès de Presley. Ou d'une autre personne de ma connaissance. Mais tant pis. Tant pis s'il découvrait tout. Au moins, je n'aurais pas à le dire à haute voix. Encore une fois... Par contre, si j'allais bien... « Sinon, je vais bien. Du moins, aussi bien que possible; » C'est-à-dire, mal... Mais il s'en doutait forcément. Parce que lui aussi, devait être dans le même état.

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