numb little bug (wendy&gigi)

cancun, mexique mardi 8 mars 2022 w/ @Wendy Witter

Un sourire sur le visage, le nez rougi par le soleil mexicain, j’entre dans l’hôtel heureuse d’être ici, d’être arrivée très tôt ce matin mais aussi - voire surtout - d’avoir pu profiter de cette excursion à la Isla Mujeres. L’île de la Femme. Un lieu merveilleux où l’eau est si bleu qu’on se croirait au Paradis. Et je crois bien que j’y suis, au Paradis. Ces vacances sont les premières de ma vie et elles ont ce goût sucré des cocktails que je bois mais aussi de tous ces fruits frais que je déguste depuis ce matin. Le Mexique, quel pays magnifique - bien que je n’ai vu que douze heures de ce dernier - et je compte bien mettre chaque jour à profit afin de me faire des tas de souvenirs. J’ai rencontré quelques personnes ce matin et compte bien sur ma sociabilité extrême pour m’en faire d’autres tout au long de ces dix jours. Rapidement dans ma chambre, je saute dans la douche et laisse mon bikini dans le lavabo avant d’enfiler une jolie robe pour la soirée. Des sous-vêtements confortables, j’enfile une paire de talons et file rapidement vers le restaurant de l’hôtel. Le choix est parfait et je ne peux pas m’empêcher de prendre un peu de tout pour goûter. Assise à une table avec une bande d’étudiants, nous rions assez fortement, ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Il y a des regards qui sont lancés et après avoir vidé mon verre de soda, je quitte le petit groupe pour le bar et un cocktail. Les yeux sur la carte, je souffle, dans un espagnol bancal Un planteur mexicain, por favor. Je lui souris, mon bracelet qui implique l’option all inclusive de l’hôtel et je pose mon dos contre le bar. Mon regarde est attiré par une demoiselle qui se pose non loin de là et quand je reconnais ses traits, je fais signe au serveur que je bouge légèrement. Witter, comme on se retrouve. Que je souffle en m’asseyant sur le tabouret à côté d’elle. Merci pour la rose. Violette, le message est bien passé. J’ai jamais pu t’en renvoyer un parce que tu m’as jamais montré ton appart. Et je dois admettre que je n’ai envoyé que deux ou trois roses pour la Saint Valentin et n’ai pas pensé à mes possibles amants et envies d’amants… Puis bon, ça coute ces merdes.

Le bon temps, je le passe. Je ne pensais pas pouvoir m’amuser autant, profiter autant mais surtout visité autant. Ça me semblait presque impossible, improbable de réussir à m’intégrer dans cette bande de jeunes, de gamins insouciants. Ils ne vivent qu’au jour le jour, l’idée de devoir poser quelque chose, construire quelque chose leur semble complètement dingue. Moi, avec mes projets d’achats du Nirvana, je me projette sur les années à venir alors qu’ils sont bien trop nombreux, ceux qui ne se projettent que jusqu’à leur prochain repas chaud. J’étais aussi comme ça, quand j’y pense. Quand je suis partie à Los Angeles, c’était de cette manière que je vivais. Un jour ici, le lendemain là bas, le nez trop proche de la ligne et puis, les verres qui se remplissaient seuls. Aujourd’hui, je suis un peu plus posée et je refuse de consommer quoi que ce soit dans le pays de la coke. Je ne veux rater aucune excursion et aucune rencontre. Seulement, je ne pensais pas tomber sur toi ici, au bar, seule. Cela fait un petit moment que nos chemins ne se sont pas croisés mais je crois que si on est l’une face à l’autre ce soir, c’est qu’il y a une raison aussi. Laquelle, j’en sais trop rien. Mais c’est mon premier jour aujourd’hui et je ne cherche pas midi à quatorze heures, j’engage tout simplement la conversation. Advienne que pourra. Le drame de son année deux mille vingt deux ? Tu m’octroies un peu trop de crédit, tu ne crois pas ? Mon verre arrive rapidement et après un sourire au barman, je tourne la paille dans le cocktail rosé à cause de la Goyave. À la tienne. Que je répète avec un sourire sur le visage. Et mes lèvres se plongent rapidement dans le liquide. Une gorgée, j’essaye de reconnaître toutes les saveurs des différents liquides. J’aime beaucoup le mélange et le rhum est bien présent, ce dont j’avais peur, je ne peux pas le nier. Merci. Que je dis, me redressant légèrement, mes yeux te détaillant. J’aimerais en dire de même mais je crois que tu as évité le soleil ou mis trop de crème solaire. Pas d’autres solutions, elle est toujours aussi blanche. Et on a l’impression qu’elle porte la misère du monde sur ses épaules. Je vais bien. Et toi ? Que je lance en croquant dans la fraise tagada au bout du pic. Souris un peu, t’es au Mexique, pas à un enterrement. Je lance ces mots en lui tendant ma brochette de bonbons. T’en veux un ?

Après l’envoi de sa rose, j’ai voulu aller chez elle, lui apporter la même et voir ce que la vie apporterait à cette relation atypique. Likée de mon côté, refusée du sien. Une petite discussion bien piquante devant les portes de sa confrérie et puis… Plus rien. Le manque de temps, d’un côté comme de l’autre - nous sommes deux businesswoman après tout - puis les jours qui passent. Ces dernières semaines, je n’ai pas eu beaucoup de temps pour moi et quand je me suis rendue compte que je n’avais pas son adresse, je n’ai pas cherché à la trouver, j’ai juste continué ma journée. Après tout, si je m’étais retrouvée à lui écrire pour avoir son adresse, tout le côté spontané et surprise de la chose aurait été perdu alors… J’ai préféré ne rien faire. Du grand Gigi. En grande pompe ou rien du tout. Et de la retrouver ici, au bar, c’est un peu le résumé de nos interactions depuis que l’on se connaît : tout sauf calculé. Je crois que ça nous va bien. C’est simple et sans prise de tête et nul doute que c’est ce dont toute personne digne de ce nom a besoin de temps à autre. Il ne faut pas me le dire deux fois. Que je lance rapidement en haussant les épaules, tirant les bonbons plein de sucre l’un après l’autre. Je vais peut-être le regretter à un moment ou à un autre mais ingurgiter la brochette de bonbons comme si c’était le seul repas de ma journée me semble être la bonne chose à faire. Je la regarde, l’écoute et souris légèrement. La misma cosa por favor. Que je souffle au barman en montrant le verre de Wendy du bout des doigts. Mon visage se tourne vers elle et je réponds rapidement. Yes ! Je voulais rester un peu moins longtemps pour ne pas trop dépenser mais… On ne vit qu’une fois et c’est mon premier voyage en dehors des États-Unis alors je n’ai pas envie de le raccourcir. Sans compter que je m’amuse fortement et que je ne sais pas quand est-ce que j’aurais des vacances la prochaine fois. Puis bon, si je veux perfectionner mon espagnol, il faut que je reste ! Ces mots, je les dis sur le ton de la rigolade, de la blague. Je parle déjà portugais et anglais, c’est déjà bien, non ? Mais ce pays m’intrigue et m’intéresse, je ne peux pas le nier. T’as déjà visité quelques trucs ? Je ne me suis pas posée une seule seconde mais ce ne sont pas des vacances farniente. Elles coûteraient bien trop chers pour cela.

Ces vacances, elles sont bien méritées. Je ne m’arrête pas une minute depuis que je suis de retour à Boston et, pour être honnête, d’aussi loin que je me souvienne, je ne me suis jamais arrêtée. Sourire sur le visage, profitant des derniers rayons chauds du soleil, je discute avec la jeune étudiante. Cela fait déjà quelques mois que l’on se croise toujours à de drôles de moments, jamais dans une position pour réellement discuter. Mais ici, c’est le moment d’en apprendre plus sur la femme qui a refusé mon invitation sur Meetsa. J’aurais pu m’en offusquer mais il m’en faut plus - beaucoup plus - pour en arriver à cela. Et au Mexique, je décide de laisser aux USA ce qu’il s’y est passé pour repartir sur de bonnes bases. C’est son jour de chance, en quelque sorte. C’est super important les langues étrangères. Que je lance innocemment, en le pensant réellement. J’ai déjà l’anglais et le portugais à ma corde et compte bien en rajouter d’autres. Cela me servira aussi pour mon métier et pour aider les gens qui m’entourent, les gens de ma communauté. Latine américaine, il y en a des subtilités et j’essaye de les manier autant que possible. Après tout, je suis une privilégiée alors je ne peux pas dormir sur mes lauriers. Et quand j’entame la conversation comme je le peux, mon visage se tourne vers elle. La paille en fer de mon cocktail fruité entre mes lèvres, je l’examine. Les traits un peu tirés, elle a l’air bien moins fraîche qu’il y a quelques semaines. Le froid est passé par là, ça tend les peaux avant de les relâcher et puis, on vient d’arriver alors si elle a passé son temps à visiter, ça fatiguée ! Il n’y a qu’à voir ma tronche. Mais ce n’est pas son cas. Connasse égoïste non, on vient d’arriver de toute façon. Que je souffle rapidement en me redressant, intriguée. On vient d’arriver mais le temps passe vite et les excursions n’ont lieu qu’une seule fois. Masi tu fais quoi depuis ton arrivée du coup ? Le soleil, elle ne l’a pas vu. Blanche comme un fantôme, pas un coup de soleil, pas une trace de maillot, qu’est-ce qu’elle fout ? Venir jusqu’ici pour rester dans ta chambre, ce serait dommage. Et j’en ris, comme si c’était improbable que ce soit son programme pour Cancun.

Il y a peu de choses dont je suis fière dans la vie mais celles qui consistent à évoluer dans le monde de manière autonome en font partie. Je ne parle pas d’autonomie financière - j’en suis loin - mais plus du fait de réussir à me débrouiller ici et là, à m’adapter facilement à une nouvelle culture, à un nouveau mode de vie. Je ne suis pas malléable au sens propre du terme mais j’arrive toujours à me faire une place, à me faire comprendre et ce, où que j’aille. Un caméléon. Et ça me permet de vivre des tas d’expériences merveilleuses comme celles que je vis ici depuis mon arrivée. Mon espagnol n’est pas parfait mais entre deux baragouinages, j’arrive à comprendre et me faire comprendre, ce qui me rend complètement fière de la personne que je suis aujourd’hui. Je sais que je suis prête pour la prochaine étape de ma vie et même si ça m’effraie, je sais que je dois passer par cette dernière pour me sentir bien, pour pouvoir avancer l’esprit libre et je dois aussi avouer qu’elle me manque, ma mère, et que cela fait 12 ans que je n’ai pas eu de ses nouvelles autre que quelques cartes envoyées à ma famille. Mais maintenant, avec la stabilité que j’ai réussi à trouver, je pense que je suis enfin prête à reprendre contact avec elle, à regarder vers le passé sans craindre que c’est dans le prochain vol pour le Brésil que l’on va me retrouver. Et alors que ces craintes continuent de monter en moi comme un monstre qui s’était tapi dans l’ombre toutes ces années, je m’intéresse à la demoiselle, à la raison de sa venue si ce n’est pas pour visiter et profiter de l’histoire de la ville. Les lèvres sur le verre, je bois une gorgée du cocktail tout en écoutant sa réponse. Profiter à sa manière, c’est valable, c’est valide. Mais ça m’intrigue, je ne peux le nier. C’est quoi, sa manière ? Et alors que j’ouvre la bouche pour lui poser la question, ses lèvres bougent à nouveau et le descriptif m’est communiqué. Clairement pas ce que je ferai à l’autre bout du continent, après tant d’heures d’avion mais chacun son choix, n’est-ce pas ? Et ça correspond bien à l’image que j’avais de Wendy. Je suppose que la petite aventurière que je suis n’était pas non plus ce qu’elle imaginait. Au moins, tu reviendras à Boston en pleine forme ! Parce que je doute que ce sera mon cas. Il risque de me falloir plusieurs jours et semaines pour me remettre de toutes ces excursions que je fais, de tout ces kilomètres que je marche. Et j’ai beau me reposer comme il faut, mes batteries corporelles sont très vite déchargées. Clairement, on devrait faire ça ! Que je lance, toute joyeuse, un large sourire sur le visage. Je ne suis pas le planning proposé par Harvard, je n’ai aucune envie de visiter des lieux culturels entourée de gamins prépubères qui ne pensent qu’à leur prochaine cuite et baise. Je ne dis pas que je n’y pense pas de temps en temps mais les gloussements américains et battements de cils, je ne peux pas, je ne veux pas. Il y a des touristes partout de toute façon. Même des français venus dix jours pour le Spring Break. Concept américain qui a clairement fait le tour du monde. Et moi, assise à côté de Wendy, je sors mon téléphone et la liste des choses que je veux absolument faire. Je voulais aller au lagon rose de Las Coloradas demain, ça te tente ? Il ne faudra pas partir trop tard, se préparer à marcher et à me voir complètement subjuguée par tous ces lagons roses. Il parait qu’il est aussi possible de survoler les lacs… Et ça, j’en rêve. Bien qu’il faudra que je vois le prix de l’excursion une fois là bas. Mon budget n’est pas rikiki mais pas bien gros non plus. Être une adulte, ça craint. Mais ça, je l’ai toujours su. En tout cas, là, je suis excitée à l’idée d’être demain et de voir cela, de profiter de ce moment de soleil où mes yeux vont en prendre pour leur grade. Venir ici était une réelle bonne idée. Plus aucun doute là dessus.