blooming (ludo&gigi)

nirvana mercredi 9 février 2022 w/ @Ludo Spinelli

Assise à mon bureau, les lignes de toutes ces factures sur lesquelles je suis depuis ce matin se mélangent. Je vois des deux quand il s’agit de sept, les trois, les huit et les neuf ne sont plus qu’un seul et même chiffre et c’est à ce moment que je décide d’abandonner pour la journée. Le comptable se chargera de trouver les erreurs et de me dire clairement les grands domaines sur lesquels nous pouvons faire quelques économies. Le Nirvana est devenu mon petit bébé il y a quelques semaines de cela et, bien qu’il fonctionne plutôt bien, j’aimerais lui donner un peu plus de couleurs, de valeurs et de lumières. Ce n’est pas facile mais je sais que j’en suis capable et avec un peu d’aide, il y a bien moyen que je m’en sorte plus que bien avec le club. J’aimerais tellement que notre clientèle soit plus respectueuse et que mes employés - aussi bien danseurs, danseuses mais aussi serveurs et serveuses - soient plus valorisés. Ce n’est pas l’antre du démon ici, on n’y vient pas pour assouvir ses plus sombres envies et désirs mais pour profiter de l’art qui s’y trouve tout en profitant d’un bon cocktail. Et alors que je m’apprête à me lancer sur une nouvelle tâche de ma liste - refaire la carte des cocktails - je me rends compte de l’heure. Ludo devrait arriver d’ici une vingtaine de minutes et je n’ai ni bu ni mangé aujourd’hui. Jade, est-ce que tu peux aller me chercher une barre de céréales dans les vestiaires ? Que je demande à mon assistante qui passe devant mon bureau en ce moment même. Elle s’y dirige sans réellement confirmer qu’elle le fait et moi, j’en profite pour boire un verre d’eau, passer un coup de pinceau sur mon visage histoire de rafraîchir mon maquillage et de peindre mes lèvres d’un rouge carmin. Mon body recentré, la jupe patineuse en cuir noir aussi, je quitte mon bureau et préviens l’agent de sécurité que si une brunette débarque et demande à me voir, c’est normal. J’avale la barre de céréales et m’attèle à la tâche de gonfler les coussins qui sont sur les fauteuils. Ils sont lavés tous les jours - enfin ils tournent avec leurs jumeaux et triplés - et je crois que ça aussi, ça nous coûte une petite fortune. La portée d’entrée s’ouvre et je me redresse rapidement, apercevant une silhouette se diriger vers moi. Il faut que le vigile referme la porte pour que mes yeux s’adaptent et la reconnaissance. Bienvenue au Nirvana Ludo. Je lui adresse mon plus beau sourire et dis D’ailleurs, je me demandais… Tu t’appelles vraiment Ludo ou c’est un surnom ? Simple curiosité à laquelle je répondrais si elle me demande la pareille. Je n’aime pas mon prénom alors Gigi est la manière dont je souhaite que l’on m’appelle et ce depuis aussi loin que je me souviens.

La discussion s'est engagée facilement, si bien que j'ai appris rapidement que tu es en réalité la femme de Raph. Situation pour le moins étrange mais puisque les choses sont claires pour tout le monde, après tout, pourquoi pas ? Je ne connais pas encore foule de personnes dans cette ville et clairement l'entente s'entend facilement avec toi. C'est une chose suffisamment rare pour s'y attarder et naturellement j'en étais venue à te proposer de l'aide pour donner une image plus attrayante et sobre au Nirvana. Je ne sais même pas comment j'en suis venue là, mais clairement l'idée m'emballe, je suis super excitée à l'idée de te rencontrer, pouvoir t'aider dans ce projet. C'est clairement ce dont j'ai besoin en ce moment. Pour combler le vide qu'a laissé Dean, pour m'échapper aussi d'une vie ligotée entre les flammes et pour adoucir le rejet de Dwayne. Je ne m'apprête pas plus que de raison pour te rejoindre. Attachant simplement mes cheveux en queue de cheval et passant un trait de liner sur les paupières. Simplement vêtue d'un jean noir et d'un pull rouille, rangers aux pieds. J'arrive finalement devant le Nirvana et demande à te rencontrer. Le personnel ne semble pas étonnée et j'imagine donc que tu as dû les prévenir. Je t'aperçois au loin, classe, et clairement à l'aise, une partie de moi envie aussitôt ce que tu dégages alors qu'un sourire spontané s'accroche à mes lèvres. « Merci !!! c'est un plaisir. » Me rapprochant de ton bureau, je souris davantage à ta question. « C'est un surnom, je m'appelle Ludovica mais je déteste mon prénom. » Trop romantique, trop long, trop fleurie, trop typé de ce pays que j'ai quitté, je trouvais tout simplement qu'il n'allait pas avec moi. « Et toi ? » Parce que j'imagine aussi que Gigi n'est pas ton nom de baptême. Encore un point commun entre nous.

C’est la première fois que je rencontre quelqu’un qui connait le petit-ami de Raphaël et je dois avouer que cela me stresse un peu plus que de raison. Si ma situation est claire aux yeux de tout le monde, je vois que mon cher mari n’a pas divulgué la réalité de sa situation sentimentale aux gens qui l’entourent. Ce n’est pas quelque chose qu’il dit à tout va, je l’ai bien compris mais ça aurait pu éviter cette hésitation inutile. Va-t-elle m’ignorer, arrêter de me répondre et est-ce que ce qui aurait pu être une belle rencontre se finira avant même de commencer ? Je n’en sais trop rien mais le fait qu’elle ait accepté de venir au Nirvana pour discuter me fait plaisir. C’est une épine en moins du pied. Et puis ça ne nous engage à rien. Meetsa est bien sympa pour se rencontrer mais je suis de celles qui ont besoin de concrets, de voir le visage, les expressions et les réactions afin de pouvoir jauger ce que tout cela vaut vraiment. De toute façon, il n’y a que face à face que les esprits peuvent s’accrocher plus que s’échauffer et c’est ce dont j’ai envie. Profiter de chaque rencontre et voir lesquelles sont douces et agréables et lesquelles prennent plus d’énergie qu’autre chose. Large sourire sur le visage, je t’accueille rapidement et ma curiosité se fait rapidement voir. Je n’ai pas beaucoup de filtres et tout ce que j’ai envie de demander, je le fais. Quand je t’entends dire que tu détestes ton prénom, je ris légèrement. J’ai envie de me demander ce qu’on a tous à détester nos prénoms. Je me demande même pourquoi on ne nous laisse pas le choix de choisir à dix-huit ans. Tu ne rigoles pas hein. Que je souffle avant de m’approcher un peu d’elle histoire de me lancer dans cette douce confidence. Je ne veux pas que mes employés l’entendent. Gina-Gisela. Et je grimace. Dès que je prononce mon patronyme complet, j’en ai de l’urticaire. Ça sera parfait quand j’aurais quatre vingt dix ans mais avant ça, Gigi fera l’affaire. Je me dirige vers le bar et demande Qu’est-ce que tu veux boire ? Histoire que l’on se prenne ce dont on a envie et que l’on mette nos méninges à l’oeuvre. Si tu pouvais choisir ton prénom, ce serait quoi ? Nom de la vie de tous les jours ou bien nom de scène parce que là que je l’ai sous mes yeux, je sais qu’elle serait merveilleuse sur scène.

Spontanéité qui s'épanouit entre les deux femmes que nous sommes, malgré la complexité de la situation. Mariée au petit-ami de mon meilleur ami. Je ne sais pas encore comment Zack accueillerait cette possible complicité entre nous mais j'ai accroché avec toi et le sujet n'est pas tabou donc. T'aider à relever le Nirvana de ses cendres est un projet qui m'enthousiasme, comme je n'en ai pas connu depuis un moment. Une activité qui m'aidera à ne pas me préoccuper du reste, à aller de l'avant. Je débarque donc dans l'endroit que je ne connais pas physiquement mais que je connais pourtant de nom. Admirative de ces femmes qui parviennent à s'exposer contre quelques billets, offrir ce qu'elles ont de plus intime sans s'érafler au passage. Je les considère comme des puissantes, des Artistes enviables, des guerrières à leur façon. T'interrogeant sur mon prénom, je dois admettre la vérité, sans doute banale, d'un prénom trop long, trop fleuri pour mes flammes, trop tendre pour l'abrupte du monde. Je n'ai pas été bercée dans un écrin, je n'ai pas été épargnée et les lettres du patronyme s'y sont perdues au passage. « Non promis. » viens-je avouer un tendre sourire aux lèvres, s'élargissant plus encore à ta proximité. Nom composé, et certes un peu daté. « Tu as des origines italiennes ? » Parce que je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement dans la sonorité de nos prénoms. « Gigi c'est bien aussi, et ça me fait penser au chat de Kiki la petite sorcière . » Je rigole, amusée, chat noir et malin, débrouillard et loyal, il sait retomber sur ses pattes malgré les errances de sa jeune maîtresse. « Hum... » Un instant, je reste pensive, laissant mes billes évoluer au gré du décor. « Tu sais quoi ? Je n'y ai jamais pensé. Quel prénom tu me donnerais ? » Comme si, j'étais incapable de me baptiser moi-même. Je t'observe, prestigieuse, assurée, caractérielle dans tes traits. « Eva t'irais bien. » Sulfureuse et tentatrice, première des femmes, émancipée de Adam.

Ludovica. J’adore. La fatalité de la chose est là. J’adore ce prénom et me dis que si j’avais eu la chance d’être affublé de celui-ci, je l’aurais peut-être gardé dans son entièreté plutôt que de raccourcir ce prénom que je hais. Je ne sais même pas si c’est parce qu’il est long, composé ou parce que c’est le choix de mon père qu’il m'exècre à ce point. En tout cas, ce n’est pas une bataille mentale pour aujourd’hui. J’en ai bien d’autres plus importantes. Non. Brésiliennes, c’est tout. Que je souffle rapidement en t'adressant un léger sourire. Nos langues maternelles aiment bien différencier le féminin du masculin à coup de -o ou de -a et nos prénoms en sont la preuve vivante. Le chat de quoi ? Que je demande rapidement, fronçant les sourcils. J’ai vécu dix-huit ans au Brésil et une quinzaine d’années obnubilée par les concours de beauté alors les dessins animés, je ne connais pas trop. Je confie cela sans gêne aucune. Je n’ai jamais eu honte de ma vie, de mon passé et de tout ce qui va avec mais je n’aime pas avoir l’air complètement clueless et presque débile. Je vais loin, je le sais, mais c’est un peu de cette manière que je me sens à ce moment précis. Et n’étant pas forcément à l’aise quand mes lacunes sont pointées du doigt, je te pose cette question si simple à laquelle j’ai souvent pensé sans jamais trop pouvoir m’arrêter sur une réponse claire. Après tout, je suis passée de Gina-Gisela à Gigi si jeune - et pour la scène - que tout me semblait toujours faible à côté de celui-là. Celui que je te donnerais ? Que je demande en laissant mes yeux glisser sur toi. Celui que tu me donnes me fait sourire. Eva ? Créatrice de l’Homme. Que je souffle en y réfléchissant quelques secondes. Ça me plaît. Et je crois que ça me correspond plutôt bien. Je ne dis pas que si je suis à l’origine du monde - ce serait mal connaître la création ex-nihilo du monde - mais c’est joli, court et ce -a fait référence à mes origines. Je pense que Sol ou Luz t’irait très bien. Que je dis rapidement. Après tout, elle est lumineuse, solaire et son sourire réchaufferait le cœur de toutes les personnes présentes. Sans compter que ça offre ce lien avec son métier. Bon, c’est plus espagnol qu’italien mais ça permettrait de mettre une distance avec tes origines. Et il y a beaucoup de monde qui recherche cette distance avec leur origine lorsqu’ils montent sur scène. Alors, peut-être que ça collerait. Je n’en sais trop rien. Et qu’est-ce que Luz aurait envie de faire sur scène ? Que je souffle, glissant mon regard sur ton visage, mes yeux accrochant les tiens.

J'apprends que tes origines ne sont pas italiennes mais brésiliennes, sourire qui vient accueillir le propos. « ah ok, tu restes une latine. » Et nous avons ça en commun malgré tout. Bien que la langue ne soit pas la même, les racines sont communes. « Kiki la petite sorcière, c'est un anime de Miyazaki. » Créateur que j'aime particulièrement pour sa poésie et son esthétisme, il sait aborder les sujets de l'enfance avec naïveté mais avec également une gravité lyrique qui lui est propre. Si bien que qu'importe l'âge auquel on visionne son œuvre, on en comprend au fur et à mesure les différents messages. « J'ai cru comprendre oui pour les Miss. » Rapport à notre conversation sur meetsa. Univers plutôt opposé au mien. « ça ne te mettait pas trop la pression ? J'ai toujours eu l'impression que les gamines étaient trop heureuses pour être honnêtes en faisant ça, mais c'est aussi ce qu'on montre et je suis sans doute complètement à côté de la plaque. » Raccourcis qui peuvent sembler évidents à prendre mais auxquelles je ne m'attache pas, parce que chaque personne a son vécu et il n'y a qu'en en discutant réellement qu'on peut comprendre. Concernant nos prénoms, je viens de comprendre que je serai incapable de dire celui que j'aurais aimé avoir plutôt que le mien, alors je propose qu'on trouve pour l'autre un nom de baptême. Celui que je choisis pour toi semble te plaire, bien qu'il soit classique, il me paraît évident. « Super. » dis-je avec un petit rire, concentrée à celui que tu me donneras. « Luz c'est très joli. » Et ça commence par la même lettre, c'est court, je pense que t'es douée pour trouver des noms de baptême. Je te regarde plus sérieusement en rougissant plus que de raison. Moi sur une scène tel que le Nirvana ? Je n'y penserai même pas. Si je t'aiderai volontiers pour trouver des filles dignes de l'établissement moi... c'est autre chose... «  Tu veux faire couler ta boîte ?  Que je te demande en riant. Ils ne verraient qu'une fille gauche et maladroite, malgré mes années de danse, ici il faut être prêt à s'exposer davantage...

J’acquiesce et souris. Malgré tout ce qu’il s’est passé dans mon pays, malgré ce que mon père m’a fait vivre et traverser, je suis fière de mes origines. Le Brésil restera toujours ma maison même si je dois avouer que je ne quitterai probablement jamais les Etats-Unis. Je crois que j’aurais trop peur de ne jamais pouvoir y revenir… Je ne connais pas du tout. Que je souffle rapidement. Je verrai avec ma cousine si elle veut regarder. Si elle ne connait pas et que ça lui plait, je vais clairement gagner le badge de la meilleure cousine de l’année. Et autant dire que ce n’est pas facile d’avoir une telle reconnaissance. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’on est nombreux dans la famille et qu’on est tous très famille. Des fois, je me dis que je rêve d’avoir une grande famille à moi et puis, quand j’y réfléchis, je sais que ce n’est pas ce à quoi j’aspire dans la vie. Il y a une pression folle, on ne va pas se voiler la face. J’ai fait ça de mes six à dix huit ans et j’ai jamais autant stressé de ma vie. On était toujours comparée les unes aux autres mais je peux te dire que lorsque tu gagnes, c’est la meilleure sensation du monde. Et je le sais parce que j’en ai pas mal gagné des concours. Après, quand on perd, la chute est souvent douloureuse aussi. J’ai souvent contrôlé mon poids, ce que je mangeais, la façon dont je marchais et souriais aussi. Aucune gamine ne devrait avoir à vivre cela mais je crois que c’est aussi ce qui m’a aidé à me forger le caractère que j’ai aujourd’hui. Mais je crois que le pire dans ces concours ce sont les mères. Parce qu’on est seulement le reflet de celle ou celui qui nous amène à ce genre de concours. Ce sont souvent les mères qui veulent que leurs filles gagnent histoire qu’elles gagnent aussi, par procuration. Ou mon père dans mon cas. Parce que ma mère est toujours restée loin de cela. Je crois que je la comprends maintenant. Je ne pense pas être capable d’infliger ça à mes enfants si je venais à en avoir - un ou plusieurs - un jour. Un sourire et un clin d'œil plus tard, je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel quand elle parle de faire couler la boîte. On a pas besoin de toi pour ça tu sais. J’en ris mais ce n’est pas loin de la vérité. Et c’est aussi pour cela qu’elle est là aussi, n’est-ce pas ? Je la regarde avec insistance et souffle Sérieusement, tu veux pas essayer ? Y a que nous deux et les barmaid qui comptent le stock. Personne ne va te juger. Que je souffle en haussant les épaules avec un léger sourire sur le visage. Et puisque je ne veux pas qu’elle se brusque, je rajoute Sinon, il va me falloir une nouvelle idée aussi bonne que celle du burlesque. Donnant donnant, c’est bien comme ça qu’on dit, non ?

Et voilà, il a fallu que je parte dans mes références étranges, mais pour le coup, c'est un classique du genre et ça peut-être une belle découverte si on accroche. « Ta cousine a quel âge ? En tout cas mon filleul adore Totoro ! » Un tout mignon dans la série pour débuter. Tu viens m'apprendre que tu as fait pas mal de concours de mini-miss et c'est un monde pour moi complètement étranger, sur lequel je dois avouer humblement avoir certains préjugés, mais le mieux c'est d'en parler à une personne directement concernée non ? « Oh tu as fait ça longtemps ! » La majeure partie de ta jeunesse en vérité. « Et du coup, tu n'as pas souhaité poursuivre par la suite ? » Je n'aurais jamais pu faire ce genre de choses je pense, bien trop en manque de confiance ou mal à l'aise par rapport à mon apparence. « Et donc, je parle à une mini-miss en quel titre ? » Amusée par la situation, je t'imagine aussitôt avec une écharpe et un diadème, c'est mignon. Rougissant jusqu'aux oreilles lorsque tu viens me proposer de prendre le devant de la scène. Je pourrais jamais me révéler de cette façon. Dans une configuration intimiste, pourquoi pas ? Ça peut être fun, mais... « J'ai pas pratiqué la danse depuis des années. » ça se trouve, je suis rouillée, je ne sais plus rien faire et ce sera juste la honte, et en même temps, si tu veux me faire confiance pour t'accompagner dans ce projet, faut que je montre aussi un minimum de quoi je suis capable, c'est évident. J'ai toujours eu le goût de créer des chorégraphies, c'est même la partie que je préfère plutôt que celle où on s'expose. « Allez, je peux me lancer ce défi, mais je garantis rien ! » dis-je en riant, toujours les joues rosies. Mon dieu, mais je suis entrain de faire quoi là ?

Huit ans. C’est le bon âge pour regarder Kiki la petite sorcière ? Je préfère lui poser la question que de me retrouver à montrer quelque chose qui n’est pas de son âge à ma cousine. Sa mère me tuerait de ne pas avoir vérifié avant, c’est sûr. En tout cas, j’espère ne rien oublier du nom du réalisateur ou de l’animé d’ici à ce que je vois mon microbe. Pour le moment, je me reconcentre sur le moment et la discussion que nous avons et à sa question, je réponds rapidement Je n’ai pas pu continué. J’espère qu’elle ne sera pas trop curieuse parce que je n’ai aucune envie de parler de cela avec elle. Mon père est parti avec mes fonds, m’empêchant de payer les frais d’entrées des différents concours, mettant un terme à cette carrière que je pensais parfaite et lucrative pour moi. Elle l’était et j’aurais peut-être pu conquérir pour Miss Brésil et pourquoi pas Miss Monde et Miss Univers aussi ? La seule chose dont je suis sûre maintenant c’est que tout cela est derrière moi. Avec mon passé d’actrice porno, aucune chance que qui que ce soit m’autorise à concourir avec un tel passé. Miss Teen Brésil en 2007. L’année de mes seize ans. L’année suivante, je n’ai été qu’élue première dauphine à Salvadore, ce qui m’a empêché d’aller plus loin. Et l’année suivante, mon rêve s’est terminé. J’ai toujours un peu de mal rien que d’y penser. Seulement voilà, je ne peux plus rien y faire et aujourd’hui, ma vie est carrément différente. J’aime ma vie, où j’en suis, et tout ce qui va avec mais… Il y a ce mais. Il paraît que c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Que je lance rapidement, souriante comme pour la motiver à le faire, la pousser à tenter la chose. De toute façon, il n’y a pas grand monde pour ne pas dire personne ici. Les employés présents se fichent bien de tout cela et je ne pense même pas que l’un d’entre eux soit intéressé, ils ont d’autres chats à fouetter. Et quand elle accepte, je souris largement, tape rapidement dans mes mains et m’active pour trouver la télécommande de la sono qui est derrière le bar. J’allume tout rapidement et lui demande Il y a une musique qui te mettrait en confiance ? Tout cela, c’est aussi un grand exercice de confiance. il faut croire en soi, en ses capacités et le reste vient tout seul. Tu imaginais ça comment ? Un tableau seule sur scène ou du public ? Ce serait moi le public mais je veux clairement bien faire le cobaye… Aucune idée mal placée bien entendu.

« Oh oui, carrément l'âge parfait même. » Les aventures de la jeune sorcière promettaient de plaire à un âge pareil. Me révélant ton passé de mini-miss, je dois avouer que je me retrouve curieuse sur le sujet, intéressée par un monde complètement à l'opposé du mien. La logique aurait voulu que tu poursuives une fois adulte et pourtant, cela n'avait pas été lé cas. Je comprends à ta réponse, que c'est un sujet que tu ne veux pas spécialement évoquer, sans doute une raison plus obscure et intime qui t'a poussé à arrêter. « ah ok, mais tu aurais aimé poursuivre si tu avais pu ? » Parce que c'est ce que je perçois sous tes mots mais peut-être que je me trompe. Apprenant également que tu as été titrée dans ton pays d'origine, je souris en applaudissant rapidement. « Wow la classe ! » dis-je en t'encourageant, rien d'étonnant en même temps car tu es une belle femme, non dénuée d'un certain charisme. Et voilà que je me retrouve à envisager de danser sur une scène, presque sans transition ? C'est n'importe quoi, je ne sais pas comment je me suis mise dans cette posture ? En même temps, c'est moi qui l'ai ramené en assurant que je savais danser. Je pense que je vais tout simplement me rendre ridicule, mais peu importe, je veux pas non plus être celle qui avance des choses et qui se dégonfle. Alors, je sais pas, c'est une autre partie de moi qui prend la suite. Celle qui a fait de la scène pendant plusieurs années dans son lycée californien, celle qui gère le stress, le trac et qui se donne pour l'amour de l'art. Qui oublie l'ego au passage. Machinalement, mes pas me conduisent vers l'estrade non loin de toi. Le reste du personnel vaquant à ces occupations comme si de rien n'était. « Une chorégraphie à plusieurs, chaque femme aurait une sorte de personnalité. » Je trouve que les chorégraphies de groupe sont les plus belles. En terme de stratégie, elles pourraient aussi contententer ces messieurs qui y trouveraient plus de diversité pour le divertissement... « Glory Box de Portishead, un classique du genre. » Langoureux, sensuel, je cachais pas vraiment mon admiration pour Beth Gibbons. « Tu peux lancer, je vais improviser un truc. » Parce que c'est comme ça qu'on crée, tel un dessin, on esquisse quelques traits, on en garde, on en gomme, on recommence... Et mes mouvements démarrent au rythme de la musique, laissant les notes s'impliquer dans le mouvement de mes vertèbres, transparaître dans la souplesse de ma peau.