C'est commun. L'homosexualité. C'est devenu commun. Les gens s'ouvrent de plus en plus et... c'est pratiquement ce qui décrit leur vie, leur acte, leur jeunesse, leur futur... On croise quelqu'un dans la rue et la première chose qu'il nous raconte c'est comment son père l'a mis à la porte ou comment il s'est retrouvé avec le sida. On en parle tellement, maintenant. C'est devenu le sujet le moins tabou du monde, on dirait. C'est tellement banal, aujourd'hui. Tellement que ça me rend malade. Les gens se croient gais, ils sautent la clôture. Ils réalisent que c'était une erreur, ils en dorment mal pendant des siècles... Les filles ne savent plus si elles aiment amoureusement ou amicalement leurs copines. Elles testent, aiment, mais ne savent plus parce qu'un tel leur est tombé dans l'oeil... C'est un classique. Un triste classique. J'ai fait un baccalauréat en sociologie, avec quelques cours de psychologie et je me suis récemment lancé dans un doctorat en sexologie. Je connais et reconnais les faits et gestes des humains. Malgré moi, je les étudie. Je les scrute. J'observe et j'apprends. Ce que j'ai appris de la société face à l'homosexualité, c'est qu'il n'y a plus de filtre comme dans le temps de nos parents où les « folles du village » se cachaient et ne sortaient que lors de la mythique gay pride. Et ce que je constate avec une certaine pointe de regret, c'est que je ne veux pas que mon homosexualité me définisse comme elle définit certaines personnes. Je ne veux pas être celui qui raconte aux gens nouvellement rencontrés comment mon père m'a mis à la porte ou comment j'aurais pu attraper le sida quand j'étais encore un jeune garçon insouciant. Je suis d'abord et avant tout un humain, pas un homosexuel. Nuance. Je vous raconterai donc mon histoire en faisant abstraction des côtés liés à mon orientation sexuelle. À quoi bon ne parle que de ça, alors qu'il y a bien mieux au fond de moi ? À tous, bonne lecture.When I was younger,
everything was so easy.
Je suis né à New York, la grosse pomme. De tous les endroits où mes parents auraient pu s’établir dans le monde entier, ils ont tous les deux choisi les États-Unis d’Amérique. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils savaient que ça allait leur apporter le nid parfait pour instaurer leur cabinet d’avocats, mais ils décidèrent quand même d’y mettre au monde leur seul et unique enfant. Effectivement, je suis et je serai toujours le seul membre de la famille Freeman. Ils n’en voulaient pas plus et c’était bien compréhensif : ils avaient tous deux une vie très chargée et ils avaient peur qu’un autre enfant compromettre leur boulot. Mon père et ma mère s’occupèrent de moi comme si j’étais un roi. Ils me gâtèrent, me couvraient de biens matériels et d’amour. Beaucoup d’amour. Contrairement aux croyances populaires, mes parents étaient bels et biens riches, mais leur amour envers moi a toujours été pur, même au moment où je leur donnais du fils à retordre. Donc... J’avais tout ce dont un enfant pouvait rêver. Parents parfaits. Maisons parfaites. Jouets parfaits. Et quand vint le temps d’aller à l’école, je reçus l’éducation parfaite. Collège privé, évidemment. Professeurs personnels au besoin... J’étais gâté... Choyé par la vie. J’étais tout ce que la vie avait pu apporter de bien à mes parents. J’étais leur source d’espoir, de motivation. Je leur apportais tout le bonheur qu’ils devaient avoir pour être heureux. Et évidemment, l’adolescence frappa à ma porte.
Then I grew up and everything
seems more complicated
L'adolescence est sans doute la période la plus éprouvante de la vie. On évolue, parfois en bien, parfois en mal. On devient une autre personne. On se découvre. On explore. On fait des essais et des erreurs. On pense qu'on est telle personne, mais en fait on est plutôt l'inverse. C'est une période assez difficile à vivre pour l'adolescent en question, mais encore plus pour les parents qui doivent le gérer. Pour ma part, mes parents n'ont pas vraiment eu de problème avec moi. J'ai toujours su qui j'étais et ce que je voulais être, alors je n'ai pas vraiment eu a passer par la case des expérimentations. Dans le cas de mon adolescence, le problème fut plutôt pour mes parents... En particulier mon père...
« Il a dit quoi le médecin, maman ? S'il te plait, dit-le moi. » Je me souviens d'avoir regardé ma mère avec un de ces regards. Celui qui veut dire « ne me ment pas ». J'avais le droit de savoir la vérité, qu'elle soit bonne ou mauvaise. C'est les yeux pleins d'eau et la voix tremblante que ma mère termina enfin par répondre à ma question. « Il a dit qu'il s'en sortirait probablement... S'il est assez fort... » On savait tous les deux qu'il ne l'était pas. Il cachait bien son jeu, mais son haleine d'alcool à sept heures du mat' et ses yeux cernés montraient bien sa faiblesse : l'alcool. Depuis des mois maintenant qu'il est à l'hôpital et qu'on l'examine. Les médecins croient que son foie et son cœur sont très endommagés. Aussi parce qu'il y a cette maladie héréditaire transmise par son père qui fait que son cœur est déjà faible d'avance. Alors boire en plus, c'était pas l'idée la plus brillante... Il était faible. Bien trop faible.Quelques mois après, il décéda. Se fut sans doute les funérailles les plus tristes du monde. Comme on voit dans les films, tout le monde était vêtu de noir, de cravate, de belles robes. Les collègues et amis de mon père y était. Mes grands-parents aussi... Tout le monde en fait. Mon père était un homme aimé, malgré son défaut de grand buveur. Il n'en demeurait pas moins qu'il était quelqu'un d'apprécié. Les mois qui suivirent sa mort furent difficile. On fit la lecture du testament. Il léguait le tiers de sa fortune à ma mère et le deux-tiers à moi-même. Son cabinet serait légué à ma mère et sa bibliothèque me serait léguée. Le chalet qu'il possédait à Sydney serait donné à ma mère et la belle BMW serait mon cadeau de majorité. Les visites chez le notaire durèrent longtemps parce qu'il fallut départager tout le reste de ses biens. Ma mère se sentait incapable de tout prendre sur elle... Au bout d'un temps, elle vendit le cabinet et devint femme au foyer. Elle ne voulait plus vivre de ce métier sans son mari.
Je me suis alors plongé dans un genre de transe. Une certaine déprime mélangée avec le goût d'être enfermé pour lire les livres qu'avaient achetés mon père et qu'il avait entreposé dans une grande bibliothèque depuis toutes ces années. Ça me fascinait. En un jour, je pouvais passer à travers un gros bouquin, tellement j'étais inspiré. Je pense que c'est de là que m'est venu le goût de lire et d'apprendre. Ce que j'ignorais, c'était qu'une étagère complète de la bibliothèque était consacré à des ouvrages sociologiques, psychologiques et sexologiques. Quand j'en eu parlé à ma mère, elle me mentionna que pendant son cours pour être avocat, il avait suivit des « à côtés » en socio, psycho et sexo. Cette partie cachée de mon père m'inspira à lire chacun de ces encyclopédies. Et c'est là que j'eus la révélation de ce que je voulais faire plus tard. Ou du moins, pendant mes études. Lire ces livres fut comme une sorte de renaissance pour moi. Depuis la mort de mon père, j'avais été enfermé dans l'ombre, ne donnant presque plus de nouvelles à mes bons amis. J'allais à l'école, je faisais mes devoirs et je rentrais à la maison m'enfermer. Ses livres m'ouvrirent à nouveau et me firent comprendre que la vraie vie, elle ne se vit pas dans les bouquins, mais bien plus à l'extérieur, dans la nature sauvage où habitent les humains. Je recommença donc à vivre plus naturellement. Toujours en gardant en tête l'amour que j'avais développé pour la lecture et tout ce qui touche l'être humain.
And now I'm a stronger person.
Everything's gonna be fine.
À la fin des mes années de lycée et ayant un des plus beaux diplômes de la promotion, je partis à la conquête du monde. Ma mère s'étant enfin remise sur pied, elle avait rapidement retrouvé son poste à la boîte de mon défunt père. Elle était comblée, à nouveau. Est-ce peut-être du au nouvel amour dans sa vie ? Sans doute. C'est fou ce que l'amour peut nous faire faire... Quant à moi, je décida de partir vers de nouveau horizon. Cambridge, pour être plus exact. Mon père avait toujours eu un penchant pour Harvard et comme une de ses dernières volontés soit que j'aille m'y installer pour au moins six mois, je décida d'aller y faire mes études universitaires. L'université là-bas possédait un très bon cursus en psycho C'est Harvard, après tout... Après avoir obtenu mon bac dans ce programme, je décida de ne pas m'arrêter là. Je me lança donc vers un doctorat en sexologie, histoire d'approfondir mes connaissances et ma vision face à cela. Mon but ultime : probablement devenir un psychologue/sexologue qui conseil les gens qui vivent en couple. Ou toutes sortes de personnes. Je n'ai pas vraiment d'idée fixe et comme vous savez, je ne juge pas... Je suis ouvert d'esprit.
Vous avez donc remarqué que dans toutes cette histoire, il n'a jamais été question de mon homosexualité. Le fait est que, pour moi, je n'ai jamais trouvé que ça avait un point important dans ma vie. Les gens qui mettent l'emphase là-dessus sont ceux qui ne l'acceptent pas ou qui, au contraire, veulent le crier sur tout les toits. Si ça peut vous faire plaisir, mon père était anti-homophobe et soutenait la cause gai. Ma mère est aussi très heureuse que je le vives aussi bien et elle m'acceptera toujours. À quoi ça sert de laisser de côté une personne seulement à cause de son orientation ? C'est débile. Et voilà. Vous savez tout, ou à peu près tout, de moi.