Je suis contente de voir que je vais pouvoir potentiellement partager quelque chose de nouveau avec ma petite cousine. Je n’oublierai pas de te remercier quand elle aura trouvé son nouveau dessin animé préféré et que moi, je passerais devant toutes ses autres Tia sans trop de difficultés. Et si parler de ma famille vivant à Boston est un réel plaisir, le fait de parler de celle que j’ai laissé au Brésil est bien plus douloureux. Encore que, je ne parle même pas de mes parents mais de ce rêve dont mon père m’a privé. Clairement. Mon rêve c’était de devenir Miss Brésil et de concourir à Miss Monde. Mais ça n’est jamais arrivé. Et puisque j’ai quitté mon pays natal pour une nouvelle vie, je n’ai pas pris le temps de recommencer, de gagner tout cet argent à nouveau. J’ai préféré laisser tout cela derrière moi. Et maintenant, je suis trop vieille pour cela. Que je soupire doucement, tentant de ne pas partir de ce côté. Et mariée. Et arrivée de manière illégale sur le territoire. Je ne pourrais pas participer à Miss USA à cause de ma nationalité brésilienne et je n’ai aucune envie de retourner sur ma terre natale. Alors tout ça, c’est du passé. Un passé que j’ai abandonné il y a douze ans de cela. Enfin non, qu’on m’a arraché. J’aurais voulu passer de l’autre côté des concours de mini Miss mais mon irrégularité de statut m’a empêché de le faire et maintenant, si l’on cherche Gigi Desrosiers sur internet, c’est mon passé d’actrice porno qui ressortira… Forcément, avec des gamins, c’est rédhibitoire. Alors j’essaye de ne pas trop y penser, de me concentrer sur tout ce qu’il se passe sous mes yeux pour laisser ce pincement au coeur s’estomper. Mes yeux ne te quittent pas et je m’assois sur la table basse la plus proche de la scène que tu occupes. Les jambes croisées, mon calepin dans une main - le stylo dans l’autre - je te regarde et écoute ce que tu me dis. À ta demande, je cherche le titre sur mon cellulaire et la musique commence à se faire entendre dans le club. Oh. Je connais ça. C’est sensuel. Mes billes ne la quittent pas et je ressens cette douce attraction qui a tout de la plume qui caresse la peau. Les mouvements sont beaux, les gestes doux. Et avant de me perdre là dedans, je dis Qu’est-ce que tu vois comme personnalité ? La sensuelle, la travailleuse, l’acharnée, la dominatrice ? J’ai besoin d’occuper mon cerveau pour que mes jambes ne décident pas à me guider jusqu’à la scène et d’occuper le rôle qu’elle m’attribuera pour l’exercice. Tu pourrais avoir le rôle de la meneuse. Ça te va si bien que c’est un sacrilège de ne pas partager cela avec le monde. Vraiment.
Je comprends que tes rêves ont été bousculés et je trouve ça triste, parce qu'on devrait pas avoir à y renoncer. Mais je comprends ça, moi aussi, ma vie m'avait été arrachée au profit de l'amour d'un homme pour lequel j'avais fini en prison. « Je suis certaine que quelque chose d'autre t'attend même si ça fait mal. » Si cela est arrivé, c'est pour une raison et le passé appartient au passé, il faut désormais avancer, il te reste toute une vie à construire. Et ce club, c'est déjà un lot de belles promesses. Et c'est sans doute pour te le prouver, me le prouver à moi aussi, que je réfléchis plus trop et que je me lance dans cette danse, lascive, sensuelle, j'oublie le reste, je retrouve un plaisir enfoui à m'exprimer de cette façon, des années que j'avais pas laissé mon corps parler au travers de cet art. Le monde bascule, s'oublie à ma raison, alors que tu me fais face en prenant des notes. J'imagine un tableau de plusieurs femmes. Et presque possédée par l'instant, par la fébrilité créative j'ajoute. « La Féroce, La Chétive, La Belliqueuse, La Rêveuse. » Et inévitablement, les lignes de Chicago se peignent à la bordure de mes cils, ces femmes fortes et glamour, cachant des horreurs sous la grâce de leurs mouvements, je pense que ton club pourrait bien se prêter à ce genre de choses... « La Meneuse ? » je ris tout en poursuivant tout de même les mouvements. « J'peux pas. » M'exposer ainsi, et encore moins en petite tenue, j'ai mes raisons et elles sont multiples. La fin du morceau résonne, alors qu'un peu essoufflée, je viens revenir à la réalité, portant mon regard sur le tien, attendant le verdict.
Je ne peux m’empêcher de sourire aux mots de Ludo et de tendre les bras, montrant l’intérieur du Nirvana, cet environnement qui nous entoure. Voilà ce qui m’attend. Et c’est un joli projet, un très beau projet même. Je ne peux pas le nier et je refuse de critiquer ce lieu qui me donne vie depuis des mois maintenant. Venir au travail et être heureuse, c’est la plus belle des choses et je ne peux pas renier cela. Il parait qu’il y a toujours quelque chose qui nous attend, qui est là pour nous montrer que la vie vaut la peine d’être vécue. Ce n’est pas tous les jours faciles mais avec le temps, ça le devient. Je crois vraiment que le temps panse les maux et même si j’évoque mon passé de Miss avec tristesse - et le goût d’inachevé qui va avec - qui sait où je serais aujourd’hui si je n’avais pas quitté ce milieu. Pour sûre, je ne serais pas là, face à toi, à regarder chacun de tes mouvements, à tenter d’imprimer ces gestes dans mon esprit. Ce n’est pas que je veux tout retenir pour le refaire avec mes danseuses mais tu es si belle et gracieuse qu’il serait dommage de ne pas en profiter réellement. La danse, comme tout art, s’apprécie de plusieurs manières. Je prends des notes à tes mots et acquiesce, cherchant à savoir qui voudra faire quoi, qui réussira à remplir ces rôles importants. Aucune ne brillera plus que l’autre. Aucune n’aura de valeurs sans les autres. Un travail de groupe, un vrai tableau où chaque femme a sa place. Le refus clairement affiché, je pince légèrement les lèvres. T’as toute ta place, c’est dommage. Que je souffle rapidement reconnaissant les derniers accords de la chanson. Mais je respecte. Je ne peux pas dire que je comprends parce que je ne sais pas de quoi il s’agit mais je respecte. Et quand le grésillement de l’enceinte se fait entendre, je mets l’album de Gabby Barrett en route à un volume minimum. I hope est l’un de mes titres préférés de ces derniers mois. C’était merveilleux. Sincère, directe, je ne passe pas par quatre chemins. Je me lève de la table basse sur laquelle j’étais assise et te rejoins rapidement sur scène. Je crois qu’il y a vraiment du potentiel avec cette configuration. Jouer sur les différences mais aussi les points communs et les ressemblances pour rendre ce tableau l’un des éléments phares du Nirvana. Nous ne sommes pas chez McDo ici mais les femmes viennent comme elles sont. Minces, grosses, cis, trans. J’aimerais que mes danseuses reflètent la réalité de la vie et pas seulement celle des fantasmes masculins. T’as arrêté la danse par obligation ? Un drame, quelque chose qui explique pourquoi un tel talent est gâché ?
Mon regard se pose sur l'environnement du Nirvana, boîte au potentiel plus que grand, et je te souris. « C'est plutôt cool, non ? » En tout cas, je ne suis pas responsable mais de mon côté, c'est déjà un projet que je trouve exaltant, alors je n'imagine même pas pour toi. Je me livre ensuite au jeu de te livrer un début de chorégraphie. J'ai toujours été plutôt productive dans le domaine artistique, notamment en ce qui concerne le chant, la danse, l'écriture. Je n'ai aucun talent en dessin mais la danse est un domaine que j'avais particulièrement apprécié mais que j'avais dû laisser tomber par la force des choses. Même si je suis désormais affirmée, je reste une femme assez discrète, notamment lorsque cela concerne mon corps et les façons de l'exposer. Je ne me trouve pas légitime et pourtant, je suis la première à célébrer les corps dans leurs singularités et leurs différences. « Merciiii. » dis-je les joues rosies. « J'adore danser, et même créer des choré, mais m'exposer quasi nue, je pourrais pas. » Ma franchise qui accompagne le propos, je reste aussi une personne honnête qui n'a pas de mal à livrer ses émotions, ses sensations. « Oui je pense aussi, un endroit qui soit safe et en même temps dans lequel chacun pourrait s'exprimer, où tout le monde aurait sa place, je pense que ça te correspondrait bien et que c'est un beau message ? » Après tout, tu peux t'approprier l'endroit comme tu en as envie, et cela offre de multiples potentialités. « Oui. » dis-je en baissant la tête, ne sachant pas vraiment si je peux me confier à toi et en même temps, je ne veux pas forcément cacher cette partie de ma vie, et je me sens en confiance avec toi. " J'ai fréquenté le mauvais type pendant mes années lycée et il m'a entraîné dans de mauvaises choses, et le fait est qu'on ne peut pas danser en prison. » A bien y réfléchir, je n'avais plus dansé depuis ça...
S’il y a une chose que j’ai récemment compris, c’est qu’on ne peut pas se contenter d’un seul et unique point de vue. Personne n’a raison à cent pour cent. Jamais. Alors, quand Ludo a commencé à me donner ses idées pour le Nirvana, je n’ai pas hésité une seule seconde à l’inviter ici afin de voir ce qu’elle a vraiment en tête. Ce n’est pas que je suis à court d’idées mais je crois vraiment que c’est la plus belle des façons de créer et le fait de recueillir plusieurs points de vue et idées permet de monter une affaire qui marche, une affaire qui plait à un maximum de personnes. Et c’est ce que je cherche. En signant le contrat pour racheter le Nirvana, je me suis donnée l’objectif de redorer son blason, de nous débarrasser des vieux dégueux et de laisser les jeunes trouver leurs marques. Ça fera du bien à tout le monde, ce changement de clientèle et c’est pour cela que je me donne à deux cent pour cent pour le Nirvana. J’ai la pression et je ne veux pas faire de faux pas. Mais celui-là, ça n’en serait pas un. Malheureusement, la demoiselle ne veut pas et ça, je suis forcée de le respecter. C’est dommage mais je respecte. Que je souffle une fois qu’elle a fini de danser. Je veux qu’elle sache qu’ici, sous ‘mon’ toit, elle ne sera jamais jugée, forcée ou poussée à aller dans une direction qu’elle ne veut pas emprunter. C’est clairement ce qui me correspond et ce que je cherche de toute façon. Montrer que tout est beau. Il n’y a pas qu’un type de corps, de lieux, de physique qui est beau. Nous le sommes tous à notre manière. Et nous devons tous être respectés pour ce que nous sommes. En tout cas, merci beaucoup pour tout cela. Ce temps qu’elle m’accorde, cette danse qui ont permis de mettre en avant les idées qu’elle avait en tête. Ça aussi, c’était beau. Je l’invite à me rejoindre sur le canapé qui trône au milieu de la scène et lui pose une rapide question. Je l’écoute et ma bouche forme un ‘O’ quand elle m’annonce qu’elle a fait de la prison. Moi qui pensait qu’il y avait des programmes d’art dans le système carcéral américain. J’ironise un peu, ne souhaitant pas qu’elle se sente mal à l’aise de m’avoir confié quelque chose d’aussi gros. Et en sortant, tu as préféré garder tout cela derrière toi, comme si ça faisait parti de ton passé ? Je ne suis pas là pour juger, clairement pas. Ce n’est pas dans mon caractère et puis, je suis entrée sur le territoire de manière illégale alors franchement, ce serait malvenu de ma part. Si t’as pas envie d’en parler, tu peux aussi me le dire. Que je rajoute, posant ma main sur son genou. Tactile, j’aime ce lien et je veux lui montrer qu’elle ne me fait pas fuir. Loin de là même.
Je trouve que ton projet est super, redonner vie à un établissement jugé un peu limité, sublimer l'art du spectacle valorisant la beauté des corps sans en faire quelque chose de louche ou de pervers, mais simplement célébrer la beauté quel qu'elle soit, je trouve que c'est vraiment tout à ton honneur. Je t'ai proposé de te donner mon humble avis sans en attendre davantage que le plaisir de t'aider, alors je suis flattée de ta proposition mais je ne me sens pas suffisamment à l'aise pour m'exposer, difficile de combattre mon sentiment d'illégitimité mais un jour peut-être, j'y parviendrai. « En tout cas, si je peux t'aider autrement, n'hésite pas. » Je serai toujours partante pour te donner mes idées ou même t'aider à faire tourner un minimum l'endroit le temps que ça se lance pour de bon. Parce que bientôt le Nirvana redeviendra incontournable, j'en suis persuadée. « Je suis parfaitement d'accord avec toi. Et toi, tu ne danses pas ? » En tant qu'ancienne Miss, tu as peut-être ce talent, en tout cas, tu possèdes la beauté, c'est une certitude. Je te rejoins finalement sur le canapé, histoire qu'on poursuive la conversation. C'est la première fois qu'on se rencontre en chair et en os, mais j'ai le sentiment qu'on se connaît depuis longtemps. Je ris de la blague ajoutant : « Pas dans le mien apparemment. » Mais ils avaient su me proposer quelque chose pour me sortir de là. « Ils m'ont pas proposé un programme de danse mais un de pompier volontaire, alors j'ai acheté ma rédemption au péril des flammes et d'une bonne conduite, quand j'ai été libre de nouveau, la danse était bien loin. » Mes années juvéniles, la candeur de croire en la bonté du monde aussi. « Non, je suis à l'aise pour en parler avec toi. » souriant à ton empreinte, je ne le suis pas avec tout le monde loin de là, mais avec toi, je sens que je peux me livrer sans redouter que ton regard change sur moi.
Ce que je veux, c’est que cet endroit retrouve la gloire qu’il avait à l’époque. Quand je travaillais ici, malgré la nature du travail, nous étions respectées, regardées, admirées. Aujourd’hui, tout semble bien plus négatif, bien plus poussé à l’extrême. Le public n’est pas celui qui donne envie de se surpasser mais c’est celui qui paye et c’est le plus important pour le moment. Mais je crois que nous sommes sur la bonne voie pour redorer l’image de ce club mythique de la ville. Un lieu tenue par une femme, qui met en avant les femmes… Ça devrait marcher, ça devrait même cartonner. Je refuse que tout ce que j’entreprends ne fonctionne pas même si c’est difficile. On nous en apprend des choses en école de management mais une fois sur le terrain, la réalité est effrayante. Les nuits sont courtes, les réflexions sont déstabilisantes mais je vais y arriver et l’aide de Ludo est précieuse. Il faudra que je la remercie comme il se doit. Compte sur moi pour te rappeler. Que je souffle avec un sourire sur le visage. Il n’y a pas que pour le Nirvana que je vais la recontacter, je le sais. Son doux visage, la beauté de ses traits, la simplicité qu’elle dégage est bien quelque chose qui me manque. J’ai déjà travaillé ici en tant que danseuse mais je n’ai plus le temps. Je suis trop occupée toute la journée pour prendre le temps de tout cela… Malheureusement. J’ai toujours été dans l’art - que ce soit par les concours de Mini Miss, mon passé ici ou celui en studio, j’ai toujours aimé la caméra et les yeux rivés sur moi à défaut de technologie. Et il semblerait que toi comme moi, nous ayons ce nouveau point commun, ce côté criminel. La prison pour toi, l’arrivée illégale sur le territoire pour moi. J’ai été une fugitive pour mon pays d’origine, un parasite pour celui où je paye mes impôts. Et entre-temps, mon sauveur, Raphaël. Ah ouai ? C’est cool qu’ils aident à la réhabilitation. Au final, l’art ça aide à gérer la colère, le sentiment d’injustice mais ça ne te donne pas vraiment des cartes pour se battre une fois que tu sors. Quand l’on regarde la télé et les séries américaines qui polluent nos écrans, on est loin d’une réhabilitation dans les activités proposées. C’est plutôt retour à la case départ. Il y a des gens qui voient le positif à la prison. Il y fait chaud, on y mange tous les jours et c’est mieux que ce qu’ils connaissent à l’extérieur dans cette liberté qu’ils préfèrent abandonner. Faut pas hésiter à me dire si ça te gêne ou autre. J’ai pour habitude d’être assez curieuse. Et puisque les gens ont tous une part d’ombre, c’est souvent facile de tirer les vers du nez de tout le monde - voire même de n’importe qui. Je me rapproche légèrement d’elle et souris Tu me laisserais utiliser ton nom pour le crédit de l’idée ? Que je finis par demander, intéressée par la réponse, l’autorisation ou non. Je ne veux juste pas qu’on prononce son nom si elle préfère rester dans l’ombre. Ma main toujours sur sa cuisse, je lui adresse un sourire. Elle peut bouger si elle le souhaite mais l’envie de garder ce contact et, pourquoi pas, de l’embrasser me démange doucement. J’attends juste le feu vert. Ou rouge pour ne pas le faire.
Le feeling passe bien entre nous, de ceux qui vous poussent à parler naturellement, sans artifices, sans encombrements, une compréhension mutuelle et tacite, qui pousse à exposer les failles sans les redouter plus que de raison. Après tout, elles font partie de chacun, alors pourquoi vouloir perpétuellement les cacher ? « Super ! » Un clin d'œil malicieux vient accompagner mes propos, contente de savoir que malgré mon refus de m'exposer, tu comptes tout de même me solliciter si tu en as besoin. Je serai ravie de t'aider car j'apprécie ton projet, la personnalité que tu possèdes. « Oui tu es la patronne désormais. » Promise à un autre rôle que Meneuse de la Revue, c'est toi qui tient désormais les rênes dans leur entièreté. Finalement, je viens t'expliquer assez simplement que je n'ai pas pu poursuivre la danse, que la prison ne possédait pas ce type de programmes, en ce qui me concerne, la rédemption fût bien plus ardue et moins artistique. Même si paradoxalement, une étrange transe contemplative peut nous saisir au spectacle tortueux de la danse mortelle des flammes. Le feu a ce pouvoir de fasciner, d'effrayer, de ne pas laisser insensible. Et à sa proximité, le corps et l'esprit n'en reviennent plus indemnes. On change. Et les flammes m'ont en quelque sorte permis de renaître. « Non du tout... j'en parle pas souvent. » Part qu'on expose pas facilement de ne peur de pas être compris, remisée dans la case qui correspondra, avec tous les raccourcis qui accompagnent la manœuvre. Mais pas avec toi... « Avec plaisir oui ! » M'exposer physiquement est une épreuve mais assumer mon nom est plutôt une faveur inattendue. « Enfin, si tu penses que je le mérite. » Parce que je pense que c'est tout de même un honneur un peu trop grand que tu pourrais me faire. Mes yeux accompagnement machinalement ton geste, me délectant de cette atmosphère plus attirante, plus électrique, tacite de l'attirance, je sens mon cœur battre plus vite, insidieux et perfide, toujours assoiffée des libertés qui lui sont propres. Aimer. Encore. Toujours. Aimer au profit de la raison, des morales bien trop sages. J'aime. Trop. Trop vite. Trop fort. Trop de fois pour le commun. Et je me fiche de ce que les Autres pourraient en penser, je vis, je dévore, c'est tout ce qui compte. Mais... il y en a un pour qui la parole est donnée, l'engagement pris. « Je te trouve très belle et attirante Gigi. » Je le dis avec toute la tendresse et la ferveur dont je suis capable. « Mais j'ai promis de ne pas me donner à d'autres. » Renoncer à cette part de moi, à cette liberté que j'ai appris à accepter malgré les interdits, je tente d'y renoncer pour lui, parce qu'il en vaut la peine, parce qu'il pourrait être celui qui pourrait tout changer. Les lois du cœur elles, de toute manière, restent indomptables.
Lorsque j’entends les mots quitter la bouche de la demoiselle, un large sourire se dessine sur mon visage. J’adore le son que le mot ‘patronne’ a dans la bouche de Ludo. C’est doux, c’est suave, ça a une valeur toute particulière pour moi. J’ai réussi. Je suis en train de réussir à m’en sortir, à définitivement quitter mon passé qui était aussi sombre que brillant. Toute mon énergie dans un nouveau projet, dans mon projet. Et de la voir prête à m’aider est une belle victoire aussi. On ne se connait pas vraiment mais une chose est sûre, il y a des rencontres qui changent la vie et la nôtre en fait partie, je le sens. Je ne sais pas trop comment mais le sentiment est là, la force est présente et je ne compte pas laisser passer cette énergie positive. Tout s’enchaîne, les discussions et les accords et j’en apprends plus sur toi. Comme quoi, pretty girls all danced with the devil at some point. Ce point commun, cette partie passée et repentie me permet de me dire qu’il n’y aura pas forcément de jugements entre nous, peut-être même pas du tout. Je te laisserai la place qu’il faut pour que tu grandisses, que tu trouves ta marque et même que ton nom soit présent sur les lèvres de tous les habitant de la ville sans que tu ai besoin d’être là. On sait tous que dans le monde du spectacle, ça ne se passe pas comme ça mais pourquoi pas. Bien sûr que je le pense sinon je ne te demanderai pas ton autorisation. Après tout, ce serait plus facile de juste l’oublier, ne jamais la mentionner. Mais s’il y a bien une chose que je ne supporte pas, c’est le vol d’idées alors je ne vais pas lui faire ce coup. Ce que je te propose c’est qu’une fois que le show est monté, tu viens le voir en avant première afin de me dire si tu veux toujours que ton nom soit prononcé pour l’idée originale. Comme ça, si elle déteste, elle peut juste refuser que son nom soit prononcé et nous sommes tous tranquilles. Aucun non-dit, aucun travers. Je veux que mon entreprise soit florissante et sur des bases solides. Je ne suis pas là pour faire renaître un phoenix avant de le lui tirer une balle entre les deux yeux. L’énergie que j’investis ici est importante et celle qui circule entre nous est électrique, encore plus avec ma main sur sa cuisse, ce contact qui en dit long sur tout ce qui pourrait nous faire vibrer. Je la regarde, souris aux compliments et soupire de manière théâtrale quand j’entends qu’elle a promis de ne pas se donner à d’autres. Sérieusement ? Pourquoi ? C’est la mode ces derniers temps ? T’es là, à profiter de la vie avec ceux qui partagent ce monde incompris avec toi et puis… Nada. Niet. Nichts. Ma main quitte sa cuisse et se pose sur son bras. J’espère au moins qu’il ou elle en vaut la peine. Parce que sinon, ce serait un sacré sacrilège. Ça n’empêche pas que je veux que l’on se revoit. En tout bien toute honneur, à titre amical, bien entendu. Le "râteau" pris ne me braque pas. Je ne comprends pas mais pourquoi pas. Mais une chose est sûre, entre elle et moi, il y a du potentiel et qui sait, peut-être qu’une nouvelle amie sera la bienvenue dans ma vie. Quelqu’un ouvert d’esprit en plus de cela, ce n’est pas à négliger. Un bruit sourd me fait tourner la tête à vive allure et je me redresse en voyant une employée courir vers le livreur qui a fait tomber une caisse. Ne me dites pas que c’est la caisse d’alcool ! Parce que je risque de m’énerver et de devenir un petit monstre sur pattes. Je reviens. Que je souffle à Ludo en filant vers le livreur. La caisse contient quelques fruits et bonbons, rien de bien fragile et je suis rassurée. Faites attention pour les prochaines ou je contacte votre patron sur le champ. Mon air se fait presque menaçant mais je sais que je n’ai aucune crédibilité à ce moment précis. Les talons qui se tournent vers Ludo, je reprends mon pas vers elle, prête à continuer cette discussion avant de me remettre dans la gestion du Nirvana. Quelle journée et il n’est même pas vingt heures.
Parfois les choses s'enchainent de manière improbable mais je ne vais pas m'en plaindre. J'aime les imprévus, les rencontres qui peuvent sembler anodines et qui finalement revêtent toute leur importance. Avec Gigi, le feeling est passé immédiatement, fluide, simple et voici que je me retrouve à renouer avec la danse et la chorégraphie. Pour être honnête, cette partie m'a toujours manqué depuis toutes ces années, mais je n'avais jamais osé reprendre. Voici que l'opportunité m'est offerte sur un plateau et que je ne peux pas refuser. De quoi me sortir des flammes et des nuages de fumée, de renouer avec mes empreintes plus artistiques. « C'est parfait, je suis super excitée !! » Que je dis avec un grand sourire. Un peu peur de ne pas être à la hauteur mais la tentation est trop grande pour me laisser absorber par mes angoisses. Gigi est une femme ambitieuse, elle en veut, et cela m'inspire. Peut-être même qu'elle aurait pu m'inspirer de bien d'autres façon mais la question ne se pose plus depuis que j'ai promis à Dean une exclusivité physique. « Oui, il en vaut la peine. » dis-je timidement, et je veux y croire même si bien évidemment la question se pose. Serais-je prête pour le bien de notre amour naissant à renoncer à ma liberté, mais surtout à ma nature et donc une partie de moi-même... Je ne le sais pas et cela amène quelques craintes mais je veux y croire. « J'ai carrément envie de te revoir aussi ! » Ce genre de personnes et de relations qui sont inspirantes, tout simplement. T'es le genre de personne sur laquelle j'ai envie de me concentrer. On s'apporte mutuellement, on s'élève et je suis certaine qu'on pourrait se soutenir. A cet instant, un bruit de chute retentit jusqu'à nos oreilles, mes yeux se font ronds puis un sourire s'amorce à t'imaginer devenir furieuse, aucun doute sur la force de ton caractère. J'attends quelques instants avant de te voir revenir. Par politesse, je clos assez vite la conversation histoire de ne pas m'imposer alors que tu es en plein préparatifs, avec la promesse de nous revoir rapidement.